III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : REVENIR SUR QUELQUES POINTS
Votre commission se félicite que l'Assemblée nationale ait retenu les apports du Sénat sur de nombreux points.
Elle se réjouit notamment du fait que n'apparaisse plus dans le code civil l'affirmation selon laquelle « le divorce n'emporte aucun effet » et qu'un lien ait été rétabli entre le prononcé du divorce ou des mesures provisoires en matière de divorce et la détermination des conditions d'exercice de l'autorité parentale.
Elle vous proposera de revenir sur quelques sujets, peu nombreux.
A. LA RÉSIDENCE ALTERNÉE DOIT ÊTRE DÉCIDÉE AVEC PRUDENCE EN CAS DE DÉSACCORD DES PARENTS
Votre commission se félicite de ce que l'Assemblée nationale ait accepté de montrer une certaine prudence à l'égard de la résidence alternée en inscrivant explicitement dans la loi que le juge a la faculté de prononcer une telle mesure à titre provisoire en cas de désaccord des parents.
Votre commission préférait certes le dispositif prévu par le Sénat, qui interdisait, en cas de désaccord des parents, le prononcé direct d'une telle mesure. La disposition adoptée par l'Assemblée nationale n'apporte en effet pas de solution juridique nouvelle, un juge aux affaires familiales étant toujours susceptible de prendre une mesure à titre provisoire. Elle a cependant le mérite de souligner la circonspection nécessaire en matière de résidence alternée en cas de désaccord des parents.
Votre commission acceptera donc d'adhérer au dispositif facultatif proposé par l'Assemblée nationale.
Elle vous proposera cependant deux modifications au texte adopté afin :
- de faire ressortir que l'intérêt de l'enfant doit primer sur celui des parents , contrairement à ce que pourrait laisser penser la formulation négative retenue par l'Assemblée nationale selon laquelle le juge peut prononcer une mesure provisoire de résidence alternée « sauf si l'intérêt de l'enfant s'y oppose » ;
- de laisser au juge une certaine souplesse pour déterminer la durée de la mesure plutôt que de la limiter impérativement à six mois.
B. LES ENLÈVEMENTS INTERNATIONAUX D'ENFANTS NE SERONT PAS ÉVITÉS GRÂCE À DE SIMPLES MODIFICATIONS DU CODE CIVIL
La question des enlèvements internationaux d'enfants a été très présente pendant les débats à l'Assemblée nationale comme au Sénat. De nombreux amendements ont été présentés sur la question et certains ont été adoptés.
Les affaires en la matière sont particulièrement douloureuses . Encore relativement peu nombreuses, elles sont appelées à prendre une importance croissante avec la multiplication des couples bi-nationaux.
Le Sénat avait adopté en première lecture une disposition incluant dans les missions du juge aux affaires familiales celle de prononcer l'interdiction du territoire . En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a remplacé cette disposition par une mention plus générale selon laquelle le juge peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec chacun de ses parents ( art. 4, IV, art. 373-2-6 du code civil ).
Votre commission vous proposera d'adopter sans modification le texte proposé par l'Assemblée nationale, sachant que la prévention des enlèvements internationaux d'enfants participe au maintien des liens entre l'enfant et ses deux parents.
En tout état de cause, l'interdiction de sortie du territoire fait partie des mesures que le juge peut prononcer. L'enfant sera alors inscrit sur le fichier des personnes recherchées consulté par la police aux frontières. Une circulaire du ministre de l'intérieur en date du 11 mai 1990 précise les conditions d'inscription des enfants dans ce fichier et prévoit des possibilités d'inscription en urgence, à titre conservatoire, avant même l'intervention d'une décision judiciaire.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a par ailleurs adopté deux articles additionnels prévoyant une spécialisation des juridictions s'agissant des actions fondées sur la convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ( art. 16 et 17 ). Cette convention lie la France à 62 États. Elle organise le retour dans leur pays de résidence habituelle d'enfants enlevés de manière illicite vers un autre pays.
Votre commission souscrit à cette spécialisation, d'ailleurs préconisée tant par la commission spéciale sur le fonctionnement pratique de la convention de la Haye que par la commission parlementaire franco-allemande. L'application de cette convention exige en effet une intervention très rapide pour éviter que ne s'instaure un état de fait qui, dans l'intérêt même de l'enfant, deviendrait difficile à remettre en cause. La spécialisation des juridictions françaises répondra d'ailleurs à celle des juridictions de nos partenaires et devrait conduire à une amélioration générale de l'efficacité du système. L'Allemagne a ainsi elle-même spécialisé 28 tribunaux.
Votre commission constate cependant que la France est liée par des accords bilatéraux en matière d'enlèvement international à une vingtaine de pays, principalement des pays africains, notamment les pays du Maghreb, mais également le Brésil et le Portugal.
Est également applicable la convention européenne de Luxembourg du 20 mai 1980, qui permet d'obtenir dans un État partie l'exequatur d'une décision rendue en matière d'autorité parentale dans un autre État partie. S'agissant de la Communauté européenne, le règlement (CE) n° 1347/2000 du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs est entré en vigueur le 1 er mars 2001. La commission a élaboré une nouvelle proposition de règlement en septembre 2001 pour en étendre son champ d'application en dehors des unions matrimoniales.
Votre commission considère qu'il n'y a pas de raison de limiter la spécialisation des juridictions aux actions engagées sur le fondement de la seule convention de la Haye. Elle vous proposera donc de prévoir une telle spécialisation s'agissant de l'ensemble des dispositions des conventions internationales et des instruments communautaires applicables en matière d'enlèvement international d'enfants.
Elle vous proposera en outre d'étendre outre-mer l'application de ces dispositions ( art. 15, V ).
En revanche, votre commission n'adhérera pas à la disposition adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture prévoyant une privation automatique de l'exercice de l'autorité parentale par le parent coupable d'un enlèvement international d'enfant ( art. 4, III ter, art. 373 du code civil ).
Cette mesure est en contradiction avec le souhait du Sénat de limiter au maximum les cas de perte automatique de l'exercice de l'autorité parentale. En tout état de cause, elle ne pourrait que rendre plus difficile le retour d'un enfant enlevé en créant des blocages supplémentaires.
D'une manière générale, la douloureuse question des enlèvements internationaux d'enfants ne peut se résoudre par une modification des règles du code civil ou même par des dispositions de notre droit national .
Que vaut une interdiction de sortie du territoire, y compris s'agissant d'un pays extérieur à la communauté européenne, quand il n'y a plus de contrôle aux frontières terrestres de la France ?
Quelle protection réelle accorde la convention de la Haye quand certaines juridictions, par exemple certaines juridictions allemandes, mettent systématiquement en avant le danger physique ou psychique encouru par l'enfant pour refuser son retour vers la France ?
De manière générale, que vaut une décision obtenue d'un juge français en matière d'autorité parentale si elle n'est pas reconnue à l'étranger ?
La solution à ces questions ne peut que se trouver dans un accroissement de la coopération judiciaire internationale.
En attendant, a été créée, au sein de la chancellerie, une mission d'aide à la médiation familiale internationale (MAMIF) qui essaie de résoudre par la négociation les cas les plus difficiles, principalement en relation avec l'Allemagne.