D. LES DÉCHETS DISPERSÉS : L'EXEMPLE DES PLOMBS DE CHASSE
Les chasseurs tirent chaque année de l'ordre de 250 millions de cartouches, tous tirs confondus, soit les trois-quarts pour la chasse et le quart pour le ball-trap. On compte 300 billes de plomb par cartouche, pour un poids d'environ 30 grammes, soit 6.000 tonnes de plomb pour les seuls tirs de chasse.
En milieu naturel, une balle de plomb met de 30 à 200 ans pour être désagrégée et dissoute. En dépit de la masse -6.000 tonnes par an !- la dispersion des tirs en milieu naturel est telle que la chasse ne pose pas de problème, ni sur l'environnement, ni sur la santé de la faune et de l'homme. A l'exception d'un cas : la chasse au gibier d'eau (canards colvert, sarcelles), pratiquée en France par 200 000 à 300.000 chasseurs.
1. Le plomb et la chasse au gibier d'eau
Les problèmes ont deux origines :
- D'une part, les tirs. La chasse au gibier d'eau, « chasse d'ambiance » parmi les plus traditionnelles et les plus appréciées des chasseurs, est très concentrée sur certains lieux. Les tirs sont aussi plus nombreux compte tenu des risques de pertes des prises, difficiles à récupérer dans les marais. Les chasseurs au gibier d'eau tirent en moyenne deux ou trois oiseaux avant d'en prélever un, et un tiers de cartouches de plus qu'un chasseur courant. Ainsi, tant la pratique, ancienne et régulière, que la localisation, entraînent une concentration des plombs dans certains marais.
- D'autre part, le gibier lui-même. Les plombs de chasse, quand ils sont accessibles, sont souvent pris pour de la nourriture et/ou pour des graviers (le « grit ») stocké dans le gésier -partie musculaire de l'estomac- pour faciliter le broyage de graines. Tandis qu'un plomb se désagrège en trente ans minimum dans la nature, une bille de plomb, absorbée, érodée par le gravier et rongé par les acides de l'estomac, se dissout en vingt jours seulement dans le gésier.
Le taux d'ingestion est variable selon les espèces et selon les lieux de chasse. Les concentrations les plus élevées se retrouvent en Camargue. Sur 20 études menées en France, le pourcentage de canards trouvés avec au moins un plomb dans le gésier est en moyenne de 22 % (moyenne d'une fourchette entre 0 et 53 %) qui ne prend pas en compte les oiseaux ayant déjà ingéré et dissous les plombs. En Camargue, la moyenne est de 31,8 % (entre 18 et 53 %). On estime que le nombre d'oiseaux présentant de fortes concentrations en plomb dans les tissus est trois fois supérieur au nombre d'oiseaux trouvés avec du plomb dans le gésier.
2. Les effets sur la santé des animaux
L'intoxication des oiseaux : le risque de saturnisme
Depuis le début des années 60, 50 000 oiseaux ont été examinés. Le risque de saturnisme est confirmé.
Quelle est la vulnérabilité des oiseaux au risque de saturnisme ? Quels sont les effets constatés ?
En se dissolvant, les billes de plomb libèrent des sels de plomb qui se diffusent dans le sang et s'accumulent dans toutes les parties du corps, notamment les tissus d'organes internes tels que le foie et les reins, mais aussi les os....
Plusieurs effets peuvent être distingués :
- En premier lieu, la mortalité est directement corrélée avec l'ingestion de plomb. Avec quatre plombs ingérés, la mortalité est quasi certaine.
Taux de mortalité des canards en fonction du nombre de plombs ingérés
1 plomb 9 % de mortalité dans les 20 jours
2 plombs 25 % de mortalité dans les 20 jours
3 plombs 67 % de mortalité dans les 20 jours
4 plombs 99 % de mortalité dans les 20 jours
- En second lieu, l'ingestion de plombs a des effets sur les comportements des animaux. Certains effets sont immédiats. L'oiseau qui a ingéré du plomb se nourrit, vole moins bien, s'oriente moins bien. D'autres effets, décalés dans le temps, affectent la reproduction. La réduction de la taille des pontes est évaluée à un tiers chez les canes ayant ingéré des plombs. Une récente thèse vétérinaire considère que « l'ingestion d'une faible quantité de plombs de chasse chez les canards colvert peut mettre en péril le succès reproducteur des individus exposés, et par là même, la pérennité de l'espèce ».