II. LA DÉFENSE, PARENT PAUVRE OU VARIABLE D'AJUSTEMENT ?
A. LE CINQUIÈME POSTE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT
Avec 29,3 milliards d'euros, le budget de la Défense est passé au cinquième rang de dépenses de l'Etat, après l'Education nationale (61,4 milliards d'euros), les Charges communes (51,6 milliards d'euros, dont 36,8 milliards de dette publique nette), les concours de l'Etat aux collectivités locales (56,1 milliards d'euros) et l'Emploi et solidarité (32,1 milliards d'euros).
Poids relatif du budget de la Défense (hors pensions)
|
Budget Défense/Budget
Etat
|
Budget Défense/PIB
|
1980 |
15,52 % |
3,07 % |
1996
|
12,30 %
|
2,41 %
|
1. Un poids inférieur à celui de la charge de la dette
En 2002,
le poids de la dette publique et des garanties de l'Etat
s'élèvera à 37,3 millions d'euros (244,7 milliards de
francs), soit exactement le poids du budget de la Défense, pensions
comprises.
Hors pensions (28,8 milliards d'euros), l'écart atteint
huit milliards d'euros et le budget de la Défense est à
peine supérieur à celui de l'Equipement, du Logement et des
Transports (21,4 milliards d'euros).
2. Une tendance lourde des choix budgétaires de la législature
De 1996
à 2002, la part de l'effort consacré à la Défense
dans le budget de l'Etat aura diminué de 1,4 point, et la part de
l'effort de la Défense dans le PIB de 0,5 point.
Depuis 1980, cette diminution atteint près de cinq points de PIB,
et plus de deux points du budget général.
En réalité, le budget militaire est clairement devenu le parent
pauvre, ou plutôt la variable d'ajustement privilégiée de
l'équilibre du budget général.
Cette tendance, constante tout au long de la loi de programmation,
marquée dès les lois de finances initiales, a toujours
été renforcée en cours d'exécution. La Cour des
Comptes, dans son Rapport sur l'exécution du budget 2000, est
elle-même amenée à s'inquiéter :
« La part des dépenses militaires au sein du budget de
l'État ne cesse de s'amenuiser ; cette diminution constitue en tant
que telle le pari le plus difficile à gagner de ce ministère, au
plan national comme international »
14(
*
)
B. UN AJUSTEMENT PERMANENT SUR L'ÉQUIPEMENT ET L'ACTIVITÉ DES FORCES
1. L'effet de ciseaux des conditions d'exécution budgétaire
a) L'inversion du poids relatif des dépenses de fonctionnement et d'équipement
Depuis 1990, au sein d'une enveloppe demeurée rigoureusement identique en francs courants, la structure du budget militaire s'est profondément modifiée, avec une inversion absolue du poids relatif des dépenses de fonctionnement et des dépenses d'équipement.
Evolution de la structure du budget de défense
(milliards de francs courants)
|
LFR 1990 |
PLF 2002 |
Titre III
|
87
|
107,9
|
Total |
189 |
189,3 |
Ainsi,
en 1990, les dépenses du titre III, hors pensions,
s'établissaient à 87 milliards de francs courants et les
dépenses d'équipement à 102 milliards de francs
courants.
En 2002, la situation est plus qu'inversée, avec 108 milliards de
francs de dépenses de fonctionnement et 82 milliards de francs de
dépenses d'équipement.
De façon constante sur l'ensemble de la période, et
renforcée au cours de l'actuelle législature, les dépenses
du Titre III ont été privilégiées au
détriment des dépenses d'équipement du titre V, qui ont
systématiquement servi de variable d'ajustement interne, tant en loi de
finances initiale qu'en exécution budgétaire.
b) Une tendance soulignée par les conditions d'exécution budgétaire
Globalement, sur l'actuelle législature,
l'exécution
du budget de la Défense a été constamment
inférieure à l'enveloppe votée initialement.
En réalité, plus précisément, les crédits
du titre III ont été systématiquement
exécutés au-dessus des crédits initiaux, tandis que les
crédits des titres V et VI étaient exécutés en
deçà
.
Sur les
quatre premières années de la programmation, les dépenses
nettes effectives du budget de la Défense se sont élevées
à 109,8 milliards d'euros (720,4 milliards de francs), pour
une enveloppe initiale de 114,9 milliards d'euros (753,8 milliards de
francs).
Ce déficit d'exécution, de l'ordre de 23 milliards de francs
(soit un taux d'exécution de 95,6 %), recouvre en
réalité une sur-exécution des dépenses du titre III
(dépassement de 21 milliards de francs) et une exécution
inférieure de près de 55 milliards de francs pour les
dépenses d'équipement.
De fait, les dépenses nettes effectives du titre III se sont
élevées à 66,54 milliards d'euros
(436,5 milliards de francs), pour une enveloppe initiale de
63,25 milliards d'euros (414,9 milliards de francs), soit un taux
d'exécution de 105,2 %.
Les dépenses nettes effectives des titres V et VI se sont
élevées à 43,3 milliards d'euros (284 milliards
de francs), pour une enveloppe initiale de 51,63 milliards d'euros
(338,7 milliards de francs), soit un taux d'exécution de
83,9 %.
Là encore, cette évolution doit être
précisée : la surconsommation des dépenses effectives
du titre III recouvre deux mouvements de sens différent : la prise
en compte des mouvements de gestion (transferts nets, annulations, reports,
fonds de concours, lois de finances rectificatives) aboutit à majorer
considérablement les ressources globales du titre III. Les
dépenses effectives sont, elles, légèrement
inférieures en définitive aux ressources globales ainsi
dégagées.
c) L'effet conjoint des annulations et des reports
Les crédits des titres V et VI traduisent en revanche un double mouvement de même sens : une diminution des ressources globales en exécution en raison des mouvements de gestion qui se font au détriment des crédits d'équipement, et une sous-consommation des dépenses effectives par rapport aux ressources nettes.
L'écart entre l'enveloppe initiale des crédits et
celle des ressources globales résulte essentiellement des annulations
intervenues en cours d'exercice.
Depuis 1997, le montant des annulations opérées en cours
d'exercice n'aura cessé d'augmenter : 5 milliards de francs
(0,85 milliard d'euros) en 1997, 7,3 milliards de francs
(1,11 milliard d'euros) en 1998, 9,5 milliards de francs
(1,42 milliard d'euros) en 1999, 6,4 milliards de francs
(0,96 milliard d'euros) en 2000, 5,9 milliards de francs
(0,91 milliard d'euros) en 2001
15(
*
)
.
Soit, au total, en quatre ans, 34,1 milliards de francs d'annulations
(5,23 milliards d'euros) correspondant largement au coût de
fabrication de deux porte-avions nucléaires supplémentaires.
Il convient de souligner en revanche que le montant des reports nets,
désormais de l'ordre de 6 milliards de francs, a été
diminué de moitié depuis 1996, date à laquelle il
était proche de 11 milliards de francs.
2. Le recul des dépenses de fonctionnement courant et d'entretien programmé des matériels , au détriment de l'activité des forces
L'alourdissement sensible du poste rémunérations
et
charges sociales a fortement pesé sur les
crédits d'entretien
programmé et de fonctionnement courant
, soumis à la portion
congrue au sein du titre III, alors même que celui-ci prélevait
par ailleurs une dîme croissante sur les crédits
d'équipement militaire.
Ainsi, du budget 1997 au projet de budget 2002, les dépenses de
rémunérations et de charges sociales auront progressé de
près de 9 milliards de francs (+ 11,5 %), tandis que les
moyens d'entretien et de fonctionnement courant auront été
amputés de 3,2 milliards de francs (- 13,1 %), au prix
d'une regrettable détérioration des taux d'activité des
forces.
|
|
|
(millions de francs courants) |
|
|
Rémunérations et charges sociales |
|
Entretien programmé du matériel |
|
1990 |
61 533 |
25 810 |
5 475 |
102 100 |
1991 |
65 691 |
25 709 |
4 696 |
103 148 |
1992 |
66 458 |
25 877 |
4 614 |
102 934 |
1993 |
69 660 |
25 316 |
4 113 |
102 940 |
1994 |
71 965 |
26 947 |
4 068 |
94 916 |
1995 |
73 647 |
25 676 |
3 212 |
94 939 |
1996 |
74 785 |
25 866 |
3 212 |
88 948 |
1997 |
77 720 |
24 503 |
2 138 |
88 705 |
1998 |
80 471 |
23 250 |
1 807 |
81 003 |
1999 |
82 820 |
21 139 |
1 323 |
86 000 |
2000 |
84 049 |
20 942 |
1 109 |
82 955 |
2001 |
84 662 |
20 843 |
815 |
83 426 |
Source : Annuaire statistique de la défense - juin
2001.
(1) Alimentation, carburant, autres fonctionnements.
a) Des évolutions divergentes selon les postes
Cette
baisse moyenne de 13 % de l'ensemble des crédits de fonctionnement
et d'entretien courant recouvre elle-même des évolutions
très divergentes selon les postes.
Ainsi, les dépenses de
carburants
auront augmenté de
36 % sur la période (+ 814 millions de francs) en raison
de l'évolution des cours du baril et du dollar.
Parallèlement, les dépenses
d'alimentation
diminuent de
39 %, compte tenu de la réduction des effectifs liée
à la professionnalisation pour l'essentiel, et d'une ponction sur le
Compte de subsistances militaire.
Les crédits destinés à
l'entretien programmé des
matériels
ont été le plus fortement
réduits : ils sont passés de 2.138 millions de francs
à 374 millions de francs, soit une chute de 62 %, en raison,
il est vrai, du transfert de certaines dépenses liées au
« maintien en conditions opérationnelles » sur le
titre V.
b) La baisse marquée des crédits de fonctionnement courant et d'activité des forces
La
baisse la plus « sensible » concerne en
réalité les
moyens de fonctionnement courant et
d'activité
, amputés de plus de un milliard de francs
(150 millions d'euros) sur la période de la loi de programmation,
soit 10 % du montant initial de 1997.
De fait, après avoir été constamment supérieurs
depuis 1990 à 16 % du total des crédits du titre III, au
terme d'une légère progression entre 1990 et 1997, date à
laquelle ils représentaient 16,8 % du total, les crédits de
fonctionnement et d'activité sont « tombés »
à 14,7 % du total en 2001.
Au sein même des crédits d'activité et de fonctionnement,
l'existence de besoins incompressibles en matière d'entretien immobilier
et de sous-traitance notamment ont conduit à un
prélèvement regrettable sur les taux d'activité des
armées, qui sont aujourd'hui inférieurs aux normes OTAN.