INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
L'accord relatif à la conservation et à la gestion des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs, ouvert à la signature à New York le 4 décembre 1995 et signé par la France un an plus tard, est un accord d'application de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer du 10 décembre 1982. Cette convention a elle-même été ratifiée par la France le 12 mars 1996 et est entrée en vigueur la même année.
Les principes régissant les zones économiques exclusives (ZEE) et la gestion des ressources halieutiques étant fixés dans la partie V de la convention de Montego Bay, ils doivent être précisés dans des accords d'application ultérieurs. Le présent accord est le second accord d'application après celui du 28 juillet 1994 sur les grands fonds marins. L'accord de 1995 a aussi été adopté pour appliquer, en matière de pêche, les directives adoptées pour favoriser le développement durable à la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement (CNUED) de Rio en juin 1992.
La France a joué avec la Communauté européenne un rôle important dans les négociations. En effet, l'accord touche à la fois les compétences nationales (Etat du pavillon, personnels des navires) et communautaires (conservation et gestion des ressources). Le Conseil de l'Union européenne a d'ailleurs décidé le 8 juin 1998 de ratifier l'accord et d'en déposer l'instrument de ratification dès que l'ensemble des membres l'aurait ratifié à leur tour. Le dépôt des instrument de l'Union et des membres permettra l'entrée en vigueur de l'accord, 30 ratifications étant nécessaires.
Votre rapporteur rappellera dans un premier temps les enjeux de la conservation des espèces et l'action de la France pour faire respecter les réglementations internationales en la matière avant de rappeler l'état du droit en vigueur et d'analyser les dispositions du présent accord.
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I. LES ENJEUX DE LA CONSERVATION DES ESPÈCES HALIEUTIQUES ET L'ACTION DE LA FRANCE
A. LES ENJEUX DE LA CONSERVATION DES ESPÈCES HALIEUTIQUES
1. Le bilan effectué par la FAO
Pour préparer la conférence internationale qui a permis l'adoption de l'accord sur les stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs, la FAO 1 ( * ) a publié un rapport dressant un premier bilan des stocks de poissons concernés et visant à donner les éléments scientifiques de base pour préparer les décisions des Etats. Ce document a établi que l'exploitation actuelle des ressources était « non durable », nombre d'entre elles ayant fortement diminué ou étant épuisées.
Cette étude relève que l'application de la Convention de Montego Bay a eu des effets pervers. Elle a encouragé les Etats côtiers à s'approprier les droits de pêche sur leurs zones économiques exclusives (ZEE) excluant les anciens pays pêcheurs ou diminuant leurs prises et les conduisant ainsi à se tourner vers des zones encore inexploitées ou vers la haute mer. Cette évolution a aggravé le mouvement d'accroissement des prises et surtout de la flotte de pêche. Depuis 1970, la progression du tonnage a été deux fois plus rapide que celle des captures conduisant à fragiliser les ressources et les armateurs.
La FAO notait que pour la première fois, le début des années 1990 avait marqué une diminution des prises par rapport au niveau record de 1989 (86 millions de tonnes). Elle estimait d'ailleurs qu'il faudrait réduire la flotte de près de 25 % pour retrouver les taux d'abondance et de capture des années 1970.
Enfin, ce rapport mettait en exergue la difficulté de réglementer la pêche en haute mer à partir du moment où les armateurs adoptent des pavillons de complaisance pour éviter de respecter les réglementations et pour pratiquer une pêche sauvage.
2. La gestion des stocks halieutiques, un enjeu européen
De son côté, la Commission européenne qui a la responsabilité de la conservation et de la gestion des ressources halieutiques pour les pays membres a proposé début juin 2002 un plan drastique de réduction de la flotte communautaire pour éviter la surexploitation des fonds. 8 600 navires de pêche seraient retiré du service et toute aide à la construction de navires neufs serait supprimée.
Le secteur de la pêche représente selon la direction générale de la pêche de la Commission 526 000 emplois en Europe dont 67 000 en France, 107 000 en Italie et 132 000 en Espagne. L'ensemble des prises communautaires s'élèverait à 4,5 millions de tonnes pour un montant total de 5,5 milliards d'euros. En France, les 276 milliers de tonnes capturées représentent une valeur de 647 millions d'euros. L'Espagne reste le principal pays pêcheur en valeur (1,6 milliard d'euros) alors qu'en volume, le Danemark est le premier pays pêcheur avec 1,1 millions de tonnes.
La Commission européenne fait le constat que plusieurs espèces communes sont en danger et demande des mesures plus rigoureuses de gestion dans l'Atlantique (cabillaud, lotte, merlu, langoustines, mérous). L'Ifremer estime que la biomasse (le stock en mer) de cabillaud a été divisée par trois en mer du Nord depuis 1980 et celle du merlu par deux. Il s'agit donc d'éviter que la surpêche n'entraîne la fermeture temporaire de la pêche. Au Canada, en raison d'une pêche mal maîtrisée, la pêche au cabillaud est fermée depuis 1992 sans qu'il soit permis aujourd'hui d'envisager sa réouverture à court terme.
En Méditerranée, la principale espèce commerciale menacée est le thon rouge dont le prix est très élevé en Asie. Pour celui-ci, le Fonds mondial pour la nature (WWF) estime que les stocks de reproducteurs ont diminué de 80 %. En dix ans, le poids moyen des prises est passé de 50-60 kg à 25-30 kg. Une partie de la surexploitation est d'ailleurs due au développement des fermes d'engraissage ; inexistantes en 1997, elles exportent aujourd'hui 150 000 tonnes de thon.
L'Union européenne cherche également à accroître et améliorer sensiblement l'effort de recherche car les stocks de poissons restent en général mal connus. En dehors de quelques espèces comme le thon qui sont suivies depuis longtemps, les connaissances scientifiques ne permettent de donner que des estimations larges. Il s'agit enfin de mieux connaître l'impact de la pollution et des effets climatiques sur l'évolution des stocks
* 1 Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.