N° 87
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès verbal de la séance du 22 novembre 2001
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
Par M.
Philippe MARINI,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME I
LE BUDGET DE 2002
ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
(1) Cette commission est composée de : M. Alain Lambert, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, René Trégouët.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.) :
3262
,
3320
à
3325
et T.A.
721
Sénat
:
86
(2001-2002)
Lois de finances. |
INTRODUCTION
LE BUDGET DE 2002 : « LA GRANDE ILLUSION »
Le
premier budget en euros présenté par le gouvernement ne sera
probablement pas exécuté jusqu'à son terme et augure mal,
à ce titre, de la fin de l'actuelle législature.
Il cumule les handicaps.
Il repose tout d'abord sur une prévision de croissance initiale pour
2002 peu fiable depuis la révision à la baisse par l'INSEE de son
estimation de la croissance pour 2001, prévision qui est devenue depuis
les dramatiques attentats du 11 septembre 2001, clairement
irréaliste, sous le vocable pudique de
« volontariste ».
Sur le fond, le gouvernement semble renouer avec de vieux
démons
: il a recours à des expédients, des
ressources non fiscales qui culminent à un niveau jamais atteint, pour
« boucler » la loi de finances ; il renonce de fait,
volontairement, à l'objectif de maîtrise de la dépense
publique, procédant à des créations massives d'emplois
publics aux dépens de l'investissement, notamment militaire, tout en
s'obstinant à appliquer une législation sur les 35 heures
aux effets économiques aussi incertains que précaires et au
coût budgétaire « pharaonique ».
Dès lors, on ne saurait s'étonner d'un retour au laxisme en
matière de déficit budgétaire : pour la
première fois depuis 1997, le déficit budgétaire figurant
en loi de finances s'accroît par rapport à l'année
précédente, de même que le déficit de
fonctionnement. Le solde primaire pour sa part se rétracte
singulièrement. Au total, la dette de l'Etat, c'est-à-dire les
impôts de demain, va d'autant plus continuer à progresser que la
procédure d'attribution des licences UMTS initialement prévue
pour contribuer au désendettement public a désormais pris
l'allure d'une erreur majeure de politique économique et
budgétaire, le tout au mépris du droit élémentaire
du Parlement à l'information.
Ainsi, ce budget, qui n'est déjà plus en phase avec les
orientations contenues dans le programme pluriannuel 2002-2004, semble faire
écho, dix années après, aux sombres périodes
budgétaires 1991-1993
où la révision à la
baisse des prévisions de croissance avait entraîné une
très forte et très rapide dégradation du solde
budgétaire et de la capacité de financement des administrations
publiques. Ceci est d'autant moins admissible qu'en 4 ans d'embellie
économique, le gouvernement a eu largement la possibilité de
reconstituer des marges de manoeuvre. Bien qu'il ait affirmé en avoir
l'intention, il a gaspillé immédiatement ces surplus disponibles.
Au terme de l'actuelle législature, n'allons-nous pas, après
les budgets des occasions manquées, passer à l'ère des
budgets des illusions perdues ?
Cette situation est d'autant plus sérieuse que notre pays est
confronté à de graves défis.
Rien n'a été fait pour accroître notre
compétitivité par rapport à nos principaux partenaires
européens avec lesquels nous partageons désormais une monnaie
commune, l'euro. Rien n'a été fait non plus pour affronter les
chocs de l'avenir : réforme des retraites, réforme de l'Etat
et de la fonction publique.
A l'évidence, une politique
budgétaire plus responsable s'impose, nécessitant d'autres choix,
d'autres priorités et surtout plus de courage politique.
Le présent rapport, s'appuyant notamment sur les travaux menés
depuis plusieurs années par votre commission des finances, entend
pleinement contribuer au débat et propose à ce titre autant de
pistes d'action.
On s'y efforcera, tout en présentant les données
prévisionnelles de 2002, de les remettre en perspective par rapport
à l'ensemble des budgets exécutés par le gouvernement de
M. Lionel Jospin depuis 1997. Le lecteur trouvera donc ici l'esquisse d'un
bilan économique et budgétaire de la gestion de l'Etat au cours
de la législature qui s'achève. Votre rapporteur
général souhaite que ces données, et les
appréciations portées, permettent au futur débat national
de se dérouler en toute clarté. Depuis quatre ans et demi, votre
commission a souvent « clamé dans le
désert »... Le moment des prises de conscience approche sans
doute : l'opinion publique comprendra qu'à vivre à
crédit en période de prospérité, on risque de
connaître des lendemains particulièrement difficiles !