C. UNE VIGILANCE À MAINTENIR : L'EXEMPLE DE L'ACCORD PNR UE/ETATS-UNIS
L'enjeu de la protection des données personnelles a été rappelé avec acuité par les différentes étapes du dossier PNR.
Les données PNR ( Passenger Name Record ) sont des informations collectées par les agences de voyage et les compagnies aériennes auprès des passagers. Stockées de façon standardisée, elles sont échangées par les différentes entreprises intervenant dans la réalisation des prestations demandées.
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les autorités américaines ont souhaité que ces données soient communiquées aux services des douanes et de sécurité américains. En mai 2004, après plusieurs mois de négociations, la Commission européenne a adopté une décision reconnaissant une protection adéquate pour les données personnelles des passagers et la Communauté européenne, le 28 mai 2004 a signé un accord international avec les Etats-Unis, dont le Parlement a saisi la Cour de justice des Communautés.
Le 30 mai 2006, cet accord était annulé par la CJCE, cette annulation rendant nécessaire l'ouverture de nouvelles négociations et la conclusion d'un nouvel accord.
Un nouvel accord a été finalisé le 10 octobre 2006 par lequel l'Union européenne permet que les données personnelles puissent être transmises à d'autres agences gouvernementales américaines chargées de la lutte contre le terrorisme tandis que l'administration américaine s'engage à ce que tous les destinataires garantissent le même niveau de protection des données que les douanes américaines, premier destinataire. Le niveau de protection garanti porte sur le respect de la finalité première du transfert de données, la lutte contre le terrorisme, la limitation du nombre de catégories de données accessibles, l'obligation de détruire les fichiers non consultés à l'issue d'une durée de trois ans et demi et le droit d'accès et de rectification des personnes aux données les concernant.
La CNIL exprimait cependant son inquiétude en ces termes, dans un communiqué : « Au vu de l'ensemble des dispositions identifiées amendant le précédant accord, nos autorités nationales de protection des données entendent demeurer vigilantes et continuer d'exercer leur contrôle aux côtés de la Commission européenne sur le respect des garanties des droits des personnes et de la vie privée par l'ensemble de ces futures autorités et agences américaines. Cependant, les conditions d'exercice de ce contrôle ont elles-mêmes été remises en cause, perdant leur caractère annuel obligatoire de "révision conjointe annuelle" et pouvant laisser craindre que le compromis ne se transforme en renoncement. »
Dans sa communication devant la délégation pour l'Union européenne, le 10 octobre 2006, notre collègue, le président Hubert Haenel soulignait l'enjeu de la renégociation de l'accord ainsi qu'un point touchant à l'intervention du Parlement français dans la procédure :
« Tout laisse à penser que c'est lors de la renégociation de cet accord que l'essentiel devra se jouer. Ainsi, la question de la durée de conservation des données PNR, qui est fixée à trois ans et demi, sur laquelle les autorités américaines voulaient revenir car elles estiment qu'elle est beaucoup trop courte, a été renvoyée aux discussions futures relatives à la renégociation de l'accord. (...)
Enfin, dans nos conclusions, nous avions tenu à réaffirmer la position selon laquelle les accords conclus sur la base de l'article 24 du traité sur l'Union européenne devaient faire l'objet d'une procédure de ratification parlementaire. Compte tenu des conditions de notre saisine aujourd'hui, cette position me paraît d'autant plus justifiée. En effet, le caractère extrêmement bref du délai dont nous disposons pour nous prononcer exclut le dépôt d'une proposition de résolution et toute discussion en séance publique. Et cela, alors que le Gouvernement s'était précédemment engagé à tenir le plus grand compte de l'avis des assemblées à propos des accords conclus sur la base de l'article 24 du traité sur l'Union européenne. Il me paraît donc indispensable que cet accord, qui porte sur un sujet sensible et qui concerne directement les droits individuels, soit soumis au Parlement pour un débat et pour un vote conditionnant son approbation. Cela permettrait, en effet, la tenue d'un débat au Parlement sur cet accord, sans pour autant retarder sa conclusion, puisque l'article 24 du traité prévoit la possibilité d'une application provisoire. »
Sur ce dernier point, le premier ministre a réaffirmé le 12 décembre 2006, la position du gouvernement qui, s'appuyant sur un avis du Conseil d'Etat du 7 mai 2003 interprète la réserve d'ordre constitutionnel du paragraphe 5 de l'article 24 du Traité sur l'Union européenne comme un moyen d'assurer uniquement « le respect de règles de fond d'ordre constitutionnel » et non pas des règles de procédure fixées par l'article 53 de la Constitution . Afin d'associer le Parlement à la conclusion des accords par l'Union, il a proposé « de procéder à la transmission systématique au Parlement, au titre de la clause facultative de l'article 88-4 de la Constitution, de tout projet d'accord à conclure par l'Union sur le fondement combiné des articles 24 et 38 du Traité sur l'Union européenne, dès sa transmission au Conseil ». Le Sénat, via la délégation pour l'Union européenne, devrait donc avoir à connaître de cet accord.