C. DES PRÉVISIONS POUR 2002 DONT L'IMPRUDENCE A ÉTÉ AGGRAVÉE DEPUIS LE 11 SEPTEMBRE 2001
Dans ces conditions, on peut s'interroger sur la pertinence de la prévision de croissance du gouvernement pour l'année 2002, de 2,5 %.
1. Avant le 11 septembre 2001 : des prévisions gouvernementales compatibles avec celles des principaux organismes
Ces
prévisions pouvaient sembler plausibles jusqu'au 11 septembre 2001.
En effet, une prévision de 2,5 % pour l'année 2002 pouvait
s'appuyer sur l'hypothèse d'une amélioration de l'environnement
international.
Le tableau ci-après montre que les prévisions actuelles du
gouvernement étaient conformes à celles des principaux organismes
indépendants jusqu'au 11 septembre 2001
1(
*
)
.
Prévisions de croissance antérieures au 11 septembre 2001
(prévisions de croissance du PIB en %)
-
2001
2002
Gouvernement (PLF 2002)
2,3 (1)
2,5
Pour mémoire :
- objectif de la loi de finances pour 20013,3 (3,0 / 3,6)
-
- objectif de la programmation pluriannuelle des finances publiques à l'horizon 2004
3,0
- DOB pour 2002
2,9 (2,7 / 3,1) (1)
3,0 (2,8 / 3,2)
Prévisions des principaux organismes indépendants
Juillet 2001
BIPE
2,5
2,8
OCDE
2,6
2,7
Rexecode
2,4
2,2
Insee
2,3
-
Septembre 2001
BIPE (11 septembre)
2,3
2,5
(1) Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré 21 octobre 2001 que « Nous devrions être autour de 2,1% ».
Ces prévisions ne semblent plus d'actualité en raison de l'appréciation récente de la conjoncture intérieure de l'année 2001, et de la montée incontestable des périls extérieurs.
a) La révision à la baisse des estimations de l'Insee pour la croissance française des premier et deuxième trimestres de l'année 2001
Tout
d'abord, l'Insee a alors revu à la baisse son estimation de la
croissance du PIB de l'économie française au premier et au
deuxième trimestres de cette année.
Les estimations, de respectivement 0,5 % et 0,4 %, ont été
ramenées à 0,4 % et 0,3 %, soit 1,7 % et 1,1 % en rythme
annualisé.
Croissance du PIB en France
(en % rythme annualisé)
Source : Insee
L'économie française connaît donc depuis le début
de l'année 2001 un ralentissement important.
b) La nette dégradation de l'environnement international
(1) Les attentats commis aux Etats-Unis
Ensuite,
les attentats commis aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 pourraient avoir un
impact négatif sur l'économie mondiale, du fait notamment d'une
dégradation de la confiance des ménages, en particulier
américains.
Les prévisions présentées ci-avant reposent donc sur des
hypothèses de croissance de l'économie des Etats-Unis en l'an
2002 que l'on peut considérer comme optimistes. Ainsi, le gouvernement
prévoit une croissance de l'économie des Etats-Unis de 1,9 % en
l'an 2002.
Or, l'économie des Etats-Unis ralentit depuis le dernier trimestre de
l'année 2000, et a reculé de 0,4 % au troisième trimestre
de l'année 2001.
Croissance du PIB aux Etats-Unis
(en % rythme annualisé)
Source : Bureau of Economic Analysis
La reprise anticipée par le gouvernement n'allait pas de soi avant les attentats, du fait notamment des incertitudes sur l'évolution du comportement des ménages américains. Compte tenu, notamment, de l'impact vraisemblable des attentats sur la confiance de ces derniers, les principaux prévisionnistes sont moins optimistes sur la croissance de l'économie des Etats-Unis en 2002. Ils estiment que les Etats-Unis ne connaîtront pas de reprise avant le deuxième trimestre de l'année 2002. Leurs prévisions de croissance pour l'année 2002 sont donc généralement comprises entre environ 1 % et 1,5 %, comme l'indique le tableau ci-après.
Prévisions récentes de croissance de l'économie américaine (octobre 2001)
Organisme |
Prévision de croissance en 2002
|
Morgan Stanley |
1 |
Economist Intelligence Unit (EIU) |
1,4 |
Conference Board |
0,9 |
AIECE (1) |
1,7 |
OCDE (2) |
1,3 |
(1)
Organisme regroupant des instituts de conjoncture européens. Plusieurs
instituts n'avaient pas encore actualisé leurs prévisions depuis
le 11 septembre.
(2) Projet de rapport récemment transmis aux Etats membres en
prévision de la publication des prochaines « Perspectives
économiques de l'OCDE ».
Le gouvernement n'exclut pas un tel scénario. Ainsi, il estime
2(
*
)
que «
les attentats des
Etats-Unis pourraient déprimer la croissance européenne et
française de l'ordre de 0,5 point à l'horizon
2002
», comme l'indique le tableau ci-après.
Impact
des attentats sur la croissance (2002)
En points de PIB |
PIB de l'Union européenne |
PIB des Etats-Unis |
Prévision de croissance retenue dans le PLF 2002 (1) |
2,3 |
1,9 |
Impact possible des attentats (2) |
0,5 |
0,7 |
Impact de la baisse de confiance aux Etats-Unis |
0,35 |
0,65 |
Impact de la baisse de confiance en Europe |
0,15 |
0,05 |
(1) - (2) |
1,8 |
1,2 |
Source : ministère de l'économie
Les derniers chiffres relatifs à l'économie des Etats-Unis
rendent ce scénario crédible. Ainsi, le 30 octobre 2001 l'indice
de confiance des consommateurs américains était à son
niveau le plus bas depuis février 1994. Par ailleurs, au
troisième trimestre de l'année 2001, la croissance du PIB a
été de - 0,4 %. On peut dès lors se demander si les
prévisions de croissance du gouvernement ne devraient pas être
revues à la baisse, tant pour l'économie américaine que
pour l'économie française.
(2) Une croissance allemande de l'ordre de 1,3 % en 2002 ?
De même, les six principaux instituts de conjoncture allemands ont récemment revu à la baisse leurs perspectives de croissance de l'économie allemande pour l'année 2002. En effet, celle-ci n'est plus que de 1,3 % de croissance, contre 2,2 % dans leur rapport précédent. A titre de comparaison, le gouvernement retient l'hypothèse d'une croissance de 1,7 % de l'économie allemande.
3. Une croissance française évaluée par les conjoncturistes à 1,8 % en l'an 2002
Tous ces
facteurs font que les conjoncturistes tendent à retenir des
prévisions de croissance de l'économie française moins
optimistes que celle avancée par le gouvernement.
Ainsi, la croissance de l'investissement des entreprises serait de seulement
2,8 % selon les instituts réunis au sein de la Conférence
économique de la nation (contre 3,8 % selon le gouvernement).
Cette faible confiance s'expliquerait, notamment, par les incertitudes quant
à la consommation des ménages. Du fait notamment de
l'augmentation du taux de chômage prévue pour l'année 2002,
la croissance de la consommation des ménages serait de seulement
2,2 % selon les instituts réunis au sein de la Conférence
économique de la nation (contre 2,7 % selon le gouvernement).
Ainsi, les prévisions de croissance de l'économie
française pour l'année 2002 sont aujourd'hui de l'ordre de
1,8 %, comme l'indique le tableau ci-après.
Les
principales prévisions de croissance de l'économie
française pour l'année 2002
Organisme |
Prévision de croissance
|
Gouvernement |
2,5 (2,25/2,75) |
Principaux panels de conjoncturistes |
|
Conférence économique de la nation (15 octobre) |
2,1 (instituts)/2,2 (privés) |
Consensus Forecasts (20 octobre) |
1,8 |
Enquête trimestrielle réalisée par Reuters auprès de vingt économistes (25 octobre) |
1,8 |
Principaux instituts français |
|
BIPE (septembre, prévisions actualisées après les attentats) |
1,3-1,8 |
Rexecode (septembre, prévisions actualisées après les attentats) |
1,5 |
OFCE (octobre) |
2,2 |
OCDE (rapport provisoire, octobre) |
1,6 |
Il faut
souligner que la croissance pourrait être encore plus faible que ce que
suggèrent ces prévisions si le ralentissement s'accompagnait
d'une crise financière aux Etats-Unis ou d'une augmentation du prix du
pétrole, ou si les ménages français réduisaient
leur consommation, comme ils l'ont fait pendant la guerre du Golfe.
Dans tous les cas, la croissance serait donc vraisemblablement
inférieure aux prévisions successives faites par le gouvernement,
comme l'indique le graphique ci-après.
La croissance en 2002 : évolution des prévisions du gouvernement
(en points de PIB)