B. LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DE L'IRAN : UNE STABILISATION ENCORE FRAGILE
1. Une économie assainie mais toujours confrontée au défi de la modernisation
L'économie de l'Iran a été très affaiblie par l'endettement hérité des ambitieux projets d'investissements lancés sous le régime du Shah ainsi que par les contrecoups de la révolution islamique et des huit années de guerre contre l'Irak. Une politique de stabilisation a été engagée dans les années 1990, sur la base d'une limitation des importations et de la constitution de réserves sur les excédents pétroliers, favorisés par la bonne tenue des cours lors de ces trois dernières années.
La situation financière s'est améliorée . La dette extérieure a été divisée par deux en près de dix ans et ramenée à 8 % du PIB, contre 35 % au plus fort des difficultés. Alors qu'il y a cinq ans le tiers des exportations était absorbé par le service de la dette à plus d'un an, la proportion sera inférieure à 5 % cette année.
Ces résultats ont toutefois été obtenus au prix d'un freinage de la croissance. Le PIB a certes progressé sur un rythme de plus de 3 % par an en moyenne sur les vingt dernières années. Mais dans le même temps, la population s'est accrue d'environ 50 % et le PIB par habitant est encore inférieur de 10 %, en monnaie constante, à celui d'avant la révolution islamique. Les derniers indicateurs semblent montrer un ralentissement de la croissance démographique, l'accroissement naturel de la population s'élevant tout de même à 1,2 % par an. Toutefois, dans le court terme, ce sont près de 750.000 jeunes qui arrivent annuellement sur un marché du travail incapable de les absorber. Le taux de chômage officiel est passé de 9,1 % en 1996 à 15,7 % de la population active en 2002. Les évaluations officieuses portent sur un taux de 25 % à 30 % dont la signification est à relativiser compte tenu des phénomènes d'économie souterraine.
Le secteur énergétique continue de jouer un rôle vital pour le pays . Il fournit plus de la moitié des recettes de l'Etat et 85 % des exportations.
L'Iran est actuellement le quatrième producteur mondial de pétrole brut , détenant 10 % des réserves mondiales . Son potentiel est également très important pour le gaz naturel , avec 15 % des réserves mondiales , soit le deuxième rang après la Russie, mais sa production demeure encore modeste, faute d'infrastructures adaptées à l'exportation vers les marchés éloignés. Plus des trois-quarts des rentrées en devises de l'Iran proviennent des ventes de pétrole.
Toutefois, ce potentiel énergétique est insuffisamment valorisé , du fait de l'absence d'investissements dans le secteur pétrolier depuis sa nationalisation en 1979, et il doit faire face à une demande intérieure en fort accroissement , de l'ordre de 10 % par an, qui a obligé l'Iran à importer des produits raffinés.
D'autre part, l'économie iranienne souffre d'une dépendance quasi-exclusive du secteur de l'énergie , les tentatives de diversification ayant été bridées par les difficultés économiques et financières des vingt dernières années. L'appareil productif est en outre contrôlé à 85 % par l'Etat, en particulier à travers l' IDRO ( Industrial Development and Renovation Organization ), créée à la fin des années 1960 et qui détient des actifs dans toute l'industrie iranienne. Le fonctionnement du secteur public repose sur un niveau élevé de subventions qui pèsent fortement sur le budget de l'Etat. Un processus de privatisations a été amorcé. Il reste toutefois mesuré et se heurte aux possibilités très restreintes de financement interne.
Face à une telle situation, les autorités iraniennes ont engagé avec prudence quelques réformes dont le but principal est de mieux insérer l'Iran dans les échanges internationaux et de moderniser l'industrie nationale, par un appel à des capitaux privés, c'est à dire essentiellement étrangers.
2. L'insertion de l'Iran dans l'économie internationale : une ouverture prudente
Plusieurs décisions en matière de fiscalité, de taux de change ou de tarifs douaniers ont témoigné du souci de l'Iran de tenir davantage compte des nécessités de l'ouverture économique. Le taux de l'impôt sur les bénéfices a été ramené de 60 % à 25 %. Les taux de change ont été unifiés. Les interdictions ou restrictions imposées aux importations ont été remplacées par un système tarifaire, fondé sur un barème de taxation variant selon les produits. Des obligations ont été émises sur le marché international pour financer des investissements dans les secteurs pétrolier, pétrochimique et aéronautique et une part des excédents pétroliers est affectée à un fonds ( Oil stabilization fund ) pouvant alimenter des crédits au secteur privé.
Compte tenu des possibilités très limitées de financement interne, il est apparu que le développement des investissements étrangers était primordial pour permettre à l'économie iranienne de prendre son essor.
Une nouvelle loi sur l'attraction et la protection de l'investissement étranger en Iran a été adoptée en 2002.
Cette loi ne libéralise que partiellement les possibilités de recours aux capitaux étrangers . Un certain nombre de contraintes tenant à la nature des investissements envisagés subsistent. Ainsi, dans chaque secteur économique, la part de l'activité résultant de ces investissements ne doit pas dépasser un plafond de 25 %. La propriété du sol, et donc des ressources naturelles, reste interdite aux investisseurs étrangers, comme le prévoit la Constitution, ce qui limite les possibilités d'intervention dans le secteur énergétique. Une procédure d'autorisation assez lourde est maintenue, même si elle ne relève plus du conseil des ministres mais d'une commission d'investissement. L'exequatur des décisions arbitrales rendues à l'étranger est toujours soumis à l'approbation du Parlement pour les entités publiques. Le rapatriement des bénéfices en devises reste limité.
Toutefois, cette loi apporte plusieurs améliorations. Elle reconnaît aux investisseurs étrangers les mêmes droits qu'aux investisseurs nationaux, notamment le bénéfice d'une compensation équitable en cas d'expropriation ou de nationalisation. Elle introduit de nouveaux modes d'investissement, tels que le contrat de « contre-achat » ( buy-back ) qui permet, notamment dans le secteur pétrolier, d'associer des investisseurs étrangers tout en maintenant l'exploitation sous le contrôle de l'Etat.
Le secteur énergétique constitue un domaine prioritaire pour l'appel aux capitaux étrangers, le besoin d'investissement étant criant pour moderniser les infrastructures, augmenter la production et développer les activités « aval » (raffinage, pétrochimie) ainsi que la transformation du gaz naturel pour l'exportation.
Toutefois, l'Iran est encore loin d'attirer d'importants investissements étrangers.
D'une part, comme votre rapporteur l'a souligné, sa législation demeure assez restrictive, compte tenu notamment des procédures administratives lourdes imposées aux entreprises étrangères.
D'autre part, des facteurs politiques freinent l'insertion de l'Iran dans l'économie internationale.
Il faut tout d'abord rappeler que les Etats-Unis n'ont pas levé l'« Iran and Libya Sanctions Act » -dite loi d'Amato- voté par le Congrès en juillet 1996, qui soumet l'Iran à un isolement économique partiel en prévoyant des sanctions envers quiconque déciderait de procéder, dans ce pays, à des investissements dans le domaine pétrolier dépassant 20 millions de dollars, qu'il s'agisse de compagnies américaines ou non-américaines.
Par ailleurs, des réserves peuvent subsister parmi les Etats qui ne reconnaissent pas le régime de sanctions extra-territoriales instauré par la loi d'Amato. Ainsi, les progrès de la négociation d'un accord de partenariat et de coopération entre l'Iran et l'Union européenne , qui a démarré il y a un peu plus d'un an, en décembre 2002, sont étroitement liés à ceux du dialogue politique, notamment sur les questions de la prolifération nucléaire, des droits de l'homme, du terrorisme et du soutien au processus de paix au Proche-Orient.
L'isolement diplomatique est également un obstacle majeur pour l'examen de la demande d'adhésion de l'Iran à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).