B. L'OBLIGATION DE COOPÉRER ET SES COROLLAIRES
1. Le principe : la coopération entre Etats côtiers et Etats pêcheurs
L'un des premiers objectifs de l'accord de New York du 4 décembre 1995 est de conforter les principes visant à assurer la conservation à long terme et l'exploitation durable des poissons chevauchants et des poissons grands migrateurs, en assurant une meilleure coopération entre les Etats et tout particulièrement les Etats côtiers, les Etats du port et les Etats du pavillon pour qu'ils fassent respecter plus efficacement les mesures de conservation et de gestion (article 2 et 5).
A cet égard, l'article 7 de l'accord précise que les Etats côtiers et les Etats pêcheurs doivent s'entendre pour appliquer en haute mer, dans les zones adjacentes aux zones sous juridiction nationale, les mesures nécessaires à la conservation des stocks. Les mesures adoptées doivent être compatibles entre elles. Notamment, les mesures appliquées en haute mer ne doivent pas nuire aux mesures de conservation prises dans les zones sous-juridiction nationale. Les pratiques de pêche doivent aussi « tenir compte » des décisions de gestion prises par des organismes régionaux de gestion des pêcheries.
Dans l'élaboration des mesures de gestion, les différents Etats doivent aussi tenir compte d'éléments biologiques : unité biologique du stock, répartition, localisation géographique, importance des stocks, degré d'exploitation dans les zones sous juridiction nationale et effet sur les ressources biologiques marines au-delà des stocks de poisson visés.
Ces mesures doivent enfin tenir compte de leur impact socioéconomique sur l'Etat côtier et notamment sa dépendance vis à vis du stock exploité (article 7.2.e).
2. L'aide apportée aux Etats en développement
Par le présent accord, les Etats parties reconnaissent pleinement les besoins spécifiques des pays en développement en la matière, qu'ils s'agissent de la conservation ou de la valorisation des stocks de poissons chevauchants ou grands migrateurs. A ce titre sont expressément mentionnés : la vulnérabilité de ces pays pour répondre aux besoins alimentaires de leurs populations, la protection de la pêche de subsistance et des petites pêches commerciales et une juste répartition de l'effort de conservation (art. 25).
Les Etats s'engagent à leur apporter une aide soit directement soit à travers les grandes organisations internationales, notamment celles des Nations Unies relatives au développement, à l'alimentation ou à l'environnement. Il s'agit de leur permettre, d'une part, d'exploiter leurs propres ressources halieutiques et, d'autre part, de contrôler l'exploitation des ressources dans leurs zones économiques exclusives (ZEE) et l'activité des navires de pêche battant leurs pavillons. L'accord reconnaît ainsi implicitement le lien entre le sous-développement et la dégradation de l'environnement.
L'aide apportée pourra prendre la forme financière, scientifique ou technique, pour concourir efficacement à la conservation, à la gestion et à l'exploitation durable des stocks de poissons. L'accord fixe comme priorité l'amélioration des connaissances scientifiques et des capacités locales d'observation et de contrôle, car ils sont les principaux facteurs d'une meilleure conservation (art. 25.3).
Enfin, dans son article 26, l'accord prévoit la constitution de « fonds de contributions spéciales » afin d'aider les Etats à appliquer l'accord, à faire face aux coûts des procédures de règlement des différends et à créer de nouvelles organisations régionales de gestion ou à renforcer celles qui existent déjà.
3. Les mécanismes de coopération internationale : les organisations régionales
Les Etats s'engageant à coopérer, l'accord en précise les mécanismes. Il favorise la création (art. 8.5) ou le renforcement (art.13) des organisations régionales des pêches.
L'article 8 de l'accord mentionne explicitement la possibilité de créer de telles organisations. Les Etats s'engagent à entamer « des consultations de bonne foi et sans retard » pour améliorer les conditions de conservation. Cet article précise également que les Etats « s'acquittent de leur obligation de coopérer en devenant membre » des organisations régionales des zones géographiques où ils pêchent ou dont ils sont riverains, ou en appliquant les mesures qu'elles édictent. Surtout, l'accord fixe le principe que « seuls les Etats qui sont membres [...] ou participants [...] ou qui acceptent d'appliquer les mesures de conservation et de gestion instituées pour l'organisation [...], ont accès aux ressources halieutiques auxquelles s'appliquent ces mesures ».
L'accord précise en outre les principes de la création, les fonctions et les règles de fonctionnement de ces organisations (art.9 à 16). Dans le cadre de ces organisations, les Etats prennent, notamment, des mesures de gestion et s'y conforment en vue d'assurer la durabilité à long terme des stocks. Ils conviennent des règles de financement, fondent leurs décisions sur des données scientifiques et cherchent à protéger les espèces non visées, associées ou dépendantes, mettent en place des mécanismes de contrôle, de surveillance et de police. L'accord fixe les principes d'adhésion de nouveaux membres dans ces organisations afin de favoriser la participation du plus grand nombre d'Etats possible à la gestion des stocks (art.11).
Ces organisations devront aussi respecter le principe de « transparence » en permettant la participation aux réunions et l'accès à la documentation officielle de l'organisation des organisations intergouvernementales et non gouvernementales concernées. L'accord précise même que les « procédures ne doivent pas être trop restrictives à cet égard ».
4. La question des Etats non-membres ou non-participants à une organisation de gestion
Dans son article 17, le présent accord fixe le principe qu'un Etat, non-membre d'une organisation de gestion, qui n'appliquerait pas les mesures de gestion décidées par celle-ci, et cependant membre du présent accord, n'est pas libéré de son obligation de coopérer à la conservation et la gestion des stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs.
Il ne doit pas autoriser les navires battants son pavillon à pêcher les poissons concernés par les mesures prises par cette organisation.
Les Etats membres des organisations de gestion sont, quant à eux, autorisés à coopérer et à prendre des mesures conformes au droit international en vue de dissuader des navires de se livrer à des activités qui compromettent l'efficacité des mesures de conservation. Il en est de même vis-à-vis des navires des Etats non-parties au présent accord (art. 33).