B. D'UNE STRATÉGIE INDUSTRIELLE À UNE STRATÉGIE PATRIMONIALE ?
1. Le cas du Crédit Lyonnais
Les tergiversations autour de la vente de la dernière part de l'Etat dans le Crédit Lyonnais ont cessé grâce à la mise aux enchères de celle-ci en 24 heures, le samedi 24 novembre 2002 6 ( * ) . Cette opération est assurément une belle affaire pour le budget de l'Etat et donc pour le compte d'affectation spéciale. Le cours de 58 euros l'action que BNP a accepté de payer a permis à l'Etat d'engranger, non une plus-value car le produit de la cession des parts de l'Etat dans le Crédit Lyonnais doit être rapproché du coût budgétaire de la structure de défaisance de l'ex-banque publique, mais une recette bienvenue de 2,2 milliards d'euros.
Sur le plan patrimonial, force est donc de reconnaître que l'affaire a été bien menée et que sa conclusion est plutôt inespérée après l'année d'hésitation entre les aspirations des membres du Groupement d'Actionnaires Partenaires (GAP), les velléités d'indépendance du management et les ambitions industrielles du gouvernement.
Un simple coup d'oeil sur la composition actuelle du capital de la banque incite votre rapporteur spécial à poser une question simple : et maintenant ? Certes, ainsi que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'a indiqué, l'Etat n'est « plus concerné par l'évolution du capital du Crédit Lyonnais ». Il n'empêche que l'avenir du Crédit Lyonnais manque aujourd'hui de visibilité et l'on peut craindre qu'une nouvelle bataille entre groupes bancaires se déroule dans les prochains mois sur la place de Paris sans que le secteur bancaire français n'en sorte vraiment renforcé, bien au contraire.
Répartition du capital du Crédit Lyonnais le 25 novembre 2002
La mise aux enchères des parts de l'Etat dans le Crédit Lyonnais semble quoiqu'il en soit traduire un changement de stratégie dans l'attitude de l'Etat actionnaire, passant d'une stratégie industrielle à une stratégie purement patrimoniale. On peut considérer que ce changement de stratégie est aussi un constat d'échec, celui d'un actionnaire, a priori puissant, incapable d'imposer ses vues à un management récalcitrant.
2. Quel avenir pour les entreprises publiques en difficulté ?
S'agissant des entreprises comme Bull ou GIAT qui connaissent depuis de nombreuses années des difficultés financières considérables, l'Etat semble également hésiter entre stratégie industrielle et stratégie patrimoniale. Faute d'opter clairement pour l'une ou l'autre stratégie, il semble malheureusement que l'Etat investisse de l'argent public dans un puits sans fonds, sans que l'opportunité industrielle de cet investissement soit véritablement justifiée. Un seul chiffre illustre ses difficultés : pour 2002, GIAT a prévu un chiffre d'affaires de 830 millions d'euros, avec une prévision de perte opérationnelle de 135 millions d'euros. La dotation en capital versée par l'Etat en 2002 atteignait 591 millions d'euros...
Un ultime redimensionnement de GIAT et de Bull semble donc s'imposer, et ce pour préserver les intérêts patrimoniaux de l'Etat cruellement lésés depuis de nombreuses années.
* 6 Si la cession de parts au sein d'une entreprise comme le Crédit Lyonnais n'est évidemment pas du domaine législatif, on peut regretter que la commission des finances du Sénat n'ait été informée d'une telle mise aux enchères que par la presse, et ce dix jours après une audition du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie relative à l'Etat actionnaire. Le secret des affaires, s'il doit être préservé, n'implique pas nécessairement que la presse soit informée avant le Parlement...