N° 161
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 décembre 2000 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole relatif aux zones et à la vie sauvage spécialement protégées à la convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin de la région des Caraïbes (ensemble trois annexes),
Par M. André BOYER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Voir le numéro :
Sénat : 19 (2000-2001)
Traités et conventions |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le projet qui est soumis à l'approbation du Sénat a pour objectif d'autoriser la France à ratifier le protocole relatif aux zones et à la vie sauvage spécialement protégées de la région des Caraïbes, signé à Kingston à la Jamaïque, le 18 janvier 1990, pour la France et treize autres Etats parties. Il est entré en vigueur le 18 janvier 2000. Par ailleurs, trois annexes listant les espèces de faune et de flore à protéger ont été adoptées dix-huit mois plus tard, le 11 juin 1991.
L'objectif de ce protocole est, par la préservation d'écosystèmes complets, et non pas seulement des espèces, de protéger la biodiversité marine de la région à des fins écologiques et économiques pour assurer le développement durable et soutenable des pays riverains.
Ce protocole prenant place dans le cadre du Programme des Nations unies pour l'Environnement, le PNUE, et de la convention de Carthagène du 24 mars 1983 pour la protection et la mise en valeur de l'environnement marin des Caraïbes, votre rapporteur présentera d'abord les outils disponibles et les actions déjà entreprises. Il fera ensuite le bilan des mesures prises par la France pour protéger l'environnement marin et côtier dans les départements d'outre-mer des Caraïbes, avant d'analyser les principales dispositions du protocole du 18 janvier 1990.
I. LA PRÉSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT MARIN DANS LA RÉGION DES CARAÏBES : UNE PRÉOCCUPATION CROISSANTE
A. L'ACTION DU PNUE ET LA CONVENTION DE CARTHAGÈNE
1. Le Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE)
Après une première conférence intergouvernementale, sous l'égide de l'UNESCO, sur l'usage raisonné et la conservation de la biosphère en 1968, le Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE) a été créé en 1972 par une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies lors de la conférence de Stockholm sur l'environnement humain. Il a pour principaux objectifs de :
- promouvoir la coopération internationale dans le domaine de l'environnement et recommander des politiques orientées dans ce sens ;
- suivre la situation de l'environnement dans le monde afin de s'assurer que les problèmes de portée internationale dans ce domaine font l'objet de la part des gouvernements d'un examen approprié ;
- examiner et approuver chaque année le programme d'utilisation des ressources du Fonds pour l'environnement ;
- faire rapport chaque année à l'Assemblée générale par l'intermédiaire du Conseil économique et social.
Les deux principaux organes de direction du PNUE sont les suivants :
- un Directeur exécutif élu pour un mandat de quatre ans par l'Assemblée générale sur recommandation du Secrétaire général. L'actuel Directeur est M. Klaus Töpfer, de nationalité allemande, dont le mandat expire en 2002,
- un Conseil d'administration, dont fait partie la France et qui comprend 58 membres. Il se réunit en session ordinaire tous les deux ans, la prochaine session étant prévue à Nairobi, au siège du PNUE, en février 2001.
Pour réaliser ses actions, le PNUE dispose du Fonds pour l'environnement dont le montant s'élève à 102 millions de dollars. Il est abondé par le budget général des Nations unies et par les contributions volontaires des membres. La contribution volontaire de la France au budget du PNUE est non affectée. Elle se situe au 12 ème rang. Elle a été sensiblement augmentée entre 1999 et 2000, puisqu'elle est passée de 4,5 millions de francs à 6 millions. A cette contribution s'ajoutent 1,5 million de francs du Ministère des Affaires étrangères et 1 million de francs du Ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement au titre du fonctionnement du bureau de Paris du PNUE. La contribution totale de la France s'élève donc à 8,5 millions de francs en 2000.
Par ailleurs, la France appuie l'initiative de M. Töpfer pour une meilleure coordination entre les différentes institutions et conventions internationales traitant de l'environnement, en raison de leur multiplication à partir de la fin des années 1980. Cette initiative a été approuvée en juillet 1999 par le Secrétaire général après un rapport du Directeur exécutif du PNUE et de difficiles négociations avec les pays en développement, qui craignent que l'application de ces textes ne constitue un frein à leur croissance économique. Cette initiative devrait aboutir à une meilleure synergie entre le système des Nations unies, les institutions en charge de l'environnement et les différents accords multilatéraux à travers un Groupe de gestion de l'environnement (EMG : Environnement Management Group), dont le secrétariat sera assuré par le PNUE et qui réunira, autour de thèmes spécifiques les Agences des Nations unies et les secrétariats de ces traités et conventions. Il convient, en outre, de rappeler que plusieurs conventions internationales sont rattachées administrativement au PNUE comme la Convention sur le commerce des espèces en danger (CITES), la Convention sur la conservation des espèces migratoires (CMS), la Convention de Bâle sur le transport des déchets dangereux, le programme sur l'ozone ou encore la Convention sur la biodiversité. La France soutient également la participation de la société civile aux travaux du PNUE.
2. La Convention de Carthagène
La Convention pour la protection et le développement de l'environnement marin dans la région des Caraïbes (Wider Caribean Region - WCR), dite Convention de Carthagène, du 24 mars 1983 est le seul traité international à but environnemental liant les Etats de la région. 21 Etats sur les 28 de la région en sont parties. Elle a été ratifiée par la France le 13 novembre 1985 1 ( * ) et est entrée en vigueur lors de la 9 ème ratification, le 11 octobre 1986.
Elle a autant pour objectif la protection de l'environnement que le développement. Cette convention et ses protocoles sont les signes de l'engagement juridique de ces pays à protéger, développer et gérer leurs ressources marines et côtières aussi bien par des mesures concertées que par des mesures nationales. Ces dernières, du fait de la configuration géographique de la zone des Caraïbes et du droit de la mer issu de la convention de Montego Bay de 1982, sont particulièrement importantes car l'essentiel de l'environnement marin de la zone fait partie des zones économiques exclusives des pays riverains et est donc placé sous leur juridiction.
La convention de Carthagène s'insère dans un plan d'action plus global de protection de l'environnement marin au niveau mondial. Le PNUE a en effet entrepris, à partir de 1974, des plans d'action pour la préservation de l'environnement marin dans plusieurs régions du monde : la Méditerranée et l'Afrique orientale notamment.
Pour la Méditerranée, une convention a été conclue à Barcelone dès le 16 février 1976 et un protocole sur les zones protégées en 1982. Les conventions et protocoles signés ultérieurement pour les Caraïbes et l'Afrique orientale (convention de Nairobi du 21 juin 1985) sont plus complets et visent non seulement la préservation des zones maritimes et côtières mais également la protection de la biodiversité des espèces animales et végétales sauvages. Cette évolution juridique des outils internationaux de protection a conduit les Parties à la Convention de Barcelone à étendre le champ d'application de leur protocole en 1995 à Barcelone.
Désormais l'ensemble de ces textes sont extrêmement proches. L'ensemble des protocoles couvre la totalité de la zone économique exclusive de 200 miles marins, au lieu des 12 miles marins des eaux territoriale du protocole de 1983 sur la Méditerranée. Ces trois textes prévoient, par ailleurs, des dispositions sur la création de zones protégées, l'établissement de listes d'espèces sauvages (faune et flore) spécialement protégées, des mesures de lutte contre la pollution tellurique ou l'immersion de déchets, la coopération dans le domaine de la recherche, l'information du public et des mesures d'évaluation. Le Protocole du 18 janvier 1990 à la convention de Carthagène a pour particularité de prendre également en compte les zones terrestres associées, y compris les bassins versants. Il n'est d'ailleurs pas exclu que cette novation conduise, à terme, à une évolution des textes internationaux comparables en Méditerranée et Afrique orientale.
La Convention de Carthagène a été particulièrement efficace pour encourager les gouvernements de la zone des Caraïbes à protéger l'environnement. A la différence des conventions d'environnement mondial, les conventions régionales sont transversales, couvrant un large éventail de thèmes depuis les pollutions provenant des navires ou des rivages jusqu'à la conservation des espèces et des écosystèmes marins. Leur compétence géographique limitée leur permet de canaliser les énergies dispersées de divers groupes d'intérêt pour tenter de résoudre l'ensemble des problèmes environnementaux.
Un secrétariat situé à Kingston à la Jamaïque a été créé en 1986. Il est composé d'un directeur et d'une équipe d'une dizaine de personnes. Il est placé sous l'autorité des services du PNUE à Nairobi et travaille à la fois avec les Etats de la région et avec le bureau régional du PNUE (ROLAC - regional office for latin America and the Caribbean). Ce secrétariat est chargé de la coordination régionale et de la préparation et de la mise en oeuvre du programme environnemental pour les Caraïbes (the Caribbean Environnement Programme - CEP) décidé lors de la réunion tous les deux ans des représentants des Etats Parties. Il a également permis de développer la coopération de la Convention de Carthagène avec d'autres conventions complémentaires comme celle sur la diversité biologique avec laquelle un mémorandum de coopération a été signé en 1997. Plusieurs autres mémorandums ont aussi été signés avec des conventions aux objectifs proches de ceux du Protocole SPAW (CITES, CMS et Ramsar sur les zones humides d'intérêt international). Une coopération est également envisagée avec l'Initiative internationale pour les récifs coraliens (ICRI - international coral reef initiative) ou le Global Coral Reef Monitoring Network (GCRMN).
Un centre des activités régionales Antilles-Guadeloupe (CARAG) a été mis en place à la Guadeloupe, dans le cadre d'une convention de 1994 entre la France et le PNUE pour assurer la coordination du protocole du 18 janvier 1990 et un second centre devrait être créé à Curaçao dans les Antilles néerlandaises.
Enfin, dans le cadre de la convention, deux protocoles ont été négociés et adoptés en dehors de celui relatif aux zones et à la vie sauvage spécialement protégées : un protocole relatif à la coopération pour lutter contre les déversements d'hydrocarbures du 24 mars 1983 et un protocole sur les pollutions marines d'origine tellurique (" protocole LBS " ou Land-Based Sources of Marine Pollution Protocol) signé 6 octobre 1999 à Aruba.
3. Une action déjà importante dans le cadre du Protocole SPAW
Depuis dix ans de nombreux projets ont déjà vus le jour :
- constitution d'une base de données sur les 300 zones maritimes protégées de la région en collaboration avec des partenaires comme le Fish and Wildlife Service américain, le Parc national de Biscayne et des ONG. Cette base permettra aux gestionnaires des zones d'échanger des informations et de collaborer afin de mieux résoudre les difficultés auxquelles ils peuvent être confrontées ;
- mise en place du Centre régional de Guadeloupe ;
- publication d'un guide pour les gestionnaires de zones protégées et les organismes de protection pour collecter des fonds ;
- programmes de formation. Le premier a eu lieu en novembre 1999 à Saba dans les Antilles néerlandaises, un second en mai 2000 à la Jamaïque. Ces formations avaient pour but de former des formateurs sur les problèmes de gestions des zones protégées ;
Depuis 1992-1993, programme de conservation des tortues de mer au Venezuela, au Belize, à Saints Kitts et Nevis, à Antigua et Barbuda, aux Iles Vierges britanniques, à la Barbade, aux Antilles néerlandaises, à Saint-Vincent et Grenadine, à Sainte-Lucie, à Aruba et au Surinam.
Depuis 1995, programme de conservation du West Indian Mantee (Trichechus Manatus) en Colombie, au Costa Rica, au Belize, au Mexique et au Surinam ;
Diffusion de plaquettes et de documents d'information à destination du public sur les mammifères marins en collaboration avec le International Fund for Animal Welfare (IFAW) et le Eastern Caribbean Cetacean Network (ECCN) et le Centre de la Mer ;
Programme de protection des récifs coralliens doté d'un budget de plus de 2 millions de dollars sur deux ans en collaboration avec l'ICRI (initiative internationale pour les récifs coraliens).
* 1 Rapport de M. Voilquin n° 357 (1984-1985).