ARTICLE
57 ter (nouveau)
Travaux d'adduction d'eau et d'assainissement en milieu
rural
Commentaire : le présent article, introduit à l'initiative du gouvernement, tend à confier aux agences de l'eau la compétence d'attribution de subventions pour la réalisation de travaux d'adduction d'eau et d'assainissement en milieu rural.
I. LA MESURE PROPOSÉE
A. LE TRANSFERT AUX AGENCES DE L'EAU DES COMPÉTENCES DE L'EX-FNDAE
1. Les lacunes du projet de loi de finances pour 2005
Notre collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial des crédits de l'agriculture, a souligné dans son rapport spécial sur le projet de budget du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales pour 2005, qu'aucune dotation ne figurait dans ce projet de budget pour le financement et la gestion des dépenses d'adduction d'eau et d'assainissement, ce qui s'expliquait par le transfert à compter du 1 er janvier 2005, de l'intégralité des financements des opérations d'eau et d'assainissement en faveur des communes rurales aux agences de l'eau.
On rappellera que les crédits inscrits au budget de l'agriculture en 2004, sur l'article 40 du chapitre 61-40, correspondaient aux crédits antérieurement dévolus au Fonds national de développement des adductions d'eau (FNDAE), qui avait été budgétisé par l'article 38 de la loi de finances pour 2004 106 ( * ) (loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003).
Aucune disposition du projet de loi de finances pour 2005 ne permettait toutefois de donner une base législative au transfert de cette compétence spécifique en matière d'assainissement et d'adduction d'eau aux agences de l'eau.
Le présent article, adopté par l'Assemblée nationale sur proposition du gouvernement, constitue donc une mesure de coordination avec les dispositions du projet de loi de finances pour 2005.
2. Le dispositif prévu
Le II du présent article complète l'article L. 213-6 du code de l'environnement relatif aux missions des agences de l'eau, afin de prévoir que celles-ci attribuent des subventions en capital aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour l'exécution de travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales, ce qui reprend la formule actuelle de l'article L.2335-9 du code général des collectivités territoriales, qui confiait cette mission à l'Etat.
Le III du présent article précise que « les agences d'eau subventionnent, à compter du 1 er janvier 2005 , dans le cadre de leurs attributions et selon le principe d'une solidarité envers les communes rurales , la réalisation des travaux d'adduction d'eau et d'assainissement en milieu rural relevant précédemment de l'article 40 du chapitre 61-40 du budget du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ».
En contrepartie, la taxe sur les consommations d'eau distribuée dans toutes les communes bénéficiant d'une distribution publique d'eau potable, prévue par l'article L. 2335-10 du code général des collectivités territoriales et affectée au budget général de l'Etat à compter de 2004, est supprimée en métropole.
B. DES MODALITÉS PARTICULIÈRES POUR L'OUTRE-MER
En effet, le dispositif ainsi présenté ne vaut que pour la métropole. Dans les départements d'outre-mer et à Mayotte, l'Etat conserve la compétence qu'il détient actuellement.
Cette mesure est justifiée par le fait que les agences de l'eau ne sont pas compétentes dans les départements d'outre-mer, tandis que les offices de l'eau ne sont pas opérationnels dans l'ensemble des départements. L'objet de l'amendement présenté par le gouvernement précise toutefois que cette solution pourrait n'être que provisoire.
1. Le maintien de la compétence de l'Etat
Les articles L. 2335-9 et L. 2335-10 du code général des collectivités territoriales sont donc adaptés en conséquence par les 1° et 2° du I du présent article.
L'article L. 2335-9 précité, réécrit par le 1° du I du présent article, tend ainsi à prévoir que l'Etat peut attribuer des subventions en capital aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour l'exécution de travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement en milieu rural dans les départements d'outre-mer et à Mayotte.
Il est précisé que les aides financières consenties sont réparties entre ces collectivités sous forme de dotations affectées à l'adduction d'eau et à l'assainissement, ce qui correspond aux modalités actuellement prévues par l'article L. 3232-2 du code général des collectivités territoriales, qui sera à l'avenir recentré sur le Fonds d'amortissement des charges d'électrification.
En outre, il est indiqué que les départements ou la collectivité territoriale de Mayotte règlent, sur la base des propositions présentées par les collectivités concernées, la répartition de ces dotations entre les communes rurales et leurs groupements qui réalisent les travaux d'adduction d'eau et d'assainissement, ce qui correspond à la reprise des modalités actuelles prévues par l'article L. 3232-2 précité.
2. Le maintien de la taxe sur les consommations d'eau dans les départements d'outre-mer et à Mayotte
En contrepartie, le 2° du I du présent article réécrit l'article L. 2335-10 du code général des collectivités territoriales afin de prévoir le maintien de la taxe sur les consommations d'eau distribuée dans toutes les communes bénéficiant d'une distribution publique d'eau potable dans les départements d'outre-mer et à Mayotte. Cette taxe resterait affectée au budget général de l'Etat.
C. DES MESURES DE COORDINATION
Plusieurs mesures de coordination sont, par ailleurs, prévues par le I du présent article :
- le 3° abroge l'article L. 2335-11 du code général des collectivités territoriales qui faisait référence à la répartition des aides versées par le FNDAE et à la composition du comité consultatif de gestion de ce fonds ;
- le 4° réécrit la section 2 du chapitre II du titre III du livre II de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, actuellement intitulée « Adductions d'eau, assainissement et électrification », afin de la recentrer sur l'électrification. L'article L. 3232-2 du même code est réécrit afin d'être recentré sur le Fonds d'amortissement des charges d'électrification.
- par mesure de coordination, les 5° et 6° abrogent respectivement les articles L. 3232-3 et L. 3553-6 du code général des collectivités territoriales, qui prévoyaient la répartition par le département des aides accordées par l'Etat.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
L'objet de l'amendement présenté par le gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale mérite d'être cité, dans la mesure où il explique le choix effectué. Il indique ainsi :
« Le projet de l'eau en cours d'élaboration par le gouvernement prévoyait le transfert aux agences de l'eau de cette compétence nouvelle, complémentaire de leurs prérogatives actuelles. Cette évolution s'inscrit dans un objectif de clarification des missions et des financements en matière de politique de l'eau.
« Il est apparu opportun de faire figurer cette disposition dès le PLFR 2004, pour sécuriser les modalités techniques du transfert et définir de façon cohérente les compétences de l'Etat et des ses établissements publics dans la perspective de mise en oeuvre de la organique sur les lois de finances et la future loi sur l'eau ».
A ce stade, et compte tenu du délai très court dont a disposé votre rapporteur général pour examiner ces dispositions, il n'a pas été possible de vérifier chacun de ces points.
D'après les informations communiquées à votre rapporteur général, dans le cadre de la révision à mi-parcours de leur programme d'intervention, les agences de l'eau auraient reçu l'autorisation d'augmenter leurs redevances et plusieurs conseils d'administration se sont déjà réunis pour prévoir ces augmentations, qui devraient représenter un surcroît de recettes de 190 millions d'euros pour les six agences de l'eau en 2005 et 2006, afin :
- de faire face aux besoins propres de chaque agence, s'agissant en particulier de la mise en oeuvre de la directive communautaire « eaux résiduaires urbaines » ;
- de compenser partiellement le décroisement des interventions de l'Etat et des agences de l'eau, dans des domaines financés en 2004 par le ministère de l'écologie et du développement durable 107 ( * ) ;
- de compenser le transfert de compétences au titre de l'ex-FNDAE, prévu par le présent article.
Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire a affirmé que l'opération serait « budgétairement neutre » pour le contribuable. Il importe d'obtenir des données précises sur ce point.
En outre, comme l'indique notre collègue Joël Bourdin dans son rapport spécial sur les crédits de l'agriculture pour 2005, « il est acquis que les agences de l'eau ne pourront réduire les dépenses départementales afférentes à l'assainissement et à l'adduction d'eau en 2005 ». Il appartiendra au gouvernement de confirmer ces données, et de préciser l'évolution envisagée.
On peut toutefois s'interroger sur la volonté du gouvernement d'anticiper le transfert de cette compétence aux agences de l'eau. Le projet de loi sur l'eau semblait en effet être le cadre idéal pour discuter de cette question, en embrassant l'ensemble des aspects du sujet. Ainsi, il aurait pu être envisagé de transférer cette compétence aux départements , et non aux agences de l'eau. Cette solution avait notamment été envisagée par nos collègues Joël Bourdin et Paul Loridant, qui plaidaient pour une décentralisation des crédits du FNDAE 108 ( * ) .
D'après une lettre citée dans le rapport spécial de notre collègue Joël Bourdin sur les crédits de l'agriculture pour 2004, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales avait ainsi indiqué au conseil général d'Ille-et-Vilaine que « la décentralisation du FNDAE, compte tenu des arbitrages interministériels, n'interviendra pas avant janvier 2005. Elle pourrait être envisagée dans le cadre d'un prochain projet de loi relatif à la politique de l'eau dans son ensemble ».
Nos collègues Joël Bourdin et Paul Loridant estimaient qu'il était toutefois indispensable, « avant de décider la décentralisation du FNDAE de trouver une méthode plus adaptée permettant d'évaluer les besoins à moyen terme des départements ».
En outre, la solution retenue dans le cadre du présent article requiert une vigilance particulière s'agissant de la solidarité et de la péréquation qui sera organisée , même si le présent article précise que les agences de l'eau subventionnent les travaux d'adduction d'eau et d'assainissement en milieu rural « selon le principe d'une solidarité envers les communes rurales ».
Le ministre de l'écologie et du développement durable a d'ailleurs reconnu devant le Sénat, lors de l'examen de son budget le vendredi 10 décembre 2004, que l'examen du présent collectif budgétaire n'épuiserait pas cette question : « C'est la solidarité entre les territoires qui est en jeu ici. Le transfert aux Agences a été une mesure d'urgence à la demande de l'Agriculture. La loi sur l'eau qui viendra devant le Parlement au premier semestre sera l'occasion de débattre de cette question de la solidarité. Ce n'est pas au détour du collectif qu'on pourra la traiter ».
Votre rapporteur général estime que cette question mérite un débat approfondi et que les modalités de transfert de ces compétences aux départements doivent être examinées précisément. Pour cette raison, il vous proposera la suppression du présent article.
Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.
* 106 Pour une analyse détaillée de ce point et de la gestion des crédits du FNDAE, on peut se reporter au commentaire de votre rapporteur général sur l'article 21 du projet de loi de finances pour 2004, rapport n° 73 (2003-2004), Tome II, fascicule 1, volume 1.
* 107 Se reporter sur ce point au rapport spécial n° 74, tome III, annexe 9 (2004-2005) de notre collègue Fabienne Keller sur le budget de l'écologie et du développement durable pour 2005.
* 108 Se reporter au rapport spécial n° 73, tome III, annexe 3 (2003-2004) de notre collègue Joël Bourdin sur le budget de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales pour 2004.