ARTICLE 43
Les conditions
de vote des recettes, des dépenses et des plafonds des autorisations
d'emplois
Commentaire : le présent article fixe les conditions dans lesquelles sont votés les recettes, les dépenses et les plafonds des autorisations d'emplois pour le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux.
Les particularités des lois de finances quant au nombre des votes comme aux modalités de discussion justifient l'aménagement d'un régime particulier pour les votes de leurs principales dispositions. Le présent article reprend ainsi les dispositions prévues par l'article 41 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959, en innovant sur chacune des catégories de votes. Votre rapporteur vous en proposera une nouvelle organisation conforme à l'idée qu'il se fait des futures discussions des lois de finances.
I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. LE VOTE DES RECETTES
L'ordonnance organique prévoit des votes d'ensemble pour les évaluations de recettes du budget général, celles de chaque budget annexe et celles de chaque catégorie de comptes spéciaux du Trésor. La pratique actuelle s'est écartée de la lettre du texte puisque les parlementaires se prononcent par un vote unique sur l'ensemble des recettes, qu'il s'agisse des recettes budgétaires, des prélèvements sur recettes, des fonds de concours ou des recettes affectées aux budgets annexes et aux comptes spéciaux.
L'Assemblée nationale, dans le premier alinéa du présent article, a souhaité « aligner le droit sur les faits » 109 ( * ) et prévoir un vote d'ensemble pour toutes les évaluations de recettes, qu'il s'agisse de celles du budget général ou de celles des comptes annexes (les budgets annexes étant supprimés). L'état annexé prévu à l'article 31 récapitule ces recettes et un parlementaire souhaitant, par exemple, refuser une affectation, pourra toujours le faire en amendant cet état.
B. LE VOTE DES DÉPENSES
L'ordonnance organique a séparé le vote sur les services votés, qui se fait de manière unique, des votes sur les « autorisations nouvelles », qui devraient se faire « par titre et à l'intérieur d'un même titre par ministère ». Il s'agit dans ce cas des « mesures nouvelles » qui apportent des modifications aux services votés. Là aussi, la pratique s'est affranchie de la lettre de l'ordonnance puisque, d'une part, les votes sur les mesures nouvelles précèdent celui sur les services votés, et d'autre part, les mesures nouvelles sont examinées par ministère, voire par section de ministère, puis par titre, et non l'inverse. La logique du vote par titre était d'organiser des discussions transversales, mais dès l'examen du projet de loi de finances pour 1960, les ministres comme les parlementaires souhaitant retrouver les schémas du passé, il lui fut préférée une discussion et des votes par ministère. Les états B et C annexés récapitulent les votes intervenus. Malgré cet affranchissement au texte organique, le système a permis de réduire le nombre de votes à un chiffre compris entre 100 et 200 selon la nomenclature ministérielle, au lieu du décuple sous les républiques précédentes.
Par ailleurs, l'ordonnance prévoit un vote des dépenses des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor par budget annexe et par catégorie de comptes avec, le cas échéant, des votes par titre.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale apporte des modifications substantielles à cette architecture.
S'agissant des crédits des ministères, le deuxième alinéa du présent article prévoit un vote par ministère et par mission, qui porte sur les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.
S'agissant des comptes annexes (les budgets annexes ayant disparu), le troisième alinéa du présent article prévoit un vote des crédits ou des découverts par catégorie de comptes.
Le rapporteur à l'Assemblée nationale de la proposition de loi organique, notre collègue député Didier Migaud, justifie le choix de la mission comme unité de vote par le fait que celle-ci soit devenue, à l'article 7, « la première structure à l'intérieur de l'ensemble des crédits d'un ministère » 110 ( * ) . Il fait remarquer que ce système se démarque radicalement du mécanisme actuellement en vigueur :
• par la suppression des services votés et donc un vote portant sur le premier euro;
• par le changement de nature du vote, qui passe d'une décision d'attribution de moyens à l'approbation des politiques et des objectifs reflétés par les programmes cohérents que regroupera la mission.
Il estime entre 60 et 80 le nombre optimal de missions et entre 150 et 200 celui des programmes. Il prévoit par ailleurs la possibilité, comme aujourd'hui, d'un article de récapitulation.
Pour les comptes annexes, le texte adopté par l'Assemblée nationale apporte une exception à cette règle de vote par mission puisque, si chaque compte en constitue une, le vote s'effectue par catégorie de comptes afin d'en limiter le nombre.
C. LE VOTE DES PLAFONDS DES AUTORISATIONS D'EMPLOIS
L'article 7 de la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale a prévu de retenir le ministère comme unité de spécialité des plafonds des autorisations d'emplois. La seconde phrase du deuxième alinéa du présent article fait le choix d'une coïncidence entre l'unité de spécialité et l'unité de vote : seraient votés les plafonds des autorisations d'emplois par ministère en même temps que les crédits, ces plafonds faisant ultérieurement l'objet d'un article de récapitulation.
L'absence de tels plafonds pour les comptes se justifie par l'interdiction d'imputer des dépenses de personnel sur ceux-ci.
Ainsi, qu'il s'agisse des crédits ou des emplois, le texte du présent article fait le choix d'organiser la discussion de ces dispositions, en seconde partie de la loi de finances, autour des ministères, sur le même schéma que celui aujourd'hui à l'oeuvre. Votre rapporteur vous proposera d'adopter une démarche différente centrée autour des missions.
II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION
A. LE VOTE DES RECETTES
Votre rapporteur partage le souci de l'Assemblée nationale à la fois de réduire le nombre des votes et d'accorder le droit sur la pratique s'agissant des recettes. Mais il souhaite aussi tirer toutes les conséquences des dispositions nouvelles concernant les opérations de trésorerie et introduire un vote d'ensemble sur les ressources de trésorerie.
C'est pourquoi, sous réserve d'un amendement de précision rédactionnelle, il vous proposera d'ajouter ce nouveau vote dans le premier alinéa.
L'Assemblée nationale semble avoir considéré que le tableau de financement et le tableau d'équilibre mentionnés à l'article 31 ne faisant qu'un, malgré une séparation formelle dans la proposition de loi organique, le vote d'ensemble sur les recettes comprendrait alors les recettes budgétaires et les ressources de trésorerie. En pratique, cela reviendrait à gonfler l'état A d'une évaluation des différentes catégories de ressources de trésorerie.
Cependant, faute de précision sur ce point d'importance dans le corps de la proposition de loi organique, dans le rapport écrit et lors des débats à l'Assemblée, votre rapporteur souhaite définir précisément les modalités de vote des évaluations des ressources de trésorerie afin d'éviter de mauvaises interprétations de la lettre de la loi organique et de ses silences.
Il considère ainsi que, sans procéder à un vote par type de ressources, la représentation nationale doit se prononcer par deux votes séparés : le premier sur les évaluations des recettes budgétaires qui figurent dans le tableau d'équilibre avec un état annexé ; le second sur les évaluations des ressources de trésorerie qui figurent dans le tableau de financement, un état annexé retraçant le détail de ces évaluations.
B. LE VOTE DES DÉPENSES
Le choix de l'unité de vote des dépenses, comme celle des plafonds des autorisations d'emplois, constitue le seul point de la loi organique qui pourra prédéterminer la forme à venir des débats budgétaires de seconde partie. Votre rapporteur entend donc vous proposer une rédaction qui à la fois reflète sa vision des futurs débats et n'empêche aucune évolution de ceux-ci, à l'image de ce qui s'est passé dès 1959, si les parlementaires et les gouvernements s'accordaient pour la réaliser.
Il reviendra, dès la discussion de la première loi de finances du nouveau régime, vraisemblablement celle pour 2006, aux conférences des présidents de chacune des deux assemblées de décider de l'organisation des débats. Votre rapporteur n'entend préjuger ni des décisions de ces conférences, ni de celles de leurs successeurs. Il n'ignore cependant pas les réticences naturelles au changement, le statu quo semblant toujours préférable aux incertitudes de la nouveauté. La loi organique ne suffira pas seule à changer des modalités de discussion bien ancrées dans les usages institutionnels.
Cependant, l'insatisfaction semble générale, et chacun, reprenant la formule désormais consacrée du président Edgar Faure, s'accorde pour dénoncer les « tunnels ministériels » que constituent les discussions des crédits des ministères en seconde partie. Il convient cependant de relativiser cet unanimisme de façade dans la contestation, dès lors que chacun -parlementaires comme ministres - semble heureux de prendre la parole durant de longues minutes lors de la discussion des crédits du fascicule l'intéressant. Il n'est qu'à voir les vives réactions de la ministre de l'environnement, Madame Dominique Voynet, lors de la discussion des crédits de son ministère au Sénat en décembre dernier, qui accepta avec quelque mauvaise grâce de transformer le discours programme qu'elle avait préparé en une alternance de questions et de réponses, à la demande de votre rapporteur qui souhaitait rendre plus dynamique cette discussion.
Il semble à votre rapporteur que la réforme de l'ordonnance organique, sans mettre fin aux efforts déployés depuis plusieurs année à l'Assemblée nationale comme au Sénat, peut être l'occasion d'adopter un cadre plus dynamique de discussion des crédits budgétaires. Elle en offre l'occasion en faisant de l'unité de spécialité des crédits - le programme - non seulement un regroupement de crédits destiné à financer des actions, mais un regroupement orienté vers des objectifs précis propres à l'ensemble des actions, en assurant la cohérence, mesurés par des indicateurs. L'unité de spécialité devient une unité de débat politique et non une simple convention de regroupement de moyens.
Il aurait pu sembler logique, dans ces conditions, de faire du programme l'unité de discussion, et donc de vote, des crédits. Cependant, l'Assemblée nationale a choisi, dans le cadre des ministères, de retenir la structure de regroupements de programmes cohérents que constitue la mission, notamment pour ne pas multiplier les votes.
Votre rapporteur partage le choix de la mission, mais n'estime pas opportun celui du ministère. Il ne voit pas ainsi les avantages apportés par l'unité de vote du ministère, a fortiori si, comme il est proposé à l'article 7, les missions peuvent être interministérielles, et s'il existe, avec les dotations, un second type d'unité de spécialité ; en revanche il en perçoit clairement d'ores et déjà les inconvénients. Les débats étant organisés par ministère, le risque est grand de voir se reproduire des discussions générales de plusieurs heures propres à chaque ministère, auxquels succèderont en quelques minutes les votes des crédits des deux, trois ou quatre missions dudit ministère, sans que la discussion ne se soit fixée sur les objectifs, les indicateurs, les politiques, les cohérences reflétés par les programmes et les missions. A l'inverse, prévoir le seul vote par mission, outre qu'il évite les biais mentionnés ci-dessus pour les missions interministérielles, permettrait, si les intervenants le souhaitent en 2005 ou plus tard, d'appeler successivement les missions et d'organiser des débats propres à chacune d'entre elles.
Ces débats par mission permettront d'ailleurs de maintenir la possibilité de discussions sur certains secteurs qui ne pourront, à l'évidence, conserver la spécialité des crédits qu'ils ont aujourd'hui. Si la représentation nationale souhaite l'organisation d'un débat sur la politique de la mémoire et les anciens combattants, qui devraient constituer un programme fondu parmi les missions du ministère de la défense, il trouvera naturellement sa place au sein de la discussion de la mission correspondante du ministère de la défense.
Il existe d'ailleurs un certaine logique à cette organisation des débats par mission que l'on trouve dans l'organisation actuelle de la discussion budgétaire. En effet, la cohérence entre les chapitres, unité de spécialité, ne peut être assurée que par les ministères. Il apparaît donc naturel que ceux-ci constituent, aujourd'hui, l'unité de vote. De même, les missions ayant pour rôle, selon l'article 7, d'assurer la cohérence de plusieurs programmes, il devient logique d'en faire, demain, l'unité de vote. Cette dernière constitue l'échelon cohérent pertinent de discussion des crédits et, avec la réforme, des politiques, des objectifs et des indicateurs qui leur sont associés.
C'est pourquoi votre rapporteur vous proposera de retenir dans la loi organique que le seul niveau de la mission comme unité de vote des crédits.
Les dotations, dont votre rapporteur vous a proposé la création à l'article 7, constituent un second niveau de spécialité des crédits. N'étant pas regroupées par missions, et correspondant chacune à une nature particulière de dépenses, il est logique de prévoir un vote propre à chacune d'entre elles, permettant un débat approprié.
S'agissant des budgets annexes, dont votre rapporteur vous a proposé le maintien de la catégorie, et des comptes spéciaux, ainsi rebaptisés et conservés, votre rapporteur vous propose de retenir la même exception que celle apportée par l'Assemblée au choix de la mission ou de la dotation comme unité de vote, chaque budget annexe et chaque compte constituant une mission. Sous réserve d'amendements rédactionnels destinés à tirer les conséquences du maintien de ces catégories de procédures d'affectations, votre rapporteur vous proposera de retenir le choix d'un vote par budget annexe pour leurs crédits, et par catégorie de comptes spéciaux pour leurs découverts ou leurs crédits.
C. LE VOTE DES PLAFONDS DES AUTORISATIONS D'EMPLOIS
Le même souci d'une rupture formelle avec le ministère comme unité de vote et donc d'organisation de la discussion budgétaire obligatoirement prévue par le texte organique inspire à votre rapporteur la proposition d'une substitution d'un vote unique sur les plafonds des autorisations d'emplois à un vote par ministère.
Il ne s'agit pas bien sûr, ainsi qu'il a été expliqué dans le commentaire relatif au III de l'article 7, de revenir sur le ministère comme unité de spécialité des plafonds des autorisations d'emplois. En revanche, rien n'interdit de retenir une unité de vote différente desdits plafonds. Votre rapporteur vous proposera donc le vote unique d'un tableau des plafonds des autorisations d'emplois, chaque plafond étant spécialisé par ministère.
Le vote de ce tableau rendra possible l'organisation d'un débat transversal sur la politique d'emploi du gouvernement. La représentation nationale pourra toujours amender le tableau pour diminuer le plafond d'un ministère ou bien, dans le cadre de la discussion d'une mission dudit ministère, minorer les crédits du titre des dépenses de personnel correspondants au plafond. Ainsi, la capacité d'intervention du Parlement ne changera pas par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale, mais un débat transversal sera rendu possible, et sera évité le biais d'organisation qu'aurait représenté une discussion par ministère laquelle aurait aussi pu servir de justification à une discussion des crédits par ministère.
C'est pourquoi votre rapporteur vous proposera d'insérer un alinéa prévoyant le vote unique d'un tableau des plafonds des autorisations d'emplois.
Ainsi débarrassé des points d'accroche permettant la reproduction d'un mode de discussion aujourd'hui unanimement critiqué, le nouveau mécanisme des votes rend possible une modernisation de la discussion budgétaire. Il reviendra aux parlementaires et aux ministres, - et ceux qui le seront lors de l'examen de la première loi de finances régie par la loi organique porteront de ce point de vue une lourde responsabilité -, de profiter de cette opportunité pour rendre plus lisible, plus dynamique et plus centré autour des politiques et des objectifs un débat qui constitue un moment essentiel de notre vie démocratique.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 109 Rapport de M. Didier Migaud, député, au nom de la commission spéciale, n° 2908 (Xième législature), page 237.
* 110 Rapport précité, page 239.