B. ENGAGER UNE RÉFLEXION PRÉALABLE SUR LA PROBLÉMATIQUE DE LA PROCHAINE RÉFORME
1. Analyser l'expérience des autres pays européens
La préservation des équilibres de l'assurance vieillesse renvoie plus largement à la question de la viabilité financière des systèmes de protection sociale des les pays occidentaux. Les équilibres de l'Etat providence, tels qu'ils ont été conçus au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sont en effet remis en question par l'augmentation des échanges internationaux et par le vieillissement de la population.
Dans ces conditions, il serait sans doute utile de s'inspirer de l'exemple des pays étrangers comparables comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne. Le système de retraite italien a ainsi fait l'objet de trois réformes majeures, la réforme Amato de 1992, celle des gouvernements Dini et Prodi entre 1995 et 1997, avant celle de 2004 réalisé par le gouvernement Berlusconi. L'assurance vieillesse allemande a été réformée successivement en 1989, en 1997, en 1998, en 2001 et en 2004. En Espagne, l'accord de 1995 entre les grandes forces politiques, baptisé « pacte de Tolède » sur les grandes orientations de l'assurance vieillesse a été renouvelé en 2003, pour une nouvelle période de cinq ans.
Mais le cas le plus instructif est sans doute celui de la Suède qui fait figure aujourd'hui de référence en Europe en matière de réforme des retraites. La grave crise financière du début des années 90 a en effet conduit les autorités suédoises à remettre à plat l'ensemble de l'édifice. Sous la pression des événements, les changements ont été à la fois rapides et profonds.
L'expérience des pays nordiques 9 ( * ) peut utilement servir à guider l'évolution du modèle social français.
2. Le choix des méthodes à employer
A la lumière de l'expérience de la préparation et de l'adoption de la loi du 21 août 2003, il semblerait utile d'engager une réflexion sur la méthodologie de la prochaine réforme, avant même de songer au contenu qu'elle pourrait avoir.
Remis en perspective, le grand débat national que l'ensemble des acteurs du débat politique, économique et social appelaient de leurs voeux en 2003 s'est révélé très décevant. La discussion s'est rapidement enlisée dans des détails ou des propos généraux dépourvus de substance. La relecture des débats parlementaires, pourtant longs de presque deux mois, constitue un exercice fastidieux. On y trouve très peu informations complémentaires susceptibles d'éclairer la volonté du législateur sur les questions techniques les plus complexes. Le volume de la loi du 21 août 2003 (116 articles) et l'aridité de la matière semblent aussi avoir rebuté l'opinion publique, ainsi que les médias. Et très rapidement les grandes orientations ont été noyées dans un flux de critiques souvent contradictoires.
Engager en 2008 un processus efficace de réforme supposerait, avant d'entrer dans le détail des mesures, de définir au préalable les objectifs et le dosage entre les principales mesures : stabilisation des retraites et/ou augmentation des cotisations et/ou allongement de la durée d'activité.
Il conviendrait également, au vu des enseignements de la réforme de 2003, de colmater les brèches menaçant le plus directement le système de retraite, comme par exemple la persistance de nombreux mécanismes de cessation précoce d'activité, de s'inscrire cette fois dans un processus de long terme et d'introduire des éléments nouveau dans le débat sur les retraites, comme les moyens de donner aux assurés sociaux la possibilité effective de concevoir leur retraite « à la carte ».
Il faudra enfin prendre en compte, dès le départ, les contraintes techniques pour procéder rapidement à la mise en oeuvre de la réforme, et notamment à l'élaboration des mesures d'application. A titre d'illustration, la loi du 21 août 2003 a requis 123 mesures réglementaires, cinq rapports, un renvoi à la loi de finances, et a organisé l'intervention des partenaires sociaux dans plusieurs articles importants. Au total, l'entrée en vigueur de la réforme a nécessité, en trois ans, la publication de soixante dix décrets, ce qui représente un travail considérable de préparation, de concertation, d'information et de mise en oeuvre. A ces contraintes juridiques, il convient d'ajouter la nécessité de disposer, le moment venu, dans toutes les caisses de retraite concernées, d'un personnel formé en nombre suffisant et des outils d'informations nécessaires.
* 9 Cf. Faut-il brûler le modèle social français ? Alain Lefebvre, conseiller social à l'ambassade de France en Suède, et Dominique Méda, sociologue - Editions du Seuil, 2006.