B. L'HABITAT
1. Le risque d'intoxication
Les recherches sur les intoxications au plomb dans les logements sont récentes. Jusqu'aux années 80, la société et le milieu médical ont été très peu sensibilisés au risque saturnique. Les risques d'intoxications sont en effet très peu spécifiques, peu identifiables, et les intoxications éventuelles relevaient de la seule médecine du travail. Les recherches ont démarré presque de façon fortuite, à Paris et en Ile de France au milieu des années 80 lorsque quelques médecins hospitaliers de l'hôpital Trousseau ont constaté plusieurs cas de saturnisme venant d'une même habitation du 11ème arrondissement. Les premières analyses ont porté sur l'eau, sans résultat. Une enquête auprès des familles a montré des permanences dans les comportements des enfants et a mené les médecins sur la piste des peintures. L'analyse chimique des écailles de peinture a confirmé la source de l'intoxication, liée à la présence de plomb dans les peintures cérusées d'immeubles anciens. Le décès de deux enfants par encéphalopathie aiguë à Paris en 1985 et en Seine Saint Denis en 1987, a confirmé le risque majeur et provoqué une campagne de dépistage de la direction régionale de l'action sanitaire et sociale d'Ile de France (67 ( * )) .
a) La population à risques
La population à risques est définie par deux critères principaux. Il s'agit d'enfants de moins de 6 ans, ayant un comportement à risques avec les peintures, domiciliés dans un habitat dégradé construit avant 1948. Après analyse, il est apparu que l'apport hydrique, lié à la circulation de l'eau potable dans les canalisations en plomb n'était pas exclu, mais ne faisait que participer au « bruit de fond », à l'imprégnation générale de la population, au même titre que l'alimentation à l'air ambiant.
L'importance de ces différents facteurs a été calculée par l'INSERM.
Facteurs de variations de la plombémie des enfants (en ug par litre)
Moyenne de plombémie |
Moyenne des 5 % les plus exposés |
|
Logement - enfant habitant un logement construit avant 1945 - enfant habitant un logement construit après 1945 - différence |
42,6 35,6 + 7 |
94,5 77,5 + 17 |
Eau - enfant consommant de l'eau du robinet - enfant consommant de l'eau minérale - différence |
39 35 +4 |
86,4 77,5 +8,9 |
PICA - Pas de comportement à risques - Avec comportement à risques -différence |
41 37 +4 |
102,5 81,6 +20,9 |
Source : INSERM - Surveillance de la population française vis-à-vis du risque saturnin 1997 - tableau 25 - Traitement OPECST
Pourquoi les enfants sont-ils particulièrement touchés ? Parce que pendant les premières années de la vie, l'enfant porte spontanément les objets à la bouche (attitude dite aussi « réflexe Pica »); parce que 50 % de plomb ingéré par l'enfant passe par le sang (contre 10 % pour l'adulte) ; et parce que pour une même imprégnation, les effets toxiques sont plus importants chez l'enfant que chez l'adulte.
La source majeure d'intoxication s'est avérée être la peinture à céruse des immeubles construits avant 1948, qui subsiste sous les couches les plus récentes et réapparaissent soit sous forme d'écailles, par manque d'entretien ou d'humidité, soit sous forme de poussières très facilement absorbées par l'organisme. Un enfant ingère 50mg/jour de poussières , soit 2,5 fois plus qu'un adulte (à l'inverse, il ne consomme que 0,75 litre d'eau par jour, soit 2,5 fois moins qu'un adulte). Les peintures écaillées représentent une tentation pour les jeunes enfants qui grattent les revêtements muraux, arrachent les écailles et, souvent , les avalent. La présence de plomb dans les poussières résulte pour une part des retombées atmosphériques (source en diminution depuis 1990) et surtout de la dégradation des vieilles peintures. Les poussières peuvent aussi être libérées lors de travaux.
La céruse est fabriquée à partir d'un dérivé de plomb (hydroxycarbonate de plomb), extrêmement soluble dans les sucs gastriques. Une écaille peut contenir 500 fois la dose hebdomadaire tolérable fixée à 25 ug de plomb par kg de poids corporel par le JEFCA.
* (67) Cette partie a été réalisée en grande partie à partir des informations transmises par Mme Cécile Legout, ingénieur de la DRASS Ile de France.