ANNEXES
ANNEXE 1 - PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR
M. Didier Maus , conseiller d'Etat, président de l'Association française des constitutionnalistes
Professeur Guy Carcassonne , professeur de droit public à l'université Paris-X Nanterre
Maître Daniel Soulez-Larivière , avocat
Pr. Pierre Avril , professeur émérite à l'université Paris-II
Professeur Pierre-Olivier Caille , maître de conférences à l'université de Paris I
Professeur Jacques-Henri Robert , professeur à l'université Paris II, directeur de l'Institut de criminologie
ANNEXE 2 - DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DU 22 JANVIER 1999
Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999
Traité portant statut de la Cour pénale internationale
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 décembre 1998, par le Président de la République et le Premier Ministre, conformément à l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si, compte tenu des engagements souscrits par la France, l'autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 doit être précédée d'une révision de la Constitution ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu l'ordonnance No 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 18, alinéa 2, 19 et 20 ;
Vu le décret du 2 décembre 1910 portant promulgation de la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, signée à La Haye le 18 octobre 1907 et le règlement annexé concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre ;
Vu le décret du 22 août 1928 promulguant le Protocole concernant la prohibition d'emploi à la guerre des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques, signé à Genève le 17 juin 1925 ;
Vu le décret No 45-2267 du 6 octobre 1945 portant promulgation de l'accord entre le Gouvernement provisoire de la République française et les Gouvernements des Etats-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord, et de l'Union des républiques socialistes soviétiques concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des puissances européennes de l'axe, signé à Londres le 8 août 1945, ensemble le statut du tribunal militaire international ;
Vu le décret No 46-35 du 4 janvier 1946 portant promulgation de la Charte des Nations Unies contenant le statut de la cour internationale de justice, signée à San-Francisco, le 26 juin 1945 ;
Vu le décret No 50-1449 du 24 novembre 1950 portant publication de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide approuvée par l'assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948 ;
Vu le décret No 52-253 du 28 février 1952 portant publication de la Convention relative au traitement des prisonniers de guerre, de la Convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, de la Convention pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, de la Convention pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, signées à Genève le 12 août 1949 ;
Vu la loi No 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ;
Vu la loi No 83-1130 du 23 décembre 1983 autorisant l'adhésion de la République française au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (protocole II), adopté à Genève le 8 juin 1977, ensemble le décret No 84-727 du 17 juillet 1984 portant publication de ce protocole ;
Vu la loi No 87-1134 du 31 décembre 1987 autorisant la ratification d'une convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination (ensemble les protocoles I et II), conclue à Genève le 10 octobre 1980, ensemble le décret No 88-1021 du 2 novembre 1988 portant publication de cette convention ;
Vu la loi No 90-548 du 2 juillet 1990 autorisant la ratification de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990, ensemble le décret No 90-917 du 8 octobre 1990 portant publication de cette convention ;
Vu la loi No 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 ;
Vu la loi No 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant de citoyens rwandais, sur le territoire d'Etats voisins ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
- SUR LE CONTENU DE L'ENGAGEMENT INTERNATIONAL SOUMIS AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL :
Considérant que le traité, signé à Rome le 18 juillet 1998, porte création de la Cour pénale internationale et en définit le statut ; qu'il précise que cette Cour, de caractère permanent et dotée de la personnalité juridique internationale, peut exercer sa compétence à l'égard des crimes les plus graves, commis par des personnes physiques, qui touchent l'ensemble de la communauté internationale et qui, suivant les termes du préambule du traité, sont de nature à menacer "la paix, la sécurité et le bien-être du monde" ; que le traité indique que la Cour, qui peut exercer ses fonctions et ses pouvoirs sur le territoire des Etats parties, "est complémentaire des juridictions criminelles nationales" ; qu'il stipule que la Cour "est liée aux Nations Unies par un accord qui doit être approuvé par l'Assemblée des Etats parties au présent statut, puis conclu par le Président de la Cour au nom de celle-ci" ; qu'il incombera à l'Assemblée des Etats parties d'adopter, à la majorité des deux tiers de ses membres, le règlement de procédure et de preuve la concernant ;
Considérant que la Cour, qui aura son siège à La Haye, aux Pays-Bas, "Etat hôte", est composée en particulier d'une section préliminaire, d'une section de première instance et d'une section des appels ; que les juges, au nombre de dix-huit au moins, sont élus par l'Assemblée des Etats parties, pour un mandat de neuf ans ; que la section des appels est composée du président et de quatre juges, la section de première instance et la section préliminaire étant, quant à elles, composées de six juges au moins ; que les fonctions judiciaires de la Cour sont exercées dans chaque section par des chambres ; que les juges exercent leurs fonctions en toute indépendance et ne sont pas rééligibles ; qu'ils adoptent, à la majorité absolue, le règlement nécessaire au fonctionnement quotidien de la Cour ;
Considérant que les autres organes de la Cour sont le bureau du procureur et le greffe ; que le bureau du procureur, composé du procureur, qui le dirige, et des procureurs adjoints, "agit indépendamment en tant qu'organe distinct au sein de la Cour" ; que les procureurs sont élus par l'Assemblée des Etats parties et exercent leurs fonctions pendant neuf ans ; qu'ils ne sont pas rééligibles ; qu'enfin, le greffe, dirigé par un greffier, est responsable des aspects non judiciaires de l'administration et du service de la Cour ;
Considérant qu'un Etat partie ou le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies peut déférer au procureur une situation dans laquelle des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis ; qu'en outre, le procureur peut ouvrir une enquête au vu de renseignements concernant les mêmes crimes si la chambre préliminaire, après examen des éléments justificatifs qu'il a recueillis, lui en donne l'autorisation ;
Considérant que la chambre préliminaire, après ouverture d'une enquête, est seule compétente pour prendre, sur requête du procureur, des mesures restrictives ou privatives de liberté, telles que la délivrance d'un mandat d'arrêt ou d'une citation à comparaître ; que ladite chambre dispose d'un pouvoir général de suivi des enquêtes et poursuites diligentées par le procureur ; que ce pouvoir s'exerce notamment en matière de preuve, s'agissant de recueillir, d'examiner ou de vérifier certains éléments de preuve aux fins d'un procès à la demande du procureur ou à celle de la personne poursuivie ; que, dans un délai raisonnable après la remise de la personne à la Cour, il appartient à la chambre préliminaire de confirmer éventuellement les charges sur lesquelles le procureur entend se fonder pour requérir le renvoi en jugement ; qu'elle tient à cette fin une audience, en présence du procureur et de la personne concernée, au cours de laquelle elle s'assure qu'"il existe des preuves suffisantes donnant des raisons sérieuses de croire que la personne a commis chacun des crimes qui lui sont imputés" ; qu'à défaut de telles preuves, elle peut soit ne pas confirmer lesdites charges, soit demander au procureur une modification des charges ou un supplément d'enquête ;
Considérant que le procès ne commence devant la chambre de première instance qu'après la confirmation des charges ; qu'en cas de verdict de culpabilité, la chambre de première instance fixe la peine à appliquer ; qu'il peut être fait appel de la décision ainsi rendue devant la chambre d'appel qui a les mêmes pouvoirs que la chambre de première instance ; que la chambre d'appel peut annuler ou modifier la décision ou la condamnation ou ordonner un nouveau procès devant une chambre de première instance différente ;
Considérant que les peines d'emprisonnement prononcées par la Cour sont exécutées dans un Etat désigné par celle-ci sur la liste des Etats ayant fait savoir qu'ils sont disposés à recevoir des condamnés ; que, si aucun Etat n'est désigné, la peine est exécutée "dans un établissement pénitentiaire fourni par l'Etat hôte" ; que la Cour contrôle l'exécution des peines d'emprisonnement ;
- SUR LES NORMES DE REFERENCE APPLICABLES :
Considérant que le peuple français a, par le préambule de la Constitution de 1958, proclamé solennellement "son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946" ; qu'il ressort, par ailleurs, du préambule de la Constitution de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe de valeur constitutionnelle ;
Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que "le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation" ; que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum" ;
Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se "conforme aux règles du droit public international" et, dans son quinzième alinéa, que "sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix" ;
Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de "traités ou accords relatifs à l'organisation internationale" ; qu'en vertu de l'article 55 de la Constitution de 1958 : "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie" ;
Considérant qu'il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure des engagements internationaux en vue de favoriser la paix et la sécurité du monde et d'assurer le respect des principes généraux du droit public international ; que les engagements souscrits à cette fin peuvent en particulier prévoir la création d'une juridiction internationale permanente destinée à protéger les droits fondamentaux appartenant à toute personne humaine, en sanctionnant les atteintes les plus graves qui leur seraient portées, et compétente pour juger les responsables de crimes d'une gravité telle qu'ils touchent l'ensemble de la communauté internationale ; qu'eu égard à cet objet, les obligations nées de tels engagements s'imposent à chacun des Etats parties indépendamment des conditions de leur exécution par les autres Etats parties ; qu'ainsi, la réserve de réciprocité mentionnée à l'article 55 de la Constitution n'a pas lieu de s'appliquer ;
Considérant, toutefois, qu'au cas où ces engagements contiennent une clause contraire à la Constitution, mettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ;
Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité portant statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 ;
- SUR LE RESPECT DES DISPOSITIONS DE LA CONSTITUTION RELATIVES A LA RESPONSABILITE PENALE DES TITULAIRES DE CERTAINES QUALITES OFFICIELLES :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 27 du statut : "Le présent statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'Etat ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement... n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine" ; qu'il est ajouté, au 2 de l'article 27, que "les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne" ;
Considérant qu'il résulte de l'article 68 de la Constitution que le Président de la République, pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d'une immunité ; qu'au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice, selon les modalités fixées par le même article ; qu'en vertu de l'article 68-1 de la Constitution, les membres du Gouvernement ne peuvent être jugés pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions que par la Cour de justice de la République ; qu'enfin, les membres du Parlement, en vertu du premier alinéa de l'article 26 de la Constitution, bénéficient d'une immunité à raison des opinions ou votes émis dans l'exercice de leurs fonctions, et, en application du deuxième alinéa du même article, ne peuvent faire l'objet, en matière criminelle ou correctionnelle, hors les cas de flagrance ou de condamnation définitive, d'une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du bureau de l'assemblée dont ils font partie ;
Considérant qu'il suit de là que l'article 27 du statut est contraire aux régimes particuliers de responsabilité institués par les articles 26, 68 et 68-1 de la Constitution ;
- SUR LE RESPECT DES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS APPLICABLES AU DROIT PENAL ET A LA PROCEDURE PENALE :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 5, la Cour pénale internationale a compétence à l'égard du crime de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et du crime d'agression ; qu'elle ne pourra toutefois exercer effectivement sa compétence à l'égard du crime d'agression que lorsque celui-ci aura été défini par un nouveau traité portant révision du statut, conformément aux articles 121 et 123 ;
Considérant que l'article 6 énumère les actes qui, "commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux", peuvent être retenus sous la qualification pénale de "crime de génocide" ; que l'article 7 précise, quant à lui, les actes qui, "commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque", peuvent être qualifiés pénalement de "crimes contre l'humanité" ; qu'enfin, l'article 8 indique que la Cour a compétence à l'égard des "crimes de guerre" et en dresse la liste ; que figurent en particulier dans celle-ci les crimes qui "s'inscrivent dans un plan ou une politique ou lorsqu'ils font partie d'une série de crimes analogues commis sur une grande échelle" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 29 du statut : "Les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas" ; qu'aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n'interdit l'imprescriptibilité des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ;
Considérant que l'article 66 affirme la présomption d'innocence dont bénéficie toute personne jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie devant la Cour ; qu'il incombe au procureur de prouver la culpabilité de l'accusé ; qu'en application de l'article 67, celui-ci bénéficie de la garantie de "ne pas se voir imposer le renversement du fardeau de la preuve ni la charge de la réfutation" ; que sont en conséquence respectées les exigences qui découlent de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant qu'il résulte de l'article 22 du statut qu'une personne n'est pénalement responsable que si son comportement constitue, au moment où il se produit, un crime relevant de la compétence de la Cour ; que la définition d'un crime est d'interprétation stricte et ne peut être étendue par analogie ; que l'article 25 définit les cas de responsabilité pénale individuelle susceptibles de donner lieu à condamnation ; qu'en application de l'article 30, nul n'est pénalement responsable à défaut d'intention et de connaissance accompagnant l'élément matériel du crime ; que, par ailleurs, les articles 31 à 33 énumèrent les motifs d'exonération de la responsabilité pénale pouvant être retenus ; qu'ainsi, le statut fixe précisément le champ d'application des incriminations comme des exonérations de responsabilité pénale et définit les crimes, tant dans leur élément matériel que dans leur élément moral, en termes suffisamment clairs et précis pour permettre la détermination des auteurs d'infractions et éviter l'arbitraire ; que sont également de nature à éviter l'arbitraire la motivation, exigée par l'article 74 du statut, de la décision rendue par la chambre de première instance, ainsi que la motivation de l'arrêt de la chambre d'appel prévue par l'article 83 ; que ces stipulations respectent le principe de légalité des délits et des peines qui découle des articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant qu'il résulte du 1 de l'article 11 que la Cour n'est compétente qu'à l'égard des crimes commis après l'entrée en vigueur du statut ; que l'article 24 pose le principe de "non-rétroactivité ratione personae" et celui de l'application immédiate du droit le plus favorable ; qu'il est ainsi satisfait au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 89 du statut, la Cour peut présenter à l'Etat sur le territoire duquel est susceptible de se trouver une personne, quelle que soit sa nationalité, une demande d'arrestation et de remise, et solliciter à cette fin la coopération de cet Etat ; que, lorsqu'elle présente une telle demande, la Cour se trouve dans l'exercice de ses compétences telles que définies par les articles 5 à 13 du statut, s'agissant de situations qui ont été déférées au procureur ou pour lesquelles le procureur a ouvert une enquête de sa propre initiative ; que la demande d'arrestation et de remise vise soit une personne qui a déjà été reconnue coupable par la Cour, soit une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt délivré par la chambre préliminaire et dont, aux termes de l'article 58, il y a de "bonnes raisons de croire" qu'elle "a commis un crime relevant de la compétence de la Cour", son arrestation étant justifiée par l'un des motifs énoncés au b) du 1 de l'article 58 ; qu'eu égard à la finalité de la remise et aux garanties de procédure mises en oeuvre par la Cour, il n'est porté atteinte à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 59, il est procédé, conformément à la législation de l'Etat qui reçoit la demande, à l'arrestation provisoire ou à l'arrestation et à la remise ; que la personne arrêtée est déférée sans délai à l'autorité judiciaire de l'Etat qui s'assure, conformément à sa législation, notamment de la régularité de l'arrestation et du respect des droits de l'intéressé ; que l'autorité judiciaire compétente peut décider la mise en liberté de la personne concernée ; qu'est assuré le respect des droits de la défense dès la procédure initiale devant la Cour et pendant le procès lui-même ; qu'en particulier, selon l'article 55, la personne interrogée soit par le procureur, soit par les autorités judiciaires nationales peut être assistée à tout moment par le défenseur de son choix ou un défenseur commis d'office ; que seule la chambre préliminaire de la Cour peut délivrer les mandats nécessaires, notamment les mandats d'arrêt ; que la personne remise à la Cour peut demander sa mise en liberté provisoire en attendant d'être jugée ; qu'il résulte des dispositions de l'article 60 que la chambre préliminaire réexamine périodiquement sa décision de mise en liberté ou de maintien en détention ; qu'elle s'assure que la détention avant le procès ne se prolonge pas de manière excessive à cause d'un retard injustifiable qui serait imputable au procureur ; que la chambre de première instance, en vertu de l'article 64, "veille à ce que le procès soit conduit de façon équitable et avec diligence, dans le plein respect des droits de l'accusé" ; que le procès est public, sous réserve de la faculté pour la chambre de première instance de prononcer le huis clos en raison de circonstances particulières ; que la sentence est prononcée en audience publique ; que les exigences constitutionnelles relatives au respect des droits de la défense et à l'existence d'une procédure juste et équitable, garantissant l'équilibre des droits des parties, sont ainsi satisfaites ;
Considérant que l'article 23 précise qu'une personne qui a été condamnée par la Cour ne peut être punie que conformément aux dispositions du statut ; que les peines pouvant être prononcées contre une personne déclarée coupable d'un crime sont fixées par l'article 77 ; qu'en cas de verdict de culpabilité, la peine est arrêtée en tenant compte, conformément aux dispositions des articles 76 et 78, des conclusions et éléments de preuve pertinents présentés au procès, de la gravité du crime et de la situation personnelle du condamné ; que ces règles n'encourent aucune critique d'inconstitutionnalité et sont en particulier conformes aux principes de nécessité et de légalité des peines ;
Considérant que les juges composant la Cour exercent leurs fonctions en toute indépendance, les articles 40 et 48 du statut prévoyant à cet effet les incompatibilités et les immunités nécessaires ; que, par ailleurs, les juges qui sont affectés à la section des appels ne peuvent siéger dans d'autres sections ; que les articles 41 et 42 du statut fixent la procédure selon laquelle peuvent intervenir la décharge et la récusation des juges ainsi que des procureurs ; qu'enfin, l'article 46 prévoit la procédure selon laquelle un membre de la Cour peut être privé de ses fonctions en cas de faute lourde ou de manquements graves à ses devoirs ; qu'est ainsi satisfaite l'exigence d'impartialité et d'indépendance de la Cour ;
Considérant que, suivant les dispositions des articles 81 à 83 du statut, il peut être fait appel de certaines décisions de la chambre préliminaire et des décisions rendues par la Cour dans la formation de chambre de première instance ; qu'une procédure de révision d'une décision sur la culpabilité ou la peine est par ailleurs instaurée par l'article 84 ; que l'article 85 institue en outre une procédure d'indemnisation des personnes victimes d'une arrestation ou d'une mise en détention illégales, ainsi que des personnes ayant subi une peine en raison d'une condamnation ultérieurement annulée ; qu'en cas d'erreur judiciaire grave et manifeste, une indemnité peut également être accordée ; que l'article 68 du statut oblige la Cour à prendre toutes les mesures de nature à assurer la sécurité et le respect de la vie privée des victimes et des témoins, notamment en dérogeant au principe de la publicité des débats s'agissant de l'audition de personnes vulnérables ; que l'article 75 précise que la Cour établit des "principes applicables aux formes de réparation... à accorder aux victimes" ; que, sur cette base, elle pourra déterminer, dans ses décisions, l'ampleur des dommages et des préjudices subis par les victimes, et rendre, contre une personne condamnée, une ordonnance indiquant la réparation qu'il convient d'accorder ; que l'indemnité allouée pourra être versée par un fonds créé au profit des victimes par l'Assemblée des Etats parties ; que l'ensemble de ces règles est conforme à la Constitution ;
- SUR LE RESPECT DES CONDITIONS ESSENTIELLES D'EXERCICE DE LA SOUVERAINETE NATIONALE :
En ce qui concerne la complémentarité entre la Cour pénale internationale et les juridictions nationales :
Considérant que les dispositions du dixième alinéa du préambule et de l'article 1er du statut disposent que la Cour "est complémentaire des juridictions criminelles nationales" ; que cette complémentarité implique, ainsi qu'il résulte des dispositions des articles 17 et 20 du statut, qu'une affaire est jugée irrecevable par la Cour soit lorsqu'elle "fait l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part d'un Etat ayant compétence en l'espèce", soit, lorsqu'après enquête, "cet Etat a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée", soit, enfin, lorsque cette dernière "a déjà été jugée pour le comportement faisant l'objet de la plainte soumise à la Cour" ; qu'il résulte par ailleurs de l'article 18 que le procureur notifie à l'Etat concerné qu'une enquête est en voie d'être ouverte ou est ouverte et que, pour sa part, l'Etat peut informer la Cour qu'il ouvre ou a ouvert une enquête pour des actes en rapport avec les renseignements qui lui ont été notifiés ; qu'à sa demande, l'Etat se voit confier le soin de l'enquête, sauf si la chambre préliminaire autorise le procureur à la conduire ;
Considérant cependant que, nonobstant le principe de complémentarité, le 1 de l'article 17 permet à la Cour de connaître d'une affaire en cas de manque de volonté de l'Etat de mener véritablement à bien les poursuites ou lorsque le même manque de volonté de l'Etat conduit celui-ci à décider de ne pas poursuivre ; que le 2 de l'article 17 précise les critères s'imposant à la Cour pour déterminer s'il y a manque de volonté d'un Etat ; qu'un tel manque de volonté ne pourra être retenu que si la procédure a été engagée "dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale", ou si "la procédure a subi un retard injustifié" démentant "l'intention de traduire en justice la personne concernée", ou enfin lorsque "la procédure n'a pas été ou n'est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais d'une manière qui, dans les circonstances, dément l'intention de traduire en justice la personne concernée" ; que, de plus, aux termes de l'article 20 du statut, dans le cas où la personne concernée a déjà été jugée par une autre juridiction pour un comportement visé à l'article 5, la Cour pourra également juger cette personne si la procédure devant la juridiction nationale "avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale" ou " n'a pas été...menée de manière indépendante ou impartiale...mais d'une manière qui, dans les circonstances, démentait l'intention de traduire l'intéressé en justice" ;
Considérant, en outre, que la Cour pourra juger une affaire recevable lorsque l'Etat compétent est dans l'incapacité de mener véritablement à bien l'enquête ou les poursuites, ou lorsque la décision de ne pas poursuivre est l'effet de cette même incapacité ; que, selon le 3 de l'article 17, cette incapacité correspond à l'hypothèse où «l'Etat n'est pas en mesure, en raison de l'effondrement de la totalité ou d'une partie substantielle de son propre appareil judiciaire ou de l'indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l'accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure" ;
Considérant, d'une part, que les stipulations du traité qui apportent des restrictions au principe de complémentarité de la Cour par rapport aux juridictions criminelles nationales, dans les cas où l'Etat partie se soustrairait délibérément aux obligations nées de la convention, découlent de la règle "Pacta sunt servanda", en application de laquelle tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ; que ces dispositions fixent limitativement et objectivement les hypothèses dans lesquelles la Cour pénale internationale pourra se déclarer compétente ; que, par suite, elles ne méconnaissent pas les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;
Considérant, d'autre part, que les stipulations qui permettent également à la Cour de se reconnaître compétente dans l'hypothèse de l'effondrement ou de l'indisponibilité de l'appareil judiciaire national ne sauraient davantage méconnaître les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;
Considérant, en revanche, qu'il résulte du statut que la Cour pénale internationale pourrait être valablement saisie du seul fait de l'application d'une loi d'amnistie ou des règles internes en matière de prescription ; qu'en pareil cas, la France, en dehors de tout manque de volonté ou d'indisponibilité de l'Etat, pourrait être conduite à arrêter et à remettre à la Cour une personne à raison de faits couverts, selon la loi française, par l'amnistie ou la prescription ; qu'il serait, dans ces conditions, porté atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;
En ce qui concerne la coopération internationale, l'assistance judiciaire et les pouvoirs du procureur :
Considérant que l'article 54 du statut définit les devoirs et pouvoirs du procureur en matière d'enquêtes ; qu'il doit, pour mener celles-ci, demander la coopération des Etats ; qu'il peut également enquêter sur le territoire d'un Etat ; que, dans une telle hypothèse, il doit se conformer soit aux stipulations du chapitre IX relatif à la coopération internationale et à l'assistance judiciaire, soit à celles du d) du 3 de l'article 57 ;
Considérant qu'il résulte du chapitre IX précité que la Cour est habilitée à adresser des demandes de coopération et d'assistance aux Etats parties ; que les Etats font droit à ces demandes conformément aux procédures prévues par leur législation nationale, notamment en ce qui concerne l'identification et l'interrogatoire des personnes, le rassemblement d'éléments de preuve, l'exécution des perquisitions et des saisies ; qu'ainsi qu'il ressort de l'article 93, si l'exécution d'une mesure particulière d'assistance est interdite dans l'Etat requis en vertu d'un principe juridique fondamental d'application générale dans cet Etat, ce dernier n'est pas tenu d'apporter l'assistance demandée dans la forme sollicitée par la Cour, mais doit engager des consultations avec celle-ci ; qu'en application du même article, un Etat peut rejeter totalement ou partiellement une demande d'assistance de la Cour si elle a pour objet la divulgation d'éléments de preuve ou la production de documents touchant à la sécurité nationale, dont la protection est par ailleurs assurée par l'article 72 ; que les articles 94 et 95 du statut prévoient des procédures de sursis à exécution des demandes d'assistance formulées auprès des Etats ; que l'ensemble de ces stipulations garantissent le respect des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale;
Considérant que le d) du 3 de l'article 57 ne permet au procureur, autorisé par la chambre préliminaire, de prendre certaines mesures d'enquête sur le territoire d'un Etat, sans s'être assuré de la coopération de celui-ci, que dans le cas où aucune autorité ou composante compétente de l'appareil judiciaire national n'est disponible pour donner suite à une demande de coopération ; que, dès lors, ces stipulations ne sauraient porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale;
Considérant, en revanche, qu'en application du 4 de l'article 99 du statut, le procureur peut, en dehors même du cas où l'appareil judiciaire national est indisponible, procéder à certains actes d'enquête hors la présence des autorités de l'Etat requis et sur le territoire de ce dernier ; qu'il peut notamment recueillir des dépositions de témoins et "inspecter un site public ou un autre lieu public" ; qu'en l'absence de circonstances particulières, et alors même que ces mesures sont exclusives de toute contrainte, le pouvoir reconnu au procureur de réaliser ces actes hors la présence des autorités judiciaires françaises compétentes est de nature à porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;
En ce qui concerne l'exécution des peines prononcées par la Cour pénale internationale :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 103 du statut, l'Etat qui se déclare disposé à recevoir des personnes condamnées par la Cour pénale internationale peut assortir son acceptation de conditions qui doivent être agréées par la Cour ; que ces dernières peuvent être "de nature à modifier sensiblement les conditions ou la durée de la détention" ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que la France, en se déclarant disposée à recevoir des condamnés, pourra subordonner son accord à des conditions portant notamment sur l'application de la législation nationale relative à l'exécution des peines privatives de liberté ; qu'elle pourra en outre faire état de la possibilité d'accorder aux personnes condamnées une dispense de l'exécution des peines, totale ou partielle, découlant de l'exercice du droit de grâce ; que, dès lors, les stipulations du chapitre X du statut, relatives à l'exécution des peines, ne portent pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, non plus qu'à l'article 17 de la Constitution;
Considérant qu'aucune des autres stipulations du traité soumis au Conseil constitutionnel au titre de l'article 54 de la Constitution n'est contraire à celle-ci ;
Considérant que, pour les motifs énoncés ci-dessus, l'autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale internationale exige une révision de la Constitution ;
D E C I D E :
Article premier .- L'autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale internationale exige une révision de la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera notifiée au Président de la République, ainsi qu'au Premier ministre, et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 janvier 1999, où siégeaient : MM. Roland DUMAS, Président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Yves GUENA, Mme Noëlle LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL
ANNEXE 3 - DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION DU 10 OCTOBRE 2001
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 10 octobre 2001
N° de pourvoi : 01-84922
Publié au bulletin
Premier président : M. Canivet
Rapporteur : M. Roman, assisté de M. Lichy, auditeur.
Premier avocat général : M. de Gouttes. Avocat : la SCP Lesourd.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
ASSEMBLEE PLENIERE
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2.4°, du Code de procédure pénale et les articles L. 2132-5 et L. 2132-7 du Code général des collectivités territoriales ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, chambre de l'instruction, 29 juin 2001) qu'au vu d'un rapport de la Chambre régionale des comptes, une information a été ouverte contre personne non dénommée pour favoritisme, détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, prise ou conservation illégale d'intérêt, complicité, recel, concernant des irrégularités dans les marchés publics passés par la société d'économie mixte parisienne de prestations, dissoute le 22 juillet 1996, dont la ville de Paris, le département de Paris et d'autres sociétés d'économie mixte étaient les actionnaires ;
Que, s'étant constitué partie civile en lieu et place de la ville de Paris en vertu d'une autorisation donnée le 7 juillet 2000 par le tribunal administratif, M. Michel Breisacher a saisi le 21 novembre 2000 les juges d'instruction d'une requête motivée en vue de l'audition, en qualité de témoin, de M. Jacques Chirac, à l'époque des faits maire de Paris et aujourd'hui Président de la République ;
Que, par ordonnance du 14 décembre 2000, les juges d'instruction se sont déclarés incompétents pour procéder à l'acte d'information sollicité, aux motifs que la demande d'audition est formulée en des termes tendant à la mise en cause pénale de M. Jacques Chirac, qu'aux termes de l'article 68 de la Constitution, le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison, et que, selon l'interprétation que donne de ce texte la décision du 22 janvier 1999 du Conseil constitutionnel, " au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de justice, selon les modalités fixées par le même article " ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt retient que ce dernier membre de phrase est un des motifs qui fondent la décision du Conseil constitutionnel, dont, en vertu de l'article 62 de la Constitution, les décisions s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et judiciaires, et que, dès lors, tant l'article 68 de la Constitution que la décision du 22 janvier 1999 du Conseil constitutionnel excluent la mise en mouvement, par l'autorité judiciaire de droit commun, de l'action publique à l'encontre d'un Président de la République dans les conditions prévues par le Code de procédure pénale, pendant la durée du mandat présidentiel, les juges d'instruction restant néanmoins compétents pour instruire les faits à l'égard de toute autre personne, auteur ou complice ;
Attendu que le demandeur fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :
" 1° que, n'ayant statué que sur la constitutionnalité de l'article 27 du traité portant statut de la Cour pénale internationale, la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999 ne dispose d'aucune autorité de chose jugée à l'égard du juge pénal agissant en application des dispositions du Code de procédure pénale, qui n'ont fait l'objet d'aucune décision du Conseil constitutionnel portant sur la question de l'immunité du chef de l'Etat ;
" 2° qu'en vertu du principe constitutionnel de l'égalité des citoyens devant la loi, l'immunité instituée au profit du Président de la République par l'article 68 de la Constitution ne s'applique qu'aux actes qu'il a accomplis dans l'exercice de ses fonctions et que, pour le surplus, il est placé dans la même situation que tous les citoyens et relève des juridictions pénales de droit commun " ;
Mais attendu que, si l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel s'attache non seulement au dispositif, mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, ces décisions ne s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles qu'en ce qui concerne le texte soumis à l'examen du Conseil ; qu'en l'espèce, la décision du 22 janvier 1999 n'a statué que sur la possibilité de déférer le Président de la République à la Cour pénale internationale pour y répondre des crimes de la compétence de cette Cour ; qu'il appartient, dès lors, aux juridictions de l'ordre judiciaire de déterminer si le Président de la République peut être entendu en qualité de témoin ou être poursuivi devant elles pour y répondre de toute autre infraction commise en dehors de l'exercice de ses fonctions ;
Attendu que, rapproché de l'article 3 et du titre II de la Constitution, l'article 68 doit être interprété en ce sens qu'étant élu directement par le peuple pour assurer, notamment, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat, le Président de la République ne peut, pendant la durée de son mandat, être entendu comme témoin assisté, ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun ; qu'il n'est pas davantage soumis à l'obligation de comparaître en tant que témoin prévue par l'article 101 du Code de procédure pénale, dès lors que cette obligation est assortie par l'article 109 dudit Code d'une mesure de contrainte par la force publique et qu'elle est pénalement sanctionnée ;
Que, la Haute Cour de justice n'étant compétente que pour connaître des actes de haute trahison du Président de la République commis dans l'exercice de ses fonctions, les poursuites pour tous les autres actes devant les juridictions pénales de droit commun ne peuvent être exercées pendant la durée du mandat présidentiel, la prescription de l'action publique étant alors suspendue ;
Attendu que, si c'est à tort que la Chambre de l'instruction, au lieu de constater l'irrecevabilité de la requête de la partie civile, a déclaré les juges d'instruction incompétents pour procéder à l'audition de M. Jacques Chirac, l'arrêt, néanmoins, n'encourt pas la censure, dès lors que les magistrats instructeurs, compétents pour instruire à l'égard de toute autre personne, n'avaient pas le pouvoir de procéder à un tel acte d'information ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.