B. L'ABSENCE DE SUIVI DES PRÉCONISATIONS DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le gouvernement n'a pris que partiellement en compte les préconisations formulées par le Parlement et par la Cour des comptes. En effet, si les crédits de la présente mission ont bien été « extraits » de la mission « Engagements financiers de l'Etat », ils n'ont pas été ventilés entre différentes missions en fonction de leurs finalités.
1. Selon le gouvernement, il ne serait pas souhaitable de réunir des crédits évaluatifs et des crédits limitatifs au sein d'une même mission
A l'appui de sa décision de ne pas ventiler les crédits regroupés par la présente mission entre les différentes missions concernées, le gouvernement a fait valoir un double argument :
- d'une part, le regroupement par finalité n'aurait pas été techniquement possible pour le 1 er janvier 2006. Mais cet argument n'est plus pertinent en ce qui concerne l'année 2007 ;
- d'autre part, et surtout, la coexistence au sein d'une même mission de crédits limitatifs et de crédits évaluatifs ne serait pas souhaitable, selon le gouvernement.
En effet, l'article 47 de la LOLF prévoit qu'« au sens des articles 34 et 40 de la Constitution, la charge s'entend, s'agissant des amendements s'appliquant aux crédits, de la mission ». Les parlementaires, au sein d'une mission, ont donc la possibilité de proposer des augmentations de crédits , « gagées » par la diminution d'autres crédits de la même mission, ce qui en réalité correspond à de véritables « arbitrages » budgétaires. Selon le gouvernement, il convenait donc d'isoler les crédits évaluatifs des crédits limitatifs , afin d'éviter que les parlementaires ne proposent par voie d'amendement, en particulier, d'accroître les crédits limitatifs d'un programme à partir d'un programme constitué de crédits évaluatifs.
2. Un point de vue qui, dès l'année dernière, n'a pas convaincu votre commission des finances
Comme l'a fait valoir dès l'année dernière, à l'occasion de l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2006, votre rapporteure spéciale, l'argumentaire développé par le gouvernement n'emporte guère l'adhésion.
En premier lieu, force est de constater que la seule autre mission budgétaire à comporter des crédits évaluatifs, la mission « Engagements financiers de l'Etat », comprend également des crédits limitatifs : deux des programmes de la mission précitée le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'Etat » et le programme 114 « Appels en garantie de l'Etat » sont constitués de crédits évaluatifs, mais les deux autres programmes de la mission le programme 145 « Epargne » et le programme 168 « Majoration de rentes » retracent des crédits limitatifs. Certes, l'Etat a compétence liée pour les opérations retracées par ces deux derniers programmes, et il n'est donc pas maître de ses dépenses. Néanmoins, à la lettre du texte, la LOLF n'empêcherait pas le Parlement d'adopter une augmentation de crédits limitatifs « gagée » par une diminution de crédits évaluatifs. La seule exigence organique, en la matière, consiste dans « l'isolement » des crédits évaluatifs en programmes distincts des programmes dotés de crédits limitatifs .
En deuxième lieu, il faut observer que la compensation qui consisterait en une diminution de crédits évaluatifs pourrait difficilement être considérée comme « réelle », au sens où l'exige la jurisprudence du Conseil constitutionnel . Pour mémoire, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 sur la LOLF (98 e considérant), a jugé que le deuxième alinéa de l'article 47 de la loi organique, aux termes duquel « tout amendement doit être motivé et accompagné des développement s des moyens qui le justifient », « permettra, dans le cadre des procédures d'examen de la recevabilité financière, de vérifier la réalité de la compensation ».
En dernier lieu, on prendra en compte que la LOLF va nécessairement entraîner, durant une première période de son application, la constitution progressive d'une « doctrine » , non seulement de la part du Conseil constitutionnel mais aussi de la part des commissions des finances des deux assemblées parlementaires , en particulier en matière de recevabilité financière des amendements.
3. Invité, cette année, à renforcer son argumentaire, le gouvernement n'a apporté aucun élément décisif pour justifier le maintien en l'état de la présente mission
En considération de l'opposition des points de vue entre le gouvernement et votre commission des finances, telle que les termes viennent d'en être exposés, votre rapporteure spéciale, dans le questionnaire budgétaire qu'elle a adressé cette année au gouvernement , conformément aux dispositions de l'article 49 de la LOLF, rappelant les critiques ci-dessus exposées, a posé une question très précise.
La question posée par votre rapporteure spéciale au sujet de la raison d'être de la présente mission « Dans quelles mesures ces critiques ont-elles été prises en compte pour le projet de loi de finances pour 2007. Justifier, le cas échéant, l'absence, totale ou partielle, de suite données à ces critiques. « En particulier, indiquer pourquoi les crédits du programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » ne sont pas rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et à la mission « Médias » (pour les dégrèvements de redevance audiovisuelle), conformément à la logique de résultats qui est celle de la LOLF. « Aller au-delà de l'argument selon lequel une mission ne devrait pas comporter à la fois des crédits évaluatifs et des crédits limitatifs, qui ne convainc pas la commission des finances du Sénat. » Source : question n° 9 du questionnaire adressé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en vue de la discussion du présent projet de loi de finances, en application de l'article 49 de la LOLF |
La réponse reçue de la part du gouvernement s'avère peu satisfaisante . En effet, le gouvernement estime que « l'architecture de la mission « Remboursements et dégrèvements » présentée dans le projet de loi de finances pour 2007 ... a visé à concilier une approche pragmatique tenant compte de la nature des crédits et l'application des principes généraux de la loi organique relative aux lois de finances ». Puis il cite intégralement l'article 10 de la LOLF pour en déduire, sans autre commentaire, que « le rattachement des crédits de la mission « Remboursement et dégrèvements » à d'autres missions dotées de crédits limitatifs serait donc contraire à la loi » . La question posée demandait pourtant précisément d'expliciter cet argument.
Les trois alinéas suivants ne répondent pas à la question posée :
- le premier affirme que « la vocation de la maquette retenue ne saurait se cantonner à constituer un élément d'information pure à destination des acteurs du débat budgétaire » mais constitue également « un cadre de gestion auquel l'ensemble des ressources, humaines ou applicatives doit se conformer ». Votre rapporteure spéciale approuve entièrement cette appréciation, tout en relevant qu'elle concerne la structuration des programmes , et non des missions ;
- le second alinéa rappelle que les remboursements et dégrèvements ne comprennent pas l'ensemble des allégements fiscaux ;
- le troisième indique que le gouvernement a lancé un audit de modernisation.
L'encadré ci-après reproduit le texte intégral de la réponse du gouvernement.
La réponse du gouvernement à la question posée par votre rapporteure spéciale sur la raison d'être de la présente mission « L'architecture de la mission « Remboursements et dégrèvements » présentée dans le projet de loi de finances pour 2007 est très proche de celle présentée dans le projet de loi de finances pour 2006. Cette construction a visé à concilier une approche pragmatique tenant compte de la nature des crédits et l'application des principes généraux de la loi organique relative aux lois de finances. « En effet, l'article 10 de la LOLF stipule : « « Les crédits relatifs aux charges de la dette de l'Etat, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l'Etat ont un caractère évaluatif. Ils sont ouverts sur des programmes distincts des programmes dotés de crédits limitatifs. « Les dépenses auxquelles s'appliquent les crédits évaluatifs s'imputent, si nécessaire, au-delà des crédits ouverts. Dans cette hypothèse, le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des motifs du dépassement et des perspectives d'exécution jusqu'à la fin de l'année. « Les dépassements de crédits évaluatifs font l'objet de propositions d'ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée. « Les crédits prévus au premier alinéa ne peuvent faire l'objet ni des annulations liées aux mouvements prévus aux articles 12 et 13 ni des mouvements de crédits prévus à l'article 15 ». « Le rattachement des crédits de la mission « Remboursement et dégrèvements » à d'autres missions dotées de crédits limitatifs serait donc contraire à la loi. « De plus, la vocation de la maquette retenue ne saurait se cantonner à constituer un élément d'information pure à destination des acteurs du débat budgétaire. Il s'agit également d'un cadre de gestion auquel l'ensemble des ressources, humaines ou applicatives doit se conformer. L'architecture actuelle résulte donc de l'arbitrage nécessaire entre ces deux dimensions. « En dépit des ces limites, et comme le fait fort justement remarquer Mme la Rapporteure Spéciale dans sa question, cette maquette offre une vision consolidée sur les crédits destinés à telle ou telle politique publique. Il apparaît donc possible, en conservant l'architecture actuelle, de respecter la logique de résultat inhérente à la LOLF. Dans cette optique d'efficience, la véritable limite des crédits de la mission n'est pas l'architecture de cette dernière mais le fait qu'ils ne reflètent que les sommes restituées et en aucun cas un coût global pour le budget général puisque les montants imputés par les contribuables n'y figurent pas. L'analyse des dispositifs fiscaux ne peut donc pas se faire par le biais de la présente mission mais dans le cadre des dépenses fiscales qui sont ventilées au sein des différentes missions particulières de l'action de l'État. « La volonté du Gouvernement de progresser sur la connaissance et l'amélioration des remboursements et dégrèvements ne saurait être remise en question comme l'indique le lancement de l'audit de modernisation. » Source : réponse du gouvernement à la question 9 posée en application de l'article 49 de la LOLF (texte intégral) |