B. UN DISPOSITIF CRITIQUÉ
Si elle répondait à une indéniable nécessité, la loi du 17 janvier 2001, contestée par le Sénat lors de son examen, s'est révélée largement inapplicable pour des raisons que votre commission avait au demeurant parfaitement identifiées.
1. Un monopole financé par l'impôt...
La loi du 17 janvier 2001 répondait à la volonté du précédent Gouvernement de soustraire l'ensemble de l'archéologie préventive à l'application des règles de la concurrence, en réaffirmant le caractère de service public de cette activité et en confiant à un établissement public des droits exclusifs pour la réalisation des opérations de terrain, diagnostics et fouilles.
Sans pour autant abroger les dispositions de la loi du 27 septembre 1941, la loi du 17 janvier 2001 accordait à l'Etat la charge de veiller à la conciliation des « exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social » et lui confiait un pouvoir de police. A ce titre, l'Etat prescrit les opérations archéologiques nécessaires, en désigne le responsable scientifique et assure les missions de contrôle et d'évaluation de ces opérations. En pratique, ces compétences, précisées par le décret du 16 janvier 2002 1 ( * ) , sont exercées, à l'échelon déconcentré, par le préfet de région et les directions régionales des affaires culturelles.
L'exécution des prescriptions est confiée à un établissement public, créé sous le nom d'Institut national de recherches archéologiques préventives, résultant de la transformation de l'AFAN, dont le statut associatif était effectivement inapproprié, tant au regard de ses missions que de son mode de financement.
Outre la réalisation de ces tâches opérationnelles, la loi conférait à cet établissement public une mission de recherche définie en des termes aussi ambitieux que vagues par l'article 4 qui précisait que l'établissement « assure l'exploitation scientifique de ses activités et la diffusion de leurs résultats » et qu'il « concourt à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie ».
Pour l'exécution de ces missions, était ouverte la possibilité pour l'établissement de nouer des relations contractuelles avec les collectivités territoriales, des organismes de recherche, des établissements publics d'enseignement supérieur ou des personnes morales de droit privé, associations ou entreprises.
Cet opérateur est doté du statut d'établissement public à caractère administratif. Par dérogation aux règles posées par le statut général de la fonction publique, les personnels permanents de l'établissement public bénéficient du statut d'agents contractuels de droit public. En pratique, ces personnels dont le statut est fixé par décret 2 ( * ) sont pour l'essentiel d'anciens salariés de l'AFAN, dont les droits, biens et obligations ont été transférés à l'établissement public par l'article 4 de la loi.
La loi mettait fin au système conventionnel de financement qui avait prévalu jusque-là en instaurant des redevances d'archéologie préventive, dont le mode de calcul a été modifié à de nombreuses reprises au cours de la navette.
Votre rapporteur avait souligné, lors de l'examen de la loi du 17 janvier 2001, la très grande complexité des modes de calcul des redevances, et plus particulièrement, celles dues pour la réalisation de fouilles. Le barème retenu varie selon que les sites sont ou non stratifiés, c'est-à-dire, selon les termes de l'article 9, qu'ils présentent « une accumulation sédimentaire ou une superposition de structures simples ou complexes comportant des éléments du patrimoine archéologique ». Les formules mathématiques figurant dans la loi se passent de commentaire.
Le Gouvernement avait précisé à l'Assemblée nationale et au Sénat que le financement par l'impôt des opérations archéologiques devait permettre de couvrir leur coût réel ainsi que les frais de fonctionnement de l'établissement.
Force avait été de constater qu'aucune simulation sur une longue période n'avait pu être effectuée par les services du ministère de la culture, faute de séries statistiques permettant d'évaluer le volume des opérations archéologiques à réaliser.
Par ailleurs, votre rapporteur avait fait observer que ce mode de financement conjugué aux contraintes de gestion imposées à l'établissement public par son statut ne présentait pas la souplesse nécessaire pour s'adapter au caractère aléatoire de l'activité de l'établissement. En effet, en période de croissance économique, l'établissement devrait faire face à une forte demande des aménageurs alors que la nature des ressources serait susceptible de se traduire par des décalages de trésorerie, qui pourraient déboucher sur des phénomènes de files d'attentes alors qu'en période de ralentissement, il serait contraint d'assumer des charges fixes très lourdes, alors même que ses ressources diminueraient.
Le principe de l'affectation d'une recette fiscale à un établissement public, solution appliquée dans de nombreux secteurs, était étendu par la loi de 2001 à l'archéologie préventive, non seulement afin de financer le coût des opérations de terrain, mais également pour assurer une mutualisation de leur coût. Or, cette mutualisation, souhaitée à la fois par les aménageurs et les archéologues, ne joue qu'à la marge dans le dispositif mis en place. D'une part, seuls les projets nécessitant des opérations archéologiques sont taxés ; d'autre part, le barème de la taxe a été conçu pour rapprocher autant que possible le montant des redevances et le coût réel des fouilles imposées au redevable.
Les inquiétudes que la loi du 17 janvier 2001 avait inspirées au Sénat ont été très rapidement confirmées par les difficultés soulevées par son application.
* 1 Décret n° 2002-89 du 16 janvier 2002 pris pour l'application de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 et relatif aux procédures administratives et financières en matière d'archéologie préventive.
* 2 Décret n° 2000-450 du 2 avril 2002 portant dispositions applicables aux agents de l'Institut national de recherches archéologiques préventives.