2. Les fonds spéciaux relatifs à la sécurité étaient les seuls à faire l'objet d'une procédure de vérification
Jusqu'à la réforme de l'année dernière, le régime juridique des fonds spéciaux obéissait à une pratique ancienne formalisée au début de la IVème République et qui n'avait pas été modifiée depuis. Les textes applicables étaient la loi n° 46-854 du 27 avril 1946 portant ouvertures et annulations de crédits sur l'exercice 1946, et le décret n° 47-2234 du 19 novembre 1947.
Le décret du 19 novembre 1947 a instauré un dispositif particulier pour les fonds spéciaux relevant de la sécurité extérieure. En effet, il prévoyait l'instauration d'une commission spéciale de vérification qui, présidée par un président de chambre à la Cour des comptes, vérifiait l'utilisation des fonds, remettait au Premier ministre un rapport sur les conditions d'emploi des crédits, et établissait un procès-verbal permettant de constater que les dépenses étaient couvertes par des pièces justificatives pour un montant égal.
En revanche, aucun dispositif équivalent n'existait dans le cas des crédits ne relevant pas de la défense extérieure. Le Premier ministre, théoriquement chargé de contrôler l'utilisation des fonds, « donnait quitus » annuellement et à la fin de son mandat aux ministres concernés, les pièces justificatives étant alors détruites. Il semblerait que le formalisme ait été limité au minimum, en vertu de la « tradition républicaine ». En particulier, selon la note remise au Premier ministre par M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, à la fin de l'année dernière, « les décrets donnant quitus aux membres du Gouvernement (...) « au départ de chacun des ministres », (...) qui devaient mentionner explicitement les provisions reçues, les sommes dépensées et les reliquats disponibles, n'ont jamais été établis depuis l'origine ». Par ailleurs, la juridiction financière n'intervenait pas. Les tentatives de contrôle de la part du Parlement, entrant pourtant dans le cadre général de ses pouvoirs de contrôle dès lors qu'elles ne concernaient pas la défense nationale 17 ( * ) , se sont en outre heurtées au refus du gouvernement 18 ( * ) .
Comme le souligne M. Logerot, « on notera le paradoxe d'une situation où les fonds publics consacrés à des opérations légitimement couvertes par le secret défense sont l'objet d'un contrôle externe, alors que ceux qui sont, pour une grande partie au moins, dévolus au fonctionnement courant de l'appareil gouvernemental, échappent à toute vérification a posteriori ».
* 17 En application du 6ème alinéa de l'article 164-IV de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, les rapporteurs spéciaux et, depuis la première loi de finances rectificative pour 2000, les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances peuvent exercer un contrôle sur pièces et sur place (portant, dans le cas des rapporteurs spéciaux, sur les seules réponses relevant du département ministériel qu'ils ont la charge de rapporter). Ces pouvoirs s'entendent « réserve faite (...) des sujets de caractère secret concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat ».
* 18 Dans sa note au Premier ministre, M. François Logerot indique que « des réponses particulièrement concises étaient données chaque année aux questions posées par les rapporteurs spéciaux des commissions des finances, même dans le cas où des précisions étaient demandées sur la répartition entre dépenses de fonctionnement courant et dépenses intéressant la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat ».