EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 25 octobre 2006 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a examiné le rapport spécial de M. Michel Mercier, rapporteur spécial, sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a rappelé que, dans le cas de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », l'Etat n'avait aucun pouvoir de décision pour 80 % des crédits. Il a considéré qu'en conséquence, la LOLF présentait en l'espèce moins d'intérêt que pour la plupart des autres missions. Il a néanmoins estimé que les collectivités territoriales pourraient davantage recourir à la « logique LOLF », dans le cas de leurs propres budgets. Il s'est félicité de la reconduction, pour une année supplémentaire, du « contrat de croissance et de solidarité ».
Il a estimé que les débats relatifs aux finances locales ne se concentreraient probablement pas, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, sur les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales. Il a jugé qu'un premier sujet de débat serait vraisemblablement la récente réforme de la taxe professionnelle, réalisée par l'article 85 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances initiale pour 2006, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2007. Il a souligné que cette réforme avait été conçue non pour accroître les recettes des collectivités territoriales, mais pour réduire l'imposition des entreprises. Il a considéré qu'elle présentait une excessive complexité. Il a rappelé que si l'article 79 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 prévoyait qu'en 2007, le vote des budgets primitifs des collectivités territoriales devait intervenir au plus tard le 15 avril, et non le 31 mars, cette disposition aurait une faible portée pratique, alors que le premier tour de la prochaine élection présidentielle était prévu pour le dimanche 22 avril 2007. Il a souligné que de nombreux élus et associations d'élus avaient demandé un report de la réforme de la taxe professionnelle. Il a néanmoins estimé qu'un tel report était « probablement impossible ». Il a rappelé que, lors de sa réunion tenue la veille, le mardi 24 octobre 2006, au Sénat, le comité des finances locales, afin d'exprimer ses inquiétudes au sujet de la réforme de la taxe professionnelle, avait donné un avis défavorable à un projet de décret, pourtant favorable aux collectivités territoriales, relatif à la répartition, entre l'Etat et les collectivités territoriales, du coût du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a estimé qu'un second sujet de débat lors de la prochaine discussion budgétaire serait probablement la question de la compensation aux collectivités territoriales, et en particulier aux départements, des compétences qui leur avaient été transférées ces dernières années. Il a jugé, pour le déplorer, que l'on évoquerait probablement peu l'allocation personnalisée pour l'autonomie (APA), transférée aux départements par la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. Cela constituait pourtant, à ses yeux, le sujet essentiel pour les départements. Il a considéré que les difficultés posées par le financement du revenu minimum d'insertion (RMI) par les départements, auxquels il avait été transféré par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité, venaient du fait que ceux-ci ne disposaient d'aucun pouvoir de gestion en la matière. Il a estimé que, si l'on voulait éviter un « affrontement total » entre l'Etat et les départements, il était nécessaire de ne pas appréhender la question des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales de manière globale, mais de distinguer selon la catégorie de collectivités, les départements étant selon lui dans une situation beaucoup plus difficile que les communes ou les régions. Il a néanmoins considéré que les régions devaient faire face à des besoins croissants en matière de transport ferroviaire régional de voyageurs, dont la compétence leur avait été transférée le 1er janvier 2002, en application de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).
M. Auguste Cazalet a considéré que cette compétence amenait les régions à faire circuler des trains ayant un faible taux de remplissage.
M. Jean Arthuis, président, a jugé que les régions étaient d'autant plus enclines à développer le transport régional de voyageurs qu'il s'agissait d'une action « visible », les conseils régionaux apposant volontiers leur logo sur les trains express régionaux.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a alors présenté ses principales observations relatives à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et à la mission hors budget « Avances aux collectivités territoriales », dont il est le rapporteur spécial. Concernant la première mission, il a souligné que si les prélèvements sur les recettes de l'Etat présentés en annexe à son projet annuel de performances étaient de 49,4 milliards d'euros, ses crédits s'élevaient à seulement 3,1 milliards d'euros. Il a expliqué que ce paradoxe venait du fait que les dotations aux collectivités territoriales correspondant à des crédits de l'Etat étaient peu nombreuses. Il s'agissait de la dotation globale d'équipement (DGE), de la dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC), de la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES), et de la dotation générale de décentralisation (DGD). Il a indiqué qu'il concentrerait ses propos sur l'efficacité de l'administration dans la gestion de ses crédits, comme la LOLF y invitait.
Examinant les « échecs » et les « réussites » de la gestion 2005, en fonction des prévisions que faisait la loi de finances initiale pour 2006, il a considéré que les principaux « échecs » en 2005 concernaient, tout d'abord, la DDR et la DGE des départements, dont les investissements qu'elles servaient à financer auraient dû croître à la même vitesse que ceux de l'ensemble des administrations publiques, alors qu'ils avaient augmenté à un taux nettement inférieur ; et, ensuite, le délai de parution des textes réglementaires relevant de la responsabilité de la direction générale des collectivités locales (DGCL), de 9,6 mois, contre une prévision de 6 mois, ce dernier objectif ayant, en conséquence, été repoussé à l'année 2006. Il a indiqué, qu'en revanche, certains indicateurs avaient été en 2005 nettement meilleurs que les prévisions : le taux de progression des investissements financés par la DGE des communes, et les indicateurs relatifs à l'efficacité de la DGCL pour le calcul des attributions de dotations, évaluée par le montant moyen, le volume et le nombre des rectifications.
Dans le cas de l'année 2007, il s'est interrogé sur les prévisions relatives à certains indicateurs. Il a souligné que l'une des principales évolutions prévues entre 2006 et 2007 concernait le pourcentage des projets financés par la DGE des communes ou la DDR bénéficiant d'un taux de subvention compris entre 25 % et 35 %, ce taux devant passer de 40 % en 2006 à 65 % en 2007. Ce changement de pratique tendant à améliorer l'« effet de levier » des dotations concernées, il s'est étonné de ce que le présent projet de loi de finances prévoie également que les investissements suscités par la DGE et la DDR, censés augmenter en 2006 à un taux supérieur de 0,2 point à celui des investissements de l'ensemble des administrations publiques, voient ceux-ci croître en 2007 au même taux que celui des investissements de l'ensemble des administrations publiques. Il a, par ailleurs, exprimé sa perplexité quant au fait que le projet annuel de performances prévoie pour 2007 une augmentation du nombre de rectifications liées à la prise en compte d'une donnée erronée dans les calculs, qui devait passer de 100 à 110, et un quasi-doublement du nombre de visites des sites intranet et internet de la DGCL, qui devait passer de 1,075 million à 2 millions.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a maintenu le jugement qu'il avait exprimé à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2006, selon lequel il était souhaitable de supprimer l'indicateur relatif à la DGE des départements. Il a, en effet, considéré que, l'administration ayant compétence liée pour l'attribution de cette dotation, la mesure de son « effet de levier » ne dépendait pas de l'action du responsable du programme. Il a indiqué que le gouvernement avait confirmé, dans une réponse à son questionnaire budgétaire, que la fongibilité asymétrique des crédits ne devait pas avoir pour effet de permettre aux préfets de décider arbitrairement de la répartition des crédits entre la DGE des communes et la DDR, dont les règles d'évolution étaient fixées par la loi, mais seulement d'abonder des crédits qui, autrement, ne seraient pas consommés. Il a indiqué que le gouvernement, en réponse au questionnaire budgétaire, proposait de mettre en place, dans le cas de la part de la DDR servant à financer les services publics en zone rurale, un indicateur spécifique, comme il l'avait suggéré.
Dans le cas de la mission hors budget « Avances aux collectivités territoriales », il a considéré que le principal enjeu du programme 832 « Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie » - dont l'intitulé, ainsi qu'il en avait exprimé le souhait, avait été modifié -, était la créance de 289,65 millions d'euros que l'Etat détenait envers la Nouvelle-Calédonie. Il a estimé que le statut de cette créance devait être rapidement clarifié. Il a jugé que le principal enjeu de la mission hors budget concernait le programme 833 « Avances sur le montant des impositions revenant aux départements, communes, établissements et divers organismes », dont le solde avait été excédentaire chaque année depuis 1996, de près de 500 millions d'euros en moyenne, alors que, selon le gouvernement, sa vocation était d'être structurellement en déficit. Il a donc proposé que la commission approfondisse cette question en 2007.
Un débat s'est alors instauré.
M. Jean Arthuis, président, a pris note du souhait du rapporteur spécial que la question des relations financières de l'Etat avec les départements soit distinguée de celle de ses relations avec les autres collectivités territoriales. Il a estimé que, le projet de loi de finances pour 2007 comprenant un faible nombre d'articles relatifs aux finances locales, le prochain débat sur les recettes des collectivités territoriales pourrait se concentrer sur la question des relations financières entre l'Etat et les départements. Il a, en outre, jugé nécessaire que la commission puisse déterminer les causes structurelles de l'excédent du programme 833 « Avances sur le montant des impositions revenant aux départements, communes, établissements et divers organismes ».
M. Yves Fréville a exprimé son accord sur la volonté, exprimée par le rapporteur spécial, de distinguer la question des relations financières de l'Etat avec les départements, de celle de ses relations avec les autres collectivités territoriales. Il a néanmoins souligné que les dépenses des collectivités territoriales avaient augmenté en moyenne de 5,4 % par an en valeur depuis 2000, et considéré que cette évolution ne pouvait s'expliquer par les récents transferts de compétences. Il a souligné que le présent projet de loi de finances prévoyait qu'en 2007 la dotation globale de fonctionnement (DGF) et les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux augmenteraient de respectivement 957 millions d'euros et 598 millions d'euros, de sorte qu'au total, ces derniers correspondraient à près de 40 % de l'augmentation des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. Il a considéré que ce partage n'était pas optimal, dans la mesure où il favorisait les collectivités territoriales ayant des taux d'imposition élevés. Il a souligné que les recettes du programme 833 précité, « Avances sur le montant des impositions revenant aux départements, communes, établissements et divers organismes », comprenaient des crédits en provenance du programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux », de la mission « Remboursements et dégrèvements », évalués à 14,1 milliards d'euros pour 2007. Il s'est interrogé sur la possibilité de distinguer ce montant des autres recettes du programme 833, dans le projet annuel de performances du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
M. Henri de Raincourt a approuvé l'idée, exposée par le rapporteur spécial, selon laquelle il était nécessaire de distinguer les relations financières de l'Etat avec les départements de ses relations avec les autres collectivités territoriales. Il a considéré, comme le rapporteur spécial, que le véritable enjeu pour les départements était celui de l'allocation personnalisée pour l'autonomie (APA), dont le nombre d'allocataires ne pouvait que croître durablement, pour des raisons démographiques, alors que tel n'était pas le cas de celui des allocataires du RMI ou de la prestation de compensation du handicap (PCH). Il a regretté que les collectivités territoriales ne disposent pas, d'ores et déjà, des informations que la récente réforme de la taxe professionnelle rendait nécessaires pour l'élaboration des budgets locaux relatifs à l'année 2007.
M. Eric Doligé a déploré que le projet annuel de performances de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne comprenne pas de données concernant la compensation des charges transférées. Il a jugé que les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), très dynamiques, étaient « l'arbre qui cache la forêt ».
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a estimé que M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, attachait une importance excessive au dynamisme des DMTO.
M. Michel Moreigne, après avoir approuvé les analyses présentées par le rapporteur spécial, ainsi que par MM. Henri de Raincourt et Eric Doligé, a souligné les difficultés que le financement de l'APA représentait pour certains départements ruraux.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a considéré que la proposition de M. Yves Fréville, visant à remplacer certains dégrèvements d'impôts locaux par des attributions supplémentaires de DGF était intéressante en son principe, du fait notamment de la déresponsabilisation des élus locaux qui découlait des dégrèvements. Il a néanmoins estimé qu'une telle réforme ne pouvait être mise en oeuvre que dans le cas des principales collectivités territoriales. Il a jugé, de nouveau, que l'allocation personnalisée pour l'autonomie (APA) constituait, pour les départements, le principal enjeu de ces prochaines années. Il a souligné la modicité des sommes qui seraient nécessaires pour assurer le financement de l'APA dans certains départements ruraux.
La commission a alors décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ainsi que du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
Réunie le jeudi 23 novembre 2006 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé son vote favorable à l'adoption sans modification de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » telle qu'amendée par l'Assemblée nationale, ainsi que du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ». Elle a émis un vote favorable à l'adoption des articles 51 bis (nouveau), gelant la dotation de garantie des communes dont la garantie par habitant est supérieure à 1,5 fois la moyenne, 51 ter (nouveau), adaptant les règles d'indexation de la dotation forfaitaire au département de Paris, 51 quinquies (nouveau), instaurant un prélèvement sur la dotation spéciale pour le logement des instituteurs au profit de la dotation d'aménagement et 51 sexies (nouveau), prévoyant le dépôt, avant le 30 juin 2007, d'un rapport sur une éventuelle réforme du potentiel financier des communes.
Après les interventions de MM. Jean Arthuis, président, et Michel Mercier, rapporteur spécial, elle a décidé de réserver sa position sur l'article 51 quater (nouveau) instaurant un taux de progression minimal pour la dotation de fonctionnement minimale des départements ruraux.