IV. LES MÉTAUX LOURDS ET LES LIEUX DE VIE
A. APERÇU GÉNÉRAL
1. Surveillance générale de la population
En application de la directive du 21 mars 1977, l'INSERM a élaboré un programme de surveillance du risque saturnin. Deux campagnes ont été effectuées en 1979-1982 et 1995. Ces travaux ont été particulièrement riches en mettant parfaitement en évidence certains facteurs de risque, l'évolution dans le temps, et les disparités régionales. Des travaux comparables ont été conduits sur le cadmium et le mercure. Ces travaux seront prochainement publiés. Les informations sont moins complètes que pour le plomb puisque la population n'a été suivie que sur quelques régions seulement, mais les conclusions sont également très intéressantes et serviront sans nul doute à conduire de nouvelles recherches ciblées localement.
On observera que cette dernière enquête a été réalisée par prise de sang sur les appelés du contingent, et que la suppression du service militaire privera la France d'un outil extraordinaire et sans équivalent pour mesurer différents paramètres de la société française (illettrisme, santé, quotient intellectuel, et en l'espèce, imprégnation aux métaux lourds).
Les études épidémiologiques de la population française restent évidemment possibles mais avec des difficultés supplémentaires liées à la sélection et à la représentativité de l'échantillon analysé. La présente partie constitue une synthèse de ces différents travaux (64 ( * )).
a) L'exposition au plomb
Première conclusion : une diminution importante des plombémies dans les grandes villes
La diminution est de l'ordre de 50% entre 1982 et 1995. « Elle montre que les efforts en matière d'éradication du plomb ont enfin porté leurs fruits ». Il existe une relation directe entre le plomb utilisé et le plomb dans l'atmosphère, et, par conséquent les plombémies au sein de la population : Cette diminution est particulièrement nette en milieu urbain.
Plombémie moyenne (en ug/l de sang)
dans quelques villes de France
Paris |
Lyon |
Marseille |
||||
Années |
Moyenne générale |
95° percentile |
Moyenne générale |
95° percentile |
Moyenne générale |
95° percentile |
1982 |
137 |
247 |
140 |
248 |
159 |
268 |
1995 |
68 |
134 |
94 |
211 |
68 |
146 |
évolution |
-69 |
-113 |
-46 |
-37 |
-91 |
-122 |
95° percentile : moyenne des 5% les plus exposés. Moyenne : moyenne géométrique abstraction faite des facteurs d'exposition particuliers ( logement, tabac...)
Source : Inserm - synthèse des tableaux 2,3,4,8 - Traitement OPECST
Deuxième conclusion : des différences significatives entre régions
Concernant les plombémies, il existe des différences marquées entre régions. « En métropole, une zone située au sud est du pays et constituée des départements de l'Ardèche, de la Loire, de la Haute Loire, et de la Lozère, semble se distinguer du reste du pays ». C'est aussi le cas de certaines régions montagneuses. L'agressivité de l'eau et l'importance des logements anciens sont des facteurs importants favorisant la plombémie. La région Nord pas de Calais, souvent suspectée en raison de son passé industriel, ne présente pas une plombémie moyenne particulièrement élevée par rapport aux autre régions ; en revanche, la fraction de la population la plus touchée, présente des plombémies notablement supérieures. Ce qui signifie que la région est globalement dans une situation moyenne mais que certains sites sont aussi plus chargés que la moyenne. Les résultats les plus élevés et les plus préoccupants sont observés dans les départements et territoires d'outre mer (voir ci-après). Ces différences sont récapitulées dans le tableau ci-après.
Variation des plombémies par régions
(en ug/l)
Population générale |
Enfants |
|||
Régions |
moyenne |
95°percentile |
moyenne |
95°percentile |
Ile de France |
46,1 |
93,9 |
39,9 |
77,3 |
Champagne-Ardennes |
41,9 |
88,3 |
37,0 |
79,9 |
Picardie |
42,0 |
88,0 |
36,2 |
73,7 |
Haute-Normandie |
36,6 |
100,3 |
39,0 |
82,0 |
Centre |
51,2 |
109,5 |
37,8 |
86,4 |
Basse Normandie |
42,4 |
88,9 |
38,3 |
78,7 |
Bourgogne |
48,5 |
100,5 |
43,1 |
96,4 |
Nord pas de Calais |
45,1 |
115,6 |
38,3 |
81,8 |
Lorraine |
37,9 |
78,7 |
43,9 |
84,0 |
Alsace |
34,0 |
78,7 |
38,4 |
85,7 |
Franche-Comté |
45,2 |
99,0 |
33,6 |
80,9 |
Pays de la Loire |
46,4 |
93,9 |
26,9 |
60,1 |
Bretagne |
39,6 |
87,6 |
32,0 |
70,5 |
Poitou-Charentes |
49,1 |
98,0 |
37,4 |
89,7 |
Aquitaine |
49,9 |
118,4 |
39,5 |
90,1 |
Midi Pyrénées |
48,0 |
98,4 |
37,7 |
81,2 |
Limousin |
45,9 |
113,7 |
35,7 |
92,2 |
Rhône Alpes |
50,3 |
101,0 |
36,2 |
76,3 |
Auvergne |
45,9 |
91,7 |
45,6 |
102,6 |
Languedoc Roussillon, |
41,8 |
93,0 |
35,3 |
86,0 |
Provce Alpes Côte d'azur |
45,5 |
101,7 |
33,4 |
70,8 |
Corse |
37,9 |
95,1 |
31,2 |
45,6 |
DOM-TOM |
56,9 |
121,9 |
Source Inserm, surveillance de la population française vis a vis du risque saturnin, 1997, tableaux 20 et 28 - synthèse OPECST
* (64) Cette présentation a été réalisée à partir des informations transmises par M. Guy HUEL, Directeur de recherches à l'INSERM.