EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
d'une séance tenue dans l'après-midi du
mercredi 13 novembre 2002, sous la présidence de M. Jean
Arthuis, président, la commission a examiné les crédits
des affaires européennes (article 33 du projet de loi de finances pour
2003), sur le rapport de M. Denis Badré, rapporteur spécial.
M. Denis Badré, rapporteur spécial, a en premier lieu fait
référence à la communication qu'il avait
présentée en juillet dernier, au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne, et
dans laquelle il portait un jugement assez négatif sur l'avant-projet de
budget présenté par la Commission européenne. Il
considérait en effet que l'augmentation apparemment modique des
crédits d'engagement et de paiement, sollicitée par la
commission, résultait en réalité plus d'un effet optique
que d'une volonté affirmée de modération
budgétaire. L'effet d'aubaine utilisé par la Commission reposait
notamment sur les crédits de la première année du
sixième Programme commun de recherche et développement (PCRD),
traditionnellement contenus en début de programmation, et sur la
consolidation de crédits affectés à la résorption
des crises conjoncturelles de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB)
et de la fièvre aphteuse.
Il a également rappelé que la procédure actuelle du budget
européen n'était que partiellement démocratique, du fait
de la disjonction entre vote national des recettes et fixation communautaire
des dépenses, ne correspondait pas réellement au principe du
consentement à l'impôt, et tendait, via la problématique
médiatisée des retours nets, à nuire à
l'édification d'une véritable conscience communautaire. A cet
égard, il a estimé nécessaire de construire un budget
réellement européen, c'est-à-dire dont la part de
ressources purement communautaires, telles que les droits de douane, serait
plus importante.
Il a ensuite évoqué les principales caractéristiques du
budget des communautés pour 2003 et les apports du Conseil par rapport
à l'avant-projet de budget. Le Conseil a, comme à
l'accoutumée, réduit la hausse des crédits proposée
par la Commission, avec une progression de 0,9 % des crédits
d'engagement et de 1,4 % des crédits de paiement. Il a
rappelé que les Etats membres étaient coresponsables de
l'exécution de la majorité des programmes.
Il a en outre relevé que d'importants dysfonctionnements perduraient, en
particulier une programmation peu efficace et une exécution
désastreuse pour certaines politiques communautaires, au premier rang
desquelles les fonds structurels, avec un taux d'exécution de 69 %
et des restes à liquider s'élevant à 50 milliards
d'euros fin 2001, les actions extérieures, et les aides de
pré-adhésion (notamment le programme Soutien agricole de
préadhésion au développement rural -SAPARD- dont le taux
d'exécution n'était que de 7 % en 2001), bien que ces
dernières soient, il est vrai, difficiles à calibrer avec
précision. Il a ainsi considéré qu'au sein du budget
européen, le provisionnement massif tenait trop souvent lieu
d'abondement pour des politiques au contenu insuffisamment précis.
M. Denis Badré, rapporteur spécial, a également
déploré la dispersion excessive des crédits de politiques
internes, dont le saupoudrage tend in fine à nuire à la
perception de l'action européenne, et plaidé en faveur d'une
réorientation des crédits afférents aux réseaux
transeuropéens de transports vers des actions plus emblématiques,
telles que les percées alpines. La protection de l'environnement alpin
comme l'amélioration des liaisons routières et ferroviaires entre
les versants nord et sud de l'Europe constituent à l'évidence des
projets d'envergure européenne, et il s'agirait donc selon lui de
renverser la perspective du cofinancement, en accordant une part majoritaire
aux crédits européens.
Pour conclure, M. Denis Badré, rapporteur spécial, a
rappelé que ses critiques portaient plus sur la procédure et la
structure budgétaires que sur le fond et la légitimité des
politiques européennes, et qu'il était selon lui important de
continuer d'insister auprès des instances européennes sur les
carences du budget communautaire, sous peine de voir un Parlement national
prendre un jour l'initiative d'un refus de voter le prélèvement
sur recettes. Enfin, rappelant la nécessité d'une réforme
de la politique agricole commune, d'une meilleure exécution des
programmes et d'un cadre financier raisonnable en vue de
l'élargissement, ainsi que ses vives réserves sur cet article 33
du projet de loi de finances pour 2003, il a néanmoins recommandé
un vote favorable de la commission.
Sa présentation a été suivie d'un débat.
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé
sur l'ordre de grandeur des modifications apportées par le Parlement
européen au budget communautaire, puis évoquant le plaidoyer de
la commission en faveur de l'instauration d'un impôt européen, il
a requis l'opinion du rapporteur spécial sur la problématique des
ressources fiscales de l'Union européenne.
M. Denis Badré, rapporteur spécial, a indiqué que le
budget s'inscrivait dans une procédure de codécision entre le
Conseil et le Parlement, et qu'en moyenne le Conseil demandait une
réduction des crédits de 2 % par rapport à
l'avant-projet de la Commission, tandis que le Parlement recommandait une
hausse de 2 %. Il a également relevé que la ressource
budgétaire majeure avait progressivement glissé de la recette
assise sur la TVA vers celle assise sur le PNB, et qu'un vrai impôt
européen n'était concevable qu'au regard du transfert
intégral d'une compétence des Etats vers une autre personne
morale que serait l'Union, dans le cadre d'un budget communautaire autonome.
Puis, rappelant que l'essentiel des ressources communautaires était
à l'origine prélevé au niveau communautaire, et non de
celui des Etats membres, il a mis l'accent sur la nécessité de
susciter de vraies recettes européennes, et déploré que
l'Union prenne actuellement le chemin inverse, notamment par le biais d'une
« renationalisation » des ressources propres
traditionnelles. Enfin, répondant à une question de M. Jean
Arthuis, président, sur la part de ces ressources qui faisait
aujourd'hui l'objet d'une renationalisation par redistribution aux
Etats-membres, il a précisé que le taux des frais de perception
rétrocédés était passé cette année de
10 à 25 %.
M. Maurice Blin a ensuite souhaité connaître l'influence
réelle exercée par le Parlement européen dans la fixation
de la répartition entre grandes masses de dépenses, et
déplorant le fait que les Parlements nationaux ne procèdent pas
à un vote des ressources communautaires digne de ce nom, s'est
demandé si les parlementaires suédois et britanniques se
livraient à un contrôle plus fin de la dépense
européenne que leurs homologues français.
M. Jacques Oudin a évoqué le retard des réseaux
transeuropéens, notamment les difficultés du fret ferroviaire, et
considéré que ces réseaux étaient encore
envisagés selon une approche très nationale. Il a estimé
que la légitimité de l'intervention européenne ne
résidait pas dans la maîtrise d'ouvrage, qui devait rester le fait
des Etats membres, mais dans le financement de liaisons à la
rentabilité différée, et également dans la gestion
de certains réseaux, comme en témoigne le succès des
liaisons Thalys et Eurostar. Puis, faisant écho à une question de
M. Jean Arthuis, président, sur l'existence d'assiettes fiscales
potentiellement homogènes et non discordantes entre Etats, il a
mentionné le cas de la taxation des poids lourds supérieurs
à douze tonnes, qui fait l'objet de plusieurs réglementations
nationales (dont une actuellement à l'étude en Allemagne), et
qu'il serait sans doute opportun d'harmoniser et d'intégrer dans une
base fiscale européenne.
En réponse à ces observations, M. Denis Badré, rapporteur
spécial, a approuvé la proposition de M. Jacques Oudin, qui
pourrait selon lui faire l'objet d'une initiative française, et mis en
exergue l'exemple de la Confédération helvétique, dont la
politique fiscale en matière de transports s'inscrit dans une
démarche globale et combine efficacement les différents modes de
taxation, notamment pour financer des percées alpines. Puis il a
évoqué sa récente intervention lors de la
Conférence des organes spécialisés dans les affaires
communautaires (COSAC), durant laquelle il a rappelé avec force le
rôle des Parlements nationaux dans l'octroi des recettes communautaires,
et a indiqué que les parlementaires suédois et anglais se
livraient effectivement à un contrôle plus approfondi des
dépenses de l'Union. Il a enfin exposé que le Parlement
européen revêtait un rôle clair et politiquement lisible
dans l'évaluation et l'affectation régionale des fonds
structurels, et qu'il s'impliquait bien davantage dans le budget des politiques
internes que dans celui des actions extérieures.
La commission a alors adopté l'article 33 sans modification.