ARTICLE 3
Article de
coordination
Commentaire : dans le cadre de la transposition de la directive du 21 avril 2004, le présent article modifie, les conditions dans lesquelles l'Autorité des marchés financiers (AMF) est compétente pour apposer un visa sur une offre publique.
Le présent article modifie l'article L. 621-8 du code monétaire et financier relatif aux visas apposés par l'Autorité des marchés financiers dans le cadre de certaines opérations portant sur des instruments du marché financier.
Le présent article 3 est un article de coordination, suite à la modification du champ de compétences de l'AMF opérée par l'article 1 du présent projet de loi 39 ( * ) .
Le IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financiers prévoit actuellement que l'AMF appose « un visa préalable quand une personne physique ou morale fait une offre publique d'acquisition de titres de capital ou titres de créance d'un émetteur faisant appel public à l'épargne en France ». Dès le dépôt d'une offre publique, l'initiateur de l'offre est tenu de déposer une note d'information, qui permettra notamment à la société cible d'apprécier les conditions de l'offre. Cette note est soumise au visa de l'AMF, qui à cette occasion, examine la régularité des opérations justifiant l'information.
Le présent article modifie cet alinéa en insérant une référence au nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier proposé par le premier article du projet de loi et définissant les nouveaux critères de compétence de l'AMF en matière d'offres publiques.
Ainsi l'AMF apposerait « un visa préalable quand une personne physique ou morale fait une offre publique d'acquisition d'instruments financiers dans les conditions prévues par l'article L. 433-1 du code monétaire et financier. »
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 4
Définition de l'action de concert
Commentaire : le présent article définit la notion d'action de concert en cas d'offre publique d'acquisition, conformément aux dispositions de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.
I. LE DROIT EXISTANT
L'action de concert constitue une notion importante du droit des offres publiques puisqu'on la retrouve en matière de franchissement de seuil 40 ( * ) , d'offre publique obligatoire 41 ( * ) , de garantie de cours 42 ( * ) , d'offres publiques de retrait 43 ( * ) , et dans les dérogations aux offres obligatoires 44 ( * ) .
Créant une solidarité entre toutes les personnes qui participent au concert , cette notion vise à prévenir le contournement des obligations imposées par la réglementation.
Le concept d'action de concert a été introduit dans notre droit par la loi n° 89-531 du 2 août 1989 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier , qui a notamment modifié, s'agissant des franchissements de seuils, la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
La loi du 2 août 1989 précitée transposait les dispositions de la directive 88/627/CEE du Conseil du 12 décembre 1988 relatives aux informations à publier lors de l'acquisition et de la cession d'une participation importante dans une société cotée en bourse. Selon M. Pierre Bérégovoy, alors ministre des finances, il s'agissait de « rétablir pour l'application des obligations déclaratives de franchissement de seuil et de la réglementation des offres publiques la réalité des actions concertées derrière la dissimulation des actions dispersées 45 ( * ) ».
La notion d'action de concert tend ainsi à garantir une plus grande transparence dans la répartition des actions des sociétés cotées . Elle permet de soumettre aux mêmes obligations que celles incombant à une personne détenant directement ou indirectement des droits de vote ou des actions, les personnes qui ont conclu un accord dans un objectif précis.
A. LA QUESTION DE LA FINALITÉ DE L'ACTION DE CONCERT
L'article 7 de la directive du 12 décembre 1988 prévoyait le cas des « droits de vote détenus par un tiers avec qui cette personne a conclu un accord écrit qui les oblige à adopter, par un exercice concerté des droits de vote qu'ils détiennent, une politique commune durable vis-à-vis de la gestion de la société en question ».
Le législateur français a transposé cette directive en supprimant l'exigence d'une forme écrite à l'accord et en ajoutant l'accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote.
Jusqu'à la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, de nombreux débats ont porté sur le fait de savoir si la mise en oeuvre d'une politique commune était une condition de l'action de concert aussi bien pour les accords prévoyant le transfert de droits de vote que pour ceux concernant leur exercice.
La loi précitée a définitivement tranché, grâce à un placement de virgule adéquat, en faveur de l'exigence d'une communauté d'objectifs de la part des personnes réputées agir de concert pour conclure à l'existence d'une action de concert. Ceci correspondait à la jurisprudence du Conseil des marchés financiers 46 ( * ) .
Ainsi, aux termes de l'article L. 233-10 du code de commerce « sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer des droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société ».
Selon cette définition, l'action de concert exige un accord, c'est-à-dire une entente concertée et volontaire . Cette entente correspond à la mise en oeuvre d'une politique vis-à-vis de la société, c'est-à-dire d'une stratégie que les « concertistes » déterminent ensemble, dans le but de définir directement ou indirectement les grandes orientations financières, sociales, commerciales ou technologiques de la société. La concertation entre les partenaires autour d'un intérêt commun est la condition sine qua non de l'existence d'un concert, de telle sorte que « la cacophonie est incompatible avec l'action de concert 47 ( * ) ».
Deux modalités d'accord sont ainsi visées : d'une part, les accords concernant le transfert des droits de vote (acquisition, cession...), d'autre part, les accords relatifs à l'exercice de ces droits (centralisation des votes, consensus sur le contrôle, concertation en cas d'opérations sur le capital...).
B. LES HYPOTHÈSES DE PRÉSOMPTION D'UNE ACTION DE CONCERT
Si l'action de concert se déduit en général à partir d'un faisceau d'indices, tels que les clauses de préemption, d'inaliénabilité, de sortie conjointe ou de non-dilution, le code de commerce en facilite l'identification, par la reconnaissance d'un certain nombre de présomptions . Ainsi un accord constitutif d'une action de concert est présumé exister :
- entre une société, le président de son conseil d'administration et ses directeurs généraux ;
- entre une société et les sociétés qu'elles contrôlent au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce ;
- entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes ;
- entre les associés d'une société par actions simplifiée à l'égard des sociétés que celle-ci contrôle.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Selon la définition posée par l'article 2 de la directive européenne du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, « les personnes agissant de concert » sont « les personnes physiques ou morales qui coopèrent avec l'offrant ou la société visée sur la base d'un accord formel ou tacite, oral ou écrit, visant à obtenir le contrôle de la société visée ou à faire échouer l'offre » .
Afin de transposer cette définition, le présent article ajoute un nouvel alinéa à l'article L. 233-10 du code de commerce spécifique à la définition de l'action de concert en cas d'offre publique d'acquisition .
1. L'accord tendant à obtenir le contrôle de la société cible
La première hypothèse visée par la directive concerne l'accord conclu entre des personnes et l'auteur de l'offre publique en vue d'obtenir le contrôle de la société visée par l'offre.
2. L'accord tendant à faire échouer l'offre
La seconde hypothèse concerne l'accord conclu entre des personnes et la société cible de l'offre afin de faire échouer cette offre. La détermination de l'issue d'une offre nécessite d'être précisée.
Une offre qui échoue est une offre qui ne comporte pas de suite positive. Toutefois, il convient de préciser que l'offre comportant une suite positive n'est pas nécessairement l'offre ayant abouti à la prise de contrôle de la société cible.
Selon l'article 231-20 du règlement général de l'AMF relatif au contenu des projets de notes d'information, l'initiateur de l'offre peut préciser « le nombre de titres présentés à l'offre en deçà duquel l'offre n'aura pas de suite positive ». Ce seuil représente le nombre minimal de titres devant être présentés à l'offre pour que l'offre soit considérée comme réussie. A défaut d'une telle condition de seuil, il suffit qu'une seule action soit apportée pour que l'offre ait une suite positive. Il convient de préciser qu'un tel seuil ne peut être fixé lors d'une offre publique obligatoire ou d'une offre publique de retrait.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article vise à transposer la définition de l'action de concert donnée par l'article 2 de la directive du 21 avril 2004 relatif aux offres publiques d'acquisition.
Cette définition de l'action de concert s'applique spécifiquement en cas d'OPA et prend aussi bien en compte les motivations de l'offrant, qui par définition cherche à accroître sa participation dans la société, que celles des actionnaires de la société visée, qui souhaiteraient éventuellement la faire échouer.
La modification de l'article L. 233-10 du code de commerce proposée par le présent article conduirait donc à distinguer deux niveaux :
- une définition générale de l'action de concert ;
- une définition spécifique de l'action de concert au cas des offres publiques.
La principale question qui se pose quant à la transposition de cette définition européenne, est de savoir si elle conduit à créer de nouveaux types de concert . En d'autres termes, l'action de concert, qui met en oeuvre une politique commune, serait-elle différente selon qu'il s'agit d'un concert organisé dans le but de contrôler la société, ou d'un concert établi aux fins de faire échouer cette offre ?
La réponse à la première partie de la question est relativement simple car elle a été donnée par la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 et par la loi portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financiers du 11 décembre 2001. Ces deux lois ont complété la définition d'une société contrôlée en ajoutant un III à l'article L. 233-3 du code de commerce, ainsi rédigé : « (...) deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale ».
Le contrôle d'une société implique une idée de continuité, une communauté d'intérêts sur la gestion de la société contrôlée. Cette idée de communauté d'intérêts est représentée, dans la définition ci-dessus citée, par la référence aux personnes agissant de concert. Or, par définition le concert sous-entend dorénavant la mise en oeuvre d'une politique commune ( cf. supra ). Ainsi le contrôle d'une société ne peut se faire que dans le cadre de la mise en oeuvre d'une politique commune.
Dans cette perspective, le texte proposé par le présent article pour la première phrase du nouvel alinéa de l'article L. 233-10 du code de commerce, et qui concerne, en cas d'OPA, un concert organisé aux fins de contrôle de la société visée par l'offre, s'inscrit dans la droite ligne de la définition générale. Votre rapporteur général estime que c'est davantage pour des raisons de pédagogie et de clarté de la loi que le texte du projet reprend ainsi le texte de la directive européenne, alors même que l'actuel article L. 233-10 du code de commerce répondait à cette première exigence de la directive.
La situation est différente s'agissant du second cas prévu par la directive, à savoir, une action de concert exercée en vue de faire échouer l'offre en cas d'OPA. Selon le présent article, les « concertistes » sont alors « les personnes qui ont conclu un accord avec la société visée par l'offre ».
La question reste la même, c'est-à-dire savoir si cette disposition crée un nouveau cas de concert, i.e. un concert qui ne serait pas la mise en oeuvre d'une politique commune vis-à-vis de la société.
A première vue, il est possible de considérer que le concert en vue de faire échouer une offre représente une certaine nouveauté dans la mesure où l'échec de l'offre est un objectif à court terme . Cet objectif serait ainsi différent de la mise en oeuvre d'une politique commune supposée s'inscrire au moins dans le moyen terme.
Toutefois, le texte précise qu'il s'agit d'une action de concert entre des personnes qui ont conclu un accord avec la société qui fait l'objet de l'offre. Cela signifie que si plusieurs actionnaires d'une société visée par une offre coopèrent afin de faire échouer une offre, cela sous-entend implicitement qu'ils ont une position commune sur la politique et la stratégie que devrait suivre la société, même si cette position revêt dans un premier temps un caractère dépressif, voir négatif.
Comme votre rapporteur général l'a rappelé ci-dessus, « l a cacophonie est incompatible avec l'action de concert ». Par conséquent la seule action de concert envisageable demeure l'action qui reflète une communauté d'intérêts sur la gestion de la société. En outre, il convient de préciser que les personnes réputées agir de concert ne peuvent être que des personnes détenant ou amenées à détenir une participation dans les sociétés concernées par une offre publique. En effet, la principale conséquence de la reconnaissance d'une action de concert est de contraindre les « concertistes » à déposer une offre publique obligatoire si leurs participations réunies sont supérieures à 33,33 %. Dans cette perspective les prestataires de service, tels que les banques ou les avocats conseils, ne sauraient être réputés agir de concert s'ils ne détiennent pas de participations à caractère stratégique.
Si le présent projet de loi introduit dans le code de commerce une définition qui concerne précisément l'action de concert en cas d'offre publique, votre rapporteur général insiste sur la nécessité de rappeler que l'élément déterminant de l'action de concert est la mise en oeuvre d'une politique commune, et qu'à cet égard le présent article ne semble pas déroger pas à ce principe directeur.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 5
Aménagement du régime du retrait obligatoire
Commentaire : le présent article vise à transposer et adapter, conformément à la directive européenne du 21 avril 2004, le régime de retrait obligatoire consécutif à une offre publique.
I. LE DROIT EXISTANT
A. INTRODUITE DANS LE DROIT FRANÇAIS EN 1993, LA PROCÉDURE DE RETRAIT OBLIGATOIRE EST L'ACCESSOIRE DE LA PROCÉDURE D'OFFRE PUBLIQUE DE RETRAIT
1. L'introduction de la procédure de retrait obligatoire en droit français en 1993
Ce dispositif permet à l'actionnaire majoritaire d'une société d' exiger des actionnaires minoritaires de cette société qu'ils lui vendent leurs titres. La mise en oeuvre de cette procédure ne peut être réalisée en France que si elle a été précédée d'une offre publique de retrait (OPR). L'ensemble de ce dispositif est codifié à l'article L. 433-4 du code monétaire et financier.
Le premier alinéa de l'article L. 433-4 dispose que le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) fixe les conditions dans lesquelles une offre publique de retrait (OPR) peut être demandée par les actionnaires majoritaires, sous réserve qu'une des deux conditions suivantes soit remplie :
- l'actionnaire majoritaire détient un certain nombre de droits de vote, à savoir au moins 95 % des droits de vote ;
- la société est transformée en société en commandite par actions.
On parle également de demande publique de retrait lorsqu'elle émane des actionnaires minoritaires. Les articles 236-1 à 236-8 du règlement général de l'AMF déterminent précisément les modalités des offres publiques de retrait.
A l'issue d'une offre publique de retrait ouverte dans les cas où l'initiateur de l'offre détient plus de 95 % du capital, ce dernier pourra, par l'intermédiaire d'une offre publique de retrait obligatoire , récupérer les titres non présentés par les actionnaires minoritaires moyennant une indemnisation.
2. La détermination du montant de l'indemnisation du retrait obligatoire
Contrairement aux autres procédures d'offre publique où la fixation du prix ne fait pas l'objet d'un encadrement législatif, l'article L. 433-4 du code monétaire et financier précise que dans le cadre d'une offre publique de retrait obligatoire, « l'évaluation des titres, effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs tient compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité. L'indemnisation est égale, par titre, au résultat de l'évaluation précitée ou, s'il est plus élevé, au prix proposé lors de l'offre ou la demande de retrait du règlement général de l'AMF ». Par ailleurs l'article 237-1 du règlement général de l'AMF précise que l'évaluation faite par l'initiateur de l'offre est « assortie de l'appréciation d'un expert indépendant dont l'agrément a été préalablement soumis à l'AMF ».
La loi a introduit des garde-fous spécifiques en instituant l'obligation d'une attestation d'équité , qui s'ajoute aux travaux de l'initiateur de l'offre. L'information est donc plus complète que pour les offres publiques de retrait, ce qui s'explique notamment par le fait que cette procédure de retrait obligatoire touche la propriété des valeurs mobilières, consacrée par le code civil.
Le prix est homologué par l'AMF tout comme les conditions de mise en oeuvre de l'OPR. La décision de l'AMF peut être contestée devant la cour d'appel de Paris à qui est dévolu l'ensemble du contentieux.
3. Les principes de la directive
Les articles 15 et 16 de la directive du 21 avril 2004 consacrent au niveau européen les notions de retrait obligatoire et d'achat obligatoire dans le cadre des offres publiques d'acquisition. L'article 15 fixe ainsi des principes généraux concernant le retrait obligatoire lorsqu'il fait suite à une offre publique.
Ces dispositions ont trait aux offres « en séquence » , c'est-à-dire aux OPA suivies d'un retrait ou d'un rachat obligatoire. Le vingt-quatrième considérant de la directive, qui introduit les notions de retrait et de rachat obligatoires, précise ainsi que « les Etats membres devraient prendre les mesures nécessaires pour permettre à un offrant, qui a acquis un certain pourcentage du capital d'une société assorti de droits de vote à la suite d'une offre publique d'acquisition , d'obliger les détenteurs des titres restants à lui vendre leurs titres. (...) Ces procédures de retrait obligatoire et de rachat obligatoire ne devraient s'appliquer que dans des conditions spécifiques liées à des offres publiques d'acquisition. En dehors de ces conditions, les Etats membres peuvent continuer à appliquer les dispositions nationales en ce qui concerne les procédures de retrait obligatoire et de rachat obligatoire ».
Cette approche circonscrite est confirmée par le premier paragraphe de l'article 15, dont les dispositions relatives au retrait obligatoire s'appliquent « lorsqu'une offre a été adressée à tous les détenteurs de titres de la société visée pour la totalité de leurs titres ».
a) Les principes concernant les critères habilitant un actionnaire majoritaire à demander l'application du dispositif du retrait obligatoire
Le droit donné à l'actionnaire majoritaire de demander le retrait obligatoire reste subordonné à la nécessité de satisfaire certains critères. La directive distingue deux cas alternatifs :
- d'une part, un tel retrait peut être demandé par l'actionnaire qui détient au moins 90 % du capital assortis des droits de vote et 90 % des droits de vote de la société visée. La directive précise que les Etats membres peuvent fixer un seuil plus élevé, pour autant qu'il ne dépasse pas 95 %.
Cette option est celle envisagée par le présent article , qui conserve le seuil de 95 % actuellement en vigueur, mais sans que soit requise une offre de retrait préalable au retrait obligatoire , ce qui constitue un facteur de simplification du droit des offres ;
- d'autre part, ce retrait peut être exigé par l'actionnaire majoritaire, « lorsqu'à la suite de l'acceptation de l'offre, il a acquis des titres représentant au moins 90 % du capital assorti de droits de vote de la société visée et 90 % des droits de vote faisant l'objet de l'offre ». Cette hypothèse est plus complexe dans la mesure où elle met en relation deux critères, un critère de détention de capital et un critère lié à la liquidité des titres de la société.
Ainsi ce second système offre une prime aux offrants qui « partent les mains vides » dans la mesure où plus la détention initiale de capital est faible, plus est bas le seuil final requis pour l'offrant et correspondant à l'obtention de 90 % des droits de vote restants, c'est-à-dire du « flottant ».
Exemples |
|||||
Détention initiale de capital |
Nombres total de titres |
« Flottant » (1) (fraction restante des droits de vote) |
Hypothèse 1 Seuils de 90 % et de 95 % |
Hypothèse2 |
|
Acquisition de 90 % du « flottant » au moins |
Détention de capital à l'issue de l'offre (doit être = 90 %) |
||||
5 % |
100 |
95 % |
90 95 |
85,5 % |
90,5 (5 + 85,5) |
10 % |
100 |
90 % |
90 95 |
81 % |
91 % |
20 % |
100 |
80 % |
90 95 |
72 % |
92 % |
40 % |
100 |
60 % |
90 95 |
54 % |
94 % |
60 % |
100 |
40 % |
90 95 |
36 % |
96 % |
(1) Hypothèse de travail : parité entre le nombre de droits de vote et le nombre de titres de capital
Source : commission des finances du Sénat
Comme le montre le tableau ci-dessus, l'application de la seconde hypothèse conduit à avoir une approche pragmatique , qui prend en compte la situation de l'offrant.
b) Un encadrement temporel de la demande de retrait obligatoire
Le paragraphe 4 de l'article 15 de la directive précise que « si l'offrant souhaite exercer les droits de recourir au retrait obligatoire, il l'exerce dans un délai de trois mois après la fin de la période d'acceptation de l'offre (...) ». Ainsi le régime proposé par la directive concerne spécifiquement l'application du retrait obligatoire à la suite d'une offre publique, c'est-à-dire lorsqu'il y a une succession chronologique.
c) Une définition du « prix juste » demandé aux actionnaires dont le ou les actionnaire (s) majoritaire(s) demandent la sortie du capital de la société.
Il convient tout d'abord de remarquer que la directive emploie, dans le cadre du retrait obligatoire, l'expression de « prix juste » alors qu'elle fait référence, dans le cas des offres publiques obligatoires, à la notion de « prix équitable ». Cette distinction reflète la différence de situation entre, d'une part, les actionnaires visés par une offre publique obligatoire et qui ont la possibilité d'accepter ou de refuser l'offre, et d'autre part, les actionnaires objet d'une offre publique de retrait obligatoire, qui ne laisse aucun choix aux actionnaires ( cf. supra ).
La directive fixe deux présomptions de prix juste :
- d'une part, le prix imposé par l'actionnaire majoritaire dans le cadre d'un retrait obligatoire suivant une offre volontaire serait présumé juste si l'offrant a acquis, par acceptation de ladite offre, « des titres représentant au moins 90 % du capital assorti de droits de vote faisant l'objet de l'offre ». Le caractère juste du prix serait ainsi validé par le marché, qui a estimé l'offre volontaire précédant le retrait obligatoire suffisamment satisfaisante pour permettre à l'offrant d'acquérir 90 % des droits de vote restant ;
- d'autre part, le prix imposé par l'actionnaire majoritaire dans le cadre d'un retrait obligatoire suivant une offre obligatoire serait juste si le prix correspond au prix de cette dernière offre, qui, selon l'article 5 de la directive est égal au prix équitable ( i.e le prix le plus élevé du titre au cours des douze derniers mois).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article propose de modifier l'article L. 433-4 du code monétaire et financier en le complétant par un alinéa transposant spécifiquement le dispositif de retrait obligatoire suite à une offre publique . Dorénavant, coexisteraient deux régimes de retrait obligatoire :
- le retrait obligatoire non consécutif d'une offre publique et précédé d'une offre publique de retrait ;
- le retrait obligatoire consécutif à une offre publique.
A. LE CHOIX DU SEUIL DE 95 %
Ainsi que la directive le permet ( cf. supra ), le présent article opte pour le seuil de 95 %, qui correspond au seuil existant pour la mise en oeuvre d'une offre publique de retrait obligatoire en complément d'une offre publique de retrait (II de l'actuel article L. 433-4 du code monétaire et financier). Ainsi « les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote » pourront faire l'objet d'une procédure de retrait obligatoire.
B. UN ENCADREMENT TEMPOREL CONFORME À LA DIRECTIVE
Ainsi, et ce conformément au paragraphe 4 de l'article 15 de la directive, les dispositions du nouvel alinéa de l'article L. 433-4 ne concerneraient que les retrait obligatoires demandés par les actionnaires majoritaires détenant plus de 95 % du capital dans un délai de trois mois suivant la clôture d'une offre publique
C. UN ENCADREMENT DE L'INDEMNISATION
Selon le texte proposé par le présent article pour le III de l'article L. 433-4 précité, « dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, l'indemnisation est égale, par titre, au prix proposé lors de la dernière offre, ou le cas échéant, au résultat de l'évaluation mentionnée au II ».
Tout d'abord, il convient de préciser que l'évaluation à laquelle fait référence l'article L. 433-4 concerne l'évaluation effectuée selon une approche multicritères et dont le II de l'article L. 433-4 du code monétaire et financier expose les critères ( cf.supra ).
Cette formulation générale permet de combiner à la fois les exigences de la directive concernant le prix juste et l'usage de l'approche multicritères qui est actuellement systématique en matière de retrait obligatoire.
Elle permet en effet de répondre aux prescriptions européennes qui posent deux présomptions de prix juste selon que :
- le retrait obligatoire suive une offre volontaire à la fin de laquelle l'offrant a acquis au moins 90 % du flottant (validation par les marchés) ;
- ou que le retrait obligatoire succède à une offre publique obligatoire, auquel cas le prix juste est égal au prix de l'offre obligatoire, qui en principe doit correspondre au prix équitable 48 ( * ) .
Dans ces deux cas, le prix juste est présumé être celui de la dernière offre comme le prévoit le présent article . La référence ensuite faite à l'évaluation multicritères permet de viser les situations non prévues par ces présomptions, ou les cas de contestation de ces présomptions, qui n'ont pas de caractère irréfragable.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article vise à transposer une procédure de retrait obligatoire spécifique aux offres publiques.
Comme elle avait eu l'occasion de l'expliquer en 1993 lors de l'introduction de la procédure de retrait obligatoire, votre commission était favorable à cette procédure, tout en demeurant vigilante sur la contrepartie offerte aux actionnaires contraints de céder leurs titres à la demande des actionnaires majoritaires.
Dans cette perspective, la combinaison des présomptions de prix juste et de l'application de l'approche multicritères pour définir le montant de l'indemnisation offerte aux actionnaires minoritaires satisfait votre rapporteur général .
Les dispositions du présent article s'exercent également sans préjudice de l'utilisation de l'évaluation multicritères, assortie d'une attestation d'équité par un expert indépendant, dans les cas de retrait obligatoire non consécutifs à une OPA, et en particulier dans les retraits « isolés » et les fusions qui suivent le franchissement du seuil de 95 %.
En outre, votre rapporteur général souligne que le présent dispositif de retrait obligatoire consécutif à une offre publique ne comprend pas la phase d'offre publique de retrait, ce qui est un facteur de simplification administrative et de réduction des coûts pour l'offrant.
Toutefois, votre rapporteur général souhaite modifier deux points du dispositif.
D'une part, il souhaite proposer une modification importante relative au seuil de retrait obligatoire consécutif à une offre publique d'acquisition, qui ne serait plus fixé à 95 % du capital ou des droits de vote . La rédaction du présent projet de loi opte pour le seuil de 95 % du capital ou des droits de vote, qui correspond à la première des deux options ouvertes par le deuxième paragraphe de l'article 15 de la directive, et au seuil actuel de la mise en oeuvre d'une offre publique de retrait obligatoire en complément d'une offre publique de retrait. Notre pays serait fondé à exercer plutôt la seconde option, qui correspond à un seuil représentant 90 % du capital assorti des droits de vote de la cible et 90 % des droits de vote faisant l'objet de l'offre, lesquels représentent le « flottant ».
Cette solution se traduirait par un seuil minimum de 90 %, pouvant aller au delà de 95 %, selon la participation initialement détenue par l'initiateur de l'offre. Elle serait plus pragmatique en ce qu'elle tiendrait compte de la liquidité de la société cible et accorderait une prime à l'offrant qui initierait l'opération « les mains vides » , et permettrait de se rapprocher du seuil appliqué par d'autres Etats membres tels que le Royaume-Uni.
D'autre part, votre rapporteur général souhaite proposer que l'indemnisation des actionnaires, dans le cadre d'une procédure de retrait obligatoire, puisse être réalisée en titres, tout en prévoyant qu'un règlement en numéraire soit systématiquement proposé à titre d'option . Ceci permettrait de faciliter le déroulement des offres « en séquence » (OPA suivie d'une offre de retrait obligatoire) en particulier lorsque l'offre publique initiale consiste en une OPE ou comporte une fraction en titres de l'acquéreur. Cela permettrait également d'encourager les fusions par le marché, plutôt que par des dérogations sollicitées auprès de l'AMF.
Il convient de préciser que les actionnaires minoritaires ne seraient pas lésés, dans la mesure où la contrepartie (intégralement ou partiellement) en titres leur permettrait de bénéficier de la prime sur le cours de bourse généralement proposée par l'offrant. Une contrepartie en titres contribue en outre à limiter les problèmes de valorisation que peuvent poser les indemnisations en numéraire dans les semaines qui suivent une offre réussie.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 39 Cf. commentaire de l'article 1 er .
* 40 Article L. 233-7 du code de commerce.
* 41 Article L. 433-3 du code monétaire et financier.
* 42 Article L. 433-3 du code monétaire et financier.
* 43 Article L.433-4 du code monétaire et financier.
* 44 Articles 234-6 et 234-8 du règlement général de l'AMF.
* 45 Discours devant l'Assemblée nationale, 18 avril 1989.
* 46 Cf. notamment, avis du 13 novembre 1998 du Conseil des marchés financiers sur l'action de concert déclarée entre SCDM et Financière du Loch. Il y a effectivement un accord dont l'objet porte sur les transferts de droits de vote mais il n'y avait pas « d'intérêt commun ».
* 47 Alain Viandier , « OPA/OPE et autres offres publiques » , Editions Francis Lefebvre 1999.
* 48 Cf. commentaire de l'article 2 du présent projet de loi.