Rapport n° 284 (2001-2002) de M. Daniel GOULET , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 3 avril 2002

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N° 284

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 21 février 2002

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 avril 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil de l'Europe relatif à la protection sociale des membres du personnel employés par ladite organisation sur le territoire français ,

Par M. Daniel GOULET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 444 (2000-2001)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'accord soumis à l'examen de notre Haute Assemblée délie les agents permanents du Conseil de l'Europe de leur affiliation obligatoire au régime français de sécurité sociale pour les risques maladie, maternité, décès, accidents du travail pour leur permettre de s'affilier, s'ils le souhaitent, au système spécifique d'assurance sociale de leur employeur.

Au-delà de son caractère principalement technique, l'accord traduit la volonté de la France de conforter la place d'une institution dont l'action s'est révélée très positive dans l'édification d'un système de valeurs communes au vieux continent.

Le rôle du Conseil de l'Europe, bien que le siège de cette institution soit à Strasbourg, reste parfois méconnu dans notre pays. C'est pourquoi, après avoir analysé le contenu du présent accord, votre rapporteur évoquera d'une manière plus générale le bilan de cette institution.

I. QUI SONT LES AGENTS DU CONSEIL DE L'EUROPE ?

Le Secrétariat du Conseil de l'Europe compte quelque 1.300 agents permanents originaires des quarante quatre Etats membres. Le personnel se divise en quatre catégories (A, B, C, L). Le tiers des agents appartient au grade A (l'emploi d'administrateur qui couvre des postes de début de carrière jusqu'à ceux de directeur général), assistés par environ 250 agents de catégorie B supérieure, chargés de fonctions d'application et d'encadrement, et par d'autres agents de grade B qui exécutent des fonctions techniques de secrétariat ou d'employés de bureau. Les agents de catégorie L -soit 70 personnes- assurent la traduction et l'interprétariat. La catégorie C, enfin, forte de 180 agents, couvre les tâches techniques, manuelles ou de services.

. Les conditions de recrutement

Les agents permanents sont exclusivement recrutés sur concours -concours généraux pour pourvoir les postes d'administrateur de début de carrière, concours spécifiques afin d'assurer des recrutements dans des emplois spécialisés. Les concours généraux sont ouverts en principe aux Etats qui ne sont pas suffisamment représentés au sein du Secrétariat. Conséquence de l'adhésion récente de nouveaux Etats membres, un grand nombre d'agents engagés au cours des dernières années proviennent de l'Europe centrale et orientale. Quant aux concours spécifiques, organisés quand les postes concernés deviennent vacants, ils peuvent être ouverts aux ressortissants de tous les Etats membres ou à un ou plusieurs pays sous-représentés.

Par ailleurs des postes temporaires de longue durée sont régulièrement proposés et également pourvus par concours.

. La nature des fonctions

Les administrateurs non spécialisés assurent le secrétariat de comités d'experts désignés par les gouvernements (dans les différents domaines de la coopération intergouvernementale) ou des commissions de l'Assemblée parlementaire (organisation des travaux et tâches de conception - rédaction des rapports et documents de travail, recherches en liaison avec le rapporteur ou le président).

Les juristes, au Greffe de la Cour européenne des droits de l'homme, examinent quant à eux les requêtes dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'homme, préparent des dossiers juridiques, effectuent des recherches en droit et rédigent des documents à caractère général ou juridique.

La plupart des agents sont affectés au siège de l'institution, à Strasbourg, mais certains peuvent aussi travailler dans les différentes antennes du Conseil de l'Europe : bureau de représentation à Paris, bureau de liaison à Bruxelles, Centre européen pour l'interdépendance et la solidarité mondiales à Lisbonne, Centre de la jeunesse à Budapest, Centre européen pour les langues vivantes à Graz en Autriche.

. Les conditions d'emploi

Pour les emplois permanents de grade A et L, l'engagement initial se fait sur la base d'un contrat de deux ans qui constitue une période probatoire. Pour les agents de grade B et C, cette durée est ramenée à une année. Si les services des agents donnent satisfaction, la nomination définitive intervient au terme de la période probatoire.

Les salaires des agents sont approuvés par le Comité des ministres d'après les barèmes des rémunérations pratiquées au sein d'autres instances internationales. Les salaires ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. Les agents de grade A, L et B ont droit à une indemnité d'expatriation si, lors de leur engagement, ils n'ont pas la nationalité de l'Etat hôte et ne résident pas sur le territoire de cet Etat depuis un an au moins de façon ininterrompue. Les agents bénéficiant de l'indemnité d'expatriation ou qui avaient, au moment de leur recrutement, leur lieu de résidence à plus de 1.000 km du lieu où ils sont appelés à exercer leurs fonctions ont droit à une indemnité d'installation. Leurs frais de déménagement et de voyage au début et à la fin de la période d'emploi sont pris en charge par le Conseil de l'Europe.

II. UN RÉGIME DE SÉCURITÉ SOCIALE DÉSORMAIS SPÉCIFIQUE

En vertu d'un accord conclu le 21 novembre 1959 entre la France et le Conseil de l'Europe, les agents permanents de cette institution sont obligatoirement affiliés au régime français de sécurité sociale à l'exception des prestations familiales et des assurances invalidité et vieillesse pour lesquelles ils bénéficient d'un régime propre à cette organisation.

Le présent accord se substitue à l'accord de 1995 : il officialise la mise en place, par le Conseil de l'Europe, d'un système alternatif de protection sociale qui couvre, pour les agents qui souhaitent s'y affilier, l'assurance maladie, maternité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles.

Ce nouveau dispositif appelle deux séries de remarques.

En premier lieu, il présente un caractère alternatif. Les agents permanents du Conseil de l'Europe peuvent donc choisir de rester affiliés au régime français de sécurité sociale. Au total, 734 des 1.180 agents permanents de l'organisation devraient passer du régime français au régime institué par leur employeur.

Ensuite, le changement d'affiliation devrait se traduire par une perte nette de 30 millions de francs par an pour le régime général de sécurité sociale, dans la mesure où les cotisations versées au titre des assurances maladie, maternité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles excèdent de manière significative les prestations versées.

Un arrangement administratif précise les conditions d'application de l'accord :

- il prend acte de la date d'effet du régime propre au Conseil de l'Europe (1 er mars 1999) ;

- il maintient les agents temporaires de l'organisation au régime général français ainsi que ses agents permanents n'ayant pas opté pour le régime propre à celle-ci ;

- il fixe les cotisations et contributions dont est redevable l'organisation au regard du régime général français pour ses agents qui continuent d'en relever ;

- il détermine les conditions de versement d'une allocation différentielle dans l'hypothèse où les prestations familiales versées par le régime propre du Conseil de l'Europe seraient inférieures à celles prévues par le régime français de sécurité sociale.

III. LE CONSEIL DE L'EUROPE : UN INSTRUMENT ESSENTIEL DANS L'ÉDIFICATION D'UNE COMMUNAUTÉ DE VALEURS À L'ÉCHELLE DU VIEUX CONTINENT

Le Conseil de l'Europe a été créé à Londres le 5 mai 1949. Il apparaît ainsi comme le pionnier des institutions européennes. En parallèle au processus de construction européenne dans le cadre de la Communauté puis de l'Union européenne, le Conseil de l'Europe a aussi été un vecteur du rapprochement des pays européens à une échelle plus large que l'Union européenne, puisqu'il a vocation à réunir l'ensemble des Etats du continent européen mais aussi, d'une manière différente, dans la mesure où il fonctionne exclusivement sur la base de la coopération intergouvernementale.

Les institutions de Strasbourg poursuivent quatre grands objectifs :

- la défense des droits de l'homme, de la démocratie pluraliste et de la prééminence du droit ;

- la mise en valeur de l'identité culturelle de l'Europe et de sa diversité ;

- la recherche des solutions aux questions de société (discrimination entre les minorités, xénophobie, intolérance, protection de l'environnement...) ;

- la stabilité démocratique de l'Europe à travers le soutien aux réformes politiques et sociales.

Le Conseil de l'Europe est statutairement compétent dans tous les domaines, à l'exclusion des questions de défense et de sécurité.

Il comprend deux organes principaux : le Comité des ministres, instance de décision du Conseil, composé des ministres des affaires étrangères de tous les Etats membres ou de leurs représentants permanents ; l'assemblée délibérante dont les membres sont désignés par les parlements nationaux.

Par ailleurs, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe, organe à caractère consultatif, assure la représentation des collectivités locales et régionales.

Un secrétaire général, élu par l'Assemblée parlementaire, dirige et coordonne les activités de l'organisation.

L'élaboration d'un système de règles harmonisées à laquelle participe le Conseil de l'Europe se manifeste par la négociation et la conclusion de conventions.

La Convention européenne des Droits de l'homme constitue sans doute le jalon le plus marquant de ce processus. Elle a fait date, non seulement pour avoir -au-delà de la diversité des traditions nationales- posé les valeurs communes de l'Europe, mais aussi parce qu'elle a institué un système de contrôle des principes ainsi posés. La Cour européenne des droits de l'homme représente ainsi le premier organe juridictionnel qui peut être saisi directement par tout Etat comme par les particuliers qui s'estiment victimes d'une violation des droits inscrits dans la convention. Composée de 41 juges, elle fonctionne en permanence depuis 1996.

Au total, plus de 170 conventions ont été signées. Elles concernent les droits de l'homme, la prévention de la torture, la protection sociale, la coopération transfrontalière, l'environnement... Parmi les accords les plus récents élaborés dans le cadre du Conseil, on peut citer le protocole relatif à la biomédecine interdisant le clonage humain.

L'action du Conseil de l'Europe a été profondément élargie après la chute du Mur de Berlin en 1989 et l'adhésion des pays issus du bloc socialiste et de l'ancienne Union soviétique. Le Conseil compte ainsi, depuis les récentes adhésions de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan et de la Bosnie-Herzégovine, 44 membres.

Bien que la signature de la Convention européenne des Droits de l'homme soit devenue une condition essentielle de l'adhésion au Conseil, certains Etats membres sont encore loin de se conformer aux principes contenus dans la convention. La Russie a ainsi été suspendue de l'organisation, à la suite des opérations conduites en Tchétchénie, avant de la réintégrer.

Toutefois, il faut le souligner, tous les Etats membres ont accepté d'être jugés à l'aune des principes auxquels ils ont eux-mêmes souscrits. Ce principe général présente une implication directe lorsque, comme c'est d'ailleurs le cas pour la Russie, l'Etat membre a reconnu le droit de recours individuel devant la Cour européenne des Droits de l'homme. Aujourd'hui plus de 4.000 dossiers ont d'ailleurs été ouverts contre ce pays.

CONCLUSION

L'accord relatif à la protection sociale des agents permanents du Conseil de l'Europe ne fait qu'officialiser un système mis en place depuis 1999. Dans ces conditions, il faut bien le reconnaître, l'examen de ce texte par la Haute Assemblée présente une portée plus symbolique que réelle.

En outre, d'aucuns pourront s'interroger de l'intérêt pour la France de la mise en place d'un régime de sécurité sociale dérogatoire du droit commun et coûteux, puisqu'il s'accompagne d'un « manque à gagner » de 4,5 millions d'euros pour le régime général.

L'intérêt de ce texte doit néanmoins s'apprécier au regard de la volonté de notre pays de favoriser encore les relations avec une institution dont il peut s'honorer d'abriter le siège, compte tenu du rôle majeur qui revient au Conseil de l'Europe dans la défense des droits de l'homme.

C'est pourquoi votre commission vous invite à approuver le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères a examiné le présent projet de loi lors de sa séance du 3 avril 2002.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Emmanuel Hamel a souhaité obtenir des précisions sur le nombre de nos ressortissants au sein du personnel du Conseil de l'Europe.

M. Xavier de Villepin, président, a demandé quelles raisons avaient conduit à la mise en place d'un régime de sécurité sociale propre au Conseil de l'Europe. Il s'est interrogé, d'une manière plus générale, sur l'opportunité d'accorder aux fonctionnaires internationaux des avantages matériels par trop dérogatoires au regard des règles de droit commun.

M. Daniel Goulet, rapporteur, a précisé que la composition du personnel du Conseil de l'Europe devait refléter un certain équilibre entre les différents Etats membres. Il a observé que, même s'il était difficile d'établir des comparaisons rigoureuses entre les prestations servies par des régimes de sécurité sociale différents, le régime spécifique du Conseil de l'Europe apparaissait, par certains aspects, plus avantageux pour les employés de cette institution.

M. Christian de La Malène a souhaité, pour sa part, que la multiplication des institutions internationales et l'essor pris par certaines d'entre elles fassent l'objet d'une attention plus grande de la part du ministère des affaires étrangères.

La commission a alors adopté le présent projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil de l'Europe relatif à la protection sociale des membres du personnel employés par ladite organisation sur le territoire français, signé à Strasbourg le 12 janvier 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT2 ( * )

- Etat du droit et situation de fait existants et leurs insuffisances :

L'accord entre la France et le Conseil de l'Europe du 21 novembre 1959, modifié par un échange de lettres du 7 novembre 1972, prévoit l'affiliation des agents de l'organisation à la législation française à l'exception des risques invalidité, vieillesse et prestations familiales.

Le 1 er mars 1999, un système alternatif d'assurance sociale a été mis en place par le Conseil de l'Europe, avec l'accord de la France, qui permet à ses agents qui le souhaitent d'être affiliés à un régime privé de protection sociale en matière d'assurance maladie, maternité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles plutôt qu'au régime général français de sécurité sociale.

Au total, 734 des 180 agents permanents de l'organisation devraient passer du régime français au régime institué par leur employeur.

L'accord de 1959, devenu caduc, doit donc être abrogé et remplacé.

- Impact escompté en matière :

* d'emploi : sans objet.

* d'intérêt général : geste de portée exceptionnelle qui témoigne de l'attention que porte le Gouvernement français à la qualité de ses relations avec l'organisation de Strasbourg.

* financière : il en résulte une perte nette d'environ 30 millions de francs par an pour le régime général de sécurité sociale (différence entre les cotisations versées au titre des assurances maladies maternité, décès accidents du travail et maladies professionnelles et les prestations reçues).

* de simplification des formalités administratives : le nouvel accord clarifie la situation des personnels de l'organisation au regard de la législation française.

* de complexité de l'ordonnancement juridique : l'accord du 12 janvier 2000 remplacera désormais l'accord du 21 novembre 1959, modifié par l'échange de lettres du 7 novembre 1972. L'ordonnancement juridique sera donc simplifié, avec un seul texte au lieu de deux.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 444 (2000-2001)

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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