2. Les interactions entre la loi et la négociation collective
Les partenaires sociaux sont parfois les producteurs, ou les inspirateurs directs, des règles adoptées par le législateur. Un projet de loi peut en effet reprendre tout ou partie des dispositions d'un accord négocié.
Comme le montre le rapport de Dominique-Jean Chertier, la reprise par la loi du contenu d'un accord national interprofessionnel est devenue une pratique courante depuis le début des années soixante-dix. Les exemples sont nombreux : législation sur le salaire minimum (1970), loi du 16 juillet 1971 sur la formation professionnelle, loi du 19 janvier 1978 sur la mensualisation... Plus près de nous, on peut citer la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle tout au long de la vie et le dialogue social, qui reprend des dispositions de la « Position commune » des partenaires sociaux sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective du 16 juillet 2001 et de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 5 décembre 2003.
La loi peut également inviter les partenaires sociaux à engager une négociation puis intervenir, si nécessaire, une seconde fois pour en tirer les conséquences. Cette procédure avait déjà été utilisée dans les années quatre-vingt (sur le droit à l'expression directe des travailleurs en 1982, sur la suppression de l'autorisation administrative de licenciement en 1986) et l'a été à nouveau dans la période récente.
La loi du 3 janvier 2003, portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, a ainsi invité les partenaires sociaux à négocier sur le traitement social des restructurations. Cette négociation n'a cependant pas abouti, ce qui a amené le Gouvernement à insérer, dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, un volet consacré aux licenciements économiques.
Puis la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a renvoyé à la négociation le soin de définir les modalités d'application de la convention de reclassement personnalisée (CRP) instituée par son article 74. Cette négociation a abouti et les partenaires sociaux ont signé, le 5 avril 2005, un accord national interprofessionnel, agréé par arrêté ministériel le 24 mai 2005. La loi du 26 juillet 2005, relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, a ensuite procédé, dans le code du travail, aux adaptations nécessaires à la bonne application de la CRP.
La loi portant réforme des retraites du 21 août 2003 avait également invité les partenaires sociaux à engager, d'une part, une négociation sur « la définition et la prise en compte de la pénibilité au travail », d'autre part, une négociation sur l'emploi des seniors. Si la première négociation s'est aujourd'hui passablement enlisée, la seconde a abouti, le 9 mars 2006, à la signature d'un accord national interprofessionnel. Une des mesures-phares prévues par cet accord - la création d'un CDD « seniors » pour les demandeurs d'emploi de plus de cinquante-sept ans - a été mise en oeuvre par le décret n° 2006-1070 du 28 août 2006, aménageant les dispositions relatives au contrat à durée déterminée pour favoriser le retour à l'emploi des salariés âgés.
Enfin, la loi peut subordonner le bénéfice de certaines de ses dispositions à la conclusion d'un accord de branche ou d'entreprise, qui en précise les modalités d'application. La loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise du 31 mars 2005 subordonne par exemple le bénéfice des heures choisies à la conclusion d'un accord collectif. L'accord doit déterminer les conditions dans lesquelles les heures choisies sont effectuées, ainsi que la majoration de rémunération et les contreparties auxquelles elles donnent lieu.
Il arrive aussi que la loi fixe un régime de droit commun, auquel les partenaires sociaux peuvent déroger par voie d'accord. La loi de cohésion sociale ouvre une telle possibilité en matière de procédure de licenciement économique (accord de méthode). La loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social du 30 décembre 2006 ouvre une faculté analogue en matière d'information du comité d'entreprise dans les entreprises d'au moins trois cents salariés.
Dans tous les cas de figure, le législateur est libre de reprendre ou non les dispositions de l'accord négocié par les partenaires sociaux ou de le modifier.