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Par M.
Jacques PELLETIER
au nom de la commission des finances - Sommaire
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3. Le canal communautaire : éviction, dilution et inefficacité
La chute de l'aide bilatérale s'est accompagnée en parallèle d'une progression considérable en valeur absolue de notre aide multilatérale, essentiellement liée au poids croissant d'une aide européenne désormais directement gérée - si l'on peut dire ! - par Bruxelles. Au total, la contribution française (contribution au budget européen plus contribution au Fonds européen de développement) est passée de 8,6 milliards de francs(1,31 milliard d'euros) en 1996 à près de 12 milliards de francs (1,83 milliard d'euros) en 2001, pour représenter désormais près du quart de l'aide publique française (contre moins de 13 % en 1996).
Une telle évolution comporte au moins deux risques.
Le premier est relatif à la lisibilité de l'effort français. La régression de l'aide bilatérale au profit d'une aide multilatérale « apatride » sert manifestement la volonté politique de certains de nos partenaires : la position des « elit donnors » européens (le britannique et surtout les nordiques) est à cet égard révélatrice. Il convient d'ailleurs de s'interroger sur les conséquences à terme de la double évolution qui conduit la France à retirer massivement ses assistants techniques présents sur le terrain tandis que, dans le même temps, la Communauté prévoit d'envoyer 400 coopérants supplémentaires sur place. Il ne manquerait plus que l'Europe élimine les Français dont le savoir-faire est reconnu et apprécié, au profit des pays de l'Europe du Nord dont on connaît l'intégrisme et le dogmatisme à l'égard des pays aidés et la sévérité à l'égard de la conception française de l'aide aux pays pauvres.
La baisse globale de notre effort d'aide publique au développement se trouve alors démultipliée, en termes de lisibilité et d'affichage, par l'effet du renforcement des moyens du canal communautaire, qui hélas n'en fait rien !
Le second, moins « égocentré », est lié à l'inefficacité, à la lenteur de la mobilisation, au gaspillage des fonds communautaires affectés à l'aide au développement.
Aucun chiffre n'est disponible concernant le décaissement des crédits inscrits au budget de la Communauté au titre de l'aide au développement et financés par une partie du prélèvement sur recettes du budget général français. Or la contribution française à ce titre s'élève à environ 6,5 milliards de francs (un peu moins de 1 milliard d'euros).
Mais s'agissant seulement des fonds du FED gérés par Bruxelles, fin 2000 (dernier chiffre transmis par la Commission Européenne), le solde de l'enveloppe non engagée des FED antérieurs au 9 ème FED -non encore en vigueur, puisque l'accord de Cotonou n'a pas été ratifié par tous les partenaires, et notamment pas par la France- s'élevait à 40 milliards de francs (6,1 milliards d'euros), soit le double de l'aide bilatérale française. Le solde des engagements non décaissés s'élevait à 57 milliards de francs (près de 9 milliards d'euros). La trésorerie du FED, de ce fait, atteignait 1,7 milliard de francs (263 millions d'euros). C'est un épouvantable gâchis et une escroquerie morale à l'égard de tous ceux qui souffrent et qui attendent en vain que le « volapük » européen se traduise enfin dans leur vie quotidienne.
Ces seuls chiffres, qui ne concernent que la moitié de l'enveloppe communautaire, sont inquiétants au regard des exigences de bonne gestion des fonds publics, et surtout insupportables compte tenu de l'ampleur des besoins des pays potentiellement bénéficiaires.