II. LES AMÉLIORATIONS APPORTÉES PAR LE PROTOCOLE DU 16 MAI 2003

L'insuffisance des réparations dans le cadre des conventions de 1992 a conduit l'OMI, sous la pression des pays de l'Union européenne et en particulier de la France, a relever une nouvelle fois le montant disponible pour les indemnisations dans le cadre d'un nouveau protocole, signé le 16 mai 2003.

Ce protocole instaure un nouveau fonds, le Fonds complémentaire d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, qui vise à compléter, par un troisième niveau d'indemnisation supplémentaire , l'indemnisation offerte en vertu des conventions de 1992 sur la responsabilité civile et sur le FIPOL. L'adhésion au Fonds complémentaire est facultative, et ouverte à tout État partie du FIPOL au titre de la convention de 1992. Ce Fonds complémentaire n'indemnisera qu'au titre des dommages par pollution survenus dans les États membres à la suite de sinistres s'étant produits après sa création.

A. LE FONCTIONNEMENT DU FONDS COMPLÉMENTAIRE

Alors qu'un relèvement des plafonds de responsabilité civile et d'indemnisation du FIPOL avait décidé en octobre 2000 pour une entrée en vigueur le 1 er novembre 2003, il paraissait difficile d'engager rapidement une nouvelle révision des conventions de 1992, d'autant que nombre d'États membres du FIPOL jugeaient ces plafonds suffisants pour couvrir des sinistres pouvant toucher dans leurs pays.

La conférence diplomatique de l'OMI qui s'est déroulée du 12 au 16 mai 2003 est parvenue à un accord sur un autre type de dispositif, à savoir la création d'un fonds complémentaire permettant aux États qui y adhèrent de disposer d'une meilleure couverture des sinistres de nature à assurer une indemnisation rapide et complète de leurs ressortissants.

Ce fonds complémentaire fonctionnera selon des mécanismes similaires au fonds FIPOL de 1992, mais sur une base facultative .

Il interviendra dès lors que l'ampleur du sinistre dépassera le plafond prévu par les conventions de 1992. L'instruction des dossiers devant le fonds complémentaire ne donnera pas lieu à un réexamen de la recevabilité et des évaluations réalisées dans le cadre des deux premiers niveaux d'indemnisation. De même, dans la phase amiable, la demande présentée par les victimes contre le fonds de 1992 vaudra également contre le fonds complémentaire. En revanche, toute action en justice devra nécessairement être intentée contre le fonds complémentaire qui constitue une entité juridique distincte du fonds de 1992.

L'objet principal du fonds complémentaire est de relever très significativement le montant total disponible pour l'indemnisation des dommages. Avec l'entrée en vigueur du protocole du 16 mai 2003, ce montant total disponible atteindra 750 millions de DTS (1.093 millions de dollars), contre 203 millions de DTS (296 millions de dollars) seulement dans le cadre des conventions de 1992.

Le fonds complémentaire lui-même s'élèvera donc à 547 millions de DTS (797 millions de dollars). Comme le fonds de 1992, il sera alimenté par les contributions des importateurs de pétrole dans les États parties au protocole qui reçoivent au minimum 150 000 tonnes d'hydrocarbures.

Toutefois, un mécanisme de plafonnement temporaire a été prévu : les contributions dues par les importateurs d'un État partie au protocole ne pourront dépasser 20% du total des contributions annuelles dues au fonds complémentaire. En cas de dépassement de ce plafond, les contributions des importateurs de l'état concerné seront réduites au prorata, de telle sorte que leur montant total soit ramené à 20% du montant global défini pour l'année considérée. En contrepartie, les contributions des importateurs des autres pays seront relevées.

Ce mécanisme de plafonnement est transitoire et s'appliquera durant la phase de « montée en puissance » du fonds complémentaire, c'est à dire tant que la quantité totale d'hydrocarbures reçus dans les États parties au protocole restera inférieure à un milliard de tonnes et, en tout état de cause, pour une durée maximale de dix ans après l'entrée en vigueur. Il s'agit d'éviter que la charge des sinistres indemnisés par le fonds complémentaire ne pèse trop lourdement sur un ou deux États tant que le nombre d'États parties demeure relativement limité. Cette clause constituait notamment une condition préalable à l'adhésion du Japon, dont la part contributive par sinistre avoisine les 20 % dans le cadre du fonds de 1992. Le plafonnement temporaire pourrait également bénéficier à l'Italie qui supporterait 23 % des contributions totales en cas d'entrée en vigueur du protocole avec les seuls États de l'Union européenne.

Il faut en outre signaler que le protocole instaure une disposition destinée à inciter les États membres à veiller au bon recouvrement des contributions de leurs importateurs . Il est ainsi prévu que dans le cas où un État n'aurait pas rempli son obligation de faire rapport au fonds complémentaire des quantités d'hydrocarbures réceptionnées par ses importateurs, toute indemnisation serait suspendue jusqu'à régularisation. À défaut de régularisation dans l'année qui suit, toute indemnisation au titre de l'incident sera refusée.

Dans un ordre d'idée similaire, le protocole additionnel instaure une contribution minimale, chaque État partie étant réputé recevoir au moins 1 million de tonnes d'hydrocarbures. Il s'agit ici d'impliquer davantage les États, tant au niveau du recouvrement que dans les organes de décision, qui peuvent parfois être paralysés par fait d'absentéisme.

B. LES MODALITÉS D'ENTRÉE EN VIGUEUR

Les clauses finales du protocole soumettent son entrée en vigueur à une double condition :

- sa ratification par huit États au moins ;

- et l'importation au cours de l'année civile précédente, d'au moins 450 millions de tonnes d'hydrocarbures dans les États parties.

Lorsque ces conditions seront remplies, le protocole entrera en vigueur pour chaque État adhérant trois mois après le dépôt de son instrument de ratification.

Inversement, l'extinction du protocole est prévue si le nombre des États contractants devient inférieur à 7 ou lorsque la quantité totale d'hydrocarbures importée dans ces États devient inférieure à 350 millions de tonnes.

Le Danemark et la Norvège ont déjà ratifié le protocole complémentaire. La Finlande s'apprête à le faire. Outre la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Irlande, l'Espagne et le Japon pourraient achever les procédures de ratification au cours de l'été, ce qui laisse espérer une entrée en vigueur pour la fin de l'année 2004.

C. UNE SOLUTION PARTIELLEMENT SATISFAISANTE POUR LE RÉGIME INTERNATIONAL D'INDEMNISATION

Le protocole du 16 mai 2003 portant création d'un fonds complémentaire d'indemnisation semble essentiellement répondre à un impératif immédiat : ne pas se retrouver dans une situation analogue à celle résultant du naufrage du Prestige , dans laquelle des plafonds d'indemnisation insuffisants conduisent à des situations inacceptables pour les victimes, notamment celles qui sont le plus directement touchées par les pollutions.

Les négociateurs ont ainsi privilégié la garantie d'indemnisation sur la recherche d'un meilleur équilibre entre les responsabilités de chaque intervenant , dans une optique de prévention.

Le fonds complémentaire ne couvrira pas les sinistres antérieurs à son entrée en vigueur, et laissera donc pendante la question de l'indemnisation des victimes de la marée noire du Prestige. Il accentue la distorsion, déjà flagrante dans le cadre du FIPOL, entre la responsabilité du propriétaire du pétrolier et celle des importateurs. Il ne remédie pas à certaines imperfections du régime de responsabilité et d'indemnisation prévu par les conventions de 1992, notamment la responsabilité indistincte du propriétaire quelle que soit la dangerosité du navire ou de sa cargaison, l'impossibilité de lever le plafond de responsabilité dans des cas de négligence grave autres que la faute intentionnelle ou inexcusable, l'absence de hiérarchisation des demandes présentées devant le FIPOL.

Aussi faut-il considérer le protocole du 16 mai 2003 comme une réponse dictée par l'urgence, qui devra impérativement être prolongée par une amélioration des conventions de 1992, notamment celle sur la responsabilité civile.

C'est d'ailleurs la position exprimée très clairement par le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi lorsqu'il affirme que « si la réforme de ce système s'arrêtait à ce protocole, la critique qui a pu être formulée à son encontre, à savoir qu' il augmenterait l'irresponsabilité des propriétaires de navires en les déchargeant de presque tout le poids de l'indemnisation , recevrait quelque fondement ». Pour le Gouvernement, le protocole « ne saurait constituer que la première réponse urgente à la situation présente » en l'attente d'une révision, le plus rapidement possible, de la convention sur la responsabilité civile . Le gouvernement ajoute que « l'appui des instances communautaires dans la recherche d'un consensus avec les pays de l'Union ayant des intérêts importants dans le commerce maritime sera déterminant pour le succès de cette révision ».

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