b) Compatibilité avec les autres dispositions constitutionnelles et les engagements internationaux de la France
L'article 75 de la Constitution dispose que « Les citoyens de la République qui n'ont pas le statut de droit civil commun, seul visé à l'article 34, conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé ».
En 1958 comme en 1946, il s'agissait de permettre aux citoyens de l'outre-mer de conserver le statut civil qui était le leur avant la colonisation. En effet, les propositions du général De Gaulle exposées lors de la conférence de Brazzaville le 30 avril 1944, tendaient au maintien, dans les divers territoires de l'ancien empire français, des institutions traditionnelles.
L'article 82 de la Constitution de 1946 précisait à propos du droit personnel local : « Ce statut ne peut en aucun cas constituer un motif pour refuser ou limiter les droits et libertés rattachés à la qualité de citoyen français ». Cette précision capitale a disparu dans la rédaction de l'article 75 de la Constitution de 1958.
Il en résulte une grave incertitude quant à la compatibilité des règles de fond (répudiation, inégalité successorale) avec les principes constitutionnels d'égalité entre les citoyens ou de laïcité de la République. De même, les règles de nomination et de gestion applicables aux cadis sont totalement incompatibles avec le principe de l'indépendance du juge.
En application de ce droit, la polygamie est autorisée, la femme peut être répudiée par son mari, les femmes ne perçoivent que la moitié de la part reçue par l'homme en matière de succession, tandis que les enfants naturels ne peuvent être reconnus, ce qui les prive notamment de successions.
La Cour de cassation a d'ailleurs fait une application stricte de ce principe dans sa décision du 25 février 1997, en se référant à l'article 75 de la Constitution.
Il semble cependant que ces dispositions soient en contradiction avec celles de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales .
La France a notifié lors de la signature que si le texte de la convention et de ses protocoles additionnels n° 1 à 4 s'appliqueraient à l'ensemble du territoire de la République, il serait tenu compte pour les territoires d'outre-mer des « nécessités locales ». La France assimile sur ce point Mayotte aux territoires d'outre-mer, mais la notion de « nécessités locales » fait l'objet d'une interprétation stricte.
Certains articles de la convention affirment des droits susceptibles d'être directement remis en cause par les règles applicables à Mayotte : article 6 (droit à un procès équitable), article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), article 14 (interdiction des discriminations fondées notamment sur le sexe ou la naissance).