3. Des perspectives encore incertaines
Le gouvernement français considère que la proposition luxembourgeoise est à la hauteur des attentes (notamment au regard des enveloppes consacrées à la stratégie de Lisbonne, qui s'inscriraient en hausse d'un tiers par rapport au niveau de 2006) et constitue la seule base de travail possible et que le compromis final ne pourra guère s'en éloigner. Les intentions de la présidence britannique étaient cependant encore assez floues fin septembre 2005, et celle-ci n'avait en particulier pas indiqué dans quelle mesure elle comptait se fonder sur la proposition luxembourgeoise, qu'elle avait par ailleurs critiquée. Les discussions se poursuivront, le cas échéant, sous présidence autrichienne (premier semestre 2006), voire finlandaise.
Pour la France, le « paquet Juncker » repose également sur un système de financement équilibré, en conduisant à rapprocher sensiblement les soldes nets des « petits » (France, Finlande, Danemark) et « gros » (Suède, Pays-Bas, Allemagne) contributeurs nets, répondant ainsi à une revendication constante de ces derniers. Il prévoit aussi une participation équitable du Royaume-Uni au coût de l'élargissement comparé aux autres États membres, et notamment à la France.
D'après les calculs réalisés par la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la proposition luxembourgeoise se traduit en effet par une augmentation de 11 à 12 milliards d'euros de la contribution brute française sur la période 2007-2013 (soit 1,6 à 1,7 milliard d'euros en moyenne par an) alors que le Royaume-Uni subirait pour sa part une hausse équivalente (12 milliards d'euros par rapport à 2006). Les soldes nets français et britannique seraient alors - exprimés suivant la définition utilisée pour le calcul du rabais britannique - à peu près équivalents (respectivement 0,36 % et 0,38 %), l'écart résiduel en faveur de la France n'ayant rien d'anormal compte tenu du niveau de richesse par habitant nettement plus élevé du Royaume-Uni.
S'agissant de la question soulevée par les Britanniques de la réforme budgétaire en général et de la réforme de la PAC en particulier, la France se dit tout à fait disposée à participer de manière constructive à ce débat. Mais compte tenu du caractère récent de la dernière réforme de la PAC, décidée en 2003, l'enjeu à moyen terme réside surtout dans sa mise en oeuvre dans le cadre budgétaire sécurisé que prévoient les accords de Bruxelles d'octobre 2002 30 ( * ) . Une réflexion approfondie sur le devenir de la PAC n'aurait dès lors vocation à produire ses effets que pour la période commençant après 2013 , selon une « clause de rendez-vous ». La France n'est donc pas favorable à l'idée d'une révision à mi-parcours.
En cas d'absence d'accord avant le 31 décembre 2006, la mise en oeuvre des programmes pluriannuels serait entravée et le climat d'insécurité juridique serait préjudiciable au bon fonctionnement de la politique de cohésion, mais le processus budgétaire ne serait pas pour autant paralysé . Le volet « recettes » du budget ne serait pas affecté car le plafond de ressources propres de 1,24 % du RNB de l'Union serait maintenu en l'état. S'agissant des dépenses, à défaut très probablement d'une ratification du traité constitutionnel 31 ( * ) , deux scénarios seraient envisageables :
- l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire prévoit en son point 26 des mesures similaires à celles fixées par la Constitution. Le budget de 2007 serait déterminé sur la base des plafonds de 2006, après un ajustement résultant de l'application du taux moyen d'augmentation des dépenses sur la période 2000-2006 (sans prise en compte de l'élargissement). Il n'y aurait alors pas d'augmentation des dépenses communautaires en 2007, voire une légère diminution ;
- en cas de remise en cause de cet accord par le Parlement européen, toujours envisageable, l'article 272 du Traité CE s'appliquerait et le budget 2007 serait établi en s'affranchissant de tout cadrage des dépenses, selon la seule procédure budgétaire annuelle, en respectant la distinction traditionnelle entre dépenses obligatoires (DO) et dépenses non obligatoires (DNO). Seul le Taux maximum d'augmentation des dépenses (TMA), qui limite l'accroissement des DNO d'une année sur l'autre, demeurerait applicable, ce seuil pouvant être dépassé, d'un commun accord du Parlement et du Conseil, votant à la majorité qualifiée. Si cette procédure n'est pas conclue avant le 31 décembre 2006, l'article 273 du Traité prévoit le recours en 2007 à des douzièmes provisoires pour la définition mois par mois, sur la base du budget 2006, du niveau de dépenses communautaires.
* 30 Qui organisent une baisse en termes réels du budget de la PAC de marché sur la période 2007-2013, malgré l'élargissement de 2004 et l'adhésion de deux Etats membres supplémentaires (Bulgarie et Roumanie).
* 31 Dont l'article III-402 prévoit la prorogation des plafonds de 2006 jusqu'à l'adoption de la loi sur le nouveau cadre financier pluriannuel et l'application de règles identiques à tous les Etats membres.