Annexe 5 - LES PESTICIDES DANS LES EAUX DE PLUIE

Source : Audition du Dr René SEUX, Professeur à l'école nationale de santé publique

Les pesticides sont identifiés dans les eaux de surface et les eaux souterraines. Cependant, depuis quelques années, des traces de ces produits ont été retrouvées dans les eaux de pluie. Les premières études, américaines, au début des années 90, avaient montré que dans deux cas sur trois, les teneurs en pesticides dans les pluies étaient supérieures à celles constatées dans les rivières du Minnesota. Par la suite, des études ont été conduites en France et en Europe. Toutes ont confirmé l'imprégnation parfois importante des eaux de pluie en pesticides.

1. Les mécanismes

Avant d'être dans la pluie, les pesticides sont présents dans l'atmosphère. « Les départs » ont lieu lors de l'application (dérive) puis dans les jours qui suivent l'épandage (transfert sol/air). Les pesticides se trouvent alors sous forme gazeuse ou particulaire, susceptibles d'être entraînés dans l'eau de pluie. Leur importance va dépendre de plusieurs facteurs :

- La nature du pesticide : les organochlorés, type DDT ou lindane, se déplacent sur longue distance et les pesticides sous forme particulaire sont plus facilement entraînés dans la pluie que les pesticides gazeux.

- Les caractéristiques des précipitations : plus les gouttelettes sont fines et plus elles rencontrent les pesticides. Les brumes, les brouillards et la rosée sont 30 à 60 fois plus chargés en pesticides que la pluie.

- Les conditions météorologiques : les pertes lors de l'application du produit restent à peu près constantes puisque les épandages ont lieu par temps sec ; en revanche, les départs post-application dépendent beaucoup de l'état du sol : plus le sol est humide ou saturé d'eau et plus les pesticides restent dans le sol, ce qui diminue d'autant les quantités qui migrent vers l'atmosphère.

2. Les résultats

Les analyses menées en France et en Europe confirment la présence fréquente des pesticides dans les eaux de pluie, parfois à des niveaux élevés et leur grande facilité de déplacement.

- L'importance des contaminations . Il n'existe pas de norme de qualité des eaux de pluie mais il est d'usage de se référer aux normes utilisées pour l'eau potable (soit 0,1ug/l). Des traces de pesticides dans les pluies sont constatées sur l'ensemble du territoire français, à la ville comme à la campagne. Les résultats sont évidemment très variables selon les régions et les années. Le tableau suivant donne les résultats de deux campagnes de mesures sur les eaux de pluie en Bretagne en 1996 et 2000. La forte baisse constatée en 2000, année de pluviométrie importante, révèle l'importance des conditions climatiques. Les concentrations pour l'atrazine et l'alachlore, qui sont les deux principaux pesticides du maïs, peuvent atteindre 10, 20, voire plus de 200 fois les normes tolérées pour l'eau potable !

Pesticides dans les eaux de pluie en Bretagne

Atrazine

Alachlore

1996

2000

1996

2000

concentration moyenne *

1,5 ug/l

0,1 ug/l

3,8 ug/l

0,25 ug/l

concentration maximale

4,6 ug /l

0,6 ug/l

24 ug/l

2,4 ug/l

* sur douze relevés entre avril et juin

- L'importance des déplacements. Une étude conduite en 1996 par l'INRA de Rennes au centre de Bretagne, dans une région où les agriculteurs n'utilisent pas de pesticides, avait détecté des pesticides dans une eau de pluie dont on aurait pu attendre la pureté maximale. Toutes les analyses de simazine effectuées dépassaient le seuil de 0,1ug/l. Les résultats dans le Nord Pas-de-Calais confirment cette tendance. Les précipitations analysées en 2000 à Berck présentaient des traces d'atrazine probablement en provenance de Normandie, de Bretagne ou d'Angleterre. Les pluies en ville, à Lille, Rennes, Strasbourg ou Paris contiennent aussi des pesticides. A Paris, les concentrations sont égales à celles constatées à 100 km de la capitale.

- La permanence des contaminations. Les traces de pesticides dans les pluies sont durables. Dans la ville d'Hanovre en Allemagne, des concentrations de terbuthylazine et de son métabolite ont atteint 0,4 et 0,5 ug/l soit cinq fois la norme pour l'eau potable alors que le produit était interdit depuis cinq ans.

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