TRAVAUX DE LA COMMISSION
AUDITION DE MME NICOLE PRUD'HOMME, PRÉSIDENTE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION, ET DE M. PHILIPPE GEORGES, DIRECTEUR, DE LA CAISSE NATIONALE DES ALLOCATIONS FAMILIALES (CNAF)
Réunie le mercredi 19 octobre 2005 , sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a entendu Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration, et M. Philippe George, directeur, de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).
Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales , a indiqué que son conseil d'administration avait émis un avis partagé sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, qui s'explique notamment, à son sens, par l'ambiguïté de la procédure d'avis des caisses, les membres des conseils d'administration ne sachant pas s'ils doivent se prononcer sur l'ensemble du texte ou uniquement sur les dispositions relatives à leur branche. Elle a estimé que si chacun s'était prononcé sur la seule branche famille, l'avis du conseil d'administration aurait été plus largement positif.
Au nom de M. André Lardeux, rapporteur de la branche famille , M. Nicolas About, président , a souhaité connaître les modalités de financement du déficit de la branche famille et son impact sur sa trésorerie. Il a voulu savoir si, compte tenu de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) et du poids des majorations de pension pour enfant, un retour à l'équilibre sera possible sans recourir à de nouvelles recettes.
Mme Nicole Prud'homme a précisé que les précédents excédents de la branche famille permettent de financer le déficit des années 2004 à 2006 au prix d'une dégradation de sa trésorerie. Le déséquilibre des comptes de la branche tient en grande partie à des facteurs exogènes, notamment à la faiblesse de la croissance économique puisque les recettes sont indexées sur l'évolution de la masse salariale : une reprise de la croissance permettrait un retour à l'équilibre relativement rapide.
M. Nicolas About, président , a demandé le bilan tiré par la CNAF de la première année pleine de mise en oeuvre de la prestation de service unique (PSU), la nature des difficultés rencontrées par les structures d'accueil de la petite enfance et les éventuelles adaptations prévues de ce dispositif.
Mme Nicole Prud'homme a souligné que la mise en oeuvre de la PSU a permis de mesurer la difficulté qu'il y a à changer les habitudes des gestionnaires, ceux-ci ayant souvent eu jusqu'à présent le sentiment que les caisses d'allocations familiales (CAF) devaient se cantonner au rôle de payeur. Toutefois, au 1er janvier 2005, 94 % des structures d'accueil de la petite enfance étaient passées dans le système de la PSU. Elle a insisté sur l'important travail de pédagogie et d'accompagnement réalisé par les CAF, rappelant que la PSU résulte d'une décision de 2002 et que les structures ont donc eu trois ans pour s'y préparer. Au 1 er juillet 2005, seules, 16 structures sur 4.730 n'avaient toujours pas signé de convention PSU, soit à cause des problèmes posés par le nouveau contrat horaire pour les petites crèches familiales, soit au nom d'un refus de principe. Au terme de plusieurs semaines d'efforts, neuf dossiers seulement restaient en suspens au 30 août 2005, dont sept en cours de résolution.
M. Philippe George, directeur de la CNAF , a précisé que la mise en oeuvre de la PSU n'a pas été engagée pour des motifs de restrictions budgétaires, bien au contraire, puisque 23 millions d'euros supplémentaires ont été mobilisés pour le secteur de la petite enfance à l'occasion de cette réforme.
Indiquant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 propose de réformer l'allocation de présence parentale (APP), M. Nicolas About, président , a voulu savoir quels seront les changements introduits dans la gestion de cette nouvelle allocation par les CAF lors du passage à un « compte crédit » de 310 jours sur trois ans.
Mme Nicole Prud'homme a considéré que cette réforme répond au souci des parents pour lesquels le précédent système de tranches incompressibles de quatre mois était trop rigide et ne permettait pas d'optimiser leur présence auprès de leur enfant malade. D'ailleurs, 4.000 familles seulement bénéficient à l'heure actuelle de l'APP, alors que le public cible de cette allocation est estimé à 13.000 familles. Ce nouveau système de congé fractionnable offrira également l'occasion aux parents d'établir un dialogue avec leur employeur sur les conditions les plus à même de leur permettre de concilier leurs vies familiale et professionnelle. Elle a expliqué que cette réforme suppose un changement des applications informatiques des CAF et considéré que le système de déclaration sur l'honneur du nombre de jours de congés pris par des parents constituera une simplification bienvenue permettant de verser plus rapidement les indemnités.
M. Nicolas About, président , s'est ensuite penché sur la réforme du complément du libre choix d'activité de la PAJE proposé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Il a voulu savoir si cette mesure est de nature à répondre à l'attente des familles en matière d'accompagnement de leur désir d'enfant.
Mme Nicole Prud'homme a d'abord insisté sur le fait que la politique familiale française est sensiblement plus favorable à la conciliation de la vie familiale et professionnelle que celle des autres pays de l'Union européenne, ce dont témoigne le fait que les Françaises affichent à la fois un taux d'activité et un taux de fécondité élevés. Dans le cadre de l'actuel complément de libre choix d'activité, les femmes qui cessent totalement leur activité bénéficient d'une allocation de 513 euros par mois versée au maximum jusqu'aux trois ans de l'enfant. Le nouveau dispositif est intéressant à double titre : mieux rémunéré, il pourra attirer des jeunes femmes qui, jusqu'à présent, trouvent leur cessation d'activité trop peu indemnisée ; plus court, il évitera qu'elles se trouvent longtemps éloignées du marché du travail, ce qui est source de difficultés de réinsertion professionnelle. Elle s'est déclarée satisfaite de constater que ce nouveau dispositif s'ajoute, et ne se substitue pas, au précédent, confirmant la logique de libre choix adoptée pour l'ensemble de la PAJE.
Mme Claire-Lise Campion a relevé que la conclusion de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) entre la CNAF et l'État avait été difficile, la branche famille ayant été obligée de ramener de 12 à 7,5 % ses ambitions en termes de progression des crédits d'action sociale. Elle a considéré que cette moindre hausse des crédits d'action sociale entraînera mécaniquement une sélectivité plus grande de la CNAF vis-à-vis des projets proposés par les acteurs locaux. Elle a voulu savoir quels seraient les critères retenus pour l'attribution des subventions d'action sociale et si ceux-ci seraient nationaux.
Observant qu'un bilan sera tiré du dispositif d'aide à l'investissement « petite enfance » au 30 juin 2006, elle s'est interrogée sur le taux de consommation des crédits de l'enveloppe centralisée de ce plan réservée aux projets de crèches d'entreprise et d'entreprises de crèche. Elle a voulu savoir si les crédits disponibles sur cette enveloppe sont susceptibles, en cas d'absence de projets nationaux, d'être décentralisés aux CAF pour financer des projets locaux. Dans l'affirmative, elle a souhaité connaître les critères de répartition qui seraient retenus.
Enfin, prenant acte de l'économie réalisée en n'intégrant pas, au 1 er janvier 2007, les enfants nés avant le 1 er janvier 2004 dans le système de la PAJE, contrairement à ce qui était précédemment envisagé, elle s'est interrogée sur l'utilisation qui serait faite de ces marges de manoeuvre financière.
Mme Nicole Prud'homme a considéré que les difficultés de conclusion de la COG étaient liées aux contraintes financières résultant de la situation économique et que la progression de 7,5 % des crédits d'action sociale constitue un effort très appréciable dans ce contexte. Elle a concédé que les caisses seront amenées à opérer une sélection parmi les projets proposés au niveau local et elle a souhaité que les commissions départementales de la petite enfance jouent davantage leur rôle d'aménagement du territoire en hiérarchisant les projets soumis au financement des CAF. S'agissant du plan crèche, elle a précisé que l'ensemble des crédits étaient, sinon consommés, en tout cas engagés. A l'avenir, la répartition des subventions d'action sociale se fera sur la base de critères nationaux adaptables localement, la priorité étant donnée aux territoires les plus mal dotés les années précédentes.
Abordant la question du dispositif d'aide à l'investissement « petite enfance », Mme Nicole Prud'homme a justifié l'existence d'une enveloppe centralisée réservée aux crèches d'entreprise et aux entreprises de crèches par la nécessité d'un pilotage national de projets particulièrement innovants. Elle a déclaré qu'il est évident que les crédits non consommés au 30 juin 2006 seraient reversés aux CAF pour le financement de projets locaux, mais que l'établissement d'un bilan de ces expériences après une année seulement de fonctionnement est difficile. On observe toutefois que les entreprises de crèches agissent la plupart du temps comme opérateurs pour des entreprises souhaitant mettre à la disposition de leurs salariés une structure de garde, sans toutefois en assumer directement la gestion, et certaines collectivités territoriales font également appel à ces nouveaux opérateurs.
M. Philippe George a précisé que le taux de consommation des crédits de l'enveloppe nationale est encore faible, mais que la multiplication des projets de crèches d'entreprise et d'entreprises de crèche montre la vitalité de ce secteur.
Mme Marie-Thérèse Hermange a d'abord fait part de ses craintes quant à l'avenir des contrats enfance. Elle a également insisté sur la nécessité d'engager une réflexion sur l'optimisation du taux d'occupation des places en crèche. Elle a enfin voulu savoir si une adaptation de la PAJE est envisagée conformément aux propositions du rapport qu'elle a établi dans le cadre de la conférence de la famille de 2004.
M. Paul Blanc a souhaité connaître les modalités de participation des CAF aux maisons départementales des personnes handicapées et aux fonds départementaux de compensation du handicap.
M. Alain Vasselle s'est interrogé sur les perspectives liées à une situation financière qui redeviendrait excédentaire pour la branche famille pour savoir quelle utilisation la CNAF compterait faire de ses recettes supplémentaires éventuelles. Il a également voulu recueillir l'opinion de la caisse sur le principe d'étanchéité des branches de la sécurité sociale posé par la loi organique. Il a enfin souhaité connaître la façon dont les CAF envisagent leur rôle dans le cadre de la nouvelle prestation de compensation du handicap.
M. Guy Fischer s'est inquiété de la fixation définitive à 60 % du taux de prise en charge, par la branche famille, des majorations de pension pour enfant. Il s'est également interrogé sur les relations entretenues par les départements avec les CAF dans le cadre de la gestion du revenu minimum d'insertion (RMI) et sur celles qui devront être établies pour la gestion de la prestation de compensation du handicap.
Mme Valérie Létard a fait part de son inquiétude sur le financement durable des structures d'accueil de la petite enfance en cours de réalisation, dans un contexte de raréfaction des crédits d'action sociale de la CNAF.
M. Bernard Seillier a rappelé que le Premier ministre s'était engagé devant le conseil national de lutte contre les exclusions (CNLE) à instaurer un accompagnement systématique des familles surendettées. Il a voulu connaître le rôle que les CAF comptent jouer dans ce dispositif.
M. Claude Domeizel s'est interrogé sur le poids budgétaire des aides au logement. Il a souhaité qu'une réflexion soit engagée sur l'évolution de ces aides dans un contexte de forte augmentation des charges locatives.
Mme Nicole Prud'homme a tout d'abord insisté sur le fait que la priorité de la COG porte sur la petite enfance et elle a déclaré n'avoir aucune crainte pour le financement des structures de garde en cours de réalisation et à venir. Elle a par ailleurs indiqué que la CNAF n'avait été saisie d'aucun projet de réforme de la PAJE. S'agissant de l'amélioration du taux d'occupation des crèches, elle a observé que la PSU conduit nécessairement les structures à prendre en compte ce paramètre en raison du calcul de la prestation de service sur une base horaire.
Elle a confirmé que les CAF participent, conformément à la loi du 11 février 2005, aux maisons départementales des personnes handicapées, sans pouvoir préciser quel sera leur rôle dans la gestion de la prestation de compensation du handicap, les départements étant maîtres de l'organisation institutionnelle au niveau local. En tout état de cause, les CAF n'assureront pas gratuitement le service de cette nouvelle prestation et la charge de travail supplémentaire résultant de cette nouvelle responsabilité exige une augmentation de leurs effectifs.
Abordant la question du surendettement, Mme Nicole Prud'homme a confirmé que les travailleurs sociaux des CAF seront partie prenante au dispositif de prévention annoncé par le Premier ministre, à la mesure toutefois de leurs moyens. S'agissant de l'étanchéité des comptes des différentes branches de sécurité sociale, elle a constaté que ce principe avait tendance à faiblir dans les périodes de difficultés financières. Elle a affirmé que les excédents éventuels serviraient à financer des mesures nouvelles au profit des familles, de même que les excédents des exercices antérieurs avaient permis de financer les différents plans de création de places en crèche.