RAPPORT D'ETAPE
SUR LA MISSION
CONFIEE PAR LA
COMMISSION DES FINANCES DU SENAT
RELATIVE AUX SOCIETES SNCF ET RFF
A Monsieur Jacques OUDIN, Sénateur de la Vendée
Par courrier en date du 7 juin 2002, Monsieur le Sénateur Jacques OUDIN en sa qualité de rapporteur spécial des crédits des transports terrestres et de l'intermodalité, a bien voulu nous confier une mission d'assistance consistant à :
- contribuer à l'analyse des documents comptables des sociétés SNCF et RFF (en restreignant notre analyse aux seules activités ferroviaires),
- proposer un questionnaire complémentaire de nature à lui permettre d'apprécier au mieux la situation financière de ces sociétés,
- participer à la préparation des auditions des commissaires aux comptes et des gestionnaires de ces sociétés,
- contribuer à déterminer les adaptations de nature à faire mieux cadrer les données comptables fournies par la SNCF et RFF avec les prescriptions de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.
C'est dans le cadre de cette mission que nous vous adressons ce rapport d'étape destiné à vous présenter nos premières constatations sur la base des seuls documents qui nous ont été communiqués à ce jour. Ces travaux seront complétés ultérieurement après examen de la documentation qui reste à obtenir par votre commission, notamment :
- les comptes annuels arrêtés au 31 décembre 2001 de la société RFF ;
- l'ensemble des procès verbaux des conseils d'administration des deux sociétés sur les trois dernières années;
- la réponse des commissaires aux comptes de la SNCF sur un ensemble de questions portant en particulier sur les spécificités de la mission des commissaires aux comptes, les procédures, la comptabilisation du coût et des engagements de retraites et les contributions et concours de l'Etat et des autres organismes publics.
A - SNCF
a - Informations financières
Vous pourrez constater que les commissaires aux comptes de la société, dans leur rapport général relatif à l'exercice clos le 31 décembre 2001, ont renouvelé leurs réserves déjà émises l'année précédente. Ces réserves portent sur les points suivants :
- d'une part, il persiste un contentieux entre la SNCF et RFF tant sur le périmètre des immobilisations apportées à cette dernière que sur la valeur d'apport de ces mêmes immobilisations ;
- d'autre part, des incertitudes subsistent sur le chiffre d'affaires lié aux recettes voyageurs.
Par ailleurs, la seule lecture du bilan au 31 décembre 2001 ne permet pas de prendre la mesure de deux données particulièrement importantes qui concernent la société et qui sont renvoyées à la fin de l'annexe des comptes annuels de la SNCF (point 31) à savoir :
- les comptes de la caisse de retraites et de prévoyance ;
- les comptes du Service Annexe d'Amortissement de la Dette (SAAD : service créé le 01 janvier 1991 et doté d'une comptabilité distincte au sein de la SNCF. Ce service a pour vocation d'isoler une partie de la dette de la SNCF).
Enfin, les engagements de l'Etat en matière de retraites, relatifs au personnel de la SNCF, ne sont pas mentionnés. Or, cette information, bien que non obligatoire, présente un intérêt certain dans toutes les analyses économiques et financières se rattachant à la société.
b - Comparabilité des comptes
Lors de l'arrêté des comptes au 31 décembre 2001, la SNCF a décidé d'allonger la durée d'amortissement de certains matériels roulants.
Selon la note rédigée par la Direction du Trésor en date du 26 mars 2002, cette décision, motivée essentiellement par des considérations fiscales, apparaît discutable .
Au final, ce changement de méthode a eu pour conséquence d'améliorer le résultat social de l'exercice 2001 de 43 millions d'euros.
La dégradation du résultat d'exploitation, entre 2000 et 2001, est donc plus élevée que ne le laisse apparaître la lecture directe des comptes de résultat de la SNCF.
c - Evolution du résultat
Les comptes de résultats sociaux publiés de la SNCF se résument ainsi :
En millions d'euros |
2000 |
2001 |
Variation |
Chiffre d'affaires |
14.348 |
14.227 |
-0,8 % |
Produits d'exploitation |
15.135 |
14.963 |
-1,1 % |
Personnel |
7.364 |
7.493 |
+1,8 % |
Achats et charges externes |
4.471 |
4.474 |
+0,1 % |
Péages |
1.561 |
1.961 |
+8,3 % |
EBE |
1.094 |
664 |
-39,0% |
Résultat d'exploitation |
256 |
-71 |
|
Résultat financier |
-155 |
-105 |
|
Résultat courant |
101 |
-176 |
|
Résultat net |
68 |
-134 |
Source : Comptes sociaux publiés par la SNCF
La croissance continue des charges d'exploitation de l'entreprise dans un contexte de quasi-stagnation voire de baisse de ses produits d'exploitation accélère dangereusement la dégradation de l'équilibre d'exploitation et ne permet pas à la SNCF de dégager une capacité d'autofinancement suffisante pour financer les investissements jugés nécessaires.
De ce fait, au 31 décembre 2001, les comptes de la SNCF font apparaître un besoin de financement de 2,4 milliards d'euros qui, comme le souligne l'Inspection Générale des Finances, générera sur 2002 une augmentation la dette financière nette (hors SAAD et hors RFF).
Parallèlement, la dette inscrite au SAAD s'élève au 31 décembre 2001 à 8,9 milliards d'euros hors intérêts courus. Cette dette a été transférée pour un montant de 10,8 milliards d'euros de la manière suivante :
- 5,8 milliards d'euros transféré le 01 janvier 1991
- 4,4 milliards d'euros transféré le 01 janvier 1997
- 0,6 milliards d'euros transféré le 01 janvier 1999
La charge d'intérêts annuel de cette dette, soit 677 millions d'euros pour 2001, est payée en quasi-totalité par l'Etat.
Il faut souligner que l'endettement global se rattachant à l'activité de transport ferroviaire du secteur public ne peut être appréhendé par la lecture du seul bilan de la SNCF en raison du cantonnement de la dette ci-dessus dans un service distinct disposant d'une comptabilité séparée.
Enfin on rappellera qu'en 2001 l'Etat, les collectivités et autres organismes publics ont versé à la SNCF 6.157 millions d'euros répartis ainsi :
- Contributions au compte de résultat de la société 2.755 millions d'euros
- Contribution aux services annexes à vocation sociale 2.725 millions d'euros
- Contribution aux services annexes de la dette 677 millions d'euros
Au vu de l'ensemble de ces éléments, on peut légitimement s'interroger sur la possibilité pour l'Etat, dans un contexte économique difficile, de faire face aux besoins de financement toujours croissants de la société, sans que soient engagées au sein de celle-ci des actions permettant une amélioration de la rentabilité des différentes activités.
Cette analyse a d'ailleurs été exprimée dans le rapport 2002 de la mission de contrôle économique et financier de l'Inspection Générale des Finances qui remarque que l'absence ou l'inefficacité apparente d'un programme systématique de réduction globale des coûts de toute nature [...] font que le système de gestion ne paraît pas contribuer suffisamment à la maîtrise des coûts .
B - RFF
a - Informations financières
Dans son rapport sur les comptes 2000 de RFF, la Cour des Comptes a émis d'importantes réserves aussi bien sur la valeur de biens inscrits dans ses comptes, que sur les choix comptables retenus sur l'image fidèle de ces mêmes comptes.
En l'absence de communication des comptes 2001 et des rapports des commissaires aux comptes de RFF, il ne nous a pas été possible de contrôler l'évolution des points précédemment soulevés par la Cour des Comptes.
b - Comparabilité
Selon les informations figurant dans la note de RFF, en réponse à la question 4 du questionnaire de Monsieur le Sénateur Jacques OUDIN, les comptes de l'exercice 2001 ont fait l'objet des changements de présentation suivants.
- le portefeuille d'actif de 3 milliards d'euros, permettant d'assurer le service financier de la dette transférée entre 2001 et 2006, est inscrit en immobilisations financières.
- les subventions méritées sur immobilisations en cours ont été inscrites dans les capitaux propres. Les montants en cause n'ont pas été précisés.
- S'agissant des subventions d'investissement, mode de financement permanent pour les programmes d'investissement de RFF, les quotes-parts reçues sont désormais inscrites au compte de résultat en produits d'exploitation alors qu'elles figuraient auparavant en produits exceptionnels. Les montants en cause n'ont pas été précisés.
De ce fait, les comptes 2000 et 2001 ne sont pas directement comparables et tout particulièrement les résultats d'exploitation et les capitaux propres.
c - Evolution du résultat
En millions d'euros |
2000 |
2001 |
Variation |
Chiffre d'affaires |
1.850 |
2.073 |
12% |
Consommation biens et services |
2.862 |
2.923 |
2% |
Résultat d'exploitation |
-146 |
-80 |
|
Résultat financier |
-1.598 |
-1.593 |
|
Résultat net |
-1.701 |
-1.647 |
Source : Rapport annuel 2002 - Mission de contrôle économique et financier des transports - Inspection Générale des Finances
Remarque : Les chiffres 2000 indiqués ci-dessus (productions et ventes, d'une part, et consommation de biens et services, d'autre part) ne correspondent pas aux chiffres ressortant des comptes sociaux publiés par RFF ce qui suscite certaines interrogations.
Le chiffre d'affaires de RFF est constitué des redevances versées par la SNCF. Ce chiffre d'affaires ne permet pas à RFF de couvrir ses propres charges d'exploitation et tout particulièrement les sommes refacturées par la SNCF au titre des différentes conventions.
Dans ces conditions, force est de constater que, depuis sa création, RFF n'est pas parvenu, faute de moyens, à réduire son endettement global :
- endettement global en 1998 : 25 milliards d'euros ;
- endettement global en 2000 : 27 milliards d'euros.
Si la création de RFF a permis de se mettre en conformité avec la réglementation européenne, on peut néanmoins se demander si, dans son mode de fonctionnement actuel, RFF a les capacités de remplir les missions qui lui ont été confiées (l'amélioration de la qualité et de la sécurité, d'une part et le développement, d'autre part, de l'infrastructure ferroviaire), en dépit des contributions massives de l'Etat.
Cette interrogation est d'ailleurs partagée par la Direction du Trésor dans son rapport au comité des investissements à caractère économique et social de décembre 2001 qui estime que le système ferroviaire doit dégager des marges de manoeuvre financières faute de quoi, et sauf arbitrage du ministère des transports sur son budget, son développement ne pourra être financé. En effet, les pistes aujourd'hui indiquées par RFF ne sont pas à la hauteur des besoins .
On ne peut que souscrire à ce constat alors même que nous restons dans l'attente de nombreuses informations et documents et qu'au surplus certains éléments financiers des deux sociétés suscitent des interrogations ou des réserves de la part des commissaires aux comptes.
Paris, le mercredi 27 novembre 2002
Cabinet Didier KLING et Associés
Didier KLING