TITRE
III :
DISPOSITIONS FACILITANT LE PASSAGE À L'EURO
FIDUCIAIRE
ARTICLE 9
Modifications du code pénal en vue de
la mise en circulation des pièces et des billets en euros
Commentaire : le présent article vise à compléter le code pénal par des dispositions renforçant la protection de l'euro contre le faux monnayage, d'une part ; à adapter à titre transitoire la législation sur le blanchiment pour faciliter le passage à l'euro fiduciaire, d'autre part.
I. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DE L'EURO CONTRE LE FAUX MONNAYAGE
Les paragraphes I à III du présent article visent à transposer dans le code pénal les dispositions de la décision-cadre adoptée le 29 mai 2000 par le Conseil européen, sur le fondement des articles 31 et 34 du traité sur l'Union européenne, et qui fait obligation aux Etats-membres de renforcer par des sanctions pénales la protection de l'euro contre le faux monnayage.
Ces paragraphes, dont la rédaction avait été amendée par le Sénat à l'initiative de sa commission des lois, n'ont pas été modifiés par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
On peut toutefois regretter que les dispositions du paragraphe II, qui propose de compléter le code pénal par un nouvel article 442-15 sanctionnant le faux monnayage des billets de banques et des pièces de monnaie « qui, bien que destinés à être mis en circulation, n'ont pas encore été émis par les institutions habilitées à cette fin et n'ont pas encore cours légal », aient largement perdu de leur portée en raison des délais d'examen du texte.
En effet ces dispositions présentaient effectivement un caractère d'urgence puisqu'elles s'efforçaient de combler une grave lacune de notre code pénal : la contrefaçon ou la falsification de pièces ou de billets en euros n'est pas encore pénalement répréhensible au titre des dispositions du code pénal relatives au faux monnayage, alors même que la « préalimentation » des banques en pièces en euros a déjà commencé.
II. LA MODIFICATION TRANSITOIRE DE LA LÉGISLATION SUR LE BLANCHIMENT POUR FACILITER LE PASSAGE À L'EUROFIDUCIAIRE
A. UN DISPOSITIF QUI EST INSATISFAISANT
Le dispositif proposé demeure peu satisfaisant, car il ne prend pas en compte trois risques liées aux opérations de conversion en euros des pièces et des billets libellés en francs.
* En premier lieu, la multiplicité des seuils prévus (10.000 euros pour l'exonération dérogatoire et transitoire de responsabilité pénale proposée par le présent article et 50.000 francs jusqu'au 31 décembre 2001, soit 7.622,45 euros, puis 8.000 euros à partir du 1 er janvier 2002 pour le seuil prévu par l'article L. 563-1 du code monétaire et financier) peut apparaître comme une source temporaire de confusion aussi bien pour les établissements de crédit et pour leur personnel que pour nos concitoyens, à qui l'on suggère qu'ils pourront sans contrôle convertir en euros des pièces ou des billets en francs à concurrence de 10.000 euros par opération, mais qui devront décliner leur identité pour les registres TRACFIN à partir de 50.000 francs, puis de 8.000 euros.
* En second lieu, ce dispositif ne permet pas d'écarter le risque de files d'attente importantes aux guichets des établissements financiers pour les opérations de conversion en euros des pièces et des billets libellés en francs.
* Enfin, l'examen de ce dispositif en première lecture au Sénat a souligné le danger que nos concitoyens les plus vulnérables, notamment les personnes âgées, ne soient victimes d'agressions lors de ces opérations de conversion, des files d'attente importantes constituant à cet égard un facteur de risque supplémentaire. De tels actes seraient d'ailleurs d'autant plus préjudiciables qu'ils pourraient saper la confiance du public dans l'euro.
B. UNE PRISE DE CONSCIENCE PARTIELLE DE LA PART DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
* L'Assemblée nationale avait d'ailleurs pris partiellement conscience de ces deux derniers risques en première lecture puisqu'elle avait adopté un amendement proposé par notre collègue député Nicole Bricq, rapporteur au nom de la commission des finances, visant à avancer au 1 er décembre 2001 (au lieu du 1 er janvier 2002) le début de la période d'exonération pénale afin de donner à nos concitoyens un « signal » les invitant à anticiper leurs opérations de conversion en euros de pièces et billets libellés en francs, de manière à éviter des files d'attente aux guichets bancaires en janvier 2002.
Cet amendement était de portée limitée puisqu'il ne concernait en pratique que les opérations de conversion en euros scripturaux des pièces et des billets libellés en francs. Il s'agissait là toutefois d'un pas dans la bonne direction.
A l'initiative de sa commission des finances, le Sénat avait ainsi prolongé cette démarche en avançant encore au 1 er septembre 2001 le début de la date d'exonération pénale.
En nouvelle lecture l'Assemblée nationale a cependant adopté un amendement de sa commission des finances, soutenu par le gouvernement, tendant à revenir sur ce point au texte adopté en première lecture, au motif que « plus la période d'exonération pénale est large et anticipe sur le 1 er janvier 2002, moins les opérations concernées n'auraient de lien avec le passage à l'euro ».
Cet argument n'est pas sans fondements, mais il n'en demeure pas moins indispensable de ne rien négliger pour favoriser la réussite du passage à l'euro.
En conséquence, votre commission vous propose désormais d'avancer la date d'entrée en vigueur du dispositif à la date de promulgation de la présente loi.
* Par ailleurs, le Sénat avait adopté en première lecture un sous-amendement présenté par notre collègue Michel Charasse autorisant les particuliers à effectuer dès la date de promulgation de la présente loi, en « suspension » de la législation sur le blanchiment, des dépôts à concurrence de 500.000 francs sur un compte anonyme clôturé au plus tard le 30 juin 2002 leur servant jusqu'à cette date à retirer des liquidités libellées en euros.
Selon notre collègue Michel Charasse, ce sous-amendement avait surtout pour objectif « d'ouvrir la discussion » sur la sécurisation des opérations de conversion pour les particuliers, notamment dans les communes rurales et dans les zones sensibles
Ce dispositif a été supprimé par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture sans que cette discussion ait réellement eu lieu.
Votre rapporteur s'interroge sur cette attitude de déni lénifiant de la part de l'Assemblée nationale et du gouvernement, même si ces problèmes de sécurité ont peut-être - malheureusement - trouvé une esquisse de solution à la suite de la récente réactivation du plan « Vigipirate renforcé » , demandée de longue date par les établissements financiers pour le passage à l'euro, mais que le gouvernement avait jusqu'alors refusée.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 10 bis
Amortissement exceptionnel des matériels
destinés exclusivement à l'encaissement des paiements en
euros
Commentaire : le présent article tend à instaurer un régime exceptionnel d'amortissement sur douze mois des matériels destinés exclusivement à l'encaissement des paiements en euros, d'une part ; à préciser que les dépenses d'adaptation des immobilisations nécessitées par le passage à l'euro constituent des charges déductibles, d'autre part.
I. UN DISPOSITIF D'ORIGINE SÉNATORIALE
Le présent article trouve son origine dans trois amendements déposés en première lecture au Sénat respectivement par notre collègue Joël Bourdin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, par notre collègue Denis Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, puis par le gouvernement.
Identiques, les amendements présentés par nos collègues Joël Bourdin et Denis Badré proposaient la création d'un dispositif prévoyant que les matériels destinés à permettre l'encaissement des espèces et les paiements par chèques et cartes en euros acquis entre le 1 er janvier 2000 et le 31 décembre 2001 puissent faire l'objet d'un amortissement exceptionnel sur douze mois à compter de leur mise en service.
Le dispositif proposé par le gouvernement était, à certains égards, techniquement plus précis et plus complet. Certes, il n'admettait au bénéfice du régime d'amortissement exceptionnel que les matériels destinés exclusivement aux encaissements en euros (terminaux de cartes bancaires, machines à rédiger les chèques, caisses enregistreuses, etc.), mais il prévoyait par ailleurs que les dépenses d'adaptation des immobilisations (comme les distributeurs de billets ou les monnayeurs des distributeurs de boissons) nécessitées par le passage à l'euro constituent des charges déductibles au titre de l'exercice de leur engagement.
La portée du dispositif proposé par le gouvernement était néanmoins beaucoup plus restreinte puisqu'il était limité aux seules PME indépendantes réalisant moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires, d'une part, aux seuls équipements acquis en 2001 au titre des exercices clos à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'autre part.
Le Sénat a donc adopté le dispositif technique proposé par le gouvernement, tout en le sous-amendant à l'initiative de votre commission des finances de manière à en étendre le bénéfice à toutes les entreprises d'une part, aux équipements acquis en 2000 ou en 2001 au titre des exercices clos à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'autre part .
L'extension du dispositif aux équipements acquis en l'an 2000, comme l'avaient initialement proposés nos collègues Joël Bourdin et Denis Badré, visait à éviter de léser les entreprises les plus prévoyantes, qui s'étaient équipées de matériels destinés à permettre les encaissements de paiements scripturaux dès l'an 2000. Des impératifs techniques ne permettaient toutefois de retenir pour l'an 2000 que les équipements acquis au titre des exercices clos à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. Et les délais d'examen du présent texte ont progressivement réduit la portée de cette mesure d'équité.
II. UN DISPOSITIF CONSIDÉRABLEMENT RESTREINT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Lors de l'examen du présent article en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a retenu les apports techniques du Sénat, mais a restreint le dispositif aux seules PME indépendantes (entendues comme les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs et dont le capital, entièrement libéré, est détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant à ces mêmes conditions), comme le souhaitait le gouvernement.
Cette restriction n'a aucune justification.
De manière générale, votre rapporteur a déjà souligné les effets pervers de la politique poursuivie par le gouvernement consistant à restreindre le bénéfice de nombreux allègements d'impôts aux seules PME : complexification de la législation fiscale, distorsions de concurrence et effets de seuil de nature à freiner le développement de nos entreprises.
Dans le cas d'espèce, la restriction du dispositif aux seules PME vide d'ailleurs certaines dispositions de toute portée : comment laisser accroire que le dispositif s'appliquera aux distributeurs de billets, alors que la quasi-totalité de ceux-ci appartiennent à des entreprises autres que des PME de moins de cinquante salariés ?
Par surcroît, il convient de rappeler que ce dispositif ne peut plus, hélàs, se vouloir incitatif : compte tenu du retard pris par l'examen des mesures « urgentes » proposées par le présent texte, n'est-il pas désormais trop tard ?
En revanche, ce dispositif répond à des préoccupations d'équité : il est légitime que la collectivité publique accorde un modeste soutien de trésorerie aux entreprises (notamment les commerces et les banques) auxquelles le passage à l'euro impose des coûts très élevés et sur lesquelles repose d'ailleurs le succès de l'opération.
Le refus d'accorder à toutes les entreprises le bénéfice d'une mesure « somme toute, de portée limitée », comme le soulignait notre collègue député Nicole Bricq, rapporteur au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, est ainsi d'autant moins compréhensible que le passage à l'euro devrait rapporter à l'Etat un surcroît de recettes.
On peut en effet rappeler que le projet de loi de finances pour 2002 prévoit pour les billets 240 millions d'euros (soit plus de 1,57 milliard de francs) de « recettes exceptionnelles liées au retrait des espèces libellées en francs » et, pour les pièces, 533 millions d'euros de recettes nettes au compte d'émission des monnaies métalliques, contre une charge nette de 59,6 millions d'euros en 2001, soit un surcroît de recettes nettes de 592,6 millions d'euros (près de 3,89 milliards de francs).
Au total, le passage à l'euro conduit ainsi selon les premiers éléments figurant dans le projet de loi de finances pour 2002 à un surcroît de recettes pour l'Etat à hauteur de 833 millions d'euros, soit 5,46 milliards de francs.
En conséquence, soucieuse de faciliter dans les meilleures conditions possibles le passage à l'eurofiduciaire votre commission vous propose de rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture.
Décision de la commission : votre commission vous propose de rétablir cet article dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.
ARTICLE 10 ter
Conversion du capital social en euro
Commentaire : le présent article vise à faciliter les opérations de réduction ou d'augmentation du capital social d'une société pour le convertir à l'euro ou pour supprimer la référence à la valeur nominale de l'action dans les statuts.
En première lecture, le Sénat a adopté le présent article à l'initiative de notre collègue Denis Badré et des membres du groupe de l'Union centriste, avec l'avis défavorable du gouvernement.
Cet article permet de déroger aux articles du code de commerce qui prévoient l'unanimité des associés ou un vote de l'assemblée générale pour décider une réduction ou une augmentation du capital social d'une société : il confie cette compétence aux gérants, associés commandités, conseils d'administration et directoires.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale , à l'initiative de sa commission des finances et avec l'avis favorable du gouvernement, a supprimé le présent article. Elle a estimé que l'article 17 de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du 2 juillet 1998 permettait les assouplissements recherchés.
En nouvelle lecture, votre commission rappelle que les dispositions de la loi de 1998 ne portent que sur les SARL et les sociétés par actions, les sociétés de personnes ne peuvent donc pas en bénéficier.
Néanmoins, votre commission souhaite prendre acte de la parution d'un décret du 30 mai 2001 (publié au Journal officiel du 3 juin 2001) qui prévoit de nouvelles mesures de simplification pour la conversion du capital social des entreprises en euros :
- des formalités allégées : pour toutes les conversions du capital à l'euro près, il n'y aura pas lieu aux publications habituelles en cas de modification des statuts, en dehors de l'enregistrement au registre du commerce et des sociétés ;
- des conversions automatiques : à partir du 1 er janvier 2002, les greffes qui tiennent le registre du commerce et des sociétés délivreront aux demandeurs d'un extrait de ce registre un document en euros pour toutes les entreprises dont le capital social sera resté en francs ; le montant figurant sur cet extrait sera calculé par application des règles officielles de conversion et d'arrondi ;
- une dispense de frais : la redevance versée par les entreprises au profit de l'Institut national de la propriété industrielle est supprimée en cas de conversion du capital social à l'euro près.
Ces assouplissements sont les bienvenus et permettront une conversion en douceur du capital social des différentes sociétés.
Décision de la commission : votre commission vous propose de rétablir cet article dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.