Rapport n° 307 (2000-2001) de Mme Danièle POURTAUD , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 9 mai 2001

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N° 307

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 mai 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur la proposition de loi de Mme Danièle POURTAUD et des membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à prévoir un barème de rémunération équitable applicable aux discothèques et activités similaires ,

Par Mme Danièle POURTAUD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Jean Arthuis, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Pierre Guichard, Marcel Henry, Roger Hesling, Roger Karoutchi, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir le numéro :

Sénat : 244 (2000-2001)

Propriété intellectuelle.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objet de permettre la perception de la rémunération équitable due aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogrammes par les exploitants de discothèques et d'établissements similaires.

Ce n'est, malheureusement, pas la première fois que les dispositions de la loi de 1985, désormais codifiées aux articles L. 214-1 à L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoient le droit à rémunération équitable des interprètes et des producteurs pour l'utilisation publique et la radiodiffusion des « phonogrammes publiés à des fins de commerce » connaissent des difficultés d'application.

Avant d'analyser l'économie du texte adopté par votre commission, votre rapporteur rappellera brièvement le dispositif mis en place en 1985, et les difficultés auxquelles a donné lieu son application.

I. LES DISPOSITIONS DU CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE RELATIVES À L'UTILISATION DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE

La loi dite « Lang » du 3 juillet 1985, qui a reconnu des droits exclusifs aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, a prévu, par dérogation à ces droits exclusifs, un régime de licence légale pour certaines utilisations publiques des phonogrammes du commerce.

Il aurait en effet été matériellement impossible que, pour chaque diffusion d'un enregistrement par des radiodiffuseurs, dans des discothèques ou dans les établissements (restaurants, hôtels, magasins...) qui font bénéficier leur clientèle d'une « ambiance musicale », l'autorisation des ayants droit doive être sollicitée.

Cette licence légale avait pour contrepartie la reconnaissance d'un droit à « rémunération équitable », due pour chaque utilisation de phonogrammes du commerce.

La loi a fixé l'assiette et les modalités de perception de la « rémunération équitable », dont le barème et les modalités de versement devaient être fixés par accords entre utilisateurs et ayants droit.

1. La perception de la rémunération équitable

La rémunération équitable est assise sur les recettes d'exploitation des utilisateurs, ou évaluée forfaitairement dans les cas où le code autorise une rémunération forfaitaire des droits (art. L. 214-1 CPI).

Gérée de façon collective, elle est perçue pour le compte des ayants droit et répartie entre eux par une ou plusieurs sociétés de perception et de répartition des droits (art. L. 214-5 CPI). Concrètement, elle est perçue par une SPRD créée en 1985, la société de perception de la rémunération équitable (SPRE) qui réunit les sociétés de gestion des droits des artistes interprètes et des producteurs de phonogrammes. La SPRE perçoit directement les rémunérations dues par les radiodiffuseurs et les discothèques, la SACEM ayant reçu d'elle mandat de percevoir les droits dus par les établissements et lieux sonorisés.

Les sommes collectées par la SPRE doivent être réparties par moitié entre les interprètes et les producteurs (art. L. 214-1 CPI). Leur répartition finale entre les bénéficiaires est assurée par les SPRD associées au sein de la SPRE.

2. La fixation des barèmes et des modalités de versement

Dans ce cadre, le législateur s'en est remis, pour la détermination des barèmes et des modalités de versement de la rémunération équitable, à la négociation entre les parties en présence. Comme l'avait souligné le rapporteur de la loi de 1985 à l'Assemblée nationale, M. Alain Richard, il était en effet « hautement souhaitable qu'une négociation entre les parties concernées permette de dégager un compromis ménageant l'intérêt légitime des uns et des autres » 1 ( * ) .

Aux termes de l'article L. 214-3 CPI, barèmes et modalités de versement doivent donc être établis « par des accords spécifiques à chaque branche d'activité », conclus entre les organisations représentatives des artistes interprètes, des producteurs et des utilisateurs de phonogrammes.

Ces « accords de branche » peuvent être conclus pour une durée comprise entre un et cinq ans.

Selon une procédure inspirée du droit du travail, ils peuvent être étendus par arrêté du ministre chargé de la culture.

A défaut de conclusion de ces accords, ou de leur renouvellement en temps utile, il revient à une commission, prévue par l'article L. 214-4 CPI, de fixer les barèmes et les modalités de versement de la rémunération équitable.

La « commission de l'article L. 214-4 » doit également fonctionner comme un instrument de dialogue entre utilisateurs et ayants droit : si elle est présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire et comprend en outre un membre du Conseil d'État et une personnalité qualifiée désignée par le ministre de la culture, elle comporte surtout, en nombre égal, des représentants des ayants droit et des utilisateurs.

II. LES DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT DU RÉGIME DE LA RÉMUNÉRATION ÉQUITABLE ET LES INTERVENTIONS DU LÉGISLATEUR

Le dispositif résultant des articles L. 214-1 à L. 214-5 CPI n'a pas fonctionné de façon très satisfaisante.

Les parties intéressées n'ont pas fait, c'est le moins qu'on puisse dire, un usage empressé de la liberté de négociation qu'avait entendu leur donner le législateur.

La commission de l'article L. 214-4 n'a pas non plus joué parfaitement son rôle de « filet de sécurité » pour assurer que les barèmes et les conditions de versement de la rémunération équitable soient fixés et renouvelés en temps et en heure.

Enfin, ses décisions ont donné lieu à des actions contentieuses qui ont contraint le législateur à intervenir, par deux fois déjà, pour assurer la continuité de perception de la rémunération équitable et donc le respect des droits des interprètes et producteurs.

1. La validation en 1993 du barème applicable aux radios privées

La loi de 1985 ayant prévu un délai très court (six mois) pour la conclusion des premiers accords relatifs à la rémunération équitable, c'est la commission de l'article L. 214-4 qui a fixé, par une décision du 9 septembre 1987 (applicable au 1 er janvier 1988) les premiers barèmes de la rémunération équitable.

Une décision du Conseil d'État du 14 mai 1993 a annulé les dispositions de cette décision applicables au secteur des radiodiffuseurs privés 2 ( * ) .

Cette annulation privait rétroactivement de base légale les perceptions de rémunération effectuées depuis le 1 er janvier 1988, et suspendait en outre l'application de la loi dans le secteur des radios privées jusqu'à ce qu'un accord, ou une nouvelle décision de la commission, vienne combler le vide juridique qu'elle avait créé.

Pour pallier les conséquences de la décision du Conseil d'État, la loi n° 93-924 du 20 juillet 1993, issue d'une proposition de loi déposée par notre collègue le sénateur Jean-Paul Hugot, a fixé, à titre temporaire, le barème et les modalités de versement de la rémunération équitable due par les radios privées.

Ce barème devait s'appliquer rétroactivement à compter du 1 er janvier 1988, et au plus tard jusqu'au 31 décembre 1993, afin de ménager le délai nécessaire à l'intervention d'une nouvelle décision.

2. La validation de la décision du 28 juin 1996 applicable aux discothèques

Fixées en premier lieu par la décision du 9 septembre 1987 précitée, les modalités de la rémunération équitable due par les exploitants de discothèques avaient été révisées -bien tardivement du reste- par une nouvelle décision de la commission du 28 juin 1996, applicable à compter du premier août de la même année.

Cette décision avait fait l'objet d'un recours fondé notamment sur le fait que le terme de son application n'était pas fixé. En effet, si l'article 3 de la décision prévoyait que sa durée d'application serait de cinq ans, il disposait aussi, de manière contradictoire, qu'elle pourrait demeurer applicable au delà de ce délai, à défaut d'entrée en vigueur d'un nouveau barème.

Le gouvernement avait jugé que les moyens soulevés par les requérants étaient suffisamment sérieux pour demander au Parlement de valider la décision attaquée par un amendement au projet de loi transposant les directives « câble et satellite » et « durée des droits d'auteur », alors en cours de discussion.

Votre commission avait exprimé quelques doutes quant à la réalité du motif d'intérêt général qui pouvait, selon la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, justifier la validation de la décision attaquée.

Pour ne pas priver de leurs droits les artistes et producteurs, elle avait cependant finalement accepté l'amendement proposé, devenu l'article 18 de la loi du 27 mars 1997. Elle avait toutefois exigé que, comme en 1993, cette validation soit strictement limitée dans le temps, exigence dont le gouvernement avait reconnu le bien fondé en acceptant de limiter à 5 ans, à compter du 1 er janvier 1996, la durée d'application du barème ainsi validé.

Le rapporteur de la commission, M. Pierre Laffitte, avait également rappelé que c'était la deuxième fois que le Parlement, sortant de son rôle, devait fixer au lieu et place des intéressés les taux de la rémunération équitable et espéré que ces derniers parviendraient désormais « à se gérer eux-mêmes, dans le respect de la loi ». 3 ( * )

III. LE PROBLÈME RÉCURRENT DU SECTEUR DES DISCOTHÈQUES ET LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

Si, en 1993, le délai accordé par le législateur avait été respecté et avait permis l'intervention en temps utile d'un barème arrêté dans des conditions conformes à la loi 4 ( * ) , la validation du barème des discothèques réalisée par l'article 18 de la loi du 27 mars 1997 n'a pas provoqué, dans ce secteur, une réaction aussi salutaire.

Au terme fixé par le législateur, soit le 1 er janvier 2001, aucun accord « de branche » n'était intervenu, ni aucune décision de la commission, qui n'a d'ailleurs apparemment pas été convoquée.

Ce nouvel « accident de parcours », qui révèle pour le moins une certaine inertie des parties en présence, peut conduire à s'interroger sur la viabilité, compte tenu de cette inertie, du dispositif mis en place en 1985 pour assurer la perception et la répartition de la rémunération équitable.

C'est pour susciter une réponse à cette question, qui devient préoccupante, que votre rapporteur avait déposé une proposition de loi dont le dispositif allait au delà de la situation dans le secteur des discothèques, et entendait amorcer une réflexion sur les mesures propres à assurer un fonctionnement plus régulier et une perception moins aléatoire de la rémunération équitable.

Cependant, une telle réflexion ne pourrait aboutir dans des délais compatibles avec la solution urgente qui doit être trouvée dans le secteur des discothèques puisque, une nouvelle fois, il n'existe plus, depuis le 1 er janvier 2001, de texte permettant la perception de la rémunération due par les exploitants de ces établissements.

Par ailleurs, le ministère de la culture semble décidé à veiller à un meilleur fonctionnement du dispositif adopté en 1985, aussi bien en incitant les partenaires à renouer le dialogue, qu'en remettant en ordre de marche la commission de l'article L. 214-4, qui est dès à présent en cours de reconstitution.

Il semble à votre rapporteur que cette tentative de donner une « nouvelle chance » au dispositif de 1985 mérite d'être encouragée.

Il paraît donc souhaitable, même si cela l'oblige une fois de plus à sortir du champ normal de sa compétence, que le législateur permette de rétablir la continuité de la perception de la rémunération équitable, et qu'il s'associe à la démarche du gouvernement en fixant aux parties en présence un délai de négociation qui les incite à prendre conscience des responsabilités qui leur incombent dans l'application des textes relatifs à la rémunération équitable.

C'est en fonction de ces considérations que votre rapporteur vous propose de limiter le dispositif de la proposition de loi à la prolongation d'une année, jusqu'au premier janvier 2002 , de l'application de l'article 18 de la loi du 27 mars 1997.

*

* *

Au bénéfice des observations qui précèdent, votre commission vous demande d'adopter la proposition de loi dans le texte résultant de ses conclusions et qui figure ci-après.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 9 mai 2001 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, président, la commission a examiné, sur le rapport de Mme Danièle Pourtaud , la proposition de loi n° 244 tendant à prévoir un barème de rémunération équitable applicable aux discothèques et activités similaires , présentée par Mme Danièle Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés.

La commission a approuvé , à l'unanimité des commissaires présents, la proposition de loi dans la rédaction proposée par son rapporteur .

*

* *

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de loi relative à l'application du barème de la rémunération équitable due par les discothèques
pour l'utilisation de phonogrammes du commerce

Article unique

Dans l'article 18 de la loi n° 97-283 du 27 mars 1997 portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des Communautés européennes n° s 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993, les mots « cinq ans » sont remplacés par les mots « six ans ».

*

* *

TABLEAU COMPARATIF
ANNEXE

Proposition de loi n° 244 (2000-2001)

présentée par Mme Danièle Pourtaud
et les membres du groupe socialiste et apparentés,

Article unique

I. - Après le premier alinéa de l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le barème ainsi arrêté demeure applicable à défaut d'entrée en vigueur d'un nouveau barème ».

II. - L'article 18 de la loi n° 97-283 du 27 mars 1997 portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des Communautés européennes n° 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993, est ainsi rédigé :

« Art. 18.- Est validée à compter du 1er janvier 1996 jusqu'au 31 décembre 2000, la décision du 28 juin 1996 publiée au Journal officiel de la République française du 25 juillet 1996 de la commission créée par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle fixant le barème de la rémunération due par les exploitants de discothèques aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes en application de l'article L. 214-1 du même code.

« Le barème ainsi validé demeure applicable à défaut d'entrée en vigueur d'un nouveau barème.

« Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les barèmes arrêtés dans les conditions prévues à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle demeurent applicables à défaut d'entrée en vigueur d'un nouveau barème ».

* 1 Rapport AN n° 2235 (7° législature), p. 49.

* 2 Cette annulation posait le problème de la définition des « branches d'activités » prévues par la loi. Le Conseil d'État avait en effet jugé que les accords conclus entre certaines stations de radio et les titulaires de droit ne constituaient pas des accords de branche et que, par suite, la commission ne pouvait « prendre acte » de ces accords mais devait décider des barèmes et modalités de versement applicables aux radios signataires.

* 3 JO débats Sénat, séance du 19 décembre 1996, p. 7672.

* 4 Une décision du 22 décembre 1993 de la commission de l'article L. 214-4 (dont la composition avait entre temps été remaniée par un arrêté du 24 septembre 1993) a fixé de nouvelles règles applicables, à compter du 1 er janvier 1994, à la rémunération équitable due par les services de radiodiffusion privés.

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