Projet de loi de finances pour 2000, TOME VIII - TERRITOIRES D'OUTRE-MER ET NOUVELLE-CALEDONIE
HYEST (Jean-Jacques)
AVIS 94-TOME VIII (1999-2000) - commission des lois
Tableau comparatif au format Acrobat ( 106 Ko )Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
- I. LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER ET À LA NOUVELLE-CALÉDONIE
-
II. LA SITUATION DE CHAQUE COLLECTIVITÉ
- A. LA NOUVELLE-CALÉDONIE
- B. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE
- C. LES DEUX COLLECTIVITÉS CONTINUANT À APPARTENIR À LA CATÉGORIE DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER : WALLIS-ET-FUTUNA ET LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES
- III. LA PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS PROPRES DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE SUR LE PLAN NORMATIF
-
ANNEXE 1
Loi du pays n° 99-001 du 19 octobre 1999
relative au dispositif conventionnel entre certains professionnels de santé et les organismes de protection sociale
de la Nouvelle-Calédonie -
ANNEXE 2
Extrait du Journal Officiel
des Terres Australes et Antarctiques Françaises
(n° 1, janvier-février-mars 1999)
N° 94
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME VIII
TERRITOIRES D'OUTRE-MER
ET NOUVELLE-CALÉDONIE
Par M. Jean-Jacques HYEST,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
et
89
(annexe n°
34
)
(1999-2000).
Lois de finances.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le 1
er
décembre 1999 sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, la commission
des Lois a examiné, sur le rapport de M Jean-Jacques Hyest, les
crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la
Nouvelle-Calédonie dans le projet de loi de finances pour 2000.
Après avoir rappelé les principaux axes de l'effort
budgétaire consenti en faveur de ces collectivités dans le projet
de loi de finances par l'ensemble des ministères et en particulier par
le secrétariat d'État à l'outre-mer, M. Jean-Jacques Hyest
a présenté leur évolution institutionnelle et leurs
situations policière et judiciaire respectives avant de dresser un bilan
de l'application des lois et des réformes normatives les concernant.
La commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des
crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la
Nouvelle-Calédonie par le projet de budget du secrétariat
d'État à l'outre-mer pour 2000.
*
* *
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
L'examen du budget du secrétariat d'État à l'outre-mer
fournit à votre commission des Lois, comme chaque année à
pareille époque, l'occasion de dresser un bilan de la situation des
collectivités qui, encore récemment, constituaient la
catégorie juridique des territoires d'outre-mer et de réaffirmer
la nécessité de favoriser leur évolution par la mise en
oeuvre de réformes institutionnelles prenant en considération
leurs intérêts propres au sein de la République et
d'avancées normatives réalisant une actualisation indispensable
du droit applicable outre-mer.
Les deux dernières années écoulées ont permis de
commencer à consacrer dans la Constitution une différenciation
rendant compte de la grande diversité de situations qui
caractérise la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie
française, les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et
antarctiques françaises, jusque-là regroupées dans la
catégorie des territoires d'outre-mer. Ayant comme seul
dénominateur commun le fait d'être régies par le principe
dit de " la spécialité législative " en vertu de
l'article 74 de la Constitution, sans cependant que ce régime
législatif soit un critère suffisant d'appartenance à
cette catégorie puisque la collectivité territoriale de Mayotte y
est également assujettie en application de sa loi statutaire, des
différences majeures caractérisant ces quatre
collectivités, tant du point de vue historique, que géographique,
économique, culturel ou de l'organisation institutionnelle, il
paraît désormais impératif de reconnaître ces
spécificités pour favoriser leur développement et leur
intégration dans leur environnement régional.
Ce mouvement, en filigrane pour la Nouvelle-Calédonie dans les accords
de Matignon-Oudinot, a été résolument amorcé en
1998 avec la conclusion de l'Accord de Nouméa, suivi d'une
révision constitutionnelle au début de l'été. Deux
lois, l'une organique, l'autre ordinaire la complétant, du 19 mars 1999,
largement amendées par le Sénat, ont entériné cette
évolution statutaire faisant de la Nouvelle-Calédonie une
collectivité
sui generis
. Cette évolution s'est poursuivie
avec l'adoption en termes conformes par l'Assemblée nationale le 10 juin
1999 et par le Sénat le 12 octobre dernier d'un projet de loi
constitutionnelle venant préciser la définition du corps
électoral admis à participer aux élections des membres du
congrès et des assemblées de province de la
Nouvelle-Calédonie et tendant à faire de la Polynésie
française un " pays d'outre-mer ", qui sera soumis au
Parlement réuni en congrès à Versailles le 24 janvier
prochain. Seuls demeureraient alors comme territoires d'outre-mer les
îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques
françaises, ces dernières dépourvues d'habitants et dont
l'assemblée délibérante se résume à un
conseil consultatif.
Ces mutations institutionnelles et statutaires ne sont pas sans incidence sur
la structure des crédits consacrés à ces
collectivités dans le budget de l'État et plus
spécifiquement celui du secrétariat d'État à
l'outre-mer. Aussi votre commission des Lois vous propose-t-elle de retracer
les grandes lignes de l'effort financier ainsi consenti (I), avant de faire le
point de la situation de chaque collectivité (II) ainsi que des
réformes normatives et de l'évolution du lien d'association avec
l'Union européenne (III).
I. LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER ET À LA NOUVELLE-CALÉDONIE
A. DES CRÉDITS EN PROGRESSION
Le jaune
annexé au projet de loi de finances pour 2000 fait apparaître une
progression de plus de 3,6 % des crédits alloués aux
territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie dans le
budget de l'État
au titre des dépenses ordinaires et des
crédits de paiement (y compris les crédits non répartis et
le coût de gestion des services métropolitains) : ces
crédits s'élèvent ainsi à
près 11,4
milliards de francs
dans le projet de budget pour 2000 contre près
de 11 milliards de francs en 1999.
La
part des crédits du budget du secrétariat d'état
à l'outre-mer
bénéficiant à ces
collectivités représente
un peu plus de 12 % de cet
effort global
consenti par le budget de l'État.
Les
autres
principaux ministères contributeurs
sont :
le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie (près de 41,5 %, soit 4,7 milliards de francs,
l'essentiel de l'effort portant sur l'enseignement scolaire), le
ministère de la défense (près de 16,5 %, soit presque
1,9 milliard de francs), le ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie (13,5 %, soit 4,5 milliards de francs
figurant pour la plus grande part aux charges communes et concernant les
charges de pensions des personnels civils et militaires prenant leur retraite
dans ces territoires du Pacifique) et le ministère de l'intérieur
et de la décentralisation (7,4 %, soit 0,85 milliards de francs
correspondant notamment aux dépenses de personnel, de fonctionnement et
d'équipement des services déconcentrés et des
hauts-commissariats). La contribution du ministère de la justice
s'élève quant à elle à seulement 1 %.
Au sein du budget du secrétariat d'État à
l'outre-mer
, les crédits consacrés aux territoires et
à la Nouvelle-Calédonie s'élèvent à
près de
1,4 milliards de francs
, soit plus de
21,5 %
du montant total qui, pour l'ensemble de l'outre-mer,
s'élève à près de 6,365 milliards de francs,
en augmentation de 13,6 % par rapport à 1999. L'importance de cette
progression doit cependant être relativisée car elle est
essentiellement due à des transferts en provenance du budget d'autres
ministères : la progression réelle du budget du
secrétariat d'État à l'outre-mer est en
réalité de l'ordre de 2 %.
Les crédits affectés aux territoires d'outre-mer et à la
Nouvelle-Calédonie connaissent un
accroissement de 32 %
qui
s'explique principalement par les
transferts financiers corrélatifs
des transferts de compétences de l'État vers la
Nouvelle-Calédonie à compter du 1
er
janvier
2000
.
B. L'ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DU BUDGET DU SECRÉTARIAT D'ÉTAT À L'OUTRE-MER
Remodelée en
1996
, la nomenclature des
crédits
dans le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer
connaît une nouvelle évolution dans le projet de loi de finances
pour l'an 2000, ce qui rend délicate toute perspective comparative.
Jusqu'à l'an dernier
étaient distingués
trois
agrégats
:
- l'agrégat " Administration générale ",
regroupant les crédits consacrés aux moyens de fonctionnement et
au parc immobilier de l'administration centrale et des services
déconcentrés du secrétariat d'État à
l'outre-mer, à la formation des agents, à l'action sociale,
à l'assistance et à la solidarité en faveur des
calamités naturelles. Les crédits correspondants
s'élevaient pour 1999 à quelque 328 millions de francs ;
- l'agrégat " Collectivités locales ", regroupant les
subventions aux budgets locaux des territoires d'outre-mer et les subventions
à la section décentralisée du FIDES (Fonds
d'investissement pour le développement économique et social). Les
crédits inscrits sous cet agrégat s'élevaient l'an dernier
à 61,5 millions de francs ;
- l'agrégat " Développement économique et
social ", regroupant les moyens d'intervention et les crédits
d'investissement du secrétariat d'État à l'outre-mer
destinés à la mise en oeuvre de la politique de l'emploi, du
logement social et du développement économique, dans le cadre des
contrats de plan et des conventions de développement. Les crédits
relevant de cet agrégat pour 1999 s'élevaient à
près de 601 millions de francs.
Dans le
projet de loi de finances pour 2000
, les crédits sont
répartis sous
cinq agrégats
, l'un d'entre eux, le
quatrième relatif à l'action en faveur du logement, ne concernant
pas les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie dès lors
que le logement relève de leur sphère de compétence. Ces
agrégats sont définis comme suit :
- Agrégat n° 1 "
Administration
générale
" : il regroupe les moyens de
fonctionnement et le financement du parc immobilier de l'administration
centrale et des services déconcentrés du secrétariat
d'État à l'outre-mer, les crédits consacrés
à l'action sociale et à la formation des agents et ceux relatifs
à l'assistance et à la solidarité ;
- Agrégat n° 2 "
Action en faveur des collectivités
locales, des établissements publics et de divers
organismes
" : il regroupe, outre les subventions aux budgets
locaux des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie et les
subventions à la section décentralisée du FIDES, les
subventions aux établissements publics de ces collectivités, les
dotations globales de la Nouvelle-Calédonie (dotation globale de
compensation et dotation globale de fonctionnement) et les subventions
d'équipement aux collectivités pour les dégâts
causés par les calamités naturelles ;
- Agrégat n° 3 "
Action en faveur de l'emploi et de
l'insertion sociale
" : il regroupe les crédits relatifs
aux actions d'insertion et de développement, à l'action sociale,
à la formation professionnelle et aux activités sportives et
culturelles ;
- Agrégat n° 5 "
Action en faveur de l'investissement et du
développement économique et social
" : il regroupe
les crédits affectés à la section générale
du FIDES et ceux relatifs aux actions diverses pour le développement de
la Nouvelle-Calédonie.
Pour les quatre agrégats concernant les territoires d'outre-mer et la
Nouvelle-Calédonie (hors administration centrale et crédits non
répartis), la répartition des crédits dans le budget 2000
est la suivante :
Agrégat |
Montant
|
Administration générale |
335,7 |
Action
en faveur des collectivités locales,
|
|
Action en faveur de l'emploi et de l'insertion sociale |
49,6 |
Action
en faveur de l'investissement
|
|
TOTAL |
1325,2 |
Trois de
ces agrégats appellent quelques commentaires :
L'agrégat n° 1 " Administration
générale "
intègre la
création de 87
emplois de fonctionnaires en application de la loi organique du 19 mars
1999
relative à la Nouvelle-Calédonie prévoyant la
possibilité, pour les personnels non titulaires, d'accéder
à des corps de la fonction publique de l'État : 66 emplois
d'agents contractuels étant parallèlement supprimés, cette
mesure porte en définitive création de 21 postes. Les effectifs
de personnels militaires s'accroissent d'une centaine. Outre ces augmentations
d'effectifs de personnels civils et militaires en partie compensées par
un redéploiement de postes d'enseignants vers le budget du
ministère de l'éducation nationale, les crédits
affectés aux équipements administratifs augmentent
considérablement : il s'agit de
subvenir aux dépenses
liées au relogement des services de l'État du fait de la
restitution de certains bâtiments à la
Nouvelle-Calédonie
.
L'agrégat n° 2 " Action en faveur des collectivités
locales, des établissements publics et de divers organismes "
présente l'originalité d'inclure deux dotations nouvelles,
créées en application de la loi organique du 19 mars 1999
relative à la
Nouvelle-Calédonie
: la
dotation
globale de compensation
(DGC), corrélative des transferts de
compétences vers la Nouvelle-Calédonie (plus de 11,7 millions de
francs), et la
dotation globale de fonctionnement
(DGF) devant permettre
aux provinces de mener des actions dans le domaine sanitaire et social et dans
celui de l'enseignement primaire et secondaire (près de 394 millions de
francs). Ces deux dotations recouvrent plus de 85 % des crédits
inscrits sous ce deuxième agrégat.
L'agrégat n° 5 " Action en faveur de l'investissement et du
développement économique et social "
regroupe 35 %
des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la
Nouvelle-Calédonie dans le budget du secrétariat d'état
à l'outre-mer. Corrélativement à la création d'une
dotation globale de fonctionnement (agrégat n° 2), les
crédits affectés aux actions diverses pour le
développement de la Nouvelle-Calédonie sont en nette diminution,
passant de 390 à 320 millions de francs.
C. LA RÉPARTITION DES CRÉDITS ENTRE LES DIFFÉRENTES COLLECTIVITÉS
En vertu du " jaune ", les crédits alloués aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie (dépenses ordinaires et crédits de paiement hors crédits non répartis et crédits correspondant au coût de gestion des services métropolitains) dans le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer sont répartis de la façon suivante :
|
1999 |
2000 |
Nouvelle-Calédonie |
472,936 |
906,680 |
Polynésie française |
272,775 |
274,682 |
Wallis-et-Futuna |
42,010 |
49,972 |
Terres australes et antarctiques françaises |
57,080 |
58,407 |
TOTAL |
845,521 |
1 289,741 |
(en
millions de francs)
Du fait de la création des deux dotations globales nouvelles en faveur
de la Nouvelle-Calédonie, le poids des crédits consacrés
à cette collectivité dans le budget du secrétariat
d'État à l'outre-mer passe de près de 56 % à
plus de 70 %.
Par ailleurs, la ventilation de l'effort budgétaire global
(dépenses ordinaires et crédits de paiement hors crédits
non répartis et crédits correspondant au coût de gestion
des services métropolitains) consacré par l'État à
ces quatre collectivités est la suivante :
|
1999 |
2000 |
Nouvelle-Calédonie |
4 851,594 |
5 263,553 |
Polynésie française |
5 364,144 |
5 421,753 |
Wallis-et-Futuna |
395,113 |
401,098 |
Terres australes et antarctiques françaises |
128,803 |
128,746 |
TOTAL |
10 739,654 |
11 215,150 |
(en
millions de francs)
Du fait de la création des deux dotations globales en faveur de la
Nouvelle-Calédonie, l'effort budgétaire global consenti à
cette collectivité est cette année sensiblement équivalent
à celui bénéficiant à la Polynésie
française. Notons que l'enveloppe budgétaire revenant au
territoire des Terres australes et antarctiques françaises
régresse légèrement.
II. LA SITUATION DE CHAQUE COLLECTIVITÉ
Compte tenu des compétences dévolues à votre commission des Lois, les développements qui suivent proposeront une analyse de la situation de chaque collectivité centrée sur les aspects institutionnels, policiers et judiciaires.
A. LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Avec la réforme statutaire intervenue au printemps 1999 en application de la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 et traduisant en termes juridiques l'Accord de Nouméa du 5 mai 1998, la Nouvelle-Calédonie, devenue collectivité sui generis , prend un nouveau départ. L'année 1999 aura été l'année de mise en place des nouvelles institutions, le soutien financier de l'État devant l'accompagner et continuer à soutenir la politique de rééquilibrage entre les provinces. Outre ce panorama de l'évolution institutionnelle, votre commission des Lois vous présentera un bilan de l'évolution de la délinquance et de l'activité des juridictions en Nouvelle-Calédonie.
1. La mise en place du nouveau dispositif institutionnel
a) Les assemblées de province et le congrès
A la
suite de la promulgation de la loi organique et de la loi ordinaire relatives
à la Nouvelle-Calédonie du 19 mars 1999, la mise en place du
nouveau dispositif institutionnel a naturellement commencé par
l'élection des membres des assemblées délibérantes
locales, les trois assemblées de province et le congrès de la
Nouvelle-Calédonie, étant précisé que
désormais tous les membres des assemblées provinciales ne sont
pas membres du congrès
1(
*
)
.
Le taux de participation pour les élections du 9 mai 1999 s'est
élevé à près de 75 %, ce qui témoigne de
l'intérêt porté par les calédoniens à
l'évolution statutaire. Rappelons que le corps électoral admis
à participer à ces élections était un corps
électoral restreint, la condition de dix ans de résidence ayant
conduit à écarter 8.738 personnes sur un corps électoral
global de 117.183 électeurs.
Ces
élections
ont donné au RPCR une majorité
relative de 24 sièges sur 54 au
congrès
, les trente
autres sièges étant répartis entre le FLNKS (18), le Front
national (4), la FCCI (fédération des comités de
coordination indépendantistes, 4), l'Alliance (ancien UNCT, dissident du
RPCR, 3) et le LKS (1). M. Simon Loueckhote (RPCR), sénateur, a
été réélu président, la première
vice-présidence revenant à Mme Marie-Noëlle Thémereau
(RPCR) et la deuxième à M. Roch Wamytan (FLNKS). Notons que onze
femmes contre 3 précédemment siègent désormais au
congrès. Quatre des six autres vice-présidence reviennent au RPCR
et deux au FLNKS.
Concernant les
élections aux assemblées de province
, le
RPCR a emporté la majorité absolue des sièges en province
Sud (25 sur 40, 6 au FLNKS, 5 au Front national et 4 à l'Alliance), M.
Jacques Lafleur étant reconduit à sa présidence. A
l'assemblée de la province Nord, une majorité
indépendantiste s'est dégagée avec 8 sièges pour
l'Union pour l'indépendance (Palika - FLNKS) et 6 pour l'Union
calédonienne (FLNKS), soit 14 sièges sur les 22 composant
l'assemblée, 4 sièges revenant respectivement au RPCR et à
la FCCI. M. Paul Néaoutyine (Palika - FLNKS) a succédé
à M. Léopold Jorédié (FCCI) à la
présidence de cette assemblée. Enfin, à l'assemblée
de la province des Iles, les 14 sièges se sont répartis de la
façon suivante : 6 pour l'Union calédonienne (FLNKS) et
respectivement 2 pour le RPCR, le LKS, la FCCI et le Palika (FLNKS). M. Robert
Xowie (Union calédonienne) y a été élu
président en remplacement de M. Nidoish Naisseline (LKS).
b) Le gouvernement collégial
L'exécutif ayant été
transféré
par la loi organique du 19 mars 1999 du haut-commissaire à un
gouvernement collégial, ce gouvernement a été élu
à la représentation proportionnelle par le congrès le 28
mai 1999. Il comprend onze membres, nombre correspondant au plafond fixé
par l'article 109 de la loi précitée, dont 6 représentants
du RPCR, 1 de la FCCI et 4 du FLNKS. M. Jean Lèques (RPCR), maire
de Nouméa et élu de l'assemblée de la province Sud, a
été désigné président du gouvernement et M.
Léopold Jorédié (FCCI), membre de l'assemblée de la
province Nord, a été nommé vice-président,
chargé de l'enseignement. Cette dernière nomination a
suscité de vives réactions de la part du FLNKS qui a
estimé que le principe de collégialité gouvernementale
résultant de l'Accord de Nouméa n'était pas
respecté.
Les membres RPCR ont en charge les portefeuilles suivants : affaires
économiques et relations avec le conseil économique et
social ; finances et budget, recherche, politique monétaire et
crédit ; agriculture et élevage ; travail, formation
professionnelle et fonction publique ; communication audiovisuelle. Les
membres FLNKS détiennent les autres portefeuilles : affaires
coutumières et relations avec le congrès et le sénat
coutumier ; culture, jeunesse et sports ; équipement ;
protection sociale et santé.
Le gouvernement a décidé la création d'un cabinet et d'un
secrétariat général, ainsi que d'une direction des
affaires administratives et juridiques de la Nouvelle-Calédonie, dans la
perspective du transfert progressif des compétences à compter du
1
er
janvier 2000.
Après une période de rodage, le fonctionnement du gouvernement
semble sur la voie de la normalisation, les présidents du FLNKS, M. Roch
Wamytan, et du RPCR, M. Jacques Lafleur, ayant décidé lors d'une
entrevue à Paris à la mi-octobre de mettre en place " une
structure permanente de concertation " afin de faciliter la mise en oeuvre
de l'Accord de Nouméa.
c) Le sénat coutumier
Le
sénat coutumier a été officiellement installé
à la fin du mois d'août.
Composé de seize membres - deux pour chacune des huit aires
coutumières - nommés pour six ans, il aura à
délibérer sur tout projet ou proposition de loi du pays relatif
aux signes identitaires, au statut civil coutumier, au régime des terres
coutumières, à la définition des baux destinés
à régir les relations entre les propriétaires coutumiers
et exploitants sur ces terres et au régime des palabres coutumiers, aux
limites des aires coutumières ainsi qu'aux modalités
d'élection au sénat coutumier et aux conseils coutumiers. Le
sénat coutumier sera aussi consulté sur les projets ou
propositions de délibération intéressant l'identité
kanak, domaine dans lequel il est lui-même compétent pour formuler
des propositions.
Pour sa première année d'exercice, il est présidé
par M. André Thean-Hiouen, grand chef d'Arama, dans l'aire de Hoot Ma
Waap, la plus au Nord de la Grande Terre.
d) Les dispositifs novateurs du nouveau statut
Plusieurs dispositifs novateurs du récent statut ont par
ailleurs connu un début de mise en oeuvre :
- La
première loi du pays
(articles 99 à 107 de la loi
organique du 19 mars 1999) a été adoptée à
l'unanimité le 19 octobre 1999 par le congrès
2(
*
)
. Elle porte sur la reconduction, pour une durée
de deux ans, de la régulation du conventionnement des médecins,
des chirurgiens-dentistes, des masseurs-kinésithérapeutes et des
infirmiers libéraux avec les organismes de protection sociale. Comme le
prévoit l'article 155 de la loi organique susvisée, le conseil
économique et social de la Nouvelle-Calédonie a été
consulté. Présenté par le gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie, le projet de loi du pays avait reçu le 7
octobre un avis favorable du Conseil d'État.
Deux autres projets de loi du pays sont actuellement en préparation,
l'un concernant la réforme de la fiscalité douanière pour
supprimer, créer ou modifier l'assiette de certaines taxes, l'autre
relatif à la déduction fiscale du coût des travaux
effectués sur les immeubles d'habitation.
- En application de l'article 31 de la loi organique du 19 mars 1999, la
Nouvelle-Calédonie a obtenu le
statut d'observateur au sein du Forum
du Pacifique Sud
, à l'occasion de la trentième réunion
annuelle de cette organisation qui s'est tenue à Palau
(Micronésie) les 4 et 5 octobre 1999. Cette organisation de
coopération régionale et politique rassemble seize pays dont
l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les îles Fidji.
2. Le soutien financier de l'État relatif à la mise en oeuvre du nouveau statut et à la poursuite du rééquilibrage économique entre les provinces
a) La compensation financière corrélative des transferts de compétences
En
application de l'article 77 de la Constitution, l'article 55 de la loi
organique du 19 mars 1999 dispose que "
L'État compense les
charges correspondant à l'exercice des compétences nouvelles que
la Nouvelle-Calédonie et les provinces tiennent de la présente
loi
" en précisant que "
Tout accroissement net de
charges résultant pour la Nouvelle-Calédonie ou pour les
provinces des compétences transférées est
accompagné du versement concomitant par l'État d'une compensation
financière permettant l'exercice normal de ces
compétences
". Sont également spécifiées
les modalités de l'évaluation et de l'évolution de cette
compensation financière.
A cet effet, le projet de loi de finances pour 2000 crée un nouveau
chapitre 41-56 (dotations globales pour la Nouvelle-Calédonie) avec un
article 10 (dotation globale de compensation) doté de plus de 11,7
millions de francs, et un article 20 (dotation globale de fonctionnement)
doté de près de 394 millions de francs.
La
dotation globale de compensation
regroupe des crédits
provenant de plusieurs ministères pour permettre à la
Nouvelle-Calédonie d'exercer ses compétences nouvelles en
matière de commerce extérieur (706.651 F), de droit du travail
(284.423 F), d'enseignement scolaire (9.189.877 F), de jeunesse et de sport
(1.325.217 F) et de mines et d'énergie (211.255 F). La
dotation
globale de fonctionnement
destinée aux provinces devant leur donner
les moyens nécessaires à leur action en matière sanitaire
et sociale et dans le domaine de l'enseignement se décompose de la
façon suivante : enseignement primaire public (253.639.262 F),
santé (42.452.153 F), aide aux personnes âgées
(23.774.379 F), aide aux personnes handicapées (4.023.901 F),
fonctionnement des collèges (9.533.924 F), indemnité
compensatrice en matière de santé et d'enseignement primaire
(58.550.573 F) et secours aux enfants (1.148.291 F). Ainsi, l'indemnité
compensatrice santé-enseignement et la dotation spécifique pour
les collèges, qui faisaient l'objet jusqu'à présent d'une
répartition sur le budget des provinces, sont désormais
intégrées à la dotation globale de fonctionnement.
b) La poursuite de la politique contractuelle en faveur du développement et du rééquilibrage
En
application de la loi référendaire du 9 novembre 1988, trois
types d'accords de développement avaient été conclu pour
la période 1993-1997, succédant à ceux couvrant la
période 1990-1992 : une convention entre l'État et le
territoire de la Nouvelle-Calédonie en date du 8 juin 1993, trois
contrats de développement entre l'État et chacune des trois
provinces signées le 4 février 1993 et un contrat de ville
du 18 février 1993. Ce dispositif a été
complété par des avenants correspondant chacun à une
année supplémentaire de financement en 1998 et 1999. Le montant
contractualisé pour 1993-1997 s'est élevé à 3,9
milliards de francs auquel s'est ajouté 1,152 milliard de francs au
titre du contrat de ville. Les avenants de 1998 et 1999 ont successivement
augmenté ce total de 322 puis 321 milliards de francs.
En vertu de l'article 210 de la loi organique du 19 mars 1999, les nouveaux
contrats de développement obéiront désormais à une
périodicité quinquennale. Pour la période 2000-2004, aucun
montant n'a encore été arrêté. Il conviendra de
veiller à ce que la répartition des sommes ainsi allouées
permettent de poursuivre le rééquilibrage entre les trois
provinces amorcé en application des Accords de Matignon.
3. L'évolution de la délinquance et l'activité des juridictions
a) L'évolution de la délinquance
Les
crimes et délits
constatés par les services de police (4593
en 1998) et de gendarmerie (2130 en 1998) en Nouvelle-Calédonie ont
régulièrement progressé depuis 1993, la hausse moyenne
avoisinant 36 %. Sur les dix dernières années, la progression
moyenne s'établit à 40 %. Plus de 68 % des crimes et
délits sont constatés à Nouméa.
En particulier, augmentent régulièrement le nombre des
infractions constatées liées aux moeurs (viols et agressions
sexuelles sur mineurs ou majeurs : 35 procédures en 1989, 72 en
1997 et 108 en 1998) et celui des infractions contre la famille et l'enfant
(problèmes de garde, versement de pensions alimentaires, mauvais
traitements) : 64 procédures en 1997, 124 en 1998). L'absorption
d'alcool en quantité importante, en particulier en fin de semaine,
facilite le passage à l'acte (rixes, dégradations de biens,
agressions sexuelles, cambriolages pour dérober de l'alcool). La
délinquance de voie publique, qui représente 29,4 % de la
délinquance générale pour 1998, connaît une faible
progression (+ 7,4 % depuis 1989) grâce à une cartographie des
infractions établie chaque quinzaine, permettant à une cellule de
coordination de l'activité judiciaire de déterminer les tendances
et un plan d'occupation du terrain par les unités. La part de la
délinquance des mineurs dans la délinquance
générale a quasiment doublé en dix ans (essentiellement
vols simples et à l'étalage, vols à la roulotte et
cambriolages) de même que les interpellations pour trafic ou usage de
stupéfiants.
En fin de compte, si la hausse de la délinquance est réelle, elle
ne concerne pas principalement les domaines susceptibles de créer un
sentiment d'insécurité car la population calédonienne est
prompte à signaler la moindre incivilité, ce qui se traduit par
de nombreuses plaintes concernant des infractions oubliées en
métropole.
Concernant
la population carcérale
, elle s'élevait au
1
er
octobre 1999 au centre pénitentiaire de Nouméa,
seul établissement de la Nouvelle-Calédonie, à 378
personnes pour une capacité opérationnelle de 230 places, soit un
taux d'occupation supérieur à 164 % (contre 118 % pour la moyenne
de l'ensemble des établissements de métropole au 1
er
juillet 1999). Cette population carcérale est répartie entre
trois quartiers : 205 détenus pour la maison d'arrêt, 106
condamnés pour le centre de détention et 67 condamnés pour
la maison centrale. Cet établissement dispose d'un effectif de 104
agents, dont 83 agents de surveillance. Des travaux de construction d'un
quartier réservé aux femmes sont sur le point d'être
entrepris (coût prévisionnel : 4 millions de francs).
b) L'activité des juridictions
La
Nouvelle-Calédonie est dotée pour
l'ordre judiciaire
d'un
tribunal de première instance et d'une cour d'appel, disposant d'un
effectif de 26 magistrats et de 69 fonctionnaires (57 postes seulement
étant actuellement pourvus).
Selon les informations délivrées à votre rapporteur en
réponse au questionnaire budgétaire, la dernière
année statistique disponible à la Chancellerie concernait
l'exercice 1995. Des éléments complémentaires ont
cependant pu être obtenus depuis. Le contentieux civil paraît ainsi
en forte hausse puisque le nombre d'affaires nouvelles dont le tribunal de
première instance (y compris les sections détachées de
Lifou et de Koné) a été saisi est passé de 1810 en
1995 à 2428 en 1998, soit une progression de 34 % sur trois ans. Le
contentieux pénal est sur la même période en augmentation
de 28 %, le tribunal correctionnel ayant rendu 3003 jugements en 1995 et 3853
en 1998.
Le
tribunal administratif
de Nouméa est doté, outre le
président, de 3 conseillers et de 4 agents de greffe. Selon les
données fournies à votre rapporteur, le nombre d'affaires
nouvelles depuis 1994 oscille d'une année sur l'autre entre 347 et 482
et le nombre d'affaires traitées entre 322 et 428. En 1998, le stock
s'élevait à 126, seulement 7 dossiers attendant depuis plus de
deux ans.
B. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE
1. Les évolutions institutionnelles et politiques
A la suite de la Nouvelle-Calédonie et bien que la situation de ces deux collectivités soient fondamentalement différentes, la Polynésie française est sur le point de connaître à son tour une évolution statutaire majeure. Cette perspective conduit à dresser un bilan des dispositifs novateurs introduits par la loi organique du 12 avril 1996.
a) La mise en oeuvre des dispositifs novateurs du statut de 1996
La loi
organique du 12 avril 1996 a consacré un statut d'autonomie
renforcée de la Polynésie française qui, sur bien des
points, a inspiré le récent statut de la
Nouvelle-Calédonie. Cette loi a élargi le domaine de
compétence territorial et a modernisé le fonctionnement des
institutions.
• Le territoire s'est vu attribuer la totalité du domaine public
maritime et le droit d'exploration et d'exploitation des ressources de la mer.
De
nouvelles compétences
lui ont été
transférées dans des domaines aussi divers que les
communications, les dessertes maritimes et aériennes internationales, la
réglementation en matière de coopération et de
mutualité, la création de ses propres filières
d'enseignement supérieur, la sécurité de la navigation
dans les eaux intérieures ou les jeux de hasard dans le respect de la
législation. Plusieurs délibérations de l'assemblée
de la Polynésie française et arrêtés du gouvernement
de la Polynésie française ont été pris en ces
matières.
Le statut de 1996 a également réalisé d'importantes
avancées en matière de relations internationales pour favoriser
l'insertion de la Polynésie française dans son environnement
régional. La Polynésie française est ainsi
représentée au sein de nombreux organismes tels que la
Communauté du Pacifique, le Programme régional océanien
pour l'environnement (PROE), la Commission des Nations Unies pour
l'Asie-Pacifique (CESAP), l'Organisation mondiale de la santé et le
Pacific Economic Cooperation Council (PECC). Lors de la dernière
réunion du Forum du Pacifique Sud au mois d'août 1998, le
Gouvernement français a indiqué à ses partenaires que la
Polynésie française aurait , à l'instar de la
Nouvelle-Calédonie, la capacité d'obtenir le statut d'observateur
au terme du processus statutaire engagé en sa faveur.
Par ailleurs, s'agissant de la négociation de certains accords
internationaux, la direction de la délégation française
est confiée à un membre du gouvernement de la Polynésie
française : s'agissant de la négociation des accords de
pêche franco-coréens, ce fut le cas en juillet 1997 à
Papeete et en novembre 1998 à Séoul, le ministre de la mer de la
Polynésie française présidant la délégation
en vertu de pouvoirs délivrés à cet effet par le ministre
des Affaires étrangères. En matière de transports
aériens internationaux, le président du gouvernement de la
Polynésie française a signé un accord avec l'Australie le
21 février 1997. Enfin, les consultations de l'Assemblée de la
Polynésie française sur les projets de loi de ratification de
conventions internationales traitant de matières relevant de la
compétence territoriale et sur les propositions d'actes communautaires
contenant des dispositions relevant du champ d'application du régime
d'association (article 68 de la loi du 12 avril 1992) sont en moyenne au
nombre d'une vingtaine chaque année.
• Les
procédures
prévues par la loi organique du 12
avril 1996 pour régler les questions de
répartition des
compétences entre l'État et les
institutions du
territoire
sont régulièrement mises en oeuvre. L'article 113
de cette loi définit une procédure de saisine pour avis du
Conseil d'État par le tribunal administratif de Papeete lorsqu'il est
saisi d'un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de
délibérations de l'assemblée de la Polynésie
française ou d'actes pris pour leur application fondé sur le
moyen d'une inexacte application de la répartition des
compétences. L'article 114 fixe une procédure similaire
lorsqu'une demande d'avis portant sur la répartition des
compétences émane du président du gouvernement ou du
président de l'assemblée de la Polynésie française.
Depuis 1996, le Conseil d'État a ainsi statué sur 14 dossiers (6
au titre de l'article 113 et 8 au titre de l'article 114 à l'initiative
du président du gouvernement) et 3 demandes sont actuellement en cours
d'examen.
Les avis sollicités sur le fondement de l'article 113 ont conclu trois
fois à la compétence de l'État (recherche et constatation
des infractions à la réglementation territoriale en
matière de protection de végétaux ; création
d'un service d'assistance et de sécurité du territoire
chargé d'une mission de police et délivrance des autorisations de
port d'armes aux agents de service ; création d'un service
territorial en matière d'inspection du travail), une fois à la
compétence du territoire (réglementation en matière
d'attestation de conformité et de marquage des équipements
terminaux des télécommunications utilisant des fréquences
électriques, sous réserve de respecter les règles fixant
les conditions d'utilisation de ces fréquences), une autre fois au
partage des compétences (le territoire pour fixer les règles
applicables aux loteries proposées au public, mais l'État pour
les règles relatives à leur installation et leur fonctionnement)
et une dernière fois à l'irrecevabilité (décision
déférée portant sur la détermination de
l'autorité compétente pour autoriser l'installation d'un
karaoké dans un établissement privé).
Les avis rendus en application de l'article 114 ont conclu à cinq
reprises à la compétence de l'État (mesures de saisie et
de destruction opérées par les agents habilités et
assermentés du service d'hygiène et de salubrité publique
dans le cadre de la police sanitaire ; fixation du taux
d'alcoolémie dans le sang au-delà duquel le conducteur d'un
véhicule se trouve en infraction et fixation du taux de l'amende ;
création de groupements d'intérêt public dans les domaines
de compétence du territoire et en particulier dans le domaine de
l'insertion sociale des jeunes ; réglementation des services
financiers de l'office des postes et télécommunications ;
réglementation de l'aide juridictionnelle en matière civile et
administrative et création du service public y afférent) et trois
fois à la compétence territoriale (mission dévolue en
matière d'adoption au service d'aide sociale à l'enfance ;
organisation des transports en commun sur l'île de Tahiti, sous
réserve des compétences reconnues aux communes en la
matière ; imputation des dépenses des services de
sécurité et d'assistance aux aéronefs des
aérodromes territoriaux).
• En revanche,
la commission paritaire de concertation
entre
l'État, le territoire et les communes instituée par l'article 91
de la loi organique du 12 avril 1996 (inséré dans la loi à
l'initiative du Sénat, sur proposition de votre commission des Lois)
fonctionne au ralenti. Constituée seulement en mars 1997, elle n'a tenu
que trois réunions le 28 août 1997, le 14 novembre 1997 et le 25
juin 1998.
b) Vers l'accession au statut de pays d'outre-mer
Une
réforme constitutionnelle, tendant à faire accéder la
Polynésie française, aujourd'hui territoire d'outre-mer, au
statut de pays d'outre-mer, est en cours : le projet de loi
constitutionnelle a été adopté dans les mêmes termes
par l'Assemblée nationale, le 10 juin 1999, et par le Sénat, le
12 octobre 1999. Ce texte sera soumis au Congrès du Parlement le 24
janvier prochain.
En vertu de ce nouveau statut constitutionnel, la Polynésie
française se gouvernera librement et démocratiquement. Hormis les
compétences régaliennes expressément
énumérées, de nouveaux transferts de compétences
seront opérés, les compétences d'ores et
déjà acquises par la Polynésie française ne devant
pas être remises en cause. Les pouvoirs des autorités
polynésiennes en matière de relations internationales devraient
être encore accrus afin de favoriser l'intégration de la
Polynésie française dans sa région géographique.
Une citoyenneté polynésienne pourra être définie,
permettant d'accorder un droit de priorité aux polynésiens en
matière d'accès à l'emploi, de droit
d'établissement pour l'exercice d'une activité économique
et d'accession à la propriété foncière.
Contrairement à la Nouvelle-Calédonie, cette citoyenneté
restera sans influence sur la définition du corps électoral admis
à participer à l'élection des membres de
l'assemblée délibérante locale.
Enfin, comme en Nouvelle-Calédonie, l'Assemblée de la
Polynésie française pourra adopter des
délibérations à valeur législative
dénommées lois du pays et susceptibles d'être soumises au
contrôle du Conseil constitutionnel avant leur publication.
2. Les concours financiers de l'État au développement de la Polynésie française
a) La politique contractuelle
Le
contrat de développement
conclu entre l'État et le
territoire de la Polynésie française pour la période
1994-1999 a été signé le 4 mai 1994 en application de
l'article 8 de la loi d'orientation n° 94-99 du 5 février 1994
pour le développement économique, social et culturel de la
Polynésie française. Ce contrat, correspondant à un
montant total de 2,9 milliards de francs dont la moitié à la
charge de l'État, s'articule autour de trois programmes d'action :
le développement économique, avec un effort particulier pour
l'agriculture et la pêche ainsi que le tourisme et la formation
professionnelle (776 millions de francs) ; l'équipement du
territoire et le désenclavement des archipels (1,468 milliard de
francs) ; l'insertion sociale (658 millions de francs).
Au 31 décembre 1998, plus de 70 % du montant contractualisé
avaient été engagés.
Un avenant d'un montant de 110 millions de francs a en outre été
conclu en vue de renforcer le dispositif de la politique de l'habitat. Enfin,
une convention santé-solidarité a été signée
le 18 novembre 1999 par le secrétaire d'État à l'outre-mer
et le président du gouvernement de la Polynésie française,
qui prévoit une contribution de l'État de 221,5 millions de
francs par an sur cinq ans pour le financement de la protection sociale
(195 millions de francs pour le financement du régime de protection
sociale généralisée dont les dépenses
s'élèvent aujourd'hui à 825 millions de francs ; 9
millions de francs affectés à des actions de santé
publique ; 17,5 millions de francs pour la formation des personnels
sanitaires et sociaux).
Eu égard à la loi d'orientation du 5 février 1994 qui
prévoyait des contrats de développement pour une durée de
dix ans entre l'État et le territoire de la Polynésie
française et à l'étalement du premier contrat sur une
période de six ans, le nouveau contrat couvrira une période de
quatre ans 2000-2003. Les montants correspondant à ce nouveau contrat ne
sont cependant pas encore arrêtés.
b) La convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française
Cette
convention, signée le 25 juillet 1996 par le Premier ministre et le
président du gouvernement de la Polynésie française, tend
à maintenir sur une période de dix ans un flux financier vers la
Polynésie française équivalent à celui qui
résultait du fonctionnement du Centre d'expérimentation du
Pacifique (CEP). Son montant a été fixé à 990
millions de francs par an.
Ce montant recouvre :
- les flux correspondant aux dépenses encore exposées au titre du
CEP (démantèlement et surveillance) ;
- les dépenses relatives au service militaire adapté (SMA) ;
- un versement au budget du territoire, non affecté, complétant
le montant des droits de douane effectivement perçus pour les biens
introduits en Polynésie française pour l'accomplissement des
activités résiduelles du CEP afin d'atteindre le montant de 220
millions de francs ;
- le solde affecté au fonds pour la reconversion économique de la
Polynésie française.
Pour l'année 1998, les montants correspondant à ces
différentes rubriques sont les suivants : 337 millions de francs au
titre des dépenses effectuées par les forces armées dans
leurs activités résiduelles sur la base de Hao
(5
ème
régiment étranger, détachement de
gestion de la base aérienne, hôpital militaire) ; 35 millions
de francs de taxes douanières liées à ces activités
militaires ; 49 millions de francs de dépenses du SMA ; le
solde, soit 551 millions de francs étant ventilé entre 193
millions de francs versés au budget de la Polynésie
française et 376 millions de francs affectés au fonds pour la
reconversion économique de la Polynésie française.
Les opérations aidées par ce fonds de reconversion doivent
contribuer à la création d'emplois durables. Elles sont
arrêtées par un comité de gestion co-présidé
par le haut-commissaire et le président du gouvernement de la
Polynésie française. Ce comité s'est réuni à
deux reprises au cours de l'année 1998 et a défini 9 projets,
destinés notamment au développement du port de pêche de
Papeete, au réaménagement du port d'Uturoa à Raiatea et
à des travaux relatifs au réseau d'assainissement des eaux
usées à Bora-Bora. L'enveloppe totale devant couvrir ces
dépenses s'élève à 188,875 millions de francs. A
ces projets s'ajoutent ceux relatifs au logement social et à l'emploi
à hauteur de 462 millions de francs, 140,5 millions de francs ayant
été avancés par le territoire au 31 décembre 1998.
Deux projets sont en discussion tout en suscitant respectivement pour le
premier, relatif à la construction d'une route de desserte de
l'aéroport de Nuku-Hiva aux Marquises, les réticences de
l'État eu égard à son coût, et pour le second,
tendant à la création d'une route de contournement de
l'aéroport de Faa'a à Tahiti, l'opposition du gouvernement de la
Polynésie française.
3. L'évolution de la délinquance et l'activité des juridictions
a) L'évolution de la délinquance
Si
la
délinquance et la criminalité
constatées par les
services de police et de gendarmerie ont progressé de 44 % depuis 1991
(4995 infractions constatées contre 7198 en 1998), une baisse importante
de 23,5 % peut être constatée pour 1998 par rapport à
l'année précédente du fait de la réduction du
nombre des infractions à la législation sur les
stupéfiants et des atteintes aux biens.
Cette baisse est également sensible à Papeete (- 17,14 %)
où cependant les délits contre les personnes sont en hausse
constante depuis 1994. En 1998, ont ainsi continué à augmenter le
nombre de vols avec violence et les affaires de moeurs. De 1989 à 1995,
la délinquance n'a cessé d'y progresser en doublant en sept ans,
avec des pics en 1993 et 1995 (émeutes du mois de septembre).
Au 1
er
janvier 1999,
la population carcérale
dans les
établissements pénitentiaires polynésiens était la
suivante :
Établissement |
Capacité
|
Effectifs de détenus |
Densité carcérale |
Centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania |
193 |
267 |
138,3 % |
Maison d'arrêt de Taiohae (Marquises) |
5 |
4 |
80 % |
Maison d'arrêt d'Uturoa (Raiatea) |
10 |
6 |
60 % |
Total |
208 |
277 |
133,2 % |
Le
centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania à Tahiti est dans un
état très préoccupant. Construits en 1972, les
bâtiments sont vétustes, dépourvus des
éléments architecturaux conformes aux normes de
sécurité, mal ventilés et humides. Les travaux de
réfection se heurtent à l'étroitesse des locaux et au
manque d'espace lié à leur situation dans une vallée
encaissée. Une mission chargée de procéder au diagnostic
technique de l'établissement et à l'élaboration d'un
schéma directeur s'est rendue sur place au début du mois de juin
1999. Les études en vue de la réhabilitation de ce centre
devraient être engagées prochainement.
L'effectif des personnels pénitentiaires en poste au 1
er
janvier 1999 en Polynésie française s'élève
à 89 agents, dont 72 agents de surveillance.
b) L'activité des juridictions
Comme
cela a été indiqué pour la Nouvelle-Calédonie, les
dernières statistiques connues de la Chancellerie à la fin de
l'été sur
l'activité judiciaire
remontaient
à 1995. Ces données ont, depuis lors, été
actualisées.
Selon les informations délivrées à votre rapporteur, le
contentieux du tribunal de première instance est ainsi, au civil, en
nette diminution : 3617 affaires nouvelles en 1998 contre 5876 en 1995,
soit une baisse de plus de 38 % sur les trois dernières
années. Cette baisse concerne en particulier le contentieux relatif
à la propriété (regroupant, selon la dénomination
locale, les " affaires de terres ") et les affaires familiales. On
est ainsi passé de 125 affaires de terres en 1997 à 97 en 1998 et
de 1426 affaires portées devant le juge aux affaires familiales en 1995
à 1128 en 1998. Le nombre des jugements correctionnels est en revanche
en légère augmentation, passant de 2063 en 1995 à 2415 en
1998.
Concernant le
tribunal administratif
de Papeete, le nombre d'affaires
nouvelles depuis 1994 oscille d'une année sur l'autre entre 331 et 535
et le nombre d'affaires traitées entre 330 et 471. En 1998, le stock
s'élevait à 326, en forte augmentation depuis 1996 (+ 65,6 %). Le
stock d'affaires ayant plus de deux ans d'ancienneté reste cependant
très faible : 0,2 % des affaires en instance contre 29,3 % en
métropole.
C. LES DEUX COLLECTIVITÉS CONTINUANT À APPARTENIR À LA CATÉGORIE DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER : WALLIS-ET-FUTUNA ET LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES
1. Le territoire des îles Wallis-et-Futuna
Le
territoire de Wallis-et-Futuna demeure régi par la loi
n° 61-814 du 29 juillet 1961, modifiée successivement en 1971,
1973, 1978 et 1995. La possibilité d'une actualisation de ce statut,
évoquée au début des années 1980, est restée
sans lendemain, les préoccupations exprimées concernant
essentiellement depuis deux ans les perspectives de développement
économique et, depuis la conclusion de l'Accord de Nouméa,
les
relations avec la Nouvelle-Calédonie
.
Sur ce dernier point, il convient de rappeler que l'article 225 de la loi
organique relative à la Nouvelle-Calédonie du 19 mars 1999,
introduit dans cette loi statutaire par le Sénat à l'initiative
de M. Robert Laufoaulu, sénateur de Wallis-et-Futuna, dispose que
"
Les relations de la Nouvelle-Calédonie avec le territoire des
îles Wallis-et-Futuna seront précisées par un accord
particulier conclu au plus tard le 31 mars 2000. Le Gouvernement de la
République participera aux négociations et à la signature
de cet accord
". Or, à ce jour, les négociations en vue
de la conclusion de cet accord ne semblent pas avoir été
engagées.
Concernant le développement de ce territoire d'outre-mer, un
contrat
de plan
associant l'État et les îles Wallis-et-Futuna a
été signé le 14 novembre 1994, couvrant la
période 1994-1999 compte tenu de l'étalement sur une année
supplémentaire. Poursuivant quatre objectifs, l'éducation et le
développement du sport, l'emploi et la formation professionnelle, le
développement des infrastructures et la protection de l'environnement,
son montant s'élève à 72,6 millions de francs dont 58,03
à la charge de l'État.
Une
convention de développement
avait par ailleurs
été signée le 2 mars 1995, prévoyant un effort
supplémentaire de l'État de 159 millions de francs afin
d'amplifier certains projets inscrits au contrat de plan (équipements
scolaires et sportifs, infrastructures routières, réseaux d'eau
potable) et de réaliser des opérations qui n'avaient pu y
être intégrées. Ainsi, le financement du dispositif des
chantiers de développement local est désormais
contractualisé à hauteur de 30 millions de francs, 25 millions de
francs seront consacrés au logement social et 26 millions de francs ont
été affectés à la réfection du quai de Leava
à Futuna et des phares et balises du chenal de Mata Utu. Enfin, une
dotation de 16 millions de francs est affectée au secteur sanitaire,
dont 5 pour la modernisation de l'hôpital.
Un nouveau contrat de plan quinquennal doit être élaboré
pour la période 2000-2004, regroupant les actions inscrites jusqu'alors
dans le contrat de plan et la convention de développement. L'enveloppe
financière relative à ce nouveau contrat n'a pas encore
été fixée. Une délégation d'élus et
de chefs coutumiers a été reçue à Paris par le
secrétaire d'État à l'outre-mer le 28 septembre
dernier pour la préparation de ce contrat. Lors de ces discussions, le
souhait a été exprimé que soit rétablie une
desserte maritime entre les deux îles de Wallis et de Futuna, aujourd'hui
seulement reliées par un petit avion.
2. Le territoire des Terres australes et antarctiques françaises
Dotées en 1955 (loi n° 55-1052 du 6 août
1952) d'un statut adapté à ses spécificités, ce
territoire d'outre-mer dépourvu de population autochtone n'a pas
d'assemblée délibérante mais est doté d'un conseil
consultatif dont les membres sont nommés pour cinq ans par le ministre
chargé de l'outre-mer. Ce conseil assiste un administrateur
supérieur, délégué du Gouvernement, chargé
de coordonner les actions menées par l'ensemble des administrations et
organismes intervenant sur le territoire.
Par décret du Premier ministre en date du 16 mars 1996 a
été décidé le
transfert du siège de
l'administration des T.A.A.F.
, jusque-là installé à
Paris, à Saint-Pierre de la Réunion. Un premier projet
d'implantation sur cette commune prévoyait l'édification d'un
bâtiment neuf de 750 mètres carrés pour un coût de 13
millions de francs. Un nouveau projet, moins onéreux (11,5 millions
de francs) a en définitive été arrêté. La
première pierre du futur siège a été posée
par le secrétaire d'État à l'outre-mer au mois de mai 1999
et la livraison est fixée au mois de mars 2000.
Un arrêté territorial du 19 février 1999 a
créé un
Journal officiel des Terres australes et antarctiques
françaises
, en application du décret du 18 septembre
1956 portant organisation administrative des T.A.A.F.
3(
*
)
. Tous les textes relatifs au territoire sont ainsi,
depuis le mois d'avril 1999, publiés dans ce Journal officiel dont la
périodicité est trimestrielle.
Dans ces terres de l'extrême Sud, la France exerce sa souveraineté
à la fois sur les Terres australes (les îles et archipels de
Crozet, Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam) et en Antarctique, sur la Terre
Adélie, dans le contexte du traité international de Washington de
1959 ayant mis fin à toutes les revendications territoriales, le
protocole de Madrid de 1991 ayant fait de ce continent une réserve
naturelle consacrée à la paix et à la science. Pour la
France, le enjeux sont multiples, qu'il s'agisse de la recherche scientifique
avec les bases des Terres australes abritant quelque deux cents personnes et le
projet de station permanente Concordia au dôme C sur le continent
antarctique dont l'achèvement est prévu pour le printemps 2003,
de la pêche dans une zone économique exclusive de plus de 1,8
million de kilomètres carrés aux ressources halieutiques
importantes et convoitées, ou de programmes stratégiques en
matière de prévisions météorologiques
(Météo France), de surveillance de l'application du traité
d'interdiction complète des essais nucléaires (C.E.A.) ou de
l'observation satellitaire (C.N.E.S.).
Rappelons que le
groupe d'études sénatorial
sur
l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes, présidé par M.
Lucien Lanier, a entendu, le 9 juin 1999, Mme Brigitte Girardin, administrateur
supérieur des Terres australes et antarctiques françaises qui,
après avoir présenté le territoire, a souligné les
problèmes rencontrés en matière de lutte contre la
pêche illicite, a indiqué que le Gouvernement avait mis à
l'étude une réforme du pavillon Kerguelen et a regretté
que les moyens budgétaires alloués au territoire ne permette pas
d'assurer correctement l'entretien des bases scientifiques construites dans les
années 1950 et ne répondant plus aux normes de
sécurité.
III. LA PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS PROPRES DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE SUR LE PLAN NORMATIF
Votre commission des Lois procède traditionnellement, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, à un examen détaillé de l'application des lois relevant de sa compétence au fond concernant ces quatre collectivités d'outre-mer, tout en faisant le point des réformes législatives annoncées et des évolutions du régime d'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) à l'Union européenne.
A. L'APPLICATION DES LOIS RELATIVES AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER ET À LA NOUVELLE-CALÉDONIE
En
1996
, une
loi portant dispositions diverses relatives à
l'outre-mer
(loi n° 96-609 du 5 juillet 1996) a procédé
à une vaste actualisation du droit applicable outre-mer. Cette loi ne
reste cependant que partiellement appliquée : treize décrets ont
été publiés au rythme de deux en 1996, cinq en 1997, cinq
en 1998 et un seul depuis le début de l'année 1999. Quatre
décrets doivent encore être pris.
En 1998
, dans la perspective de poursuivre cette modernisation du droit
applicable outre-mer, le Parlement a autorisé le Gouvernement à
procéder par voie d'ordonnances. Le champ très large de cette
habilitation ne visait pas moins de dix-sept matières. En vertu de cette
loi d'habilitation n° 98-145 du 6 mars 1998
,
vingt
ordonnances
ont ainsi été prises et publiées au
Journal Officiel en quatre salves successives entre le mois de juin et le lois
de septembre 1998. Ces ordonnances ont donné lieu à
quatre
projets de loi de
ratification
renvoyés respectivement, en
fonction des domaines concernés, à la commission des Lois,
à la commission des Affaires économiques, à la commission
des Affaires sociales et à la commission des Finances, aux fins d'un
examen technique approfondi. Ces projets de loi de ratification ont
été examinés en première lecture à
l'Assemblée nationale le 10 juin 1999 et au Sénat le
24 novembre dernier, trois d'entre eux restant à ce jour en
navette. Plusieurs textes réglementaires d'application de dispositions
incluses dans ces ordonnances ont d'ores et déjà
été publiés.
En 1999
, une
nouvelle loi d'habilitation
devant permettre au
Gouvernement de prendre, par ordonnances, les mesures législatives
nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer a été adoptée, la loi
n° 99-899 du 25 octobre 1999. Le champ de l'habilitation est à
nouveau très vaste puisque l'article 1er comporte une
énumération de douze rubriques.
Si votre commission des Lois se félicite des progrès normatifs
ainsi réalisés en faveur de nos concitoyens de l'outre-mer et
permettant d'assurer un meilleur respect du principe d'égalité
devant la loi, elle tient à souligner que la procédure des
ordonnances ne contribue pas à améliorer la lisibilité du
droit applicable outre-mer qui constitue d'ores et déjà un
véritable maquis juridique, aucun recueil ne présentant les
textes consolidés. Toute recherche du droit applicable constitue un
parcours d'initié. En outre, le délai relativement important (un
an à dix-huit mois pour le dernier train de vingt ordonnances) qui
s'écoule souvent entre l'entrée en vigueur des ordonnances, d'une
portée juridique alors simplement réglementaire, et leur
ratification qui leur confère valeur législative, introduit la
confusion dans la hiérarchie des normes, des dispositions
destinées à devenir la loi pouvant faire l'objet de contentieux
devant le juge administratif.
A la suite de l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle
n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la
Nouvelle-Calédonie
, le Parlement a adopté
deux lois,
l'une organique, l'autre ordinaire
la complétant, pour adapter le
statut de cette collectivité. Ces deux lois (n° 99-209 et
n° 99-210)
du 19 mars
1999
ne sont à ce jour que
partiellement appliquées. Concernant la loi organique, six
décrets sont intervenus :
- le décret en Conseil d'État n° 99-250 du 31 mars 1999
relatif aux élections au congrès et aux assemblées de
province ;
- le décret n° 99-251 du 31 mars 1999 portant convocation des
électeurs en vue de procéder à l'élection des
membres du congrès et des assemblées de province ;
- le décret n° 99-252 du 31 mars 1999 portant création d'un
traitement automatisé nécessaire à la tenue d'un fichier
général des électeurs inscrits en
Nouvelle-Calédonie ;
- le décret n° 99-458 du 3 juin 1999 modifiant le décret
n° 84-558 du 4 juillet 1984 fixant les conditions de désignation
des membres du Conseil économique et social ;
- le décret en Conseil d'État n° 98-821 du 17 septembre 1999
pris pour l'application de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et
de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la
Nouvelle-Calédonie et modifiant le code des tribunaux administratifs et
des cours administratives d'appel et le décret n° 63-766 du 30
juillet 1963 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil
d'État ;
- le décret n° 99-842 du 27 septembre 1999 relatif à la
promulgation des lois du pays en Nouvelle-Calédonie.
Vingt-sept décrets restent encore à prendre pour l'application de
la loi organique, dont la plupart devraient être publiés avant la
fin de l'année. six d'entre eux ont d'ores et déjà
été transmis au Conseil d'État.
En ce qui concerne la loi ordinaire complétant la loi organique, hormis
les mesures relatives à l'organisation des élections au
congrès et aux assemblées de province, seul l'article 34 fixant
le régime du droit d'asile a fait l'objet d'un décret
d'application (décret en Conseil d'État n° 99-511 du
21 juin 1999). Cinq articles de cette loi prévoient l'intervention
d'un décret pour leur mise en oeuvre.
B. LES RÉFORMES ENVISAGÉES ET LES TRAVAUX DE CODIFICATION
Le
calendrier législatif concernant les territoires d'outre-mer et la
Nouvelle-Calédonie pour 2000 devrait être chargé.
Le
projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie
française et à la Nouvelle-Calédonie
, fixant le
nouveau statut de la Polynésie française qui ne sera plus un
territoire d'outre-mer mais un pays d'outre-mer et à précisant la
définition du corps électoral calédonien admis à
participer aux élections des membres du congrès et des
assemblées de province, adopté en termes identiques par
l'Assemblée nationale et le Sénat sera
soumis au
congrès de Parlement le 24 janvier prochain
.
Après son adoption définitive et
pour sa mise en oeuvre
,
sera présentée au Parlement une réforme du statut
d'autonomie de la Polynésie française de 1996 sous la forme d'un
projet de loi organique
et d'un
projet
de loi ordinaire
.
Il est prévu que ces projets de textes intègrent les dispositions
figurant dans les projets de loi organique et simple relatifs au régime
communal applicable en Polynésie française qui ont
été déposés sur le bureau du Sénat en mai
1998 sans que le Gouvernement ne les inscrive à l'ordre du jour. Le
Gouvernement a indiqué son souhait de voir aboutir cette réforme
statutaire avant la fin de l'année 2000.
Une
proposition de loi organique tendant à rééquilibrer
la répartition des sièges au sein de l'Assemblée de la
Polynésie française
pour tenir compte de l'évolution
démographique constatée dans les cinq circonscriptions
électorales (Iles-du-Vent, Iles-Sous-le-Vent, Iles Australes, Iles
Tuamotu et Gambier et Iles Marquises) depuis une quinzaine d'années a
été examinée par le Sénat le 23 novembre dernier.
Votre commission des Lois souligne l'urgence à poursuivre la navette sur
ce texte afin que son adoption puisse intervenir dans un délai
raisonnable eu égard à la date de la prochaine
échéance électorale, soit mai 2001.
Enfin, les ordonnances qui seront prises sur le fondement de la nouvelle loi
d'habilitation du 25 octobre 1999 précitée devraient donner lieu
à une nouvelle série de projets de loi de ratification.
Concernant
les travaux de codification
des textes applicables outre-mer,
tâche complexe à laquelle s'attellent depuis 1997 trois
rapporteurs spécifiquement désignés de la commission
supérieure de codification, les progrès sont lents. L'outre-mer
subit en effet le contrecoup du ralentissement général de
l'activité de codification. Quatre projets de codes contenant une partie
consacrée aux territoires d'outre-mer restent ainsi en instance sur le
bureau du Parlement (communication et cinéma, éducation,
environnement, commerce). Le projet de code de justice administrative a
été déposé devant le Conseil d'État. Afin de
surmonter les difficultés aboutissant à repousser
sine
die
l'examen de ces codes par le Parlement, le Gouvernement a obtenu du
Parlement une habilitation à procéder par voie d'ordonnances,
laquelle fait actuellement l'objet d'un recours devant le Conseil
constitutionnel.
Les autres projets à court terme de la commission supérieure de
codification concernent la codification dans le livre V du code
électoral des dispositions relatives aux élections des
députés, des sénateurs, des conseillers municipaux et des
membres des assemblées délibérantes de la
Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des
îles Wallis-et-Futuna, les dispositions réglementaires du code des
juridictions financières et un décret relatif au code des
communes de la Nouvelle-Calédonie.
C. LA PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS SPÉCIFIQUES DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE DANS LEURS LIENS AVEC L'UNION EUROPÉENNE
Les pays
et territoires d'outre-mer (PTOM) ne font pas partie de l'Union
européenne. Ils y sont associés. Les objectifs et les moyens de
cette association sont définis par les dispositions de la
quatrième partie du Traité de Rome
. Des décisions
successives du Conseil, dites décisions d'association, précisent
et mettent en oeuvre ce régime, caractérisé par une
coopération commerciale avec libre accès des produits originaires
des PTOM au marché communautaire, une coopération
financière reposant en particulier sur le Fonds européen de
développement (FED) ainsi que la mise en oeuvre réciproque des
principes de libre établissement et de libre prestation de services.
S'applique actuellement
jusqu'au 28 février 2000 la décision
d'association du 25 juillet 1991
, qui a fait l'objet d'une révision
à mi-parcours en novembre 1997, après plusieurs années de
négociations. Cette révision a essentiellement apporté des
modifications au régime d'accès de certains produits au
marché communautaire et procédé à la
répartition du 8
ème
FED.
Dans le cadre de la Conférence intergouvernementale, et à
l'initiative de la France, les chefs d'État et de Gouvernement ont
adopté à Amsterdam, le 17 juin 1997, une déclaration
relative au régime d'association des PTOM à l'Union
européenne devant être annexée au Traité. Cette
déclaration reconnaît l'inadéquation de ce régime
aux enjeux de développement des PTOM et invite le Conseil à le
réexaminer et à le réformer en profondeur d'ici 1999, sur
proposition de la Commission, dans un triple objectif : promouvoir plus
efficacement le développement économique et social des
PTOM ; approfondir les relations économiques entre les PTOM et
l'Union européenne et mieux prendre en compte leur diversité et
leur spécificité, y compris en ce qui concerne la liberté
d'établissement. Il est enfin demandé une amélioration de
l'efficacité de l'instrument financier bénéficiant aux
PTOM.
Cette refonte devrait intervenir à l'occasion du renouvellement de la
décision d'association qui arrive à expiration à la fin du
mois de février prochain.
Les PTOM français étant demandeurs d'une modernisation de leur
mode de relations avec l'Union européenne,
le Gouvernement
français a déposé au début de l'année 1997
un mémorandum
à la Commission européenne
développant ses propositions, essentiellement l'élaboration d'un
programme de développement économique et social par État
membre concerné et la création d'un fonds spécifique aux
PTOM, distinct du FED.
Par ailleurs,
les conséquences des évolutions
institutionnelles de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie
française devront être examinées, en particulier en ce qui
concerne la mise en oeuvre du droit d'établissement des ressortissants
communautaires
.
Les
29 et 30 avril 1999
,
la Commission
a présenté,
lors d'une rencontre Union européenne - PTOM, une
communication
intitulée " Réflexions sur le statut des PTOM
associés à la Communauté européenne et orientation
PTOM 2000 ". Cette communication présente les pistes d'orientation
en vue d'une nouvelle décision d'association à compter de mars
2000. Elle est inspirée par deux préoccupations principales,
s'adapter à la grande diversité des PTOM et affirmer la
solidarité de l'Union dans son ensemble, et s'articule autour de trois
thèmes principaux : le régime commercial où un choix
doit s'effectuer entre le statu quo et l'intégration de chaque PTOM dans
un environnement économique régional ; l'instrument
financier, où l'alternative proposée serait de s'orienter soit
vers un FED rénové, soit vers un fonds spécifique
PTOM ; le droit d'établissement, pour lequel la Commission serait
prête à accepter des dispositions spécifiques pour tel ou
tel PTOM.
Enfin, sur le plan financier, le Conseil européen a décidé
en juin 1995 du montant du
8
ème
FED
(1996-2000).
Celui-ci est de 165 millions d'euros pour les PTOM. A l'issue des
négociations relatives à la révision à mi-parcours
de la décision d'association, la France a obtenu une enveloppe de 50,3
millions d'euros, soit 25 % d'augmentation par rapport au
7
ème
FED. Les PTOM français se sont vus allouer
respectivement : 14,1 million d'euros pour la Polynésie
française, 15,8 pour la Nouvelle-Calédonie, 6,4 pour
Wallis-et-Futuna, 10 pour Mayotte et 4 pour Saint-Pierre-et-Miquelon.
*
* *
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie dans le projet de budget du secrétariat d'État à l'Outre-mer.
ANNEXES
_____
•
ANNEXE 1 : Loi du pays n° 99-001 du 19 octobre 1999 relative au
dispositif conventionnel entre certains professionnels de santé et les
organismes de protection sociale de la Nouvelle-Calédonie
•
ANNEXE 2 : Extrait du
Journal Officiel
des Terres
Australes et Antarctiques Françaises (n° 1,
janvier-février-mars 1999)
ANNEXE 1
Loi du pays n° 99-001 du 19
octobre 1999
relative au dispositif conventionnel entre certains
professionnels de santé et les organismes de protection sociale
de
la Nouvelle-Calédonie
ANNEXE 2
Extrait du Journal Officiel
des
Terres Australes et Antarctiques Françaises
(n° 1,
janvier-février-mars 1999)
1 La composition des assemblées de province et du congrès est la suivante :
|
Assemblée de province |
Congrès |
Province Sud |
40 |
32 |
Province Nord |
22 |
15 |
Province des Iles Loyauté |
14 |
7 |
Total |
76 |
54 |
2
Voir annexe 1.
3
Voir annexe 2.