B. INTERROGATIONS ET DIFFICULTÉS

1. Limites et sous produits de la désinfection

a) Limites de la désinfection par la chloration

La très grande facilité d'usage du chlore présente quelques inconvénients en donnant notamment une fausse sécurité. Certains gestionnaires d'UDI n'hésitent pas à procéder au matraquage du chlore, pensant ainsi éliminer tout risque. L'augmentation de la chloration depuis les événements du 11 septembre 2001 participe à cette croyance d'une arme quasi absolue. On sait aujourd'hui qu'il n'en n'est rien. Outre un effet très désagréable sur le goût qui conduit une part de la population à se détourner de l'eau du robinet, quatre défauts méritent d'être signalés.

En premier lieu, les crises sanitaires d'origine hydrique ont montré que certaines bactéries, et plus encore certains virus et parasites résistaient au chlore. Le chlore n'est donc pas un système totalement efficace. L'on peut même exprimer des doutes sur son efficacité contre une éventuelle attaque bactériologique sur les réseaux. Le chlore est une protection illusoire dans de nombreux cas.

En second lieu, le chlore est inefficace dans la phase de transport de l'eau dans le réseau de distribution (850.000 km de réseaux). Au cours de cette phase, se crée un biofilm qui va abriter et protéger des millions de micro organismes qui de fait vont devenir insensibles à l'action du chlore.

En troisième lieu, les recherches les plus récentes ont montré que le chlore était non seulement peu efficace contre la biomasse dans le réseau mais était même dangereux en donnant aux bactéries une sorte d'accoutumance qui leur permet d'être de moins en moins vulnérables au chlore. Selon les experts, il vaut mieux avoir de fortes doses de chlore de temps en temps qu'un « bruit de fond de chlore » constant qui va réduire l'efficacité des actions désinfectantes ultérieures : « le principe de précaution actuel peut dans certains cas se révéler préjudiciable pour des actions d'urgence ultérieures » (70 ( * )).

Enfin, des recherches sont en cours pour analyser les effets nocifs des sous produits de désinfection notamment les trialométhanes formés par réaction du chlore avec des composés organiques présents dans l'eau. Des effets sur le cancer et sur la reproduction humaine sont suspectés. Les risques d'une exposition prolongée ne sont pas connus. Dans ce cas, seul le rôle de signal d'alarme peut être reconnu, il faut donc prévoir la surveillance du résiduel de chlore.

b) Les risques liés à l'utilisation de l'aluminium

L'aluminium est un métal que l'on retrouve très fréquemment dans la consommation courante : dans l'alimentation, comme additif alimentaire ou comme contenant (barquette, canette), en cosmétique (dans les anti-transpirants), dans les médicaments (il neutralise l'acide gastrique et agit contre les « brûlures d'estomac ») et aussi dans les traitements d'eau. Les usines utilisent du sulfate d'aluminium, qui joue le rôle d'agent coagulant, qui favorise l'agglomération des particules qui peuvent alors être plus facilement éliminées par décantation. Une enquête de la Direction générale de la Santé en 2001 a recensé 706 installations utilisant des traitements à base d'aluminium.

Ces usages doivent bien évidemment être limités car les effets neurotoxiques de l'aluminium sont connus. Il pénètre dans le cerveau, provoquant une dégénérescence, une démence caractérisée par des troubles du comportement, parfois même quelques cas mortels (cas de patients dialysés, le liquide de dialyse étant très chargé en aluminium et de victimes d'une surconsommation de médicaments, comme ce fut le cas pour une fillette dont la mère avait consommé plusieurs dizaines de comprimés d'anti-acides par jour pendant sa grossesse).

C'est pourquoi l'Organisation Mondiale de la Santé et son comité d'experts des additifs alimentaires (JECFA) ont défini des doses limites. La dose hebdomadaire tolérable est de 7 mg/kg de poids corporel (soit 60 mg pour un adulte de 60 kg). Compte tenu des différentes sources d'exposition (95 % de l'apport d'aluminium provient des aliments), l'OMS a adopté une valeur guide pour l'aluminium dans l'eau de boisson de 200 ug/l. Ce seuil a été repris par la directive européenne n° 98/83/CE du 3 novembre 1998 et par le décret 2001-1220 du 20 décembre 2001 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine. Ce seuil n'est cependant pas un paramètre de santé, mais seulement un « paramètre indicateur de qualité témoin du fonctionnement des installations de production et de distribution d'eau ».

Ses effets neurotoxiques connus ont conduit à émettre l'hypothèse d'un lien entre l'aluminium dans l'eau de boisson et la maladie d'Alzheimer, maladie qui touche essentiellement les personnes âgées, caractérisée par des pertes de mémoire et des troubles du comportement.

Des études ont été conduites aux Etats-Unis, puis en France, sur ce sujet. Sans résultat irréfragable. En premier lieu, les études sont controversées. L'étude française dite ALAMA- (Aluminium- Alzheimer), est un volet d'une étude plus globale menée par l'INSERM dite « cohorte paquid » visant à étudier le vieillissement cérébral après 65 ans. La conduite de l'étude s'est heurtée à de nombreuses difficultés (double démarchage à domicile d'un psychologue, puis d'un neurologue, refus des familles de prélever des tissus dans le cerveau des défunts, faible nombre de communes -4- distribuant des eaux chargées à plus de 100 ug/l, faible nombre de cas de démence -17- identifiés....). L'étude a donc souffert d'une très faible puissance statistique. Les conclusions sur de si faibles échantillons peuvent être discutables.

En second lieu, les résultats sont contradictoires. Les premières études américaines en 1989, suggérant un risque en relation avec l'aluminium de l'eau de boisson, ont été infirmées quelques années plus tard. L'étude française conclut que « les sujets vivant dans les communes distribuant une eau supérieure à 100 ug/l auraient deux fois plus de risques de développer la maladie , (mais une eau riche en silice réduit voire annule le risque) et toutes les personnes exposées à l'aluminium ne développent pas la maladie ; (...) la prédisposition génétique paraît plus importante que les facteurs environnementaux et, un seul facteur environnemental tel que la présence d'aluminium dans l'eau n'est pas une explication suffisante ».

On rappellera en outre que l'eau de boisson ne constitue que 5 % de l'apport d'aluminium quotidien alors que 95 % sont issus de l'alimentation.

* (70) Annexe 70 - Intérêt et limites de la chloration pour maîtriser la qualité biologique de l'eau distribuée.

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