IV. LES DOTATIONS D'ÉQUIPEMENT PRÉVUES POUR 2000 PRÉPARENT DES ÉCHÉANCES DIFFICILES
A. LA CRISE DU KOSOVO A VALIDÉ LES CHOIX D'ÉQUIPEMENTS EXISTANTS ET À VENIR ET RÉVÉLÉ CERTAINES INSUFFISANCES
•
L'Armée de l'air a su s'accommoder des contraintes
opérationnelles spécifiques
Compte tenu, d'une part, des fortes capacités défensives
détenues par les forces serbes -SA7, SA14, SA16 et SA18, utilisant un
mode de guidage passif et interdisant la pénétration en basse
altitude et, d'autre part, de la supériorité des appareils de
défense aérienne de l'Alliance, associée à une
maîtrise des capacités de détection ou de brouillage, la
stratégie employée de vol à moyenne altitude par les
appareils occidentaux a permis de réduire les risques.
L'intégration de cette contrainte n'a toutefois été
possible pour l'Armée de l'air française que parce que nos
appareils disposaient des capacités nécessaires au tir des
armements depuis la moyenne altitude. Tel était en effet le cas du
Mirage 2000 D, dès sa mise en service, ainsi que de nos Jaguars et
Mirages F1 CT, après leur adaptation aux armements guidés
laser. Ce choix, associé à l'acquisition de la capacité de
tir de nuit a permis à nos appareils de participer à toutes les
missions de bombardement réalisées au cours de l'opération
" Force Alliée ".
De même, alors que les conditions météorologiques -vent,
nuages- ont pu rendre aléatoire le recours aux armements guidés
laser, les Mirages 2000 D ont été à même,
grâce à leur système de navigation, de délivrer des
bombes lisses avec une précision décamétrique sur des
objectifs définis par leurs coordonnées. Ainsi, globalement, les
choix d'équipements gérés depuis plusieurs années
se sont révélés judicieux, ce qui ne doit pas occulter
cependant certaines insuffisances quantitatives.
•
De bonnes capacités mais des insuffisances quantitatives
Le conflit au Kosovo a permis de constater que les moyens aériens mis en
oeuvre par la France étaient d'un niveau tout à fait acceptable,
y compris en comparaison avec ceux déployés par les Etats-Unis.
Les différences se sont davantage situées au niveau des
quantités disponibles.
Le principal déficit quantitatif a été celui des
ravitailleurs en vol
, les C 135. La disposition du théâtre
rendait indispensable le ravitaillement de tous les aéronefs
basés à terre et le nombre insuffisant de ravitailleurs
disponibles a été l'un des facteurs limitatifs du nombre de
frappes. Un conflit se déroulant sur un théâtre encore plus
éloigné ou l'existence d'une menace aérienne plus dense,
en rendant nécessaire la présence permanente et en plus grand
nombre d'avions de défense aérienne et de guerre
électronique consommerait encore davantage de capacités de
ravitaillement.
Parmi les autres insuffisances quantitatives, on retiendra celle concernant les
munitions
, qui a obligé à recourir à des achats aux
Etats-Unis pour le recomplètement des stocks, celle de
pods de
désignation laser
(PDLCT) capables d'opérer de nuit et celle
d'
hélicoptères
réellement spécialisés
dans la
récupération d'équipages
abattus dans les
lignes adverses. On note enfin les limitations de capacité de la force
aérienne de projection, en nombre d'appareils autant qu'en charge
offerte.
•
L'Armée de l'air ne disposera par ailleurs que dans
cinq ans de la totalité des munitions de précision
adaptées à ce type de gestion de crise.
En 78 jours, l'Armée de l'air a délivré 718 bombes dont
320 étaient des armements guidés laser permettant des tirs de
précision de jour comme de nuit à partir des Mirages 2000 D, et
de jour à partir des Jaguar et Mirage F1CT.
Les principales munitions guidées laser utilisées ont
été :
- la GBU 12 (Guided Bomb Unit) dont 187 exemplaires ont été
tirés. De fabrication américaine, elle est composée d'un
corps de bombe MK 82 (250 kg) et d'un kit de guidage laser ;
- la BGL
2(
*
)
1 000 kg, de
fabrication française est une munition de précision
destinée à détruire des objectifs " durcis ".
Elle souffre toutefois de certaines limitations d'emploi -domaine de tir, angle
d'arrivée sur la cible- et n'est plus fabriquée à ce jour.
- 6 missiles AS30L (Air Sol Laser).
Enfin, 398 bombes non guidées de 250 kg ont également
été tirées par les appareils de l'Armée de
l'air :
- 270 SAMPT 25 de fabrication française,
- 128 MK 82 américaines.
Ces armements ont pu être utilisés dans des conditions de
précision suffisantes et par tout temps grâce aux capacités
de navigation du Mirage 2000 D, permettant le tir sur coordonnées.
Les stocks de munitions de l'Armée de l'air ont été
suffisants pour réaliser les missions qui lui étaient
imposées. Il a toutefois été nécessaire de
prévoir la mise en oeuvre des protocoles d'accord permettant de recourir
aux réserves alliées, au cas où les opérations se
seraient prolongées et, en tout état de cause, il a
été nécessaire de procéder au recomplètement
des stocks.
Pour l'avenir, l'arrivée, à plus ou moins brève
échéance, dans les stocks de l'Armée de l'air, de
munitions de nouvelle génération -Armement Air Sol Modulaire AASM
(en 2004) et missiles de croisière aéroportés SCALP-EG
(2003) et APACHE (2001) lui permettront de détenir une palette
d'armements correspondant, au plus près, aux types de mission qui lui
seront imparties.
•
Des équipements nécessaires à brève
échéance
En matière de
guerre électronique
, la France ne dispose
d'aucun brouilleur offensif, dont la nécessité a
été démontrée au cours de la campagne
aérienne.
Parmi les autres capacités dont l'Armée de l'air ne disposait pas
ou pas encore, on peut citer les
drones
, qui se sont
révélés très utiles quand il était possible
de les intégrer dans l'ensemble des opérations, tant pour la
maîtrise des informations que le soutien aux actions offensives. Il faut
enfin citer les munitions capables d'être tirées par tout temps et
à distance de sécurité, objets de nombreux reports.
•
Des efforts restent nécessaires en matière de
renseignement
Certes, notre pays a disposé, seul parmi ses alliés
européens, au cours de la crise, de capacités autonomes
d'acquisition du renseignement fondé essentiellement sur le satellite
Hélios, les avions de reconnaissance et les drones.
Grâce aux informations ainsi recueillies, les autorités politiques
et militaires françaises ont bénéficié des
éléments d'information qui ont permis d'influer sur les
décisions qui ont pesé sur la sélection des objectifs. Ce
qui manque encore dans ce domaine, c'est la transmission des données en
temps réel, compte tenu de l'évolution rapide des situations qui
exige une prise de décision en temps utile. Or ce n'est qu'à
l'horizon 2004-2005 que les moyens de recueil de renseignements mis en oeuvre
par l'Armée de l'air, en particulier les drones, disposeront de cette
capacité.
S'agissant plus spécifiquement du renseignement d'origine image (ROIM),
le satellite Hélios a certes apporté une contribution très
appréciée par les équipages des avions de combat,
n'était le problème, déjà évoqué, du
délai d'accès à l'information. Un progrès notable a
été réalisé dans le cadre d'un programme d'urgence,
développé lors de l'opération, pour pallier cette
carence : la mise en place de deux stations " Pepite "
d'exploitation d'images Hélios, dont l'acquisition d'exemplaires
supplémentaires par l'Armée de l'air permettra d'optimiser
les missions des escadrons de combat et de reconnaissance et celles des
unités de transports ou de recherche et sauvetage au combat.
•
Les programmes accélérés
Le conflit du Kosovo a nécessité de lancer en urgence certains
programmes ou opérations d'armement pour se doter de capacités
indispensables. Ces " crash programmes " ont concerné deux
types d'opérations : soit l'accélération de
programmes en cours, soit le développement de capacités non
prévues initialement. On peut en tirer une double
appréciation : la première est que les choix faits,
même s'il a fallu en accélérer les réalisations,
étaient bons, la seconde permet de confirmer qu'un programme
retardé, qu'il faut réaliser dans l'urgence, coûte
finalement plus cher.
Le tableau ci-dessous donne la liste des actions effectuées dans ce
cadre et leur coût en millions de francs.
Opérations et programmes |
Dépenses prévues à moyen terme et anticipées en 1999 |
Dépenses nouvelles non prévues |
|
MUNITIONS |
845,20 |
2,50 |
|
Validation de la possibilité d'emport des bombes américaines GBU 12 3( * ) sur Mirage 2000 D |
16,20 |
|
|
Validation de la possibilité d'emport des bombes américaines GBU 16 1 sur Mirage 2000 D |
|
2,50 |
|
Acquisition d'adaptateurs bi-bombes sur M 2000 D |
17,00 |
|
|
Commandes de munitions (recomplètement des stocks) |
812,00 |
|
|
MOYENS OPERATIONNELS |
38,20 |
3,784 |
|
Acquisition de moyens d'éclairage secours pour cabine d'avion de combat |
0,30 |
|
|
Acquisition de 12 ensembles d'identification de cibles non coopératives pour M 2000 de défense aérienne |
16,00 |
|
|
Expérimentation et soutien technique de la nacelle de reconnaissance DESIRE |
2,00 |
|
|
Expérimentation des consoles d'interprétation liées à la nacelle DESIRE |
|
1,70 |
|
Intégration du système de navigation par satellite GPS sur F1 CR |
2,00 |
|
|
Intégration du système de navigation par satellite GPS sur Jaguar |
1,80 |
|
|
Adaptation de brouilleurs électronique d'autoprotection BARAX sur Mirage IV P |
6,00 |
|
|
2 stations autonomes d'exploitation (PEPITE) de images HELIOS |
|
2,084 |
|
Achat de 6 enregistreurs magnéto-optiques de mission à grande capacité pour système de commandement et de détection aéroporté |
5,00 |
|
|
Acquisition de 120 gilets pare éclats pour pilotes de chasse |
1,80 |
|
|
Gilets pare-balles |
3,30 |
|
|
MOYENS DE RECHERCHE ET SAUVETAGE |
8,04 |
0,60 |
|
Accrochage de cordes lisses et de rappel sur le Puma de recherche et de sauvetage |
0,04 |
|
|
Changement de tubes amplificateurs sur 20 jumelles de vision nocturne |
1,40 |
|
|
Acquisition de 20 jumelles de vision nocturne |
4,00 |
|
|
Adaptation du mode 4 (crypté) sur le système d'identification (IFF) des PUMA |
1,45 |
|
|
Adaptation de postes de radio cryptés sur PUMA |
|
0,60 |
|
Réalisation 125 harnais multi fonctions au profit des équipages de recherche et de sauvetage |
1,15 |
|
|
COMMANDEMENT ET TRANSMISSIONS |
10,25 |
9,21 |
|
Déploiement d'un système d'informations et de commandement sur le théâtre |
0,10 |
0,05 |
|
Mise en place d'un réseau de suivi des opérations aériennes au Kosovo depuis Taverny |
|
0,66 |
|
Moyens de transmission et d'environnement |
10,15 |
8,50 |
|
SOUTIEN |
54,60 |
0,80 |
|
Matériels et logiciels d'informatique générale |
|
0,80 |
|
Palettes et filets pour avions de transport tactique |
5,00 |
|
|
Matériels de campement |
3,60 |
|
|
Cuisines en container |
6,00 |
|
|
Chauffage à air pulsé |
1,40 |
|
|
Tenues de combat |
3,50 |
|
|
Ensembles intempéries |
6,20 |
|
|
Acquisition de structures de soutien projetables en matière d'infrastructure |
28,90 |
|
•
Un déploiement économe en personnels
Sur le plan des personnels, l'Armée de l'air aura
déployé, dans le cadre de " Force alliée ", un
total de 883 hommes répartis comme suit en fonction de la montée
en puissance des missions.
Trident Kosovo |
Officiers supérieurs |
Officiers subalternes |
Sous-officiers |
MTA |
Total |
1 er avril |
18 |
65 |
265 |
10 |
359 |
1 er mai |
32 |
122. |
355 |
46 |
591 |
1 er juin |
40 |
174 |
547 |
122 |
883 |
On
relèvera sur ce point que l'effectif global déployé par
l'Armée de l'air a été finalement assez limité
compte tenu du nombre d'appareils français engagés. La
comparaison avec les effectifs déployés par nos partenaires
allemands et britanniques est largement à notre avantage : si l'on
peut évaluer à 16 personnes l'effectif nécessaire par
avion français, il est de 26 pour l'Allemagne et de 43 pour le Royaume
Uni. Les caractéristiques du théâtre d'opérations
ont bien sûr contribué à cette économie en moyens
humains, conditions qui ne seront pas nécessairement transposables
à d'autres types de crise : utilisation de plates-formes
aéronautiques aux normes européennes, fourniture de l'essentiel
des soutiens opérationnels par l'Italie...
Pour autant, une prolongation du conflit au-delà des 78 jours
d'opérations aurait sans doute nécessité, de la part de
l'Armée de l'air, de redéfinir un nouveau dispositif de
déploiement des personnels, un seuil maximal d'activité ayant
été atteint lorsque fut mis un terme à l'opération
" Force Alliée ".