2. Les eaux souterraines et l'héritage domestique : l'impact des décharges
a) Un constat globalement rassurant
L'opinion publique est souvent moins sensible aux effets de pollutions industrielles qu'aux risques que pourraient représenter les décharges. Le risque est associé à la visibilité et à la proximité. Cette inquiétude apparaît excessive. Le risque est globalement réduit, même si localement des problèmes demeurent et méritent une attention plus soutenue qu'elle n'est aujourd'hui.
La mise en décharge a été longtemps la solution de facilité, la moins coûteuse, la plus répandue de se débarrasser des déchets. Même si, fort heureusement, la situation s'est radicalement transformée en dix ans, grâce à la mise en place du tri sélectif, d'un réseau de déchetteries et des techniques de valorisation des déchets, la France reste parsemée de décharges non autorisées et de dépôts sauvages.
Ainsi, outre les décharges légales autorisées -dites centres d'enfouissement technique- pour lesquelles le risque de pollution des eaux est extrêmement réduit, on compte plusieurs milliers -entre 9.000 et 12.000- décharges brutes non autorisées mais assimilables à des décharges classiques et plusieurs dizaines de milliers de dépôts sauvages pour lesquels le risque de pollution existe.
Aucune région de France n'échappe à ce travers, ni les régions riches (comme la spectaculaire décharge de St-Martin de Crau, entre Aix-en-Provence et Marseille), ni les régions touristiques (comme quelques départements d'outre mer qui possèdent des décharge d'ordures ménagères « les pieds dans l'eau »...). On peut même s'étonner que de telles décharges aient pu être créées par l'initiative locale et tolérées par l'Etat, lorsqu'à l'évidence, d'autres techniques alternatives, moins dégradantes pour l'environnement, permettraient d'y mettre fin.
Certes, l'activité de ces décharges a été réduite. Les quantités de déchets orientées vers les décharges brutes ne représentent plus que 3 % du total des déchets mis en décharges, contre 97 % dans les installations autorisées, et les déchetteries constituent une solution alternative efficace à la plupart des dépôts sauvages. Mais ces derniers, véritables verrues de l'environnement, peuvent aussi présenter des risques pour la qualité des eaux (déchets toxiques pouvant libérer des éléments toxiques par accumulation). Ces risques sont évidemment renforcés lorsque ces décharges se situent sur des zones à risques (bords de rivières, zones inondables, etc...).
En réponse à ces interrogations, l'ADEME a réalisé un guide méthodologique simple, accessible aux élus, permettant d'évaluer les impacts environnementaux de décharges et de les classer en fonction de la gravité des situations observées (22 ( * )) .
Les premières applications ont montré que peu de
sites (de l'ordre de 5 % à 10 %) auraient un impact significatif
sur la qualité de l'eau. Le constat est donc globalement rassurant. Ce
constat doit cependant être corrigé par le fait que même
lorsqu'un risque élevé est diagnostiqué, la situation
reste souvent en l'état.
b) Les difficultés de réhabilitation
La résorption des décharges ayant des risques élevés pour la qualité des eaux se trouve en effet confrontée à plusieurs handicaps :
- le diagnostic simplifié doit être complété par un diagnostic approfondi qui nécessite donc des études complémentaires,
- la résorption passe souvent par des opérations de réhabilitation (suppression des sources de pollution), beaucoup plus coûteuses que de simples réaménagements (couverture et végétalisation des sites).
- délai et crainte de coûts élevés s'accumulent pour retarder les opérations et les rendre, de fait, improbables, surtout lorsque les opérations cessent d'être subventionnables. Ainsi, les demandes de subvention auprès de l'ADEME au profit de la résorption des décharges ne sont plus recevables depuis juillet 2002. Le retrait d'un cofinanceur qui assurait 30 ou 40 % du coût d'une opération est évidemment rédhibitoire...
- enfin, on ne peut exclure que les responsables locaux privilégient d'autres opérations plus visibles. Protection des paysages et des riverains, « contre » protection de la qualité de l'eau..., les termes de l'arbitrage ne sont évidemment pas ceux-là, mais le résultat revient à cela. Lorsqu'il faut choisir, les élus peuvent privilégier le confort et la vue de riverains plutôt que la préservation de la ressource en eau. Il n'est pas question de juger. Nul doute que plusieurs raisons militent pour un tel arbitrage. Mais le constat demeure que la protection de la ressource en eau apparaît rarement comme prioritaire.
Ces handicaps sont parfaitement illustrés par les difficultés de mise en oeuvre du plan départemental de résorption des décharges dans les Pyrénées-Orientales (23 ( * )) . Tandis que les principaux sites classés à impacts potentiels élevés pour les riverains et les paysages devraient être réhabilités prochainement, les principaux sites classés à risques pour la qualité de l'eau ne seront réhabilités ... qu'ultérieurement.
Si les réhabilitations de décharges anciennes se font parfois attendre, il convient de noter que les nouvelles décharges ne présentent pratiquement aucun risque sur la qualité des eaux souterraines (24 ( * )).
Pour en savoir plus sur cette partie, voir aussi les annexes suivantes consultables à l'adresse ( http://www.senat.fr/rap/l02-215-2/l02-215-2.html ) :
Annexe 19 - Contribution des activités industrielles à l'état géochimique des eaux souterraines
Annexe 20 - La pollution de la nappe de Louvres
Annexe 21 - Impact des terrils houillers sur la qualité des eaux de la nappe de la Craie
Annexe 22 - L'incidence des décharges sur la qualité de la ressource en eau
Annexe 23 - Diagnostic et résorption des décharges dans les Pyrénées-Orientales
Annexe 24 - Les décharges réglementées et l'eau souterraine
* (22) Annexe 22 - L'incidence des décharges sur la qualité de la ressource en eau.
* (23) Annexe 23 - Diagnostic et résorption des décharges dans les Pyrénées-Orientales.
* (24) Annexe 24 - Les décharges réglementées et l'eau souterraine.