TITRE IV
LES SONDAGES ÉLECTORAUX
Article 10
(art. 11 de la loi
n° 77-808 du 19 juillet 1977)
Publication de sondages
d'opinion de caractère électoral
pendant la semaine
précédant un scrutin
Cet article reprend l'article unique de la proposition de loi de nos collègues MM. Daniel Hoeffel, Charles Jolibois et de votre rapporteur tendant à limiter à la veille et au jour du scrutin (jusqu'à la clôture du dernier bureau de vote) l'interdiction de publier des sondages de caractère électoral, actuellement applicable à partir du début de la semaine précédente.
Votre rapporteur a précédemment exposé 27 ( * ) que le développement des nouvelles technologies, et en particulier d'Internet permettait la réception en France de sondages d'opinion dont la publication à l'étranger n'est pas soumise à la loi française.
L'adaptation de la législation qui résulterait de la proposition de loi ne serait pas motivée par la violation de cette législation par certains organes de presse publiant en France des sondages préélectoraux dans la semaine précédant un scrutin.
La violation d'une législation, qui a sa raison d'être et dont les Hautes juridictions ont confirmé la conformité aux engagements internationaux de la France, ne saurait, à elle seule, justifier son abrogation.
Il appartient, en effet, aux tribunaux de sanctionner les violations de la loi.
En revanche, le contournement de la législation que constitue la publication à l'étranger de sondages dans le but principal d'en faire connaître la teneur en France (par Internet en particulier) a pour effet de soustraire ces sondages à la législation française destinée à favoriser leur qualité et leur objectivité.
L'interdiction actuellement en vigueur peut donc avoir pour effet d'encourager la circulation en France de sondages dont la qualité serait insuffisamment garantie, s'ils étaient publiés dans un pays dont la législation serait notoirement insuffisante.
La levée de cette interdiction paraît, en revanche, de nature à favoriser la publication en France de ces sondages, et donc leur contrôle selon la législation française.
Aussi, votre commission des Lois vous propose-t-elle, à l'article 10 de reprendre la proposition de loi précitée limitant la période d'interdiction de publier des sondages électoraux à la veille et au jour du scrutin (jusqu'à la fermeture du dernier bureau de vote).
Pour autant, votre commission des Lois a entendu assortir l'autorisation de publier des sondages électoraux jusqu'à l'avant-veille du scrutin de garanties supplémentaires qui seraient applicables aux sondages publiés dans les deux semaines précédent un tour de scrutin.
Votre commission des Lois vous propose à cet effet de compléter les dispositions de l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 précitée.
• En premier lieu, il convient d'éviter la publication de sondages par des instituts créés pour la circonstance quelques jours seulement avant une élection et ne présentant pas toujours des garanties suffisantes de qualité.
Selon l'article 7 de la loi du 19 juillet 1977, les instituts de sondages sont tenus, avant de réaliser des sondages électoraux, de souscrire auprès de la Commission des sondages un engagement à se conformer aux textes applicables en ce domaine. La déclaration doit être souscrite préalablement à l'enquête, sans qu'aucun délai particulier soit fixé.
Il conviendrait donc que ne soit autorisée la publication d'un sondage dans les deux semaines précédant un scrutin que s'il a été réalisé par un organisme ayant souscrit cette déclaration, au moins trois mois avant le premier tour de l'élection.
• La Commission des sondages dispose du pouvoir de contraindre les organes d'information n'ayant pas respecté leurs obligations légales à la publication d'une mise au point. Il apparaît souhaitable de renforcer cette prérogative de la commission, lorsqu'un sondage a été publié dans les deux semaines précédant un scrutin.
Selon l'article 9 de la loi du 19 juillet 1977 précitée, les organes d'information qui publient ou diffusent un sondage électoral en violation des dispositions législatives ou réglementaires applicables, en méconnaissance des clauses obligatoires des contrats de vente, ou en altérant la portée des résultats obtenus, sont tenus de publier sans délai les mises au point demandées par la Commission des sondages. Cette commission peut aussi, à tout moment, faire diffuser ces mises au point par le service public de l'audiovisuel.
Il serait souhaitable, dans le cas d'un sondage publié dans les deux semaines avant un scrutin, que la mise au point demandée par la Commission des sondages à l'organe d'information concerné soit publiée dans les délais les plus brefs et d'une manière susceptible de susciter un écho comparable à celui du sondage lui-même.
S'il s'agit d'un sondage dont les résultats ont été diffusés sur une chaîne de télévision ou de radio , la mise au point demandée devrait être diffusée au plus tard dans un délai de vingt-quatre heures, et surtout « de manière que lui soit assurée une audience équivalente » à celle de ce sondage , pour reprendre une formule retenue par la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, à propos du droit de réponse .
S'il s'agit d'un sondage publié dans la presse écrite , la mise au point devrait être publiée dans le plus prochain numéro du journal ou de l'écrit périodique. L'insertion devrait figurer « à la même place et en mêmes caractères que l'article qui l'aura provoquée et sans aucune intercalation », selon la formule de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à propos du droit de réponse également.
• Enfin, si la publication ou la diffusion d'un sondage électoral depuis un lieu situé en dehors du territoire national n'est pas soumis à la législation française , il paraît cependant possible de remédier partiellement à cette difficulté.
Dès lors que les résultats de sondages électoraux seraient accessibles en France (par Internet, par un moyen audiovisuel ou par la presse étrangère), il serait souhaitable, lorsque cela est nécessaire, que la Commission des sondages puisse imposer la diffusion dans un délai de vingt-quatre heures d'une mise au point par le service public de l'audiovisuel .
De plus, lorsqu'un organe d'information aurait fait état de ce sondage en France, comme cela se produit parfois, la Commission des sondages devrait aussi pouvoir exiger la publication par cet organe d'une mise au point, sous la forme d'un « droit de réponse », comme dans l'hypothèse précédente.
Il convient enfin de rappeler que la sanction des infractions aux dispositions de la loi du 19 juillet 1997 précitée sont prévues à son article 12.
De ce fait, les manquements aux nouvelles obligations qui seraient créés par cette loi ainsi complétée se trouveraient aussi passibles d'une amende de 500.000F, la décision de justice pouvant être publiée ou diffusée par les mêmes moyens que ceux par lesquels il a été fait état du sondage litigieux.
En conséquence, votre commission des Lois vous propose, pour l'article 10 de la proposition de loi :
1- de circonscrire à la veille et au jour d'un scrutin (jusqu'à l'heure de sa clôture) l'interdiction de publier ou de diffuser des sondages d'opinion de caractère électoral, actuellement applicable pendant la semaine précédent chaque tour de scrutin ;
2- S'agissant des sondages publiés ou diffusés pendant les deux semaines précédent un tour de scrutin :
a- de subordonner l'autorisation de leur publication à leur réalisation par un organisme ayant souscrit la déclaration légale auprès de la Commission des sondages, au plus tard, trois mois avant le premier tour de scrutin ;
b- de prévoir que les mises au point demandées par cette commission soient publiées ou diffusées par les organes d'information concernés dans les vingt-quatre heures ou dans le plus prochain numéro de la publication et dans des conditions susceptibles de susciter un écho comparable à celui du sondage lui-même, selon les formules retenues en matière de droit de réponse pour la presse écrite ou audiovisuelle ;
c- en ce qui concerne les sondages diffusés ou publiés depuis un lieu se situant hors du territoire national , que la Commission des sondages puisse, si nécessaire, imposer la diffusion d'une mise au point par les chaînes publiques de télévision et de radiodiffusion et, le cas échéant, par tout organe d'information qui, en France, aurait fait état de ce sondage, sous la forme d'un droit de réponse, comme dans l'hypothèse précédente .
* 27 Voir partie III ci-dessus.