C. UNE COHÉSION SOCIALE MENACÉE
Au-delà des difficultés d'accès à l'emploi et au logement, la cohésion sociale apparaît désormais menacée par une forte croissance de l'exclusion que ne parvient plus à maîtriser l'existence des formes traditionnelles de solidarité, notamment familiale, existant outre-mer.
1. La montée en charge régulière du RMI
Les spécificités du RMI outre-mer
L'article 51 de la loi du 1er décembre 1988 a
prévu
l'application aux DOM du RMI "
selon les modalités
particulières d'application... dans le respect des principes mis en
oeuvre en métropole
".
Ces modalités particulières d'application sont au nombre de trois
:
- le montant de l'allocation dans les DOM est inférieur de
20 % au montant métropolitain. Cette différence se
justifiait principalement par le souci de ne pas inciter au travail non
déclaré ou au non-travail ;
- la différence entre les allocations versées dans les DOM
et le montant qu'elles auraient atteint si le barème
métropolitain avait été appliqué correspond
à la créance de proratisation du RMI. Cette créance est
utilisée au financement d'actions d'insertion et au financement du
logement social ;
- la loi du 25 juillet 1994 a institué les agences
départementales d'insertion (ADI) chargées d'assurer l'insertion
des allocataires au RMI.
a) La progression accélérée du nombre d'allocataires du RMI
En juin 1999 7( * ) , on comptait 124.242 allocataires du RMI, soit une progression de 8,8 % sur un an. Cela représente plus de 15 % de la population active contre 3,5 % en métropole.
Nombre d'allocataires du RMI
|
Décembre 1996 |
Décembre 1997 |
Progression 96/97 |
Décembre 1998 |
Progression 97/98 |
Juin 1999 |
Martinique |
24.226 |
24.991 |
+ 3,2 % |
26.563 |
+ 6,3 % |
26.606 |
Guadeloupe |
23.892 |
24.278 |
+ 1,6 % |
26.286 |
+ 8,3 % |
27.112 |
Guyane |
7.674 |
7.910 |
+ 3,1 % |
8.195 |
+ 3,6 % |
8.251 |
Réunion |
50.876 |
54.126 |
+ 6,4 % |
57.778 |
+ 6,7 % |
62.273 |
TOTAL DOM |
106.668 |
111.305 |
+ 4,3 % |
118.822 |
+ 6,8 % |
124.242 |
Source : CNAF
Cette progression est d'autant plus inquiétante qu'elle est
désormais plus rapide que celle constatée en métropole et
qu'elle succède à une période de stabilisation du nombre
d'allocataires entre 1990 et 1993.
b) Les difficultés de l'insertion
La croissance du nombre d'allocataires du RMI est également d'autant plus préoccupante qu'elle s'accompagne de fortes difficultés d'insertion.
Le volet " insertion " du RMI
|
1996 |
1997 |
1998 |
Nombre d'allocataires du RMI |
106.668 |
111.305 |
118.822 |
Nombre d'allocataires entrés dans un dispositif d'insertion |
22.113 |
28.086 |
29.156 |
% d'allocataires du RMI entrés dans un dispositif d'insertion |
20,7 % |
25,2 % |
24,5 % |
Source : secrétariat d'Etat à
l'outre-mer
Ces difficultés d'insertion sont de plus en plus évidentes. Alors
que de 1994 à 1997, le taux d'insertion des allocataires du RMI
s'améliore progressivement, parallèlement à la mise en
place des agences départementales d'insertion, l'insertion redevient
désormais plus difficile.
2. Un malaise social exacerbé
Mais
l'effritement de la cohésion sociale dans les DOM ne prend pas seulement
la forme d'une montée de l'exclusion. Elle se caractérise
également par un malaise social de plus en plus perceptible,
témoignant de la dégradation du lien social et se traduisant par
une montée de la violence.
Ainsi, les actes de violence dans les DOM sont en moyenne deux à trois
fois plus fréquentes qu'en métropole.
Taux
de crimes et délits constatés contre les personnes
en 1995
pour 100.000 habitants
|
Homicides |
Coups et |
Menaces |
Atteinte aux moeurs |
||
|
Total |
dont tentatives |
blessures volontaires |
et chantages |
Total |
dont viols |
Guadeloupe |
10,1 |
28,6 |
236 |
76 |
60 |
28,6 |
Guyane |
18,5 |
27,4 |
182 |
75 |
59 |
27,4 |
Martinique |
7,3 |
27,5 |
217 |
79 |
59 |
27,1 |
La Réunion |
6,6 |
31,4 |
184 |
41 |
82 |
31,4 |
Métropole |
4,4 |
2,1 |
123 |
52 |
50 |
12,7 |
Source : ministère de l'intérieur
*
* *
Votre commission observe avec la plus grande inquiétude cette détérioration continue de la situation sociale outre-mer. Elle constate que tous les indicateurs sociaux sont au rouge. Elle estime alors qu'il est de la responsabilité de l'Etat de répondre dans les plus brefs délais à cette situation d'urgence sociale et juge que la question prioritaire reste avant tout celle de l'emploi. Aussi, c'est essentiellement à la lueur de son impact prévisible sur le chômage que votre commission a examiné le projet de budget pour l'outre-mer.