b) Les facteurs influençant les rejets
L'émission de vapeurs et d'ions mercuriques paraît étroitement dépendante de plusieurs facteurs, techniques ou comportementaux.
• La qualité de l'amalgame - Des amalgames de la nouvelle génération, dits « non gamma 2 » incorporant quelques doses de cuivre et de palladium, seraient beaucoup moins sensibles à la corrosion, diminuant corrélativement les rejets mercuriels. Cette amélioration signifie a contrario que l'ancienne génération - mais toujours en place - dégageait en effet des doses plus importantes, voire non négligeables.
• La proximité d'autres alliages . La présence de différents alliages de métaux génère un micro courant électrique (ou électrogalvanisme) susceptible d'accélérer la corrosion, et par voie de conséquence, les rejets mercuriels. Le « couple » le plus « électrique » serait en particulier la présence simultanée en bouche d'un amalgame au mercure et d'un « inlay » (4 ( * )) en or. Les dégagements de mercure pourraient atteindre jusqu'à 450 ug/m3 d'air.
• Le comportement du porteur est également à prendre en compte . Le mercure de l'amalgame se libère continuellement sur le triple effet des agressions thermiques (variation de chaleur entre la glace et le café, par exemple), chimiques (la libération du mercure s'accroît en cas d'alimentation acide), et mécaniques, principalement sous trois formes : le brossage des dents (qui pourrait doubler les vapeurs mercurielles), le grincement des dents, et surtout la mastication (voir supra).
• Les pratiques des dentistes et médecins soignants . Les rejets mercuriels sont liés à la surface des obturations. La qualité de la pose peut être grandement améliorée par le polissage de l'amalgame qui supprime toute aspérité. Une étude a montré que le polissage réduit la surface en contact avec la salive d'un facteur 100. L'absence de polissage provoquerait une augmentation des rejets mercuriels de 50 à 150 % de mercure en plus ainsi que 50 à 100 % d'étain, d'argent et de cuivre en plus. Hélas, comme on le verra, le polissage est rarement réalisé par le praticien.
c) Le moment de la mesure
Les amalgames dégagent en permanence des rejets de mercure. Certains moments sont cependant propices à des accélérations brutales. Il faut distinguer les rejets en continu et les moments critiques.
• Les rejets continus . Mêmes continus, ces rejets ne sont pas homogènes. L'influence de la mastication est déterminante, entraînant une augmentation brutale des vapeurs de mercure, qui peut varier, selon les auteurs, de 3, 6, 15, voire 40 fois le montant des vapeurs émises avant mastication. Ce phénomène a été parfaitement mis en lumière par l'étude de Tübingen.
• Les moments critiques
Tous les auteurs s'accordent aujourd'hui pour dire que les vapeurs de mercure sont principalement dégagées durant l'insertion, la dépose et le polissage des obturations. Les taux sont variables en fonction de la surface des obturations (taille et nombre de faces). Là encore, les évaluations sont très variables allant de 10ug/m3 d'air (évaluation CSHPF) à plus de 1.000 ug/m3 soit un écart dans les évaluations de 1 à 100 ! Les valeurs moyennes retenues par la référence habituelle varient entre 85 et 326 ug/m3, soit un niveau inférieur au seuil limite de 500 ug/m3 retenu par l'OMS. Il est toutefois vraisemblable que certaines pratiques médicales (fraisage, absence de refroidissement par jet d'eau ou débit insuffisant) augmentent ces rejets de façon significative.
L'un des moments les plus critiques est la dépose , c'est-à-dire le moment où l'on retire un amalgame ancien pour en mettre un autre ou y substituer un autre matériau. La dépose est l'occasion d'une libération importante de vapeurs, puisqu'il y a manipulation, échauffement, éclatement de l'amalgame, fraisage des particules d'amalgame accrochées à la dent pour parvenir à un nettoyage fin de la cavité. L'opération exige normalement des précautions rigoureuses, notamment par utilisation de « digues de protection » (dites aussi « champs opératoires »), sortes de feuilles de caoutchouc qui, associées à des aspirateurs chirurgicaux (plus puissants que les aspirateurs à salive) évitent l'inhalation de vapeurs de mercure. Le CSHPF avait d'ailleurs expressément formulé une recommandation à l'égard des professionnels leur demandant de « fraiser et polir les amalgames obligatoirement avec refroidissement, aspiration, et champ opératoire ». Selon quelques avis autorisés, cette recommandation n'aurait cependant pas été suivie d'effets.
L'étude de Tübingen, pourtant résolument hostile aux amalgames, a relevé que si la dépose des amalgames avait entraîné une amélioration durable chez 50 % des patients, une absence d'amélioration chez 39 %, elle avait également eu pour effet une aggravation chez 11 % des patients, due à une dépose sans précaution.
Cette caractéristique devra bien évidemment être gardée en mémoire lorsqu'il s'agira de proposer des solutions alternatives à l'amalgame.
* (4) Un « inlay » est une pièce modelée, constituée de différents matériaux (métal, céramique), insérée dans une cavité dentaire.