2. Une présentation plus claire mais loin d'être exhaustive
La nouvelle mission n'est que partiellement interministérielle et paraît se situer à mi-chemin de ce qu'aurait pu être une mission pleinement cohérente avec l'esprit de la LOLF, bien qu'elle regroupe la majeure partie des crédits budgétaires de coopération. Le biais structurel des comptes spéciaux du Trésor, qui contribuent largement à l'APD mais revêtent un caractère extra-budgétaire, ne pouvait certes pas être levé, mais il subsiste une part importante de crédits budgétaires qui relèvent de l'APD et, pour des raisons plus ou moins justifiées, n'ont pas été intégrés dans la nouvelle mission. On constate dès lors que le périmètre prévu pour cette mission ne recouvre en réalité, selon la base des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2004, que 40,6 % des crédits globaux d'APD selon les critères du CAD, mais 85,6 % des crédits d'APD au sens budgétaire (83,3 % dans le projet de loi de finances pour 2005) .
La permanence de l'écart entre crédits budgétaires retenus dans la nomenclature « LOLF » et crédits réels d'APD vient donc, d'une part, de ce qu'elle n'a pas été accompagnée par une meilleure harmonisation avec les données du CAD, et d'autre part, de ce que les crédits budgétaires de coopération gérés par les ministères techniques ne détenaient pas la taille critique ou répondaient à des objectifs disjoints ou concurrents, conduisant à les extraire de la mission interministérielle.
La mission APD ne comprend donc pas certains éléments substantiels tels que les annulations de dette (dès lors qu'elles ont une incidence extra-budgétaire, ce qui est majoritairement le cas), l'écolage, les crédits de recherche, l'aide aux territoires d'outre-mer, la quote-part français au budget communautaire dédié à l'APD, les frais de gestion communs, les crédits engagés par le ministère de l'intérieur dans les services de coopération technique internationale de police (SCTIP) ou l'ensemble hétéroclite des interventions ponctuelles des différents ministères techniques.
Les prêts et les annulations de dettes figurent ainsi dans une mission hors budget général de l'Etat, intitulée « Prêts à des Etats étrangers » et composée de trois comptes de concours financiers , les prêts à des Etats étrangers, les prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France, et les prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers.
Il a en outre été considéré que l'imputation à la mission APD des crédits d'aide aux TOM et de recherche pour le développement aurait nuit à la cohérence et à la visibilité politique des missions afférentes à la recherche et à l'outre-mer , ce que votre rapporteur spécial peut effectivement concevoir. La recherche, pour des raisons tant de lisibilité que d'affichage, fait ainsi l'objet d'une vaste mission interministérielle spécifique « Recherche et enseignement supérieur universitaire », dans laquelle les axes de recherche sont pour une large part présentés par grandes thématiques et incluent de facto la recherche comptabilisée au titre de l'APD, qui répond à une clef de répartition différente. De même, les écolages ne font pas l'objet d'une évaluation précise ex ante , cette « APD clandestine » étant surtout constatée ex post .
La contribution de la France au budget communautaire fait l'objet d'un prélèvement sur recettes et n'est pas ventilée a priori par domaine d'intervention, dont l'aide au développement. On pourrait certes concevoir que ce prélèvement sur recettes soit rebudgétisé en dépenses, et partant inscrit dans l'architecture de la LOLF, mais le principe de la rétrocession de recettes au profit des collectivités locales et des Communautés européennes a été explicitement consacré par l'article 6 de la LOLF.
Le levier de modernisation de l'Etat que constitue la LOLF n'a donc été que partiellement utilisé dans le cas de l'APD . Tout en retenant le caractère spécifique de cette politique publique, ce qui est conforme aux voeux de votre rapporteur spécial, la nouvelle mission révèle et reproduit la dyarchie qui préside à la conception et à la mise en oeuvre de notre aide au développement, et n'a pu capter dans son orbite des actions dispersées qui auraient sans doute vocation à être exercées - ou au moins gérées sur le plan budgétaire - par un seul ministère, et qui demeurent noyées dans d'autres programmes sous le couvert de l'action internationale expansive des ministères concernés.
La nouvelle nomenclature a néanmoins permis de connaître une avancée décisive sur un sujet que votre rapporteur spécial rappelait inlassablement chaque année : le nécessaire regroupement, au sein du MAE, des crédits d'aide alimentaire jusqu'à présent gérés par le Quai d'Orsay (transport de l'aide) et le ministère de l'agriculture (achat des denrées auprès d'offices nationaux), qui sera effectif dès l'exercice 2005. Cette distinction ne permettait pas la mise en oeuvre de synergies et se heurtait à la forte résistance du ministère de l'agriculture.
Conformément à la décision interministérielle du 23 décembre 2003, les missions « Action extérieure de l'État » et « Aide publique au développement » feront l'objet, à partir de 2006, de documents de politique transversale . Dans les deux cas, le MAE en sera le chef de file. Ces documents, inspirés des « Cross-departemental Public Service Agreement » britanniques, sont appelés à devenir l'outil de pilotage de ces politiques interministérielles, et permettront l'harmonisation des objectifs et indicateurs définis par les différents ministères concernés, que ceux-ci participent ou non au moyen d'un programme aux missions en question. Les travaux de définition des règles de fonctionnement de ce nouvel outil et de sa mise en oeuvre commenceront cet automne.
Les deux programmes constitutifs de la mission, ainsi que les objectifs et indicateurs prévisionnels y afférents, sont présentés en tête des parties consacrées aux crédits d'APD du MAE et du MINEFI.