2. Les difficultés d'analyse
L'analyse des rejets de métaux lourds dans les eaux se heurte cependant à deux difficultés.
a) Les difficultés de mesure
Les métaux lourds dans les eaux sont encore peu étudiés, et sont beaucoup moins surveillés que l'azote et le phosphore par exemple. On observera par exemple que dans l'ancien système de classement de la qualité des eaux (classement allant de 1 à 4, le niveau 1 étant le niveau le moins pollué, le niveau 3 par exemple correspondant à des eaux pouvant poser des problèmes quant à la survie des poissons et seulement utilisables pour les usages industriels), les métaux lourds n'étaient pas systématiquement pris en compte. Tout dépendait des outils utilisés alors par les agences de l'eau... Le nouveau système d'évaluation, dit seq-eau, en cours de constitution, permettra de disposer d'un système homogène sur tout le territoire, incluant cette fois les métaux lourds.
La deuxième difficulté est d'ordre technique. La mesure de la qualité des eaux stricto sensu ne permet pas toujours de déceler des contaminants en traces car ces derniers se retrouvent moins dans l'eau que dans les sédiments car ils ont tendance à s'adsorber. C'est pourquoi les mesures s'orientent aujourd'hui vers les sédiments qui concentrent bien davantage que les eaux (en mesurant les teneurs des sédiments avant et après le point de rejet présumé, ce qui permet d'évaluer la contamination et de déterminer la source avec certitude).
b) Les difficultés d'analyse
La présence et la mesure d'un contaminant est en elle-même insuffisante. Les variables déterminantes sont la solubilité du métal et sa faculté à être assimilé qui dépendent toutes deux de la forme chimique du métal et des conditions trouvées dans l'eau, ce qui permet de distinguer trois étapes d'analyse :
La solubilité. Le comportement d'un micro polluant est conditionné par sa forme physico chimique. Les éléments en trace vont être plus ou moins mobiles, plus ou moins solubles. Dans l'eau, les métaux sont présents sous forme d'oxydes ou de sels, selon les métaux d'origine. Les composés de plomb sont peu solubles, sauf les chlorures. Le chlorure, le nitrate et le sulfate de cadmium sont solubles dans l'eau, tandis que les sulfures et l'oxyde de cadmium sont pratiquement insolubles. Les composés insolubles sont de préférence absorbés par les sédiments, d'où la présence parfois très forte de cadmium dans les vases de certaines rivières, les lacs et les canaux.
Les lieux d'accumulation. Les éléments en traces qui s'adsorbent préférentiellement sur les particules solides peuvent s'accumuler dans certaines zones favorables à la sédimentation ou à la concentration de particules. Ces zones d'accumulation sont des sources potentielles de pollution. Les particules qui y sont stockées peuvent être remises en suspension à l'occasion de crues. Les rejets peuvent être sous forme particulaire dans l'eau douce, mais ils peuvent être rendus solubles en présence d'eau saline (estuaire de la Gironde par exemple). La concentration en cadmium des eaux de mer est deux fois plus faible que celle des eaux douces.
La biodisponibilité et le changement de forme du contaminant. L'exemple typique de ce phénomène concerne le mercure : le mercure déposé sur la couche sédimentaire est en général rejeté sous forme inorganique, mais il peut prendre une forme organique et se transforme en méthylmercure (qui est la forme la plus toxique pour l'homme) sous certaines conditions. C'est notamment le cas lorsque l'eau est stagnante, peu oxygénée et associée à des matières organiques en décomposition. Ce phénomène est essentiel pour comprendre la contamination des populations amérindiennes en Guyane par exemple (la situation en Guyane est analysée en fin de rapport).