EXAMEN DES ARTICLES

Article premier - Ratification de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur

Cet article tend à ratifier de manière expresse les dispositions de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur. Si cet article ne prévoit aucune modification des dispositions de l'ordonnance, l'article 3 du projet de loi y apporte, en revanche, une correction.

1. Les effets juridiques d'une ratification expresse

La ratification expresse d'une ordonnance n'est pas imposée par l'article 38 de la Constitution. Seul le dépôt d'un projet de loi de ratification est exigé, à peine de caducité des dispositions de l'ordonnance.

L'absence de ratification n'a d'ailleurs pas d'effet sur son entrée en vigueur. Ses dispositions s'insèrent au sein de l'ordre juridique français dans les conditions prévues par l'article 1 er du code civil. En revanche, elle a un effet sur la nature juridique de ses dispositions.

Tant que l'ordonnance n'est pas ratifiée, elle n'a qu'une nature réglementaire. Sa ratification a pour effet de lui conférer, de manière rétroactive, une nature législative. De cette manière, les dispositions de l'ordonnance, jusqu'alors de nature législative mais formellement réglementaires retrouvent leur statut initial, puisque, par définition, l'ordonnance est prise par le pouvoir réglementaire dans le domaine de la loi.

La ratification d'une ordonnance peut intervenir par l'effet d'un projet de loi ayant cet unique objet ou, le plus souvent, par un projet de loi ayant un objet plus vaste mais comportant des dispositions spécifiques de ratification.

De fait, l'examen en tant que tel d'un projet de loi de ratification est une pratique peu courante sous la Vème République. La ratification expresse d'une ordonnance est le plus souvent opérée par un texte de loi différent du projet de loi de ratification déposé dans le délai prescrit par l'habilitation. Ce découplage semble d'ailleurs devenu quasiment systématique depuis 2001, les mesures de ratification étant incluses ponctuellement dans des projets de loi ayant un objet plus large. Ainsi, en 2003 et 2004, trois lois n'ayant pas pour vocation première de ratifier des ordonnances ont ainsi donné valeur législative expresse à 85 ordonnances 6 ( * ) .

Quelle que soit sa forme, votre commission des Lois est très attachée à la pratique de la ratification expresse des ordonnances.

Elle permet en effet de donner valeur législative incontestable à l'ensemble des dispositions d'une ordonnance qui, à défaut de ratification, conservent une simple valeur réglementaire.

En outre, elle présente toutes les garanties en matière de sécurité juridique dans la mesure où la question de la valeur de telle ou telle disposition législative modifiée par ordonnance n'a plus à se poser, alors que cette difficulté est réelle lorsqu'aucun texte ne procède à cette ratification. Elle évite ainsi que des interrogations surgissent sur l'application éventuelle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel consacrant la possibilité d'une ratification « implicite » ou « impliquée » des ordonnances, qui régit l'hypothèse où les dispositions d'une ordonnance non expressément ratifiée sont modifiées par un texte législatif ultérieur 7 ( * ) .

Enfin, élément essentiel aux yeux de votre commission, la ratification expresse des ordonnances met, comme le rappelait notre collègue Bernard Saugey lors de l'examen du projet de loi de simplification du droit, « le Parlement en mesure d'exercer un contrôle réel sur le contenu des ordonnances prises par le Gouvernement et notamment sur le respect des termes de la loi d'habilitation sur le fondement de laquelle elles ont été prises » 8 ( * ) .

La ratification expresse de la présente ordonnance permet ainsi de donner, sans ambiguïté ni contestation possibles, une valeur législative à toutes ses dispositions.

2. Les dispositions de l'ordonnance ratifiée

L'ordonnance du 17 février 2005 comporte six articles organisés en deux titres. Aux fins de transposer la directive 1999/44/CE, elle modifie, pour l'essentiel, les dispositions du code de la consommation (article premier). Par coordination, elle touche également au code rural (article 2) et au code civil (article 3).

En vertu de l'article 4 de l'ordonnance, son champ d'application géographique concerne, outre la métropole et les départements d'outre-mer, soumis au principe de l'identité législative, les collectivités ultramarines de Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna, de Mayotte et des Terres australes et antarctiques françaises, soumises au principe de spécialité législative.

En outre, aux termes de l'article 5, les dispositions de l'ordonnance ne s'appliquent que postérieurement à son entrée en vigueur, soit le 19 février 2005.

a) Le champ d'application de la responsabilité pour défaut de conformité du bien au contrat

La directive 1999/44/CE ne vise qu'à protéger le consommateur dans ses relations avec un vendeur professionnel. Le Gouvernement, qui aurait pourtant été en droit de le faire et y était d'ailleurs incité par le groupe de travail réuni autour du professeur Geneviève Viney en 2002, n'a pas souhaité prendre l'occasion de la transposition de cette directive pour l'appliquer hors des litiges de consommation.

En conséquence, le nouveau régime organisé aux articles L. 211-1 et suivants du code de la consommation n'est applicable qu'aux relations contractuelles entre le vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et l'acheteur agissant en qualité de consommateur 9 ( * ) .

En outre, contrairement aux autres mécanismes de garantie applicables en droit français, il ne s'applique qu'à la vente de biens meubles corporels , à condition que celle-ci n'ait pas lieu par autorité de justice ou aux enchères publiques.

Conformément à la directive, l'article L. 211-1 du code de la consommation assimile à la vente de biens meubles corporels :

- les ventes d'eau et de gaz, lorsque ceux-ci sont conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée. En revanche, la vente d'électricité est exclue ;

- les contrats de fourniture de biens meubles à fabriquer ou à produire.

b) L'institution d'une garantie légale de conformité

Aux termes de l'article L. 211-4 du code de la consommation, introduit par l'ordonnance, le vendeur a l'obligation, dans le cadre de la vente, de livrer un bien conforme au contrat . Toutefois, cette obligation est étendue, puisqu'elle concerne non seulement le bien lui-même, mais aussi l'emballage, les instructions de montage ou l'installation de ce bien , sous réserve que cette dernière ait été mise à sa charge par le contrat ou réalisée sous sa responsabilité.

• La notion de conformité

Coeur de l'ordonnance, l'article L. 211-5 du code de la consommation définit la notion de conformité de façon alternative .

D'une part, la conformité se définit comme le fait pour le bien d'être « propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable » et, « le cas échéant », « correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle, ou présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur 10 ( * ) ou par son représentant , notamment dans la publicité ou l'étiquetage ».

Toutefois, aux termes de l'article L. 211-6 du code de la consommation, et par exception, le vendeur n'est pas tenu par les déclarations publiques du producteur ou de son représentant s'il est établi qu'il ne les connaissait pas et n'était légitimement pas en mesure de les connaître. Le vendeur est donc présumé responsable des déclarations du producteur, dans le cadre d'une présomption simple.

Cette première définition tend à régir les modalités de ventes les plus courantes, en pratique, entre un consommateur et un professionnel, c'est-à-dire les ventes faites au moyen d'un contrat d'adhésion. Dans ce cas, en effet, l'acheteur se contente d'accepter les clauses contractuelles -figurant souvent dans des contrats types- qui lui sont présentées par le vendeur professionnel.

D'autre part, la conformité se définit également comme le fait pour le bien de « présenter les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté ». Ce cas vise donc les ventes issues de véritables négociations et pourparlers entre le vendeur et l'acheteur.

Aux termes de l'ordonnance, et conformément à la directive, la notion de conformité du bien recouvre dès lors les deux obligations du droit français que sont, d'une part, l'obligation de délivrance et, d'autre part, la garantie contre les vices rédhibitoires .

L'unification proposée est, sans aucun doute, très profitable au consommateur.

En effet, actuellement, l'acheteur d'un bien dispose de deux actions contre le vendeur.

Il peut d'abord agir sur le fondement des articles 1641 à 1648 du code civil contre le vendeur lorsque le bien présente des vices rédhibitoires . Sous ce régime, le vendeur est en effet tenu de la « garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus . »

Mais cette action ne vise que des vices graves et surtout non apparents. Au surplus, elle ne couvre pas le cas dans lequel la chose livrée, sans comporter un défaut important, ne correspond pas aux spécifications contractuelles . Elle n'assure donc à l'acheteur qu'une protection limitée.

Le code civil n'organise pas de garantie spécifique en cas de délivrance d'un bien non conforme aux stipulations contractuelles. Toutefois, sur la base de l'article 1603 du code civil 11 ( * ) , la jurisprudence a reconnu la possibilité d'agir en responsabilité contre le vendeur pour inexécution de son obligation de délivrance. Dans cette hypothèse, l'acheteur exerce donc une action en responsabilité contractuelle qui le conduit à solliciter une réparation en nature ou par équivalent pour le préjudice lié au manquement du vendeur à son obligation contractuelle.

Or, aux termes de la jurisprudence actuelle, l'action en responsabilité pour délivrance non conforme et l'action en garantie des vices cachés ne peuvent se cumuler 12 ( * ) . Il revient donc à l'acheteur de s'assurer que l'action qu'il entreprend est bien adaptée à la situation de fait qu'il rencontre. La création d'une notion large de conformité permet donc de faciliter l'action du consommateur.

La protection du consommateur est, en outre, renforcée par l'institution d'une présomption de conformité du bien au contrat .

Aux termes de l'article L. 211-7 du code de la consommation, les défauts de conformité apparaissant dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance . Il ne s'agit que d'une présomption simple , le vendeur pouvant notamment la combattre si elle s'avère incompatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué.

Là encore, conformément à la directive, l'ordonnance améliore la situation du consommateur par rapport au droit antérieur. En vertu de ce dernier, il appartient à l'acheteur de démontrer l'antériorité du défaut du bien vendu, preuve qui est parfois impossible à rapporter, bien que la jurisprudence récente facilite aujourd'hui davantage son administration.

Toutefois, à l'issue du délai de six mois, la présomption ne trouve plus à s'appliquer, l'acheteur recouvrant donc la charge de la preuve pour exercer son action .

• L'action en garantie contre le vendeur

A défaut d'avoir délivré un bien conforme au contrat, le vendeur répond des défauts existant lors de la délivrance . Ainsi, selon l'article L. 211-8 du code de la consommation, l'acheteur a, en pareil cas, le « droit d'exiger la conformité du bien au contrat » .

Cette prérogative connaît néanmoins une exception légitime. Si le défaut de conformité du bien livré était connu par l'acheteur ou ne pouvait pas être ignoré de lui lors de la vente, ou dans l'hypothèse où le défaut trouve son origine dans des matériaux qu'il a lui-même fournis, celui-ci ne peut agir contre le vendeur.

En outre, le vendeur final du bien contre lequel se retournerait le consommateur est en droit, de manière expresse, d'exercer une action récursoire à l'encontre des vendeurs ou intermédiaires successifs et du producteur du bien meuble corporel. Cette action intervient selon les règles du droit commun de la responsabilité, telles qu'organisées par le code civil.

L'ordonnance, conformément à la directive, définit les droits de l'acheteur dans une telle hypothèse, et prévoit une action spécifique à son profit qui doit être exercée dans un délai de deux ans à compter de la délivrance du bien .

Confronté à la non conformité du bien qu'il a acquis auprès du vendeur professionnel, le consommateur peut choisir qu'il y soit mis fin :

- soit en obtenant la réparation du bien ;

- soit en obtenant son remplacement .

Aux termes de l'ordonnance, ce choix incombe au seul acheteur. Néanmoins, par exception, ce choix peut ne pas être satisfait par le vendeur s'il entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut. Dans ce cas, il doit exécuter la mesure non choisie par l'acheteur 13 ( * ) .

Il existe néanmoins des cas où l'un des remèdes susmentionnés à la non conformité du bien ne peut être utilisé :

- le produit peut pas être réparable, compte tenu du défaut qui l'affecte ou ne peut être réparé dans un délai raisonnable, fixé à un mois à compter de la réclamation de l'acheteur ;

- le produit peut ne pas être remplaçable, soit parce qu'aucun autre bien sans défaut ne peut être délivré, soit parce qu'aucun bien ne peut, en fait, répondre aux spécifications contractuelles.

Dans de telles hypothèses, l'acheteur peut solliciter la résolution de la vente ou la remise d'une partie du prix. Toutefois, pour prévenir tout abus, la résolution de la vente est expressément écartée si le défaut de conformité du bien au contrat est mineur 14 ( * ) .

Quel que soit le but recherché par l'acheteur pour faire cesser la non-conformité du bien, son action doit intervenir sans qu'il ait à supporter aucun frais.

En outre, l'action de l'acheteur dans le cadre de la garantie légale ne fait pas obstacle à l'allocation de dommages et intérêts, dans les conditions du droit commun.

c) La réglementation de la garantie commerciale

Contractuellement, en plus de la garantie légale, le vendeur ou le fabriquant d'un produit peut proposer, dans le cadre du contrat de vente, de l'assortir d'une garantie contre les défauts du bien. Cette garantie est de nature contractuelle et n'existe que si elle a été stipulée par les parties .

Le droit français avait déjà, antérieurement à la directive, encadré ce type de garantie afin de mieux protéger les consommateurs. L'ancien article L. 211-2 du code de la consommation prévoyait ainsi qu'en cas d'immobilisation de plus de sept jours du bien au titre d'une réparation intervenant dans le cadre de la garantie commerciale, la durée de la garantie contractuelle était obligatoirement prolongée de la durée de cette immobilisation.

L'ordonnance, conformément à la directive, va plus loin dans l'encadrement de la garantie commerciale.

Ainsi, la garantie contractuelle doit nécessairement prendre la forme d'un écrit comportant certaines stipulations obligatoires 15 ( * ) :

- il doit préciser le contenu de la garantie, les éléments nécessaires à sa mise en oeuvre, sa durée, son étendue territoriale ainsi que le nom et l'adresse du garant ;

- il doit mentionner que, indépendamment de la garantie contractuelle, le vendeur reste tenu des défauts de conformité du bien au contrat et des vices rédhibitoires, et doit reproduire intégralement et de façon apparente les articles L. 211-4, L. 211-5 et L. 211-12 du présent code ainsi que l'article 1641 et le premier alinéa de l'article 1648 du code civil.

Toutefois, le non respect de ces dispositions n'a pas d'effet sur la validité de la garantie contractuelle, qui demeure, l'acheteur pouvant s'en prévaloir.

L'ordonnance reprend, en outre, à l'article L. 211-16 du code de la consommation, les dispositions figurant auparavant à l'article L. 211-12 précité.

d) Le maintien de l'action en garantie des vices cachés et pour manquement à l'obligation de délivrance

La principale caractéristique de la transposition opérée par l'ordonnance du 17 février 2005 est qu'elle ne remet pas en cause les garanties déjà offertes à l'acheteur par le code civil et le code rural .

L'article L. 211-13 du code de la consommation, introduit par l'ordonnance, dispose en effet que l'acheteur n'est pas privé « du droit d'exercer l'action résultant des vices rédhibitoires telle qu'elle résulte des articles 1641 à 1649 du code civil ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi. » Ce choix est bien autorisé par la directive dont le sixième considérant prévoit qu'il convient de rapprocher « les législations nationales relatives à la vente de biens de consommation, sans pour autant porter atteinte aux dispositions et principes des droits nationaux relatifs aux régimes de responsabilité contractuelle et extracontractuelle ».

En conséquence, si l'ordonnance permet au consommateur de disposer désormais d'une garantie unique en cas de non conformité du produit, elle ne se substitue pas aux mécanismes juridiques préexistants mais cohabite avec ceux-ci.

Ainsi, le consommateur pourra choisir d'exercer, selon le cas, et en fonction de la situation de fait qu'il connaît :

- l'action pour défaut de conformité ouverte par l'ordonnance ;

- l'action en garantie contre les vices cachés, organisée par les articles 1641 et suivants du code civil ou par le code rural ;

- l'action en responsabilité pour délivrance non conforme, fondée sur l'article 1603 du code civil.

Pour rendre effective cette coexistence, les articles 2 et 3 de l'ordonnance modifient respectivement les articles L. 213-1 du code rural et 1648 du code civil.

L'article L. 213-1 du code rural prévoit une action spécifique en garantie dans le cadre des ventes ou échanges d'animaux domestiques. La modification apportée par l'article 2 permet de préciser que ce régime s'applique sans préjudice de l'application des articles L. 211-1 à L. 211-15, L. 211-17 et L. 211-18 du code de la consommation, tels que rédigés par l'ordonnance.

L'article 3 de l'ordonnance modifie l'article 1648 du code civil afin d'étendre le délai d'action de l'acheteur au titre de la garantie des vices cachés .

Avant l'ordonnance, l'action en garantie devait être exercée « dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite ». Cette formule, jamais modifiée depuis 1804, a suscité un abondant contentieux, tant sur le point de départ du délai que sur sa durée effective. La Cour de cassation a ainsi reconnu aux juges du fond un pouvoir souverain pour apprécier, dans chaque affaire et selon les circonstances, la durée du délai pour agir. En outre, elle a estimé que ce délai courait non à compter du jour de la vente ou du jour où le vice apparaît, mais à compter du jour où l'acheteur a connaissance effective du vice affectant le bien vendu.

Pour stabiliser et clarifier l'état du droit, l'ordonnance a donc modifié cette disposition afin que l'action en garantie des vices cachés puisse être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice . En outre, ce délai a pour effet d'augmenter la protection du consommateur, un délai de deux ans n'étant jusqu'alors pas considéré par les tribunaux comme un « bref » délai.

Si la coexistence de plusieurs types d'actions n'est sans doute pas de nature à améliorer la lisibilité du droit applicable en cas de défaut de conformité du produit vendu, elle permet néanmoins aux consommateurs de disposer d'une palette d'actions adaptées aux situations particulières qu'ils rencontrent, ce qui leur garantit une protection renforcée.

Votre commission estime que les dispositions de l'ordonnance du 17 février 2005 assurent une transposition complète et correcte de la directive 1999/44/CE du 25 mai 1999. Elle se réjouit que le présent article puisse leur donner une valeur législative expresse.

Elle vous propose, en conséquence, d'adopter cet article sans modification.

Article 2 (nouveau) (art. 1386-7 du code civil) - Exonération de responsabilité du fournisseur pour défaut de sécurité du produit

Cet article, issu d'un amendement de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, modifie les conditions de l'exonération du fournisseur de sa responsabilité en cas de défaut de sécurité du produit qu'il a fourni . Il modifierait à cet effet l'article 1386-7 du code civil.

Cette mesure est indispensable compte tenu d'un arrêt en constatation de manquement rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 14 mars 2006. Cette condamnation est liée à la mauvaise transposition de certaines dispositions de la directive 85/374/CEE du 7 juillet 1985 instituant la responsabilité du producteur du fait des produits défectueux. Elle est assortie d'une astreinte de 31.650 euros par jour de retard jusqu'à la transposition complète de la directive.

1. Les difficultés de transposition de la directive 85/374/CEE

Le régime de responsabilité pour les dommages causés aux personnes et aux biens par des produits défectueux est organisé, au niveau communautaire, par la directive 85/374/CEE du 7 juillet 1985. Ce texte a eu pour ambition de donner un cadre européen unifié à la protection des victimes de produits comportant des défauts de nature à leur causer des dommages.

Treize ans après son adoption et après une première condamnation pour manquement prononcée le 13 janvier 1993 par la Cour de justice des Communautés européennes, la directive a fait l'objet d'une transposition par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité des produits défectueux 16 ( * ) . Cette loi, modifiant à cet effet le code civil, a entendu simplifier certains dispositifs créés par la directive tout en assurant, autant que possible, une protection optimale du consommateur.

Cette transposition n'a cependant pas été jugée correcte par la Commission européenne qui a, en conséquence, engagé une nouvelle action en manquement contre la France.

Par son arrêt en date du 25 avril 2002 17 ( * ) , la Cour de justice des Communautés européennes a de nouveau condamné la France. Elle a jugé, à cette occasion, que les États membres ne disposaient pas de la possibilité de s'écarter de cette directive d'« harmonisation maximale » à l'occasion de sa transposition, même dans le sens d'une amélioration du niveau de protection des consommateurs victimes .

Selon la Cour, la non conformité de la loi précitée aux dispositions de la directive 85/374/CEE portait sur trois points, de nature essentiellement technique :

- l'indemnisation, prévue par l'article 1386-2 du code civil, des dommages aux biens inférieurs à 500 €, alors que l'article 9, premier alinéa, b de la directive 85/374 prévoit leur exclusion ;

- l'obligation, mise à la charge du producteur par le second alinéa de l'article 1386-12 du code civil, de prouver qu'il a pris les dispositions propres à prévenir les conséquences d'un produit défectueux, afin de pouvoir se prévaloir des causes d'exonération prévues à l'article 7 d et e de la directive, alors que la directive ne prévoit pas une telle condition ;

- l'assimilation, dans tous les cas, du distributeur au producteur d'un produit défectueux, pour la mise en jeu de l'action en réparation des dommages, opérée par l'article 1386-7 du code civil, alors que le paragraphe 3 de l'article 3 de la directive organise une hiérarchie en vertu de laquelle le distributeur n'est mis en cause subsidiairement que si le producteur est inconnu .

Conformément au droit communautaire, les Etats membres doivent, dans des délais raisonnables, prendre les mesures qu'impose le respect de la chose jugée par la Cour de justice. A défaut, l'article 228 du traité CE permet à la Cour de prononcer, à la demande de la Commission européenne, une sanction pécuniaire sous la forme d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte jusqu'à ce que l'Etat dont le manquement a été reconnu adopte les mesures nécessaires pour exécuter son arrêt.

La Commission européenne ayant effectivement introduit un recours en ce sens, votre commission des Lois avait, afin de ne pas voir la France condamnée, présenté à l'occasion de l'examen du projet de loi de simplification du droit, avec le plein accord du Gouvernement, un amendement tendant à modifier les articles 1386-2, 1386-7 et 1386-12 du code civil. Ainsi, l'article 29 de la loi n° 2004-1393 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, afin d'assurer une transposition plus conforme de la directive précitée du 12 juillet 1985 :

- a précisé qu'un décret simple déterminerait le montant des dommages aux biens en dessous duquel une action en responsabilité sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux ne pourra être intentée. Cette somme a été fixée, conformément à la directive à 500 € par le décret n° 2005-113 du 11 février 2005 ;

- a supprimé l'exigence imposée au producteur de prouver qu'il a pris les dispositions propres à prévenir les conséquences d'un produit défectueux ;

- a prévu que le vendeur ou le loueur du produit défectueux ne peut voir sa responsabilité mise en cause que si le producteur est inconnu. Sur ce dernier point, le dispositif retenu a consisté à prévoir que « le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel n'est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur que si ce dernier demeure inconnu . »

Selon le dispositif adopté, ces dispositions s'appliquaient aux instances en cours, sans affecter cependant les décisions passées en force de chose jugée, leur champ d'application étant étendu à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, aux îles Wallis et Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises, conformément au champ d'application initial de la loi précitée du 19 mai 1998.

2. La nouvelle condamnation prononcée par la Cour de justice

Nonobstant ces modifications, la Commission européenne a jugé que l'ensemble des dispositions de la directive 85/374/CEE n'était toujours pas transposé, l'article 1386-7 du code civil, dans la rédaction issue de la loi précitée du 9 décembre 2004, ne rendant pas suffisamment effectives en droit français les dispositions du paragraphe 3 de l'article 3 de la directive. Elle a donc maintenu son recours devant la Cour de justice en le limitant à ce seul moyen.

Aux termes du paragraphe 3 de l'article 3 de la directive, « si le vendeur d'un produit ne peut être identifié, chaque fournisseur sera considéré comme producteur, à moins qu'il n'indique à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité du producteur ou celui qui a fourni le produit. Il en est de même dans le cas d'un produit importé, si ce produit n'indique pas l'identité de l'importateur visé au paragraphe 2, même si le nom du producteur est indiqué . »

La différence avec le texte adopté par le législateur en 2004 tient donc au fait que le distributeur du produit défectueux restait, en droit français, responsable au même titre que le producteur, lorsque ce dernier ne peut être identifié, même dans l'hypothèse où il aurait indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité de celui qui lui a fourni le produit .

Cette différence s'explique par le souci du législateur français de concilier le régime d'exonération prévu par la directive avec le droit commun de la responsabilité tel qu'il est organisé par le code civil depuis 1804. Le principe d'éviction total de la garantie a, il faut l'avouer, quelque chose de choquant dans notre conception juridique de la responsabilité civile. En revanche, notre législation permet de longue date à une personne d'échapper à la mise en jeu de sa responsabilité par le jeu des appels en garantie .

C'est d'ailleurs pour faciliter l'exercice par le fournisseur d'une action récursoire contre le producteur du bien défectueux que la loi précitée du 19 mai 1998 a institué, au second alinéa de l'article 1386-7, un mécanisme dérogatoire au droit commun permettant d'exercer l'action récursoire plus rapidement et plus facilement. Ainsi, en vertu de cette disposition, « le recours du fournisseur contre le producteur obéit aux mêmes règles que la demande émanant de la victime directe du défaut. Toutefois, il doit agir dans l'année suivant la date de sa citation en justice. »

Au demeurant, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes qu'une transposition littérale du texte d'une directive n'est pas requise en toutes circonstances dès lors que les moyens de droit mis en oeuvre permettent de satisfaire aux obligations prévues par la directive. Par ailleurs, il faut bien reconnaître que la faculté pour un fournisseur d'indiquer à la victime l'identité de son propre fournisseur n'a, en pratique, qu'un rôle très subsidiaire lorsque le producteur lui-même demeure inconnu, et que, en pareil cas, ce fournisseur est en mesure d'appeler son propre fournisseur en garantie.

La Commission européenne a néanmoins estimé que ce régime n'assurait pas, comme l'exigeait la directive, un régime effectif d'exonération de responsabilité. Ce moyen a été retenu par la Cour de justice dans son récent arrêt du 14 mars 2006 18 ( * ) .

Dans sa décision, la Cour de justice a jugé que les dispositions d'une directive devaient être mises en oeuvre avec une force contraignante incontestable, ainsi qu'avec la spécificité, la précision et la clarté requises pour permettre aux particuliers de connaître la plénitude de leurs devoirs et de leurs droits, et de s'en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales.

Elle a souligné que l'exonération de responsabilité prévue par le paragraphe 3 de l'article 3 de la directive ne résultait pas du libellé de la nouvelle version de l'article 1387-6 du code civil qui, de ce fait, n'assurait pas la complète transposition du texte communautaire. En outre, elle a indiqué que la possibilité ouverte au fournisseur d'appeler son propre fournisseur en garantie, sous le régime institué par la nouvelle version de l'article 1386-7, avait pour effet de multiplier les mises en cause, ce que l'action directe dont dispose la victime contre le producteur, dans les conditions prévues à l'article 3 de la directive 85/374, a précisément pour objectif d'éviter.

Concluant au fait que la France n'avait donc pas pris les mesures permettant d'assurer la complète exécution de l'arrêt précité du 25 avril 2002, Commission/France, elle l'a, en conséquence condamnée au paiement d'une astreinte de 31.650 euros par jour de retard dans la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour assurer l'exécution pleine et entière de l'arrêt du 25 avril 2002, à compter du prononcé de son arrêt et jusqu'à l'exécution complète de l'arrêt du 25 avril 2002.

3. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Afin d'assurer au plus vite la mise en conformité de l'article 1386-7 du code civil avec la directive, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des Affaires économiques, inséré le présent article du projet de loi qui tend à réécrire le premier alinéa de la disposition contestée.

La nouvelle rédaction propose un dispositif reprenant plus littéralement les dispositions du paragraphe 3 de l'article 3 de la directive.

Elle prévoit ainsi, le principe selon lequel, si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur.

Le premier paragraphe (I) du présent article prévoirait donc, conformément à la directive, que l'assimilation du vendeur, du loueur ou du fournisseur professionnel au producteur en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ne s'applique qu'en cas de défaut d'identification du producteur.

Toutefois, par exception et conformément à la directive, le vendeur, le loueur ou le fournisseur professionnel pourrait s'exonérer de sa responsabilité s'il désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée. Le délai de trois mois ainsi prévu apparaît bien comme un « délai raisonnable » au sens du paragraphe 3 de la directive.

Aux termes de la rédaction proposée par le second paragraphe (II), ces modifications seraient rendues applicables à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, aux îles Wallis et Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises, conformément au champ d'application initial de la loi précitée du 19 mai 1998.

Votre commission estime que ces nouvelles dispositions assureront désormais une transposition sûre et complète de la directive communautaire .

Elle vous propose, en conséquence, d'adopter l'article 2 sans modification.

Article 3 (nouveau) (art. L. 211-16 du code de la consommation) - Extension aux contrats de réparation de la prorogation de la durée de la garantie commerciale en cas d'immobilisation prolongée du bien

Cet article, issu d'un amendement de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale auquel le Gouvernement a donné un avis favorable, tend à modifier les dispositions de l'article L. 211-16 du code de la consommation, telles qu'elles résultent de l'article premier de l'ordonnance du 17 février 2005.

Cette disposition prévoit une prorogation automatique de la durée de garantie lorsque l'acheteur demande au vendeur, sur le fondement de celle-ci, une remise en état du bien vendu. Dans une telle hypothèse, toute période d'immobilisation d'au moins sept jours vient s'ajouter à la durée de la garantie qui restait à courir. Cette période court à compter de la demande d'intervention de l'acheteur ou de la mise à disposition du bien pour réparation, si cette mise à disposition est postérieure à la demande d'intervention.

L'article L. 211-6 a donc pour objet de reprendre, dans le cadre d'un nouvel article, les dispositions qui figuraient auparavant à l'article L. 211-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure au 19 février 2005, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 17 février 2005.

Toutefois, contrairement à cette dernière disposition, l'article L. 211-16 du code de la consommation ne prévoit pas l'application de l'extension du délai de garantie dans le cadre d'un contrat de réparation portant sur un bien meuble . Il ne vise que les garanties contractuelles applicables en cas de vente.

Le présent article vise donc à corriger cet oubli afin de maintenir la protection qui profitait au consommateur dans le régime antérieur à l'ordonnance.

Lorsqu'il décide de ratifier expressément une ordonnance, le Parlement, recouvrant l'intégralité de ses compétences en qualité de législateur, a la faculté de modifier les dispositions prises par le Gouvernement dans le domaine de la loi. Le présent article met en oeuvre cette prérogative même si, habituellement, les modifications apportées par le législateur à l'ordonnance figurent directement dans l'article prononçant la ratification expresse de celle-ci.

Sur le fond, votre commission estime la correction apportée tout à fait justifiée, en ce qu'elle permet de maintenir, sous l'empire du régime créé par l'ordonnance, la protection dont bénéficiait jusqu'alors le consommateur .

Elle vous propose donc d'adopter l'article 3 sans modification.

* 6 Lois n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit, n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer et n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.

* 7 Conseil constitutionnel, décisions n° 72-73 L du 29 février 1972, Nature juridique de certaines dispositions des articles 5 et 16 de l'ordonnance du 17 août 1967 relative à la participation des salariés aux fruits de l'expansion des entreprises ; et n° 86-207 DC des 25-26 juin 1986, Loi d'habilitation autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de privatisation.

* 8 Rapport n° 5 (Sénat, 2004-2005) de M. Bernard Saugey au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de simplification du droit, p. 203.

* 9 L'article L. 211-18 du code de la consommation précise les conditions d'application des dispositions de l'ordonnance lorsque l'acheteur réside habituellement dans un autre Etat membre : « Quelle que soit la loi applicable au contrat, l'acheteur qui a sa résidence habituelle dans un Etat membre de la Communauté européenne ne peut être privé de la protection que lui assurent les dispositions prises par cet Etat en application de la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 et qui ont un caractère impératif :
« - si le contrat a été conclu dans l'Etat du lieu de résidence habituelle de l'acheteur ;
« - ou si le contrat a été précédé dans cet Etat d'une offre spécialement faite ou d'une publicité et des actes accomplis par l'acheteur nécessaires à la conclusion dudit contrat ;
« - ou si le contrat a été conclu dans un Etat où l'acheteur s'est rendu à la suite d'une proposition de voyage ou de séjour faite, directement ou indirectement, par le vendeur pour l'inciter à contracter. »

* 10 Ce dernier est défini, conformément à la directive, par l'article L 211-3 du code de la consommation, comme « le fabricant d'un bien meuble corporel, l'importateur de ce bien sur le territoire de la Communauté européenne ou toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le bien son nom, sa marque ou un autre signe distinctif. »

* 11 Article 1603 du code civil : Le vendeur «  a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend ».

* 12 Cour de cassation, 1 ère ch. civile, 5 mai 1993, D. 1993, jurisp. p. 509, note Bénabent.

* 13 Article L. 211-9 du code de la consommation.

* 14 Article L. 211-10 du même code.

* 15 Article L. 211-15 du même code.

* 16 Rapport n° 226 Sénat (1997-1998) de M. Pierre Fauchon au nom de la commission des Lois.

* 17 Affaire C-52/00, Commission c. France.

* 18 Affaire C-177/04, Commission c. France.

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