EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 24 octobre 2002, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a examiné les crédits de l'écologie et du développement durable , sur le rapport de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial .

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a indiqué que les crédits demandés en 2003 pour l'écologie et le développement durable s'élevaient à 768,16 millions d'euros, en légère diminution apparente de 0,16 % par rapport à 2002. Toutefois, après prise en compte des modifications de périmètre, portant sur 6,19 millions d'euros, et des crédits du Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE), soit 83 millions d'euros, les moyens du ministère s'établissent à 837,35 millions d'euros, en hausse de 0,5 %. Les dépenses ordinaires, qui représentent 617,47 millions d'euros, reculent de 2,15 % en 2003, après une augmentation de 18 % en 2002, et représentent 80,4 % de l'ensemble du budget, contre 82 % l'année dernière mais 42 % en 2000. Au contraire, les dépenses en capital croissent de 8,90 %, alors qu'elles avaient diminué de 27 % en 2002 : elles atteignent ainsi un niveau de 150,69 millions d'euros, soit 19,6 % du budget, contre 18 % l'année dernière.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a ensuite présenté les quatre principales observations que lui inspire le budget de l'écologie et du développement durable pour 2003.

Il a attiré l'attention sur l'exécution extrêmement critiquable du budget 2001 et a estimé qu'elle confirmait les analyses qu'il avait développées à l'époque. D'une part, certains crédits ont été imputés de manière irrégulière, notamment au titre du plan POLMAR, sur le titre V, alors qu'il s'agissait, pour l'essentiel, de dépenses de fonctionnement. D'autre part, et surtout, la Cour des comptes a une nouvelle fois souligné la sous-consommation des crédits de ce qui était alors le budget de l'environnement, qu'elle qualifie de « chronique ». Elle note ainsi que la forte progression de ces crédits en 2001 s'est accompagnée d'un taux de consommation extrêmement faible, de l'ordre de 50 %, et de 25 % pour ce qui concerne les seuls crédits de paiement, ce qui l'amène à « s'interroger sur la sincérité du budget de l'environnement ». Or, les informations concernant la consommation des crédits au premier semestre 2002 ne sont guère plus encourageantes. Ainsi, les crédits d'intervention (titre IV) n'ont été consommés qu'à hauteur de 37,5 %, et la situation est plus médiocre encore pour les dépenses en capital : 14,2 % pour le titre V et 12,5 % pour le titre VI, soit un taux de consommation global de 12,6 % pour les crédits de paiement, qui tombe à 11,6 % hors Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

Le rapporteur spécial, eu égard à ses modalités de financement et de fonctionnement, s'est, enfin, interrogé sur l'utilité du FNSE. Il a noté avoir auditionné l'ancien contrôleur financier central du ministère qui lui a indiqué qu'il était « difficile de définir l'activité du fonds ». Son fonctionnement, effectif à partir de 2001, ne paraît guère optimal, le comité consultatif du fonds chargé d'assister le ministre ne s'étant réuni qu'une fois, au lieu de deux fois par an minimum en droit, sans du reste diffuser le moindre procès-verbal de cette réunion. Sa gestion financière n'est guère meilleure : le taux de consommation de ses crédits ne s'est établi, selon la Cour des comptes, qu'à 28 % en 2001, soit au même niveau que l'année précédente, tandis que d'importants reports de crédits ont eu lieu, près de 95 millions d'euros en 2001 et plus de 91 millions en 2002. La Cour des comptes a d'ailleurs estimé que « l'affectation de ces ressources [le prélèvement sur les agences de l'eau] au budget général aurait sans doute permis une meilleure utilisation ».

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a ensuite considéré que le budget de l'écologie et du développement durable était globalement peu lisible. Les documents budgétaires afférents au budget de l'écologie sont d'un accès objectivement peu aisé. En effet, la nomenclature retenue ne permet pas, ou mal, d'identifier la plupart des mesures financées par ce budget. L'intitulé de la plupart des chapitres et articles budgétaires reste extrêmement général, voire ambigu, et il est rare que l'intégralité d'un chapitre soit consacrée au financement d'une seule action. De surcroît, de nombreux chapitres, qu'il s'agisse de dépenses ordinaires ou de dépenses en capital, portent le même intitulé, notamment « Protection de la nature et de l'environnement », ou « Prévention des pollutions et des risques » - soit le même intitulé que l'agrégat 23 lui-même -, ce qui, s'agissant de ce budget, n'apporte que peu d'éclaircissements sur l'objet et le champ des politiques publiques mises en oeuvre. Il a précisé qu'alors que le « bleu » comporte aussi des informations écrites relatives aux politiques conduites, il est très difficile de rapprocher ces dernières des informations chiffrées fournies par la nomenclature budgétaire : il est dès lors quasiment impossible d'identifier le coût de chacun des nombreux dispositifs financés. Dans ces conditions, et notamment en vue de l'entrée en vigueur définitive de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances et de l'établissement de programmes, il a encouragé le ministère à améliorer la lisibilité de la nomenclature budgétaire.

Il a également insisté sur le fait que les indicateurs de résultats fournis dans l'annexe « bleue » étaient peu significatifs. Leur qualité est très inégale, mais globalement médiocre, voire franchement mauvaise. Surtout, ils ne permettent pas d'apprécier véritablement les résultats des politiques publiques environnementales ni, a fortiori, leurs performances. L'ancien contrôleur financier central du ministère a confirmé cette analyse, en indiquant « ne pas avoir eu l'impression que les efforts financiers [réalisés en faveur de l'environnement] aboutissaient à des résultats tangibles », ajoutant que « les objectifs quantitatifs n'étaient pas la traduction de véritables besoins », et déplorant l'absence de tableaux de bord et d'indicateurs de résultats socio-économiques pertinents. Le « bleu » fournit ainsi de très nombreuses illustrations de ce manque de pertinence des indicateurs, voire des objectifs eux-mêmes : certains objectifs et résultats suscitent le scepticisme ; des résultats affichés peuvent ne pas sembler crédibles eu égard aux évolutions passées ; l'aspect purement quantitatif de certains objectifs ne laisse pas de s'interroger sur la pertinence de ceux-ci ; l'affichage d'objectifs peut ne tirer aucune conséquence du fait que plusieurs d'entre eux ne sont purement et simplement pas atteints ; d'autres indicateurs de résultats sont renseignés avec une évidente fantaisie.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a indiqué que ces critiques portaient essentiellement sur les gestions passées, dont l'actuel gouvernement doit aujourd'hui assumer les conséquences.

Aussi a-t-il estimé que le projet de budget pour 2003 comportait des orientations nouvelles qu'il convenait de saluer. D'abord, le changement de dénomination du ministère de l'environnement en ministère de l'écologie et du développement durable, ainsi que la création d'un secrétariat d'Etat au développement durable, traduisent bien les priorités de la politique de la France en la matière : la solidarité entre les générations ; la réconciliation entre protection de l'environnement et développement économique, social et culturel, à travers une gestion responsable des ressources naturelles ; l'information, l'éducation et la formation sur les enjeux liés au développement durable. Ces grandes orientations sont inscrites dans le document-cadre pour l'élaboration d'une stratégie nationale de développement durable, qui avait été adopté en vue du sommet de Johannesburg. Un travail interministériel va débuter cet automne afin de traduire rapidement sur le terrain cette politique de promotion du développement durable. Ensuite, a-t-il ajouté, une Charte de l'environnement devrait être adossée à la Constitution. Il s'agit d'un engagement du Président de la République, qui vise à inscrire les principes essentiels de la protection de l'environnement dans un texte adossé à la Constitution. Le Conseil des ministres du 5 juin dernier a engagé la procédure en vue de son élaboration, puis, sur la base des propositions d'une commission présidée par M. Yves Coppens, et après concertation interministérielle, la ministre de l'écologie et du développement durable présentera un projet de Charte en Conseil des ministres avant le 5 juin 2003, date de la prochaine journée mondiale de l'environnement. Enfin, la ministre de l'écologie et du développement durable et le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ont demandé à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale de l'environnement d'effectuer un audit du ministère, portant notamment sur deux points : le versement de subventions aux associations, et la mise au point d'une méthodologie permettant au ministère d'appliquer la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

Enfin, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , s'est félicité que le projet de budget 2003 renoue avec une certaine sincérité budgétaire. D'une part, les changements de périmètre budgétaire sont limités. Il a en effet rappelé que, dans la loi de finances initiale pour 2002, 381 millions d'euros sur les 761 millions inscrits au budget, soit plus de 50 %, résultaient de simples modifications du périmètre budgétaire, ce qui permettait de mettre en avant des progressions considérables du budget de l'environnement. Le projet de budget pour 2003 connaît une stabilité assez grande de son périmètre, puisque les transferts sont limités à 6,20 millions d'euros, soit seulement 0,8 % des dotations du ministère. De ce point de vue, il a exprimé sa satisfaction de voir que l'environnement n'était plus utilisé à des fins politiques. D'autre part, l'investissement est privilégié. Les efforts budgétaires considérables, quoique en partie virtuels, en faveur du budget de l'environnement au cours des années récentes avaient, pour l'essentiel, consisté, non pas à conduire des politiques publiques environnementales, mais à renforcer les moyens du ministère et à créer des emplois publics. Au contraire, le projet de budget 2003 rompt avec cette augmentation constante du nombre de fonctionnaires et avec la croissance ininterrompue des dépenses de fonctionnement, et met l'accent sur les dépenses d'investissement : les crédits du titre V progressent de 19,4 % et ceux du titre VI de 6,1 %.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a estimé que l'évolution observée sur les crédits de l'ADEME confirmait ses analyses antérieures. Les crédits de cet établissement public avaient beaucoup augmenté en 2000, essentiellement pour des raisons d'affichage politique, mais ont été très faiblement consommés. Or, faute de lissage de ses crédits, l'ADEME ne peut plus traiter aucun dossier nouveau concernant les déchets ménagers depuis juin 2002.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a constaté que le budget de l'écologie et du développement durable pour 2003 était établi dans la continuité du précédent et que, dès lors, il était indispensable de demander à la nouvelle ministre les priorités qu'elle entendait mettre en oeuvre. Il a pris l'exemple de la lutte contre les inondations en s'interrogeant sur l'absence d'un programme clair en la matière. Il a également posé la question des missions et de l'utilité réelle du FNSE. Notant que les effectifs du ministère avaient augmenté de plus de 46 % depuis 1997, il a constaté que la création d'emplois se poursuivait en 2003 dans les établissements publics placés sous la tutelle du ministère.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a tout d'abord expliqué qu'il convenait de relativiser le poids du ministère, dont les dotations budgétaires ne représentent que 22 % de l'ensemble de la dépense publique en faveur de l'environnement. Il a indiqué qu'un « plan Bachelot » avait été annoncé pour faire face aux conséquences des inondations survenues il y a quelques semaines dans le sud-est de la France, mais a regretté avoir reçu très peu d'informations sur ce point pour l'instant.

M. François Marc a noté que l'environnement suscitait de nombreuses attentes dans l'opinion, notamment des attentes en matière de résultats. Il a dès lors estimé qu'il serait paradoxal de vouloir réduire les moyens du ministère.

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur les crédits inscrits au Fonds de gestion des milieux naturels (FGMN) au titre du contrat d'objectifs liant l'Office national des forêts et l'État.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a considéré qu'il ne fallait pas lier la rapidité du traitement des dossiers aux moyens dont disposent les services du ministère, en raison de ce qu'il a qualifié de « syndrome de Toulouse ». En effet, une application quasi-systématique du principe de précaution a souvent pour conséquence de différer la prise de décision et de réclamer des mesures de protection supplémentaires. Il a indiqué attendre du ministère des informations complémentaires sur le financement du FNSE.

La commission a décidé de proposer au Sénat d' adopter les crédits de l'écologie et du développement durable pour 2003.

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