C. LA NÉCESSAIRE REMISE EN CAUSE DE LA CORRECTION BRITANNIQUE

1. Un mécanisme de plus en plus difficile à justifier

Ainsi qu'il a été observé dans la première partie, la correction britannique se révèle de plus en plus coûteuse pour la France. D'un montant de 5,1 milliards d'euros en 2003, elle pourrait passer à 7,1 milliards d'euros en 2007. Elle voit, en outre, ses justifications originelles perdre de leur légitimité :

- les facteurs à l'origine de la correction britannique ont perdu de leur actualité : le Royaume-Uni demeure un important contributeur net, mais au même titre que d'autres Etats membres ; son niveau de richesse relatif s'est également considérablement amélioré depuis 1984 40 ( * ) ; la justification née d'une assiette TVA plus étendue dans ce pays que dans les autres Etats membres s'est réduite (mais demeure dans une faible mesure 41 ( * ) ) à mesure que la ressource TVA diminuait dans le budget communautaire au profit de la ressource PNB ; enfin le faible bénéfice que le Royaume-Uni retire de la PAC est aujourd'hui moins apparent, puisque la PAC représente la moitié - et non plus 70 % - des dépenses de l'Union. Le Royaume-Uni ne participe donc qu'à hauteur de 13 % au financement de l'Union à 25, alors que son PNB en représente 18 % ;

- la lisibilité de l'effort national est amoindrie : le mécanisme de correction est particulièrement complexe et donne prise à des contestations nationales qui relèvent de la problématique comptable et étroite du « taux de retour » (cf. infra ) ;

- la perspective de l'élargissement est source d'inégalités de traitement . Les nouveaux Etats membres participent en effet à la correction au prorata de leur part dans le PNB communautaire (pour un coût global estimé à 500 millions d'euros en 2005, dont 220 millions d'euros à la charge de la Pologne), et l'essentiel des dépenses affectées à l'élargissement sera à terme soumis à ce mécanisme 42 ( * ) , ce qui conduira à fixer à environ 20 %, contre 17,3 % aujourd'hui, la contribution moyenne de la France aux dépenses d'élargissement, ainsi qu'il a été indiqué précédemment.

2. La correction généralisée proposée par la Commission

Dans le cadre de sa proposition de réforme globale du financement de l'Union publiée le 14 juillet dernier, la Commission européenne a présenté un mécanisme destiné à se substituer progressivement au chèque britannique , qui serait redistribué entre les principaux contributeurs nets. Le dispositi, dont le financement serait assuré par l'ensemble des Etats membres, prévoit ainsi que chaque Etat membre bénéficie d'un remboursement des deux tiers de la part de son solde net qui dépasserait - 0,35 % de son RNB. La somme globale des remboursements serait en outre plafonnée à 7,5 milliards d'euros par an, soit le montant moyen prévisionnel de la compensation britannique sur la période 2008-2013. Tout dépassement de ce plafond donnerait lieu à une réduction à due concurrence du taux de remboursement de 66 %.

Des mesures transitoires seraient prévues afin d'alléger l'impact budgétaire pour le Royaume-Uni : ce pays bénéficierait de paiements forfaitaires annuels dégressifs (2 milliards d'euros en 2008, jusqu'à 500 millions d'euros en 2011), compensés par une hausse du taux de remboursement pour les autres Etats (33 % en 2008 puis 66 % en 2011). Ainsi que l'indique le tableau ci-après, l'application de ce régime transitoire ferait du Royaume-Uni le deuxième contributeur net (solde de 0,46 % du RNB), impliquant un fort impact budgétaire de 4 milliards d'euros par an, et non plus le plus faible contributeur net en cas de statu quo . La position de la France connaîtrait quant à elle des variations d'ampleur réduite.

Le Royaume-Uni s'est, de façon logique, fermement opposé à ce mécanisme et est hostile à toute renégociation de son chèque. Le gouvernement français, comme d'autres délégations, a quant à lui fait part de ses réserves et craint l'opacité et la complexité de ce système , qui accentue la promotion de la notion de « juste retour » au détriment du nécessaire débat sur la configuration et les priorités budgétaires de l'Union. La France demeure néanmoins opposée au maintien du « chèque » britannique.

Simulations de soldes nets - Moyenne 2008-2013

(en % du RNB)

 

Sans correction

Statu quo (avec chèque RU)

Correction généralisée sans régime transitoire

Correction généralisée avec régime transitoire

Belgique

1,32

1,21

1,26

1,26

Danemark

-0,2

-0,31

-0,26

-0,26

Allemagne

-0,52

-0,54

-0,48

-0,49

Espagne

0,32

0,23

0,26

0,25

France

-0,27

-0,37

-0,33

-0,34

Italie

-0,29

-0,41

-0,35

-0,36

Pays-Bas

-0,55

-0,56

-0,48

-0,50

Autriche

-0,37

-0,38

-0,41

-0,41

Pologne

3,85

3,76

3,79

3,79

Suède

-0,47

-0,50

-0,45

-0,46

Royaume-Uni

-0,62

-0,25

-0,51

-0,46

Source : « jaune » annexé au PLF 2005, d'après le rapport de la Commission européenne sur les ressources propres

* 40 Le Royaume-Uni est aujourd'hui le pays le plus riche de l'Union selon le critère du PNB par habitant mesuré en parité de pouvoir d'achat, qui s'élève à 111,2 (104,2 pour la France) en 2003 pour une moyenne de l'UE à 100.

* 41 L'assiette TVA du Royaume-Uni représente encore 19 % de l'assiette de l'UE 25, pour un PNB équivalent à 18 % de celui de l'Union.

* 42 Dans la mesure où les dépenses d'élargissement ne bénéficieront naturellement pas au Royaume-Uni et dégraderont donc son déséquilibre budgétaire.

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