II. UNE NOUVELLE IMPULSION POUR L'EMPLOI
Pour gagner la bataille de l'emploi et convaincre nos concitoyens de sa détermination à agir, le Gouvernement a choisi la procédure des ordonnances qui présente l'avantage de la rapidité et permettra aux nouvelles mesures pour l'emploi d'entrer en vigueur dès la rentrée.
A. LE CHOIX DE PROCÉDER PAR ORDONNANCES
Le recours aux ordonnances est une pratique autorisée par la Constitution et régulièrement utilisée depuis les débuts de la V e République, car elle permet d'agir avec rapidité et souplesse.
1. Le recours aux ordonnances sous la Ve République
A la différence de la Constitution de 1848, des lois constitutionnelles de 1875 et de la Constitution de 1946, la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit explicitement, en son article 38, que « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Elle consacre ainsi une pratique acceptée par le Parlement sous les républiques antérieures, en dehors de tout cadre constitutionnel, notamment avec les décrets-lois de la III e République, la loi Marie du 17 août 1948 et la loi sur les pouvoirs spéciaux sous la IV e République.
Les ordonnances de l'article 38 procèdent d'une dissociation entre l'organe d'édiction et le domaine dans lequel il intervient : elles sont prises par le Gouvernement mais leur contenu est législatif. La loi d'habilitation doit fixer deux délais : d'une part, celui pendant lequel le Gouvernement peut prendre des ordonnances, d'autre part, celui avant l'expiration duquel doit être déposé un projet de loi de ratification de ces ordonnances. Celles-ci entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.
Le projet de loi d'habilitation dont votre commission est aujourd'hui saisie prévoit que la publication des ordonnances devra intervenir dans un délai de deux mois à compter de sa promulgation. Pour chaque ordonnance, un projet de loi d'habilitation devra être déposé devant le Parlement dans le même délai. Ces délais étaient initialement fixés à trois mois, mais l'Assemblée nationale a décidé, avec l'accord du Gouvernement, de les réduire.
Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles n'ont, après leur publication et jusqu'à leur ratification, qu'une valeur réglementaire et restent susceptibles de recours devant le juge administratif.
En vertu de l'article 41 de la Constitution, le Parlement peut se voir opposer par le Gouvernement l'irrecevabilité d'une proposition ou d'un amendement qui serait « contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38 ». A contrario , une loi adoptée avant l'expiration du délai d'habilitation peut modifier et ratifier tacitement les dispositions d'une ordonnance, dès lors que le Gouvernement n'a pas opposé l'irrecevabilité 5 ( * ) .
De même, à l'issue du délai pendant lequel le Gouvernement est habilité à prendre des ordonnances, le Parlement peut amender le contenu des ordonnances, soit au moment de l'examen du projet de loi de ratification, soit de sa propre initiative.
Dans le cas d'une ratification implicite, à l'occasion d'une loi dont ce n'est pas l'objet, le Conseil constitutionnel vérifie « si la loi comporte effectivement ratification de tout ou partie des dispositions de l'ordonnance en cause et, dans l'affirmative, si les dispositions auxquelles la ratification confère valeur législative sont conformes à la Constitution » 6 ( * ) .
Depuis 1958, plusieurs gouvernements ont eu recours aux ordonnances pour mettre en oeuvre des aspects de leur programme au contenu politique très sensible : les privatisations en 1986, le découpage électoral la même année, la réforme de la sécurité sociale en 1995 ou encore, comme cela a été rappelé, les grandes réformes sociales de 1982.
* 5 Décision n° 86-524 DC du 23 janvier 1987.
* 6 Idem.