II. L'EUROPE DE LA DÉFENSE : UNE AMBITION QUI RESTE À METTRE EN oeUVRE
La Politique européenne de sécurité et de défense (P.E.S.D.) découle des dispositions du Traité d'Amsterdam entré en vigueur le 1 er mai 1999 qui prévoyait le renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) instituée par le Traité de Maastricht . Elle a franchi une étape décisive au sommet d'Helsinki les 10 et 11 décembre 1999, avec l'adoption du projet de mise en place d'une Force de réaction rapide propre à l'Union européenne, confirmant ainsi la décision franco-britannique de Saint-Malo prise le 4 décembre 1998.
A. LA FORCE DE RÉACTION RAPIDE EUROPÉENNE
1. Les objectifs d'Helsinki
L'objectif global («
headline
goal
»)
défini à Helsinki en décembre 1999 visait, en principe,
à mettre en place à horizon 2003 les forces ainsi
définies :
- 60 000 hommes (l'équivalent d'un corps d'armée),
- pouvant demeurer déployé au moins un an,
- 150 navires,
- 300 à 350 avions de combat.
Cet objectif s'accompagnait de la création d'organes politiques et
militaires au sein de l'Union européenne pour lui permettre de
décider et de conduire une opération : le
Comité
politique et de sécurité
(COPS), le
Comité
militaire
(CMUE) et l'
Etat-major de l'Union européenne
(EMUE).
La
Conférence de Feira
(19-20 juin 2000) a précisé
et complété les mesures adoptées à Helsinki, en
adoptant les principes directeurs devant régir les relations avec les
pays non-membres de l'Union européenne, et en décidant de la mise
en place d'une force de police européenne
2(
*
)
.
La
Conférence d'engagement des capacités du
20 novembre 2000
a défini «
l'objectif global
des capacités »
rassemblant les contributions des
états-membres au sein d'un « réservoir »
permettant de garantir l'objectif d'Helsinki. Elles correspondent à
100.000 hommes, 400 avions de combat, et 130 bâtiments.
L'engagement des principaux partenaires comporte notamment :
- pour la France : 12.000 hommes, 97 avions de combat dont
22 embarqués, 1 porte-avions (en dehors des périodes
d'indisponibilité programmée), 4 frégates, 1
sous-marin nucléaire d'attaque, 6 bâtiments divers ;
- pour le Royaume-Uni : 10.000 hommes (+ 3 bataillons
d'infanterie de marine), 72 avions de combat dont
12 embarqués, 15 ravitailleurs, 45 C-130,
1 porte-avions (6 mois), 2 sous-marins nucléaires d'attaque,
4 frégates, 13 bâtiments divers) ;
- pour l'Allemagne : 18.500 hommes, 77 avions de combat,
15 bâtiments de combat (dont 2 frégates et 2 sous-marins).
Le
Conseil européen de Nice
(7 et 8 décembre 2000) a
décidé la création, de façon permanente, d'une
architecture décisionnelle (COPS, CMUE, EMUE) destinée à
évaluer les situations de crise et à recommander au Conseil les
réponses, y compris militaires, adaptées à la gestion de
ces crises, comme envisagé à Helsinki.
L'Union européenne devrait en principe être déclarée
opérationnelle au plus tard au
Sommet de Laeken de décembre
2001
, conformément au mandat établi par les
déclarations des
Conseils européens de Nice
et de
Göteborg
.
La
Conférence d'amélioration des capacités du 19
novembre 2001
devait permettre aux Etats membres d'annoncer des projets
concrets visant à combler les lacunes capacitaires (capacités de
contrôle et de commande, transport stratégique, renseignement),
d'établir une revue détaillée des programmes nationaux,
bilatéraux et multinationaux déclarés à l'Union
européenne, de faire le point sur leur degré d'avancement et
surtout de déterminer l'échéance prévisible de la
mise en oeuvre de ces programmes.
L'objectif est de préserver l'autonomie d'action de l'Union
européenne et de faire porter les efforts sur les capacités les
plus déterminantes pour la cohérence opérationnelle
(transport stratégique, capacités de contrôle et de
commande, renseignement) et également essentielles dans tous les
scénarios et dans toutes les hypothèses d'emploi.
2. Les lacunes identifiées
En
confrontant l'objectif global de capacités, défini en
juin 2001 à Helsinki (
Helsinki Headline goal catalogue
), le
Comité militaire de l'Union européenne a affirmé
qu'à l'horizon 2003, l'Union européenne serait capable de mener
toutes les missions du type « Petersberg » même si
certaines restrictions peuvent apparaître sur les délais et
volumes de déploiement.
L'élaboration du catalogue d'amélioration de capacités
(
Helsinki Progress Catalogue
) doit permettre aux états-membres de
modifier leurs contributions afin de résoudre un certain nombre de
capacités « lacunaires ».
Ces travaux ont conduit à l'établissement d'un document
confidentiel dressant une liste de 54 capacités pour chacune
desquelles le niveau des contributions des nations conduit à constater
une « lacune ».
La plupart de ces lacunes sont réelles dans les capacités
disponibles au sein des forces armées des nations européennes,
principalement dans les domaines suivants :
- capacités contribuant à l'
autonomie d'appréciation de
situation
de l'Union européenne, parmi lesquels on soulignera
l'importance de l'observation spatiale, de la surveillance aérienne de
théâtre et les systèmes de drones tactiques à
autonomie importante ;
- capacités nécessaires à la
projection des forces
,
en particulier les avions de transport, de ravitaillement en vol et
hélicoptères de transport ;
- capacités de
combat
, en particulier dans le domaine de la
protection des forces européennes projetées face aux menaces
balistiques, et de la protection des avions contre les moyens sol-air de
l'adversaire (brouillage dit « offensif ») ;
- capacités de
transport stratégique
par air et mer ;
- capacités
logistiques
avec des bataillons de transport.
Ces lacunes devront impérativement faire l'objet d'une action
concertée des pays européens si l'on veut assurer l'autonomie
d'appréciation de situation, de prise de décision et d'action de
l'Union européenne.
Leur comblement repose également, à condition que la conjoncture
économique le permette, sur un volontarisme accru sur le plan
budgétaire.
Le projet
ETAP
(Programme européen d'acquisition de technologie)
Le 19
novembre 2001 à Bruxelles, les ministères de la Défense de
six pays (Allemagne, France, Espagne, Italie, Royaume-Uni et Suède) se
sont engagés à créer un «
programme
européen d'acquisition de technologie
»,
c'est-à-dire un système de combat aérien futur (SCAPE),
avion de combat pilote ou non piloté, ou missile de croisière
à long rayon d'action, concurrent potentiel du
Joint Strike
Fighter
et du
Tomahawk
américains.
Les études commandées pour l'été 2002 sont
très diversifiées et l'éventail des solutions très
ouvert.
Les industriels concernés par l'accord de Bruxelles se sont
engagés à développer en commun un démonstrateur,
habité ou non.
Les six gouvernements ont accepté de prévoir les financements
industriels et étatiques nécessaires pour lancer la recherche
technologique adaptée en amont des programmes.
Pour autant, le Royaume-Uni maintient sa collaboration avec les Etats-Unis sur
le
Joint Strike Fighter
et le
Tomahawk
.
B. LES PROGRAMMES D'ARMEMENT EN COOPÉRATION : UNE RÉUSSITE FRAGILE
1. Après les échecs de Syracuse et Horizon, une inquiétude nouvelle sur l'A-400M
Concrètement, la coopération en matière de
programmes d'armement marque le pas. Lors de l'examen du
précédent budget, il convenait de se féliciter du proche
aboutissement du projet de l'avion de transport A-400M.
Un an après, à quelques semaines de la décision finale, de
sérieuses incertitudes menacent la participation de l'Allemagne et de
l'Italie.
L'Italie
3(
*
)
n'a pas
signé le
Memorandum of Understanding (MOU)
du dernier Salon du
Bourget. La décision finale de l'Allemagne est impérativement
liée à celle du
Bundestag
, au sein duquel les opinions
sont particulièrement divisées sur ce sujet. De fait, la
signature du contrat commercial vient d'être repoussée,
l'Allemagne ayant annulé la réunion de l'OCCAR prévue le
16 novembre à Bonn pour entériner le lancement de la
production. Le Royaume-Uni, qui a un besoin urgent de 25 appareils et peut
en acquérir aux Etats-Unis, a demandé à ses partenaires de
trancher la question avant fin 2001.
S'ajoutant à l'échec du programme Syracuse (satellite de
communication) en 1998, puis Horizon (frégate anti-aérienne) en
1999, du fait du retrait britannique, un échec définitif de
l'A-400M réduirait à bien peu de choses la liste des
succès réels de la coopération européenne en ce
domaine (le seul missile Meteor...).
2. Les conséquences du 11 septembre
Enfin et
surtout, les événements du 11 septembre 2001 ne sont pas sans
conséquences sur les perspectives de cette Europe de la défense.
L'accélération considérable donnée au programme de
l'avion de combat américain
Joint Strike Fighter
pèse sur
les perspectives de développement du
Rafale
et de
l'
Eurofighter
, rebat considérablement les cartes de l'industrie
européenne, et constitue un exemple qui doit être
médité.
Plus profondément, il convient sans aucun doute d'être attentif au
repositionnement politique évident de certains partenaires
européens -le Royaume-Uni, certes, mais aussi l'Italie- autour des
Etats-Unis.
L'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR)
L'OCCAR
est fondée sur les principes de coopération dits de Baden-Baden,
datant de décembre 1995.
La personnalité juridique de l'OCCAR a été acquise le
26 janvier 2001. Elle lui confie notamment une autonomie
contractuelle.
L'OCCAR peut être considérée comme le précurseur
d'une
Agence européenne
de l'armement
souhaitée par
les quatre pays fondateurs, auxquels viendraient se joindre en temps utile
d'autres pays.
L'OCCAR a intégré :
- à sa création, les programmes franco-allemands
Tigre
,
Hot
,
Roland
,
Milan
;
- en 1999, le programme franco-germano-britannique
Cobra
, le programme
franco-italien
FSAF
et le programme germano-britannique
MRAV/GTK
(véhicule blindé) ; ce dernier programme a été
rejoint par les Pays-Bas en 2000.
Le programme
A400M
d'avion de transport (France, Allemagne, Royaume-Uni,
Italie, Espagne, Belgique, Turquie, Portugal) devrait être
intégré lorsque le contrat sera passé par l'OCCAR à
l'industrie.
L'accélération de la restructuration de l'industrie de
défense européenne appelle une organisation de maîtrise
d'ouvrage déléguée pour la gestion des programmes
d'armement.
Pour devenir plus efficace dans la gestion des programmes d'armement, l'OCCAR
devrait se développer en amont de ses activités actuelles, en
gérant des démonstrateurs technologiques (principe acquis et
objectif d'en intégrer un en 2002) puis ultérieurement des
activités de recherche.
Les crédits de paiement mobilisés au titre de l'OCCAR comprennent
les crédits du budget administratif (fonctionnement) et du budget
opérationnel. L'OCCAR ne gère les crédits
opérationnels des programmes que lorsque le transfert des contrats a eu
lieu. Ainsi les crédits des programmes dont l'agence exécutive se
situe en France (FSAF, Hot-Milan, Roland) demeurent en 2001 gérés
par le ministère de la Défense.