3. Les métaux lourds et les coquillages

a) Problématique

Les fruits de mer sont une alimentation à surveiller pour trois raisons principales : d'une part, ce sont d'excellents capteurs de polluants, y compris les métaux, d'autre part, la concentration se fixe sur les organes d'assimilation tels que l'équivalent du foie et du rein, qui sont précisément ce que l'homme mange ; enfin, les Français détiennent le record mondial de la consommation de coquillages frais, en particulier d'huîtres (130 à 140.000 tonnes produits en France, soit 80 % de la production européenne, soit 2,3 kg par habitant).

Les fruits de mer accumulent surtout le cadmium et dans une moindre mesure le plomb, mais peu le mercure. Les capacités à concentrer les métaux lourds varient selon les espèces (avec, par ordre décroissant, les mollusques, les crustacés, les échinodermes -oursins-) et les métaux : la moule concentre deux fois plus de plomb que l'huître, l'huître concentre quatre fois plus de cadmium que la moule.

Compte tenu de ces caractéristiques, la plupart des pays ont adopté des réglementations visant à encadrer la production et la consommation de coquillages. En France, les dispositions réglementaires qui suivent une recommandation du CSHPF ont été prévues par l'arrêté du 2 juillet 1996 (63 ( * )) qui précise dans son article 11 § b « les coquillages (ne doivent pas) contenir de contaminant microbiologique ou chimique en quantités telles qu'ils puissent présenter un risque de toxicité pour le consommateur. La contamination moyenne, exprimée par kilo de chair humide du coquillage ne doit pas excéder 0,5 mg de mercure total, 2 mg de cadmium, 2 mg de plomb ».

Les zones de production autorisées (classées en A, B, C) doivent respecter ces seuils. La fréquence minimale des prélèvements sous forme de contrôle des contaminants chimiques est d'une fois par an (une fois par mois pour les contaminants microbiologiques).

b) Résultats

Les principaux résultats sont donnés dans le tableau ci-après et le plan d'exposition au mercure, établis par le DGCCRF au vu des prélèvements opérés dans les bassins de production au stade de la consommation. Ces résultats sont parfaitement satisfaisants, puisque les valeurs constatées sont toutes très inférieures aux valeurs réglementaires, y compris dans les lieux de production les plus sensibles de la côte atlantique.

Teneur en métaux lourds des coquillages (ug/kg)

Plomb

Cadmium

Mercure

H

M

Mi

C

H

M

Mi

C

H

M

Mi

C

Valeur limite

2.000 ug/kg

2.000 ug/kg

500 ug/kg

Valeur  moyenne constatée

149

271

791

155

227

124

156

64

14

15

22

10

Valeur maximum constatée

455

420

1.155

170

650

195

195

85

27

25

35

13

Source : DGCCRF - traitement OPECST

H = Huîtres, M = Moules, Mi = Moules importées, C = Coques

Contamination des huîtres et des moules du littoral français

par le mercure - RNO (1978 - 1986)

Le cadmium dans les huîtres de l'estuaire de la Gironde

Cette zone traditionnelle d'ostréiculture a été très fortement perturbée dans les années 70 à la suite des mesures des polluants dans l'estuaire : le cuivre, le zinc, et surtout le cadmium. Cette contamination, aujourd'hui en diminution sensible, a pour origine les anciennes mines et anciens sites industriels situés à plus de 250 km en amont, dans le Lot notamment, à Vieille Montagne. Les extractions des métaux et les usines ont laissé des résidus, riches en éléments métalliques (les « stériles » d'extraction) qui sont entraînés dans les rivières et le système hydrologique qui alimentent le Lot, lui-même affluent de la Garonne, qui rejoint, après Bordeaux, l'estuaire de la Gironde.

Ces flux s'accélèrent lors des inondations, par le jeu de deux phénomènes : d'une part, le lessivage des sols entraîne les métaux dans les rivières ; d'autre part, les crues provoquent une mise en suspension des sédiments normalement déposés au fond des cours d'eau, et favorisent la mobilité des matériaux.

Le stock de cadmium dans le Lot, quoiqu'en diminution sensible, est estimé à 190 tonnes en 1991 (430 tonnes en 1986). Le flux annuel varie de 2,3 à 18 tonnes, selon les années.

En arrivant dans l'estuaire de la Gironde, le cadmium présent dans les sédiments sous forme de sulfure de cadmium, peu disponible, change de spéciation -de forme physico-chimique- sous l'effet de la salinité, ce qui le rend alors beaucoup plus mobile et biodisponible car la mobilité augmente avec la salinité.

La bioaccumulation dans les huîtres

L'huître est une espèce qui bioaccumule, c'est-à-dire absorbe et concentre très fortement la plupart des métaux. Les transferts des métaux à l'huître, comme pour tous les organismes marins, se font selon trois voies : l'eau, la nourriture, les sédiments.

Le cadmium dans l'huître se présente sous deux formes. Une moitié est soluble et peu disponible. Une moitié est soluble, et donc aisément biodisponible pour le prédateur, en l'occurrence l'homme mangeur d'huîtres.

Les concentrations de métaux varient selon les saisons (faibles en été, au moment de la maturité annuelle où les huîtres sont laiteuses, fortes en hiver quand elles sont le plus consommées).

Les concentrations de cadmium dans les huîtres testées dans l'estuaire peuvent atteindre 20 milligrammes de cadmium par kilo de poids sec soit dix fois la limite de comestibilité.

La plupart des sites dans l'estuaire ont été déclarés « zones interdites à l'ostréiculture ». Sur les 80 producteurs dans les années 60, seuls deux restent en activité, en zone de « captage », avec une production concentrée sur les essaims, transplantés dans d'autres zones d'élevage.

L'expérience de transplantation

Cette contamination est-elle inéluctable ? La réponse est catégori-quement non. D'une part, les flux de cadmium diminuent très sensiblement. D'autre part, les huîtres contaminées peuvent aisément être décontaminées par transplantation dans un site non pollué. La réciproque est vraie. Une huître saine transplantée en milieu pollué devient rapidement impropre à la consommation. Les différentes observations sont récapitulées ci-après :

L'expérience des transplantation d'huîtres

(valeur de cadmium en ng/grammes - produit frais)

Concentration maximale admissible 2.000

Concentration dans une huître en eau saine

et écarts maximum constatés 200 ; (100 - 160)

Concentration dans une huître en eau polluée

et écarts maximum constatés 2.900 ; (2.300 -3.700)

Durée de décontamination d'une huître polluée

après transplantation dans une eau saine 3 mois

Durée de contamination d'une huître saine

après transplantation dans une eau polluée 4 mois

Source : audition de M. J.C. AMIARD, Directeur de recherche au CNRS

* (63) Arrêté du 2 juillet 1996 (JO du 19 juillet 1996) fixant les critères sanitaires auxquels doivent satisfaire les coquillages vivants destinés à la consommation humaine immédiate.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page