Projet de loi de finances pour 2000, TOME III - AIDE AU DEVELOPPEMENT

BRISEPIERRE (Paulette)

AVIS 92-TOME III (1999-2000) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES

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Table des matières




N° 92

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Par Mme Paulette BRISEPIERRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1805 , 1861 à 1866 et T.A. 370 .

Sénat : 88 et 89 (annexe n° 2 ) (1999-2000).

Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Il n'est pas excessif de le souligner, la stabilisation du budget du ministère des Affaires étrangères, après plusieurs années de baisse, a été obtenue au prix d'une nouvelle compression des crédits destinés à l'aide au développement.

La fusion des administrations des Affaires étrangères et de la Coopération dans le cadre de la réforme décidée en 1998 a ainsi joué en faveur du Quai d'Orsay et au détriment de la rue Monsieur.

Cette évolution n'est pas indifférente au regard des priorités diplomatiques de la France : elle annonce en effet une banalisation de la place de l'Afrique dans notre politique étrangère.

Une telle orientation est-elle conforme aux intérêts de la France ? Votre rapporteur ne le croit pas, comme il tentera de le montrer dans les pages qui suivent.

*

Le présent rapport évoquera d'abord le contexte général dans lequel s'inscrit l'action de la France. Il dressera ensuite un premier bilan de la réforme de la coopération et montrera enfin que les moyens financiers prévus par le budget 2000 sont loin des ambitions affichées.

*

* *

I. LE CONTEXTE GÉNÉRAL : UNE AIDE NÉCESSAIRE ET POURTANT MENACÉE

A. LA REMARQUABLE RÉSISTANCE DES PAYS DE LA ZONE FRANC À UNE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE TRÈS DIFFICILE POUR LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

L'évolution de la conjoncture économique internationale au cours des derniers mois confirme la confiance que votre rapporteur avait placée dans les perspectives de croissance des pays africains de la zone franc. En effet, d'après les estimations du FMI, la zone franc a enregistré une croissance de 5,5 % en 1998. Cette performance apparaît d'autant plus remarquable qu'elle s'inscrit dans un contexte très défavorable pour l'ensemble des pays en développement.

1. Les pays en développement, principales victimes du ralentissement de la croissance économique

D'après la Banque mondiale, les pays en développement ont connu, en 1998, le plus faible taux de croissance depuis la crise de la dette des années 80. Le taux de croissance par habitant devrait progresser seulement de 1,5 % en 1999 contre 1,8 % en 1998 (3,2 % en 1997). Quelque 36 pays -parmi lesquels le Brésil, l'Indonésie et la Russie- représentant 42 % du PIB mondial et plus du quart de la population de la planète subiront une baisse du revenu par habitant. Si les chocs financiers provoqués par les crises asiatique, russe et brésilienne ont joué le rôle d'élément déclenchant de la crise, la baisse de 12 %, en moyenne, du prix des matières premières non pétrolières représente un facteur déterminant du prolongement de la crise actuelle. Crise aujourd'hui aggravée par le tarissement du flux de capitaux privés vers les pays en développement qui ont régressé de moitié entre 1997 et 1998 et devraient encore reculer en 1999.

Le ralentissement de la croissance présente des conséquences souvent dramatiques pour la population : en Indonésie, où la production a reculé de 13 % en 1998, 14 à 20 % de la population connaîtraient un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté -en Russie, 20 % de la population vivaient dans la pauvreté selon les indicateurs rendus publics par la Banque mondiale en avril dernier.

Dans un tel contexte, la croissance de la zone franc prend un relief particulier.

2. Les pays de la zone franc : un pôle de croissance dans un continent en crise.

L'évaluation par le FMI de la croissance dans les pays de la zone franc pour 1998 retient les taux suivants, même si ces moyennes recouvrent des situations très disparates selon les pays :

- 4,9 % dans l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) -Sénégal, Guinée-Bissau, Mali, Burkina Faso, Côte-d'Ivoire, Niger, Togo et Bénin ;

- 5,8 % dans la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) -Cameroun, Tchad, République centrafricaine, Gabon, Guinée équatoriale, Congo-Brazaville.

Cette croissance devrait se prolonger en 1999 avec un taux de 6 % pour l'UEMOA et de 4,4 % pour la CEMAC. Même si ces prévisions restent toujours sujettes à caution, il ne fait pas de doute que les performances de la zone franc dépassent celles des autres pays africains : 5,5 % en 1998 contre 2,8 % pour l'ensemble de l'Afrique subsaharienne.

L'évolution favorable attendue en 1999 pour la zone franc confirme ainsi la tendance enregistrée depuis la dévaluation du franc CFA en janvier 1994. Depuis cette date, en effet, la croissance du PIB dépasse, pour de nombreux pays, le taux de croissance démographique (2,9 % en moyenne).

Toutefois, si les pays de la zone avaient su tirer le meilleur parti jusqu'en 1997 d'une conjoncture plutôt favorable (bonne tenue des cours des matières premières, relative stabilité du marché des changes - en particulier le rapport entre franc français et dollar américain), ils se trouvent désormais dans un contexte désormais défavorable.

Le maintien de la croissance n'en apparaît que plus remarquable.

. Un contexte désormais moins favorable

La conjoncture économique générale a été affectée par la baisse du cours de certaines matières premières. Elle a été encore aggravée, pour les pays africains, par de mauvaises conditions climatiques -dont les conséquences n'ont pas seulement pesé directement sur les campagnes agricoles mais aussi sur l'activité des industries placées sous la dépendance d'installations hydroélectriques pour leur approvisionnement énergétique- et la récurrence des troubles politiques dans certains Etats -Guinée Bissau ou Congo-Brazzaville.

. Les éléments d'une croissance durable

Le maintien d'une croissance forte au-delà du retournement de la conjoncture économique s'explique par la conjonction de différents facteurs.

En premier lieu, les pays de la zone franc sont restés à l'écart des grands mouvements spéculatifs internationaux.

Ensuite, depuis la dévaluation du franc CFA, les pays de la zone se sont efforcés d' assainir les finances publiques par la maîtrise des dépenses salariales et une plus grande rigueur dans l'administration fiscale. Par ailleurs, l'inflation a été contenue à 3,2 % alors qu'elle s'élevait à 10 % pour l'ensemble de l'Afrique subsaharienne en 1998. Des réformes de structure ont été engagées, l'intégration régionale a été approfondie. Une bourse régionale des valeurs mobilières de l'UEMOA s'est ainsi ouverte en 1998 à Abidjan, premier exemple de bourse transnationale dans le monde.

En troisième lieu, les pays de la zone franc se sont distingués en suscitant un flux croissant de capitaux privés , même si les montants restent encore modestes en 1998. Ainsi, les flux nets de capitaux privés non monétaires vers l'UEMOA ont atteint 199,5 milliards de francs CFA en 1998 contre 19,2 en 1997 et un flux négatif en 1996. Les flux nets de capitaux privés vers la CEMAC se situent à un niveau plus élevé en raison des investissements pétroliers et présentent également une plus grande régularité. Ils se sont accrus en 1998 (malgré la baisse du prix du pétrole) -les capitaux privés à long terme passant de 319 milliards de francs CFA en 1997 à 340 milliards de francs CFA.

Cette tendance pourrait se confirmer en 1999 et les flux nets de capitaux privés vers l'ensemble de la zone franc frôler le milliard de dollars.

Une telle évolution s'explique, d'une part, par la stabilité que confère la garantie d'un taux de change fixe entre le franc -aujourd'hui l'Euro- et le F CFA et, d'autre part, par la confiance qu'inspire aux investisseurs privés la signature d'accords entre les pays de la zone franc et le FMI (11 pays sur les 14 qui forment la zone franc avaient ainsi conclu un accord avec le FMI). Les flux d'investissements ne peuvent enfin qu'être encouragés par une croissance qu'ils contribuent à alimenter. Il y a là les prémices d'un cercle vertueux.

Toutefois, ces flux sont loin d'être à la mesure des besoins des pays intéressés. La sécurité juridique des investissements, même si elle a progressé, doit impérativement être renforcée .

Par ailleurs, les économies apparaissent encore bien vulnérables. La dépendance excessive à l'égard d'un nombre limité de produits primaires constitue autant d'hypothèques pour la pérennité de la croissance.

Il n'en reste pas moins que malgré un environnement général défavorable, les pays de la zone franc bénéficient en 1998 et 1999 de l'un des plus forts taux de croissance économique au monde et démentent ainsi la vision caricaturale, souvent dénoncée par votre rapporteur, d'un continent africain uniformément plongé dans le sous-développement.

B. LA RÉCURRENCE DES FACTEURS DE FRAGILITÉ

1. Le poids paralysant des guerres

Le développement économique de l'Afrique reste encore, pour une large part, entravé par la permanence des conflits. Même si, hélas, les guerres font partie du paysage quotidien du continent depuis la décolonisation, ces conflits ont changé de nature au cours des décennies. Les initiatives prises par les Etats africains avec le soutien de la communauté internationale pour lutter contre l'un des maux endémiques du continent apparaissent encore d'une portée limitée.

a) L'Afrique face à un nouveau type de conflit

Dans les années 60, les conflits africains résultaient pour une large part de la lutte pour l'indépendance. Dans les deux décennies suivantes, les situations de belligérance -certes parfois provoquées par une décolonisation tardive comme ce fut le cas pour l'Angola et le Mozambique- eurent pour toile de fond l'antagonisme idéologique entre les Etats-Unis et l'URSS.

Après la fin de la guerre froide, si le continent africain n'a plus servi d'exutoire à la rivalité Est-Ouest, il n'en est pas moins resté le théâtre de guerres répétées. Ces dernières, une fois tombés les oripeaux de l'idéologie, sont apparues telles qu'elles n'avaient peut-être jamais cessé d'être : le produit des rivalités d'ambitions, avec pour ressort profond la revendication d'une prépondérance pour telle ou telle ethnie.

D'après l'Institut de recherche sur la paix de Stockholm, sur 27 conflits armés majeurs recensés en 1998, 11 se déroulaient en Afrique. En outre sur les 7 conflits les plus meurtriers, figurent 5 pays africains : l'Algérie, le Soudan, la République démocratique du Congo (RDC), la Sierra Leone et le Rwanda.

La crise de l'Afrique des grands lacs présente un concentré du nouveau type de conflits que connaît le continent : une logique belliqueuse commandée avant tout par des préoccupations régionales, le poids des solidarités ethniques, le contrôle de ressources naturelles comme enjeu majeur -sinon toujours avoué- de la guerre et enfin, un désengagement des puissances occidentales, avec pour corollaire l'impuissance relative du Conseil de sécurité.

Aujourd'hui, une vaste zone d'instabilité s'étend de la Corne de l'Afrique à l'Afrique centrale.

Les conflits actuels en Afrique, présentent deux traits caractéristiques. D'une part ils sont marqués par la participation de combattants de plus en plus jeunes qui trouvent dans la guerre non seulement le moyen de se procurer leur subsistance, mais aussi un exutoire à leurs frustrations face à un système politique souvent figé : le choix des armes peut constituer pour les nouvelles générations la meilleure voie de l'ascension sociale.

D'autre part, ils offrent un champ d'intervention pour les sociétés privées qui apportent leur concours en armes ou en mercenaires, contre une rémunération ou la promesse d'avantages en nature (concessions minières par exemple). Ce phénomène de " privatisation " des conflits peut expliquer la prolongation de conflits en dehors de toute logique politique ou diplomatique.

La succession des conflits se traduit par un nombre accru de réfugiés . L'Afrique possède en effet le triste privilège de compter un réfugié sur trois dans le monde (environ 5,9 millions de personnes). Encore ces données ne prennent-elles pas en compte les personnes déplacées au sein même de leur pays (soit quelque 15 millions d'individus).

L'afflux des étrangers représente naturellement pour les pays voisins un facteur de déstabilisation.

b) Des initiatives encore limitées

Face à la permanence des conflits, les réponses sont encore limitées.

Les rêves d'unité africaine -dont le colonel Kadhafi s'est fait l'écho lors du sommet extraordinaire de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en septembre dernier à Tripoli- relèvent d'une rhétorique qui paraît résister au temps, même si elle n'a trouvé aucun début de traduction.

Il faut toutefois prendre acte de la prise de conscience réalisée lors du 35 e sommet de l'OUA à Alger en juillet 1999 par une quarantaine de chefs d'Etat et de gouvernement sur les conséquences dramatiques de la récurrence des conflits sur le continent. Les organisations régionales constituent un cadre possible pour favoriser un règlement de certains conflits : ainsi le sommet de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) a tenté en août 1999 d'élaborer une solution de règlement au conflit en RDC. Mais ces tentatives se soldent souvent par un échec : les efforts de l'OUA pour résoudre le conflit territorial entre l'Erythrée et l'Ethiopie sont restés vains.

Confrontés à ces échecs répétés, les pays africains peuvent trouver dans le renforcement des capacités militaires de maintien de la paix une voie peut-être plus efficace pour réduire les situations de belligérance sur le continent. Cette orientation apparaît encore récente. Elle suppose le soutien financier et technique des pays occidentaux. Les propositions en la matière sont venues principalement de la France. C'est désormais pour votre rapporteur une dimension essentielle de notre coopération.

Longtemps thème d'une rhétorique sans grands effets, le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix a connu un élan incontestable au cours de la période récente.

En premier lieu, il s'inscrit désormais dans une démarche multilatérale associant la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Ces trois pays sont convenus en mai 1997 de promouvoir un cadre institutionnel ouvert à tous les pays intéressés et destiné à coordonner, sous l'égide des Nations unies et de l'Organisation de l'unité africaine, les efforts de la communauté internationale en faveur du renforcement des capacités africaines de maintien de la paix en Afrique. Ainsi le dispositif s'articule-t-il autour de deux groupes :

- un groupe ouvert à tous les Etats intéressés assure l'échange des informations et met en regard les offres et les demandes ; le secrétariat en est assuré par le département des opérations de maintien de la paix des Nations unies (la première réunion de ce groupe s'est tenue à New York le 5 décembre 1997, à l'initiative du secrétariat des Nations unies, en présence d'une centaine de délégations) ;

- des groupes ad hoc limités à quelques pays et formés de manière ponctuelle pour organiser un exercice multilatéral de maintien de la paix, équiper un bataillon ou créer un centre régional de formation au maintien de la paix. Certains de ces groupes, les plus actifs sans doute, prendront une dimension régionale.

En second lieu, la France a, pour sa part, clairement marqué une priorité pour le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix en consacrant à ce domaine près de 20 % des crédits dévolus à la coopération militaire. Le programme RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix), pendant du projet américain ACRI ("African crisis response initiative" -quelque 15 millions de dollars en 1998 principalement consacrés à la formation au maintien de la paix de 8 bataillons dans 7 pays africains) s'inscrit dans le cadre de l'accord de mai 1997.

Il recouvre trois types d'initiatives :

- le prépositionnement à Dakar, en janvier 1998, du matériel nécessaire à l'équipement d'un bataillon africain de maintien de la paix (ce matériel, stocké au sein des forces françaises, n'est pas réservé à l'usage exclusif de l'armée sénégalaise mais peut bénéficier à tous les pays de la sous-région à l'occasion d'un exercice ou d'une opération de maintien de la paix) ;

- le déroulement, à la fin du mois de février 1998, de l'exercice franco-africain de maintien de la paix "Guidimakha 98 " rassemblant près de 3 000 soldats africains et 500 militaires français à la frontière du Sénégal, du Mali et de la Mauritanie ;

- la création en Côte d'Ivoire, à 20 kilomètres de Yamoussoukro, d'un centre de formation au maintien de la paix qui a aussi vocation à s'ouvrir aux pays anglophones. Inauguré en mai 1999, il a accueilli ses premiers stagiaires en août pour une formation d'observateurs dans le cadre d'opérations de maintien de la paix. En septembre de cette année, un stage de huit semaines, destiné aux officiers, concernait l'exercice de responsabilités au sein d'un état-major de niveau bataillon ou brigade multinationale.

Le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix apparaît comme le champ privilégié d'une coopération multilatérale dont toutes les possibilités n'ont d'ailleurs pas été encore utilisées. Ainsi, au delà même de la concertation au sein des groupes réunis sous l'égide des Nations unies, la coopération pourrait porter sur des initiatives concrètes telles que les exercices communs dont le coût justifierait un financement conjoint de plusieurs bailleurs de fonds . Une telle possibilité devrait être mise à l'étude dans la perspective des exercices multinationaux planifiés par la France tous les deux ans :

- un exercice en l'an 2000 au Gabon qui pourrait regrouper les pays volontaires membres du comité consultatif permanent des Nations unies pour les questions de sécurité en Afrique centrale 1( * ) ;

- un exercice en 2002 en Afrique de l'Est qui se déroulerait à Djibouti.

2. Le fardeau de la dette

a) Un niveau d'endettement stabilisé

Le poids de la dette constitue encore une entrave indéniable au développement des pays du sud. Au 31 décembre 1997, l'encours de la dette totale des pays en développement représentait 1 654 milliards de dollars contre 1 678 milliards de dollars l'année précédente. La relative stabilité de la dette s'explique en partie par les opérations de réorganisation consenties par les créanciers publics et privés et l'octroi de nouveaux financements en contrepartie des remboursements effectués.

La dette de l'Afrique subsaharienne s'élevait à 219,45 milliards de dollars au 31 décembre 1997, soit une baisse de 4,5 % par rapport au montant enregistré le 31 décembre 1996 -diminution explicable par les mesures d'annulation consenties par les créanciers publics et privés et l'octroi de nouveaux financements, sous forme de dons de la part des créanciers publics pour les pays les plus pauvres.

Poids de la dette pour les pays de la zone franc

 

Ratio service de la dette rapportée

 

au PNB

aux exportations

Bénin

Burkina Faso

Côte d'Ivoire

Guinée Bissau

Mali

Niger

Sénégal

Togo

Cameroun

Centrafrique

Congo

Gabon

Guinée équatoriale

Tchad

Comores

3,2 %

2,1 %

6,8 %

17,8 %

1,7 %

1,5 %

5,4 %

3,4 %

3,8 %

0,9 %

19,8 %

8,0 %

3,8 %

1,2 %

17,0 %

13,3 %

15,2 %

13,3 %

165,3 %

8,2 %

10,1 %

19,5 %

15,4 %

16,0 %

5,2 %

21,2 %

11,6 %

3,8 %

8,7 %

38,0 %

Les chiffres fournis sont ceux de 1997 et tiennent compte des rééchelonnements accordés à certains pays par leurs créditeurs.

b) Les efforts des créanciers

L'année 1996 avait marqué un tournant dans la stratégie adoptée par les pays créanciers à l'égard de la dette des pays en développement. En effet, l'initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE ou, en anglais, HIPC -" high indebted poor countries "), adoptée dans le prolongement du sommet du G7 à Lyon a innové à un double titre :

- d'une part, elle a prévu une réduction du stock de la dette et non plus seulement des échéances, pouvant atteindre 80 % ;

- d'autre part, elle a intégré dans l'assiette du montant de la dette réexaminée, outre les créances commerciales garanties et les créances bilatérales publiques, la dette multilatérale contractée auprès des institutions de Bretton-Woods.

La part des créances multilatérales dans les stocks de dette avait, en effet, fortement augmenté au cours de la dernière décennie à la suite de la multiplication des programmes conclus avec le FMI et la Banque mondiale et des annulations de dette bilatérale.

Toutefois, la montée en puissance de la nouvelle procédure a été jugée excessivement lente par les pays débiteurs. Par ailleurs, les critères d'éligibilité sont apparus trop sévères tandis que le délai (6 ans) pour parvenir à une réduction effective du stock de la dette semblait excessif. Enfin, le pourcentage de réduction, même dans le cas d'une réduction de 80 %, était estimé trop sévère. L'initiative concernait en principe quarante-et-un pays dont la dette représentait, en 1996, 167 milliards de dollars. Seuls 23 pays, cependant, étaient effectivement éligibles et l'endettement de 8 d'entre eux, reconnu insoutenable.

C'est pourquoi les pays occidentaux ont été conduits à reprendre l'initiative. La France a ainsi proposé au sommet du Groupe des sept pays les plus industrialisés (G7) à Cologne en juin 1999, un plan articulé autour de trois volets.

Pour les pays éligibles à l'initiative PPTE, Paris a proposé d'annuler pour une génération à venir (30 ans) le service de la dette publique (intérêt et capital) et de ne plus leur accorder que des dons. Pour les créances commerciales traitées devant le Club de Paris, la France a proposé d'aller au-delà du taux actuel d'annulations des dettes de 80 %, dites termes de Lyon.

Le second volet concerne les pays non éligibles à l'initiative PPTE mais confrontés à un endettement important. Ces pays bénéficieraient d'un taux de réduction des créances commerciales de 67 % au lieu de 50 % (sous réserve de satisfaire aux conditions d'éligibilité fixées lors du sommet du G7 à Naples en 1994).

Enfin les autorités françaises ont également proposé d'augmenter les possibilités de conversion de dettes en investissements pour les pays à revenu intermédiaire non éligibles à des réductions de dettes. Aujourd'hui, 20 % seulement des encours de dette peuvent être " rachetés " par des investisseurs étrangers pour financer des projets d'investissements. Ce seuil pourrait être porté de 40 à 45 % au bénéfice de pays comme le Maroc ou l'Egypte.

La France a toutefois posé deux conditions à la mise en oeuvre de ces mesures. D'abord, la charge doit en être équitablement répartie entre les pays riches en fonction de leurs revenus respectifs (il ne serait pas juste en effet que l'effort pèse davantage sur la France -0,45 % du PIB consacré à l'aide publique- que sur les Etats -0,12 % du PIB pour l'aide au développement).

En outre, les pays bénéficiaires doivent se montrer exemplaires en matière de gestion économique et sociale et les marges de manoeuvre ainsi dégagées doivent être employées aux dépenses de développement.

Les mesures adoptées par le sommet de Cologne du 18 juin dernier apparaissent cependant en retrait par rapport à ces propositions. Certes, l' " initiative de Cologne " a prévu une annulation de 65 milliards de dollars de dettes pour les pays les plus pauvres et l'extension de critères d'éligibilité à dix nouveaux pays 2( * ) en sus des 41 déjà concernés. En effet, la dette totale de chacun des bénéficiaires devrait représenter plus de 150 % de leurs recettes d'exportation contre 200 % à 250 % requis jusqu'alors par l' " initiative de Lyon ".

L'application de ces mesures peut cependant revêtir un caractère paradoxal.

Ainsi, si Haïti n'est pas suffisamment endettée pour bénéficier des mesures d'allégement de dette, la Côte d'Ivoire, en revanche, dont la dette (12,5 milliards de dollars -9,5 milliards au titre de l'aide publique au développement) correspond à 274 % des recettes d'exportation, pourrait bénéficier d'un allégement annuel de 480 millions de dollars, soit 10 % de son PIB.

Le coût total du dispositif pour la France a été évalué à quelque 40 milliards de francs.

C. LES RISQUES D'UN DÉSENGAGEMENT

1. L'aide publique au développement en procès

a) Un constat : la baisse continue de l'aide au développement

Le développement des pays du sud ne saurait seulement reposer sur les investissements privés. Les flux de capitaux privés vers les pays émergents ont chuté de moitié en 1998 . Sous le coup des crises financières asiatique, russe et brésilienne, ils sont en effet passés de 149,2 milliards de dollars à 64,3 milliards de dollars. Le rapport du FMI prévoit une reprise modeste en 1999 sur les marchés internationaux des capitaux.

Les cinq pays asiatiques les plus touchés par la crise (Indonésie, Thaïlande, Malaisie, Corée et Philippines) ont subi des sorties nettes de capitaux évaluées à 46,2 milliards de dollars (soit 7 % de leur PIB).

En Amérique latine, les flux ont reculé de 87,3 milliards de dollars à 69 millions de dollars. En Afrique, ils sont passés de 16,3 milliards de dollars à 10,3 milliards de dollars. Toutefois, hors l'Afrique du sud où les effets conjugués du ralentissement du programme de privatisation et de la crise ont entraîné une réduction des entrées, les flux d'investissements directs ont progressé, passant de 7,7 milliards de dollars en 1977 à 7,9 milliards de dollars en 1998. Ils ne représentent toutefois que 5 % des investissements destinés aux pays en développement.

L'aide au développement demeure donc indispensable. Or, elle a encore baissé au cours de l'année 1998.

L'aide publique au développement de la France et des pays du G7

ANNEES

1993

1994

1995

1996

1997

 

1998

 

PAYS

En volume Millions de dollars

% du PIB

En volume Millions de dollars

% du PIB

En volume Millions de dollars

% du PIB

En volume Millions de dollars

% du PIB

En volume Millions de dollars

% du PIB

En volume Millions de dollars

% du PIB

FRANCE

7 915

0,63

8 466

0,64

8 443

0,55

7 451

0,48

6 306

0,45

5 818

0,4

JAPON

11 258

0,27

113 239

0,29

14 489

0,28

9 439

0,2

9 358

0,22

10 683

0,28

ALLEMAGNE

6 937

0,36

6 818

0,34

7 524

0,31

7 601

0,33

5 913

0,28

5 589

0,26

ETATS-UNIS

9 721

0,15

9 927

0,14

7 367

0,01

9 377

0,12

6 168

0,08

8 130

0,1

ROYAUME-UNI

2 908

0,31

3 197

0,31

3 157

0,28

3 199

0,27

3 371

0,26

3890

0,28

CANADA

2 373

0,45

2 250

0,43

2067

0,38

1795

0,32

2 146

0,36

1 684

0,29

ITALIE

3 043

0,31

2 705

0,27

1 623

0,15

2 416

0,2

1 231

0,11

2 356

0,2

Total CAD

55 941

0,3

59 156

0,3

58 882

0,27

55 438

0,25

47 580

0,22

51 648

0,24

* Chiffres provisoires

L'effort consacré par les principaux bailleurs de fonds -regroupés au sein du comité d'aide au développement (CAD)- s'est réduit au cours des six dernières années. Il est ainsi passé de 0,3 % du PIB en 1993 à 0,24 % en 1998. Le montant global de l'aide française s'est également contracté : 33,9 milliards de francs en 1998 -soit 0,40 % du PNB- contre 36,8 milliards de francs en 1997 -soit 0,45 % du PNB. La France reste toutefois le deuxième contributeur en volume -derrière le Japon- et le premier pour l'aide rapportée au PIB parmi les pays du G7.

La baisse s'explique par le poids des contraintes budgétaires, mais aussi par la défiance croissante vis-à-vis du principe même de l'aide en vertu de l'axiome américain bien connu -" trade, not aid ". Cette nouvelle approche, même si elle dissimule bien des égoïsmes nationaux, s'est aussi nourrie des résultats souvent décevants de l'aide au développement.

Aussi, pour enrayer le désengagement des bailleurs de fonds conviendra-t-il d'abord de relégitimer l'aide au développement en en améliorant l' efficacité.

b) Les conditions d'une aide plus efficace

. Relégitimer l'aide au développement

La Banque mondiale a apporté une contribution importante à la réflexion sous la forme d'un rapport " Evaluer l'aide, ses succès, ses échecs, ses raisons ". Ce document a été commandé en 1995 dans le contexte d'une forte réduction de l'aide au développement ; il vise à justifier l'aide au développement en en soulignant l'impact potentiellement favorable sur la croissance et la lutte contre la pauvreté dans les pays bénéficiaires.

L'étude présente trois conclusions majeures.

D'une part, elle met en lumière une indéniable corrélation entre l'efficacité de l'aide au développement et le type de politique économique mis en oeuvre par les Etats concernés ; l'aide contribuerait à la croissance des seuls pays engagés dans de véritables réformes de structures : mise en place d'une Etat de droit, assainissement des fondamentaux économiques, libre-échange. Dans les pays rétifs aux réformes, l'aide aurait en revanche encouragé " l'incompétence, la corruption et les mauvaises politiques ".

D'autre part, sur la base de ce constat, le rapport préconise un renversement de la logique de " conditionnalité " privilégiée par les institutions financières internationales. Plutôt que d'accorder d'emblée une aide financière aux pays les plus pauvres, de les conduire à adopter les réformes nécessaires et de réduire ensuite l'aide au vu des progrès observés, il conviendrait d'appuyer les Etats déjà engagés dans les réformes de base et d'accroître le volume de l'aide financière en fonction des transformations accomplies. Ce changement d'optique permettrait de responsabiliser davantage les pays bénéficiaires et de leur redonner la maîtrise de leur développement.

Enfin, les auteurs du rapport estiment qu'en concentrant l'enveloppe financière actuelle de l'APD -soit quelque 10 milliards de dollars- sur les pays en développement dont l'économie est saine, il serait possible de faire " reculer la pauvreté ", non plus de 7 mais de 25 millions de personnes. En effet, 32 pays (Inde, Bolivie, Ouganda, Chine...) dont la moitié de la population se situe au-dessous du seuil de pauvreté présentent, d'après le rapport, les garanties nécessaires à une aide efficace. Dans ces pays, un dollar d'aide extérieur attirerait deux dollars d'investissement.

Selon cette logique, une aide de 300 milliards de dollars, soit 1 % seulement du PIB mondial, permettrait de faire reculer radicalement la pauvreté dans le monde.

Certes, le rapport laisse prise à certaines critiques. Il donne peu d'indications pratiques sur les moyens d'apprécier la qualité des politiques conduites. Il ne prend pas en compte l'influence de l'environnement régional alors même que la proximité de pays en crise constitue un facteur déstabilisant pour des pays " vertueux ". Il ne permet pas de dégager d'orientations opérationnelles vis-à-vis des Etats qui ne respectent pas les critères énoncés. Toutefois, il met en avant des considérations d'efficacité qui mériteraient d'être méditées par la coopération française.

. Renforcer la coordination des bailleurs de fonds

L'efficacité de l'aide passe également par une meilleure coordination des bailleurs de fonds. Dans le contexte général de diminution de l'aide, cet effort s'impose avec une plus grande acuité encore.

Par vocation, les institutions multilatérales devraient fournir le cadre privilégié de la coordination entre les différents bailleurs de fonds. La situation n'est toutefois pas si simple car ces organisations ne constituent pas seulement des instances de concertation, elles sont aussi de part les fonds dont elles sont les dépositaires des acteurs de l'aide au développement. A ce titre, elles peuvent suivre une logique propre assez différente des orientations adoptées dans un cadre bilatéral.

Au cours des dernières années, ces organisations ont toutefois tenté de mettre en place des procédures adaptées.

La coordination au sein de l'Union européenne soulève encore des difficultés. Certes, le principe est reconnu depuis Maastricht dans le traité instituant la communauté européenne (article 130). Dès 1993, le conseil des ministres chargés de la coopération a engagé une expérience pilote dans six pays bénéficiant des différents programmes communautaires (Côte d'Ivoire, Mozambique, Ethiopie, Pérou, Costa-Rica et Bangladesh). Il reste toutefois beaucoup à faire pour traduire ces exigences dans les faits. Le succès en la matière dépend beaucoup des relations personnelles nouées entre les acteurs locaux de l'aide au développement. C'est là laisser une trop grande part aux hasards des affinités et des tempéraments. Aussi le Conseil a-t-il arrêté en février 1998 des " orientations pour le renforcement de la coordination opérationnelle ". Elles prévoient notamment l'organisation de réunions régulières sur place, le développement des échanges d'information sur les politiques, la possibilité de conduire des études, des analyses, des évaluations et, le cas échéant, des programmes communs.

A une échelle plus large, la Banque mondiale a également cherché à mettre en place des structures de coordination adaptées. Elle assure ainsi le secrétariat du programme spécial d'assistance à l'Afrique conçu initialement pour coordonner l'efficacité des aides à l'ajustement structurel et devenue, depuis lors, une instance de réflexion et de concertation destinée à renforcer les programmes d'aide. Elle a aussi lancé des initiatives plus sectorielles avec le partenariat mondial pour l'eau, un programme pour l'énergie, ou encore le groupe consultatif pour la recherche agronomique internationale...

Par ailleurs, le président de la Banque mondiale a proposé à la communauté internationale d'adopter un " cadre de développement intégré " destiné à réunir dans un même document pour un pays donné les stratégies et l'action des divers opérateurs publics nationaux et internationaux, privés, non gouvernementaux. La démarche ne manque toutefois pas d'ambiguïté : la forte implication des services de la Banque pourrait conduire à soupçonner cette institution, sous couvert du nécessaire renforcement de la coordination, de vouloir contrôler les politiques bilatérales mises en oeuvre.

Ainsi l'équilibre entre coordination et contrôle ne semble pas encore avoir été trouvé .

En outre, les instances de concertation associent encore trop peu les pays en développement eux-mêmes. La coordination des donateurs sera-t-elle à terme assurée par le pays bénéficiaire ? Il faudrait alors passer d'une politique d'offre de coopération à une stratégie de réponse à une demande de coopération -comme le préconisent du reste les pays membres du comité d'aide au développement (CAD) au sein de l'OCDE. Une telle évolution s'inscrirait dans la logique de responsabilisation des pays en développement recommandée par le rapport de la Banque mondiale analysé précédemment.

Les pays en développement ont souvent regretté les difficultés de gestion liées à la multiplication des interventions des donateurs. Ils ont contesté, par ailleurs, l'inégalité introduite au sein de leurs administrations par la coexistence d'agents rémunérés différemment selon qu'ils appartiennent à la fonction publique ou qu'ils émargent à des projets d'aide au développement. L'accueil et l'information de nombreuses missions d'identification, d'instruction et d'évaluation des projets représentent souvent, enfin, une lourde charge : ils mobilisent cadres et services. Une plus grande concentration des interventions permettrait sans doute de substantielles économies de temps et de moyens.

A échéance moins lointaine, les modalités d'intervention pourraient dépasser la distinction entre l'aide projet et l'aide à l'ajustement dans les domaines sectoriels. La voie budgétaire servirait au financement de programmes de développement dont la mise en oeuvre incomberait directement aux Etats. Cette évolution supposerait non seulement le respect des procédures budgétaires et comptables des pays en développement mais aussi un contrôle rigoureux des dépenses publiques. En tout état de cause, elle ne peut s'appliquer qu'aux pays largement engagés dans le processus de réformes.

2. La renégociation des accords de Lomé : un enjeu décisif pour l'avenir de l'aide au développement

a) Une renégociation imposée

En février 2000, les accords de Lomé signés en 1975 entre les pays de l'Union européenne et les 71 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) arrivent à échéance. Pourront-ils être renouvelés comme ils l'avaient été jusqu'à présent tous les cinq ans ?

L'enjeu est d'importance car ces accords constituent le cadre principal de l'aide au développement de l'Union européenne, elle-même fournisseur du quart des contributions multilatérales au développement. Cette aide, rappelons-le, repose sur trois piliers : un régime commercial très avantageux (liberté d'accès au marché européen sans obligation de réciprocité pour la quasi-totalité des exportations), des mécanismes de stabilisation de recettes à l'exportation, une aide financière, enfin, accordée principalement sous forme de dons dans le cadre d'une programmation pluriannuelle.

Or les éléments fondateurs des accords de Lomé font aujourd'hui l'objet d'une double remise en cause. D'une part, l'octroi d'un traitement préférentiel sous la forme de tarifs douaniers plus favorables pour un nombre limité de pays contredit la clause de la nation la plus favorisée, règle fondamentale de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Certes, aux termes des règles de l'OMC, des avantages commerciaux peuvent être consentis entre un nombre déterminé d'Etats mais ils doivent l'être alors sur une base réciproque. Aujourd'hui le régime de relations asymétriques entre les pays ACP et l'Union européenne bénéficie, jusqu'en 2000, d'une dérogation. Après cette date, le système devra nécessairement être revu.

D'autre part, au-delà de cet argument juridique, les accords de Lomé n'ont pas répondu entièrement à leurs objectifs. En effet, malgré les préférences commerciales octroyées, les importations des ACP vers les Quinze sont tombées de 6,7 % en 1976 à 3,4 % en 1997. L'aide n'a pas vraiment servi de vecteur à une diversification de l'économie des pays en développement. Ces derniers, à l'exception de l'île Maurice, peut-être, n'ont pas réellement développé d'activités de transformation et demeurent tributaires de l'exportation d'un nombre limité de produits primaires.

Il apparaissait ainsi difficile, à l'expiration de la cinquième convention de Lomé, de se borner à reconduire le dispositif existant. Par ailleurs la renégociation de ces accords s'est engagée dans un contexte difficile. En premier lieu le mouvement de libéralisation des échanges tend à réduire l'intérêt d'un système de préférence commerciale. Ensuite, les pays de la zone ACP apparaissent peut-être moins comme une priorité au moment où l'Union européenne se prépare au défi de l'élargissement vers les pays d'Europe centrale et orientale. Ainsi, il faut le rappeler, la part accordée à l'Afrique subsaharienne dans les financements communautaires est passée de 70 % de l'aide extérieure de l'Union dans les années 70, à 40 % au cours de la présente décennie.

Dans un contexte difficile, l'essentiel a toutefois pu être sauvegardé : grâce à l'appui déterminant de la France, il importe de le souligner, le principe du maintien d'un partenariat privilégié entre l'Union européenne et la zone ACP a été reconnu dans le mandat de négociation confié à la Commission dans la perspective de l'ouverture des discussions avec les pays ACP. L'Union européenne a ainsi proposé trois nouvelles orientations :

- le renforcement de la dimension politique du partenariat afin d'y intégrer notamment la prévention des conflits,

- l'évolution du système des préférences commerciales non réciproques vers des accords liant l'Union européenne avec des régions ou des sous-régions, fondés sur une libéralisation progressive des échanges à l'issue d'une période de transition,

- la simplification et le renforcement de l'efficacité de l'aide au développement à travers une programmation par pays et la prise en compte de critères de performances dans l'allocation des ressources.

b) Les questions en suspens

Les négociations engagées le 30 septembre 1998 à Bruxelles se sont poursuivies dans le cadre de la première conférence ministérielle à Dakar les 8 et 9 février dernier. Une deuxième conférence s'est tenue à Bruxelles en juillet et a permis d'avancer sur plusieurs dossiers. Toutefois, le débat reste aujourd'hui ouvert sur quatre sujets essentiels pour l'avenir de la relation Union européenne-ACP.

. Le contenu et la portée des " éléments essentiels " de la convention

Aujourd'hui le respect des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la démocratie représentent des " éléments essentiels " de la convention. A ce titre, leur violation entraîne la suspension partielle ou la non-exécution des accords de coopération (art. 366 bis de la convention). En la matière les discussions portent sur deux points : d'une part, la revendication des Etats ACP -récusée par les Quinze- de décider à parité avec les Quinze des sanctions adoptées ; d'autre part, les réticences des pays ACP à reconnaître la " bonne gestion des affaires publiques " parmi les éléments essentiels de la convention. Ces préventions, qui ne sont d'ailleurs pas sans fondement, pourront être levées quand seront davantage précisés les contours, pour l'heure bien indécis, du principe de la " bonne gouvernance ".

. La durée de la période transitoire vers un régime commercial

Pour l'Union européenne, des accords de partenariat avec des Etats ACP regroupés dans un cadre régional pourraient être signés en 2005 afin de permettre un accès réciproque aux marchés sur une période de 10 ans, voire sur une période variable adaptée au niveau de développement de la zone considérée. Ici aussi, deux points font discussion. En premier lieu, sans remettre en cause le principe de tels accords, les Etats ACP souhaiteraient en reporter la mise en place à 2010. Sans doute faut-il faire prévaloir en la matière le niveau de développement observé dans telle ou telle zone. Ainsi l'accord de coopération, de commerce et de développement signé avec l'Afrique du Sud et fondé sur la mise en place d'une zone de libre échange s'inscrit sans difficulté dans le cade fixé par l'OMC même s'il prévoit -à l'instar par exemple des accords signés par l'Union européenne avec les pays du bassin méditerranéen dans le cadre du partenariat euroméditerranéen- un calendrier progressif et dissymétrique de l'ouverture des marchés. Un tel modèle n'est évidemment pas applicable avec les pays du Sahel pour lesquels la perspective même d'une libéralisation complète des échanges paraît, à vue humaine, irréaliste.

Par ailleurs, certains membres de l'Union européenne -principalement le Royaume-Uni- défendent un système de préférence commerciale harmonisé et étendu à tous les pays en développement (tout en admettant le principe d'un accès privilégié pour les pays les moins avancés). Selon certaines estimations, un tel dispositif bénéficierait surtout aux pays non ACP. La spécificité du lien avec l'ensemble de pays issus de la décolonisation -lien dont la France s'était efforcée de maintenir la pérennité, à l'échelle de l'Europe, en promouvant la mise en place des accords de Lomé- serait ainsi remise en cause. Pour votre rapporteur, notre pays ne peut se résigner à la dissolution de la relation Union européenne-ACP dans un ensemble aux contours imprécis.

. Le maintien du Stabex et du Sysmin

Au moment de la négociation des orientations qu'adopteraient l'Union européenne dans la renégociation des accords de Lomé, seule la France avait défendu le maintien du principe de la compensation des fluctuations des recettes d'exportation -sous la forme d'un Stabex et d'un Sysmin dont le fonctionnement serait naturellement modernisé. La stabilité des ressources des producteurs de denrées agricoles ou de matières premières -producteurs qui constituent bien souvent l'assise sociale et économique de ces pays- apparaît en effet une priorité de l'aide au développement. La France a été entendue sur le principe. Toutefois le mécanisme élaboré par la Commission paraît aujourd'hui présenter un lien de plus en plus ténu avec les mécanismes du Stabex et du Sysmin.

. La question du financement de l'aide

La négociation relative aux contributions des Quinze au dernier Fonds européen de développement avait fait l'objet de discussions très difficiles. Un accord n'avait été trouvé qu'au prix d'une augmentation substantielle de l'effort financier français. Les discussions relatives aux ressources du nouveau FED ne se présentent pas sous des auspices plus favorables. Le maintien en termes réels de la dotation du FED, même si la Commission plaide en ce sens, apparaît bien improbable. Au mieux, on pourrait espérer un compromis autour du maintien en terme nominal des ressources soit, en fait, une érosion des moyens existants. Au moment où notre gouvernement procède à une réduction des moyens affectés à l'aide au développement, il paraît moins bien armé que par le passé pour défendre auprès de nos partenaires le maintien de leur effort budgétaire en faveur du FED. C'est pourtant un levier d'influence essentiel pour l'Europe et la France dans les pays ACP qui est ici en jeu.

Les semaines qui viennent se révéleront cruciales pour décider de ces différentes questions. Par ailleurs, la renégociation des accords de Lomé doit être l'occasion de remédier aux trois principaux dysfonctionnements observés les années passées dans la mise en oeuvre de la coopération européenne dans les pays ACP. En premier lieu, il importe d'assurer une meilleure coordination entre les objectifs de l'aide européenne et ceux de la coopération bilatérale. Or on constate encore sur le terrain des redondances et des gaspillages alors même que de nombreux besoins demeurent insatisfaits. Ensuite, et c'est sans doute là une condition pour répondre à cette première préoccupation, le circuit de décision pour l'allocation des fonds devrait présenter une plus grande transparence. La répartition des crédits doit faire l'objet d'un débat au cours duquel chaque Etat membre peut s'exprimer.

Enfin et votre rapporteur ne cessera de revenir sur ce point qui, à ses yeux, prime sur tout le reste, la rapidité des engagements doit être recherchée de manière systématique.

II. LA RÉDUCTION DES CRÉDITS DESTINÉS A L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT : UNE REMISE EN CAUSE DES PRIORITÉS DIPLOMATIQUES DE LA FRANCE

A. UNE RÉFORME AUX EFFETS PARADOXAUX

1. La mise en place d'une structure complexe

a) Un circuit de décisions efficace ?

. L'administration centrale

A la suite de la réforme de la coopération, les moyens et les compétences de l'ancien secrétariat d'Etat à la Coopération et du ministère des Affaires étrangères ont été regroupés principalement au sein de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID, créée par le décret n° 98-1124 du 10 décembre 1998) -structure dont l'organisation et les attributions ont été fixées par arrêté du 10 décembre 1998 relatif à l'organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères.

La DGCID réunit ainsi les services de l'ancienne direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques des affaires étrangères, la direction du développement et le centre des études financières et de la coordination géographique de l'ancien ministère de la coopération.

Le dispositif retenu superpose quatre grandes directions sectorielles et une direction chargée de la coordination des actions de développement.

La DGCID réunit quatre directions sectorielles chargées de l'élaboration et de la mise en oeuvre des actions de coopération :

- la direction du développement et de la coopération technique ;

- la direction de la coopération culturelle et du français ;

- la direction de la coopération scientifique, universitaire et de recherche ;

- la direction de l'audiovisuel extérieur et des techniques de communication.

Par ailleurs, deux missions veillent, d'une part, à la coopération multilatérale et, d'autre part, à la coopération non gouvernementale.

La coordination des actions de coopération incombera à la direction de la stratégie, de la programmation et de l'évaluation. Le service de la coordination géographique assure la coordination régionale de la programmation et le suivi des opérations sur le terrain tandis que le service de la programmation, des moyens et de l'évaluation assure la gestion financière des crédits destinés à l'aide publique au développement (même si les crédits spécifiques du Fonds de solidarité prioritaire -FSP- et ceux mis en oeuvre par l'Agence française de développement sont gérés par le bureau du FSP au sein de la direction de la coopération technique).

Ainsi, le circuit de décision superpose l'intervention d'au moins deux services - un service sectoriel, un service coordonnateur. Il n'est pas sûr que cette nouvelle organisation toute cartésienne permette de raccourcir les délais d'instruction des dossiers.

Par ailleurs, d'autres services concourent à l'aide publique au développement :

- le service des affaires francophones ;

- la direction des Nations unies et des organisations internationales pour l'aide publique au développement multilatérale ;

- le service de l'action humanitaire, responsable, en particulier, de la gestion du Fonds d'urgence humanitaire et de la dotation (chapitre 42-26) dévolue au transport de l'aide alimentaire d'urgence.

Au total, en administration centrale, près de 580 agents -dont 530 à la DGCID- gèrent directement les crédits à l'aide publique au développement.

Le regroupement des structures de l'administration centrale a eu pour corollaire la transformation des missions de coopération et d'action culturelle en service de coopération au sein des ambassades.

. L'alignement des missions de coopération sur le modèle commun des services d'une ambassade : un processus encore inachevé .

La suppression, à compter du 1 er janvier 1999 des missions de coopération (par le décret n° 98-1238 du 29 décembre 1998) a d'ores et déjà entraîné une réorganisation des services extérieurs.

D'abord, les anciens chefs de mission, précédemment nommés par décret du Président de la République, sont devenus conseillers de coopération et d'action culturelle désignés par arrêté du ministère des affaires étrangères. Ils dirigent les service de coopération et d'action culturelle (SCAC), au sein de l'ambassade. Dans le dispositif antérieur, les chefs de mission, placés sous l'autorité théorique de l'ambassadeur, s'autorisaient des contacts directs avec l'administration de l'ex-ministère de la coopération pour revendiquer une large part d'autonomie. L'alignement de la mission de coopération sur le modèle commun du service d'une ambassade et l'intégration, à l'échelon central, de l'administration de la coopération au sein du ministère des affaires étrangères devrait en principe mettre un terme au dualisme des fonctions d'autorité souvent observé dans les pays de l'ancien champ de la coopération.

En outre, en 1999, période de transition, le conseiller de coopération et d'action culturelle disposait de dotations spécifiques et conservait la qualité d'ordonnateur secondaire. A partir de 2000, le responsable du SCAC deviendra ordonnateur délégué de l'ambassadeur, institué, quant à lui, ordonnateur secondaire.

En second lieu, si la situation des personnels en poste dans les SCAC reste temporairement régie par les dispositions antérieures, en cas de mutation de poste à poste ou de nouvelle affectation, en revanche, les personnels sont désormais gérés par les dispositions propres au ministère des affaires étrangères (arrêté du 1 er juillet 1996 modifié par les agents détachés ; arrêté du 28 mars 1967 modifié pour les agents titulaires). En effet, en accord avec le contrôle financier, cette mesure, destinée en principe à s'appliquer après la fusion des corps et l'harmonisation des textes, a été anticipée à la date de tout nouveau mouvement effectué en 1999 et, principalement, pour le mouvement général de septembre dernier.

Dès cette année, dans un souci de gestion plus rationnelle des crédits, le rapprochement des structures comptables de l'ambassade, du SCAC et de la mission militaire a été recherché afin d'assurer une fusion effective au début de l'année prochaine. Ce mouvement devrait aboutir à la création d'un service administratif et financier unique chargé de coordonner la gestion de crédits du département. Il faut par ailleurs signaler d'ores et déjà plusieurs économies d'échelle :

- suppression des quotes-parts existantes pour des consommations en commun (énergie électrique, communications , etc...) ;

- regroupement du parc automobile ;

- regroupement du parc immobilier avec l'instauration d'une commission du logement sous l'autorité de l'ambassadeur pour les affectations au départ d'un agent logé dans un immeuble appartenant à l'Etat français.

b) des économies d'échelle encore mal mesurées pour les personnels

La plupart des personnels du ministère de la coopération ont été affectés, d'une part, à la direction générale de l'administration (au sein de laquelle ont été intégrés les services venant de la direction de l'administration générale de la coopération), d'autre part, à la DGCID.

Les transferts de personnels ont ainsi obéi à la répartition suivante : 167 agents -soit 32 %- de l'effectif total du ministère de la coopération ont rejoint la DGA, 253 -soit 48 %- la DGCID et 104 -soit 20 %- divers autres services du département.

La réorganisation de l'administration devrait se traduire par des économies d'effectifs évaluées à une centaine de postes . C'est ainsi que la fusion de la direction générale de l'administration et de la direction de l'administration générale a permis de redéployer quelques 37 emplois vers d'autres services du département. La mise en place de la DGCID a, quant à elle, conduit à l'économie d'une cinquantaine de postes tandis que la disparition de la sous-direction des personnels de coopération programmée pour le 1 er janvier prochain dégagera 13 emplois supplémentaires.

Les différences de statut entre les personnels des affaires étrangères et de la coopération ont longtemps dissuadé toute tentative de rapprochement entre les deux administrations. L'unification des statuts représente en effet une tâche d'une ampleur considérable.

La situation statutaire des agents issus des deux ministères n'a pas été remise en cause pendant la période transitoire de l'année 1999. Trois séries de dispositions réglementaires (soumises au nouveau comité technique paritaire du ministère des affaires étrangères réuni les 22 et 23 juin dernier) prévoient :

- l'intégration des administrateurs civils de la coopération dans le corps des conseillers des affaires étrangères ;

- l'intégration des attachés d'administration centrale de la coopération au sein d'un corps nouveau des secrétaires des affaires étrangères (formés des attachés des deux ministères, des secrétaires-adjoints des affaires étrangères et des contractuels de catégorie A titularisés dans ce corps) ;

- l'intégration au sein du corps homologué d'administration centrale des affaires étrangères des corps de catégorie B et C de la coopération.

La réforme, dans ses aspects statutaires, ne devrait pas emporter de conséquences négatives sur la rémunération indiciaire et la carrière des agents de la coopération dans la mesure où les corps homologués ou spécifiques qu'ils intégreront présentent une grille indiciaire et un déroulement des carrières identiques à ceux de leur corps d'origine.

2. Les risques de dispersion

a) Une coordination encore lacunaire

L'éparpillement de l'aide publique au développement entre plusieurs administrations appelait la mise en place d'une instance de coordination.

La fusion des services de la coopération au sein du ministère des affaires étrangères répond naturellement à cette préoccupation. Toutefois, le nouvel ensemble ne gère que 28 % de l'aide publique bilatérale. Bercy forme l'autre pôle majeur avec 36 % de l'aide.

L'aide publique au développement

 

1998 1

1999²

Aide bilatérale

- Ministère des affaires étrangères et de la coopération

- Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et Agence française de développement

- Autres ministères

- Coûts administratifs

24 686

7 481

5 890

9 715

1 600

21 625

6 140

7 819

6 066

1 600

APD multilatérale

- Aide européenne

- Banque et fonds de développement

- Nations unies

- FMI (FASR)

9 186

4 613

2 324

709

1 540

10 050

6 250

2 813

640

347

TOM

4 519

4 601

TOTAL

33 872

36 276

1 Exécution

² Prévision d'exécution associée à la LFI

Le ministère des affaires étrangères, loin de se trouver conforté par la réforme de la coopération, s'est vu relégué à la deuxième place , derrière les Finances, pour la gestion de l'aide bilatérale.

Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) institué dans le cadre de la réforme par décret du 4 février 1998 avait pour vocation de conférer une inspiration commune à une politique de coopération souvent commandée par des logiques diverses entre Bercy et le Quai. Cette tentative n'avait rien d'inédit. Rappelons-le, elle faisait suite au comité interministériel d'aide au développement (CIAD) dont les résultats s'étaient avérés décevants. La nouvelle instance se réunit une fois par an dans une formation assez lourde 3( * ) . Constitue-t-elle dès lors le cadre le plus adapté pour assurer une direction politique commune à l'aide au développement ? On peut en douter.

Le CICID s'est réuni pour la première fois, sous la présidence du Premier ministre, le 28 janvier 1999. Il a pris cinq décisions d'inégale portée :

- désignation de M. Claude Villain, inspecteur général des finances comme président du groupe de travail interministériel chargé de la préparation du rapport annuel d'évaluation de l'efficacité de la coopération et de l'aide au développement de la France ;

- accord de principe sur l'organisation d'un débat parlementaire non budgétaire, relatif à la politique de coopération internationale de la France et à ses orientations ;

- approbation du projet de décret paru le 10 février 1999, portant création du Haut conseil de la coopération internationale ;

- définition, surtout, de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) sur laquelle votre rapporteur reviendra ;

- instruction donnée par le Premier ministre aux ministères chargés du cosecrétariat du CICID de lui remettre des propositions en vue d'une réforme du FAC, avant la fin du mois de juin 1999.

. Le Haut conseil de la coopération internationale

La coopération va-t-elle suivre les voies de la francophonie avec la multiplication d'institutions dont le rôle n'apparaît pas toujours clairement e dont les compétences se recoupent. La création du Haut conseil de la coopération internationale vise en principe à mieux impliquer la " société civile " dans la coopération internationale de la France.

Les missions confiées au Haut conseil présentent une portée limitée. En effet, cette institution :

- émet des avis et formule des recommandations sur les politiques bilatérales et multilatérales de la France ainsi que sur l'action des opérateurs privés en matière de coopération internationale ;

- propose toute mesure de nature à faciliter les échanges sur les diverses actions publiques et services de coopération ;

- remet chaque année un rapport, rendu public ;

- organise éventuellement une conférence de coopération internationale regroupant l'ensemble des acteurs publics et privés.

Les crédits nécessaires à son fonctionnement seront inscrits au budget du ministère des affaires étrangères.

b) Quelle réelle priorité pour la " zone de solidarité prioritaire " ?

Les contours de la zone de solidarité prioritaire ont été définis par le comité interministériel pour la coopération et le développement le 28 janvier dernier. Le choix du pays prend en compte trois séries de critères.

En premier lieu, la ZSP réunit les pays les moins développés en termes de revenu et n'ayant pas accès aux marchés de capitaux.

Ensuite, la solidarité de la France s'exerce plus particulièrement vis-à-vis des Etats francophones.

Enfin, la définition de la ZSP vise aussi à renforcer la cohérence régionale des actions de développement . Une stratégie régionale de coopération et la mise en oeuvre de projets rassemblant plusieurs pays devrait, d'après le ministre délégué à la coopération, permettre de dégager certaines synergies.

La liste des pays retenus peut être révisée chaque année. Après les décisions du CICID du 28 janvier 1999, la ZSP réunit 60 Etats .

Zone de solidarité prioritaire en 1999

Anciens pays du champ

Extension en 1999

 

Bénin

1978

Djibouti

Liban

 

Burkina-Faso

1980

Guinée Equatoriale

Palestine

 

Cameroun

 

Gambie

Afrique du Sud

 

Centrafrique

 

Sainte-Lucie

Algérie

 

Congo

 

Grenade

RD Congo

 

Côte d'Ivoire

1983

Dominique

Erythrée

1959

Gabon

 

Saint-Vincent

Ethiopie

 

Madagascar

 

St Kittes et Neviez

Ghana

 

Mali

1984

Guinée Conakry

Guinée

 

Mauritanie

1985

Angola

Kenya

 

Niger

 

Mozambique

Liberia

 

Sénégal

1990

Namibie

Maroc

 

Tchad

1993

Cambodge

Ouganda

 

Togo

 
 

Sierra Leone

 

Zaïre

 
 

Tanzanie

1964

Rwanda

 
 

Tunisie

 

Burundi

 
 

Zimbabwe

1971

Maurice

 
 

Laos

1973

Haïti

 
 

Vietnam

1975

Comores

 
 

Cuba

 

Cap Vert

 
 

République dominicaine

1976

Guinée Bissau

 
 

Petites Antilles

 

Sao Tomé

 
 

Surinam

 

Seychelles

 
 

Vanuatu

Les moyens de financement

Outre les crédits du titre IV mis à la disposition de nos ambassades pour la coopération et l'action culturelle, scientifique et technique, les deux principaux instruments de coopération au sein de la ZSP reposent sur les financements de l'Agence française de développement et le Fonds d'aide et de coopération (devenu Fonds de solidarité prioritaire).

Aucun pays ne dispose d'un droit de tirage automatique qui serait attribué selon des clés de répartition prédéfinies. En principe, un " accord de partenariat pour le développement " conclu avec chaque pays de la ZSP précisera dans un cadre pluriannuel les différents types de coopération définis d'un commun accord : développement, coopération militaire mais aussi maîtrise du flux migratoire. Un " document-cadre de partenariat " transcrira les termes de cet accord.

A ce jour, les accords de partenariat signés sont peu nombreux : cinq au total l'ont été (avec le Mali, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Mauritanie et le Tchad).

La procédure risque de se révéler assez lourde. Une approche par projets répond, semble-t-il davantage aux exigences de rapidité et d'efficacité .

. Une zone de solidarité vraiment " prioritaire " ?

La mise en place de la zone de solidarité prioritaire permettra-t-elle vraiment de mobiliser les ressources nécessaires pour l'aide au développement ? Dans ce cas, elle marquerait une nette inflexion d'une tendance observée depuis cinq ans.

Evolution des ressources accordées au titre de l'aide publique au développement aux pays de la zone de solidarité prioritaire

 

1994

1995

1996

1997

1998

APD bilatérale

36 706

32 085

29 438

27 877

24 688

Aide bilatérale
Zone de solidarité prioritaire

19 241

15 112

14 198

13879

11 025

En % du total

52 %

47 %

48 %

50 %

45 %



Non seulement l'aide destinée aux pays de la ZSP s'est réduite de 33 % entre 1994 et 1998 mais sa part au sein de l'aide totale est passée, sur la même période, de 52 % à 45 %.

Le mouvement sera-t-il enrayé ? Rien dans les moyens consacrés à la ZSP dans le projet de budget pour 2000 ne permet de l'attester.

L'extension de la zone de solidarité prioritaire soulève un problème de principe et de cohérence.

Une trop grande dispersion de nos moyens peut conduire à une dilution de notre influence
. A vouloir assurer notre présence dans l'ensemble des pays en développement, nous courons le risque, surtout au moment où les moyens financiers sont limités, de ne compter vraiment nulle part.

Certes, la zone de solidarité prioritaire n'a reçu pour l'heure aucune traduction budgétaire. Pourquoi dès lors avoir élargi considérablement le champ des pays bénéficiaires de l'aide au développement ? Aussi bien, cette réforme contestable dans son principe pose aussi un problème de cohérence au regard des moyens budgétaires mis en oeuvre.

B. L'ANALYSE DU PROJET DE BUDGET POUR 2000 : L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT SACRIFIÉE

Les changements de nomenclature liés à la mise en place d'un budget unique ne permettent pas toujours de suivre aisément l'évolution en 2000 des dotations budgétaires de l'ancien secrétariat à la coopération.

Aussi votre rapporteur a-t-il choisi pour sa part de retracer la part réservée dans le projet de budget pour 2000 aux crédits dévolus à l'aide au développement qui étaient inscrits en 1998 au budget du secrétariat d'Etat à la coopération et, le cas échéant, au ministère des affaires étrangères (dont la responsabilité apparaissait naturellement plus limitée dans ce domaine, même si le Quai d'Orsay conduisait certaines actions en faveur du développement).


Catégories de dépenses

LFI 99

LFI 2000

Evolution en MF
en %

Concours financiers (41-43)

265

160

- 40

Assistance technique (42-12-art.10)

1 224

1042

- 15

Coopération technique (bourses, formation, appui aux organismes concourant à la coopération au développement, appui local aux projets de coopération, fonds de coopération régionaux)

661

669

-

+ 1,2

Appui aux initiatives privées décentralisées (42-13)

219

219

-

Coopération militaire et de défense (42-29)

780

754

- 3,3

Aide alimentaire (42-26)

105

95

- 9,5

Action extérieure et aide au développement (68-80)

17

17

-

- Fonds d'aide et de coopération (68-91)

Autorisations de programme

Crédits de paiement

- Dons destinés à financer des projets de développement économique et social (68-93) - nouveau

Autorisations de programme

Crédits de paiement

(2 303)

1 798

-

-

-

(1 300)

972

-

(1 000)

922

- 43

- 46

-

TOTAL

5 069

4 850

- 4,3

L'évolution des crédits dément ainsi les ambitions affichées. L'effort d'économie demandé au ministère des affaires étrangères porte principalement sur l'un des deux piliers de notre politique de coopération : l'assistance technique.

1. Une présence humaine amoindrie

a) Une disparition programmée de l'assistance technique civile ?

. La remise en cause de la spécificité de la coopération française

L'aide publique française depuis les indépendances s'est singularisée par la priorité accordée à la présence d'assistants techniques. A l'inverse, les autres bailleurs de fonds et, en particulier, les institutions financières internationales privilégient un mode d'action fondé sur des missions temporaires d' " experts " chargés dévaluer les besoins et les réponses adaptées à la situation du pays concerné. A l'expérience, les avantages du modèle de coopération français sont avérés : une excellente connaissance du terrain, une capacité d'expertise reconnue par nos partenaires, une certaine sagesse qui a prémuni la France contre les excès de dogmatisme manifestés par les organisations internationales. Ainsi la France, tout en appuyant les réformes souhaitées par le FMI, a plaidé pour une application différenciée des " recettes " libérales. Les institutions de Bretton-Wood et la Banque mondiale se sont finalement ralliées aux positions françaises en accordant une plus grande importance aux considérations d'ordre social dans leurs projets de développement. En outre, l'action des coopérants ouvrait souvent la voie à l'implantation d'entreprises françaises. Elle constituait par ailleurs l'un des meilleurs vecteurs de la francophonie.

Ainsi, à maints égards, la coopération française répondait aux attentes de nos partenaires

Certes, la part de l'assistance technique vouée à la formation devrait se réduire car elle avait précisément pour vocation de favoriser l'émergence de cadres à même de prendre la relève. La baisse de la coopération dite " de substitution " a ainsi légitimement été amorcée au début des années 90. Toutefois, le mouvement a touché également les coopérants chargés d'encadrer l'aide-projet : l'argument de réforme invoqué a bientôt servi de prétexte à une réduction flagrante des moyens financiers.

Ainsi le nombre de coopérants est passé de 7348 (2 423 techniciens et 4 925 enseignants) en 1989 à 2 151 (1 027 techniciens et 1 124 enseignants) en 1999, soit une baisse de 70 % en dix ans !

Cette évolution se poursuivra en 2000 avec la suppression de 40 postes en année pleine.

Or le gouvernement avait déjà reconnu l'an passé que nous avions atteint la cote d'alerte en dessous de laquelle on ne pouvait descendre sans compromettre l'efficacité de notre action.

Les crédits de l'assistance technique se réduisent de 15 % . Seule une partie de cette baisse (90 millions de francs) recouvre un redéploiement de crédits interne au budget du département : elle permet en effet d'abonder le chapitre 42-11 consacré à la coopération culturelle et scientifique.

Par ailleurs, le ministère a décidé de modifier la présentation budgétaire de l'assistance technique : il ne comptabilisera plus le nombre d'emplois d'assistant et retiendra les seuls crédits de rémunération au motif de garantir une plus grande souplesse d'utilisation. Le nouveau dispositif permettra d' atténuer l'effet optique des prochaines diminutions d'emploi .

Ne confirme-t-il pas dès lors la baisse programmée de notre assistance technique ?

Cette évolution traduirait un changement substantiel de notre coopération et un alignement sur les modes d'intervention des autres bailleurs de fonds sans toutefois que cette orientation ait été clairement annoncée par le Gouvernement et sans que le Parlement ait été consulté.

La réduction des effectifs de l'assistance technique n'apparaît pas seulement difficilement admissible au regard de la préservation du modèle français d'aide au développement. Elle paraît incohérente par rapport à l'extension de la zone de solidarité prioritaire. Notre pays a ainsi renoncé à se doter de moyens supplémentaires dans les nouveaux pays de la zone si on excepte la création de quatre emplois seulement (deux postes de conseiller de coopération et d'action culturelle en Ouganda et en Tanzanie, un poste d'attaché de coopération décentralisée au Viêt-nam et la réactivation du poste de directeur-adjoint du centre culturel d'Alger).

Les effets de la baisse des effectifs risquent d'être encore amplifiés par la réduction progressive des coopérants du service national.

L'assistance technique compte en effet un effectif de 150 coopérants du service national (CSN) dans les pays de l'ex-champ ; ces emplois représentent un coût budgétaire annuel de 19 millions de francs . Le remplacement des CSN par des professionnels civils présenterait un coût prohibitif pour le budget. Dans cette perspective, il faut prévoir une rémunération suffisamment intéressante pour susciter un volant de candidatures à même de permettre, en qualité et en quantité, un recrutement satisfaisant. L'évolution des moyens financiers laisse planer sur ce chapitre les plus graves préoccupations.

. Le difficile règlement des questions statutaires

- La question des rémunérations


Deux réglementations s'appliquent aux personnels de coopération technique selon leur affectation géographique : un décret de 1992 pour les coopérants des pays de l'ancien champ, un décret de 1967 pour ceux qui exercent leurs fonctions dans un autre pays du monde (environ 500 agents).

La fusion des administrations des affaires étrangères et de la coopération impose une unification des statuts des personnels. Deux mesures ont été adoptées en 1999 pour réduire la disparité entre les deux statuts et permettre, en particulier, certaines améliorations au régime de 1992 . Ainsi, une mesure nouvelle de 16,9 millions de francs au budget de 1999 avait permis de réévaluer les majorations familiales au niveau appliqué par le régime de 1967. Par ailleurs, l'évolution des rémunérations visées au titre du décret de 1992 a été alignée sur le mécanisme change-prix du décret de 1967 afin de garantir aux agents affectés dans un même pays une évolution identique de leurs émoluments en utilisant les mêmes données et en adoptant la même périodicité trimestrielle.

Toutefois, un important travail réglementaire reste à accomplir pour unifier le régime de tous les assistants techniques quel que soit leur pays d'affectation.

Il faut espérer sur ce sujet une plus grande célérité que dans le règlement du problème des personnels contractuels.

- Le règlement longtemps attendu des personnels contractuels.

Le principe de la titularisation des contractuels de l'assistance technique avait été posé par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (dite loi " Le Pors ") mais n'avait reçu qu'une application limitée. La situation de quelque deux cents ayants droit parvenus depuis plusieurs années au terme de leur mission, laissés sans affectation et rémunérés par le ministère des affaires étrangères et l'ancien secrétariat d'Etat à la coopération, apparaissait particulièrement choquante. Les décrets fixant les conditions exceptionnelles d'intégration de ces agents non titulaires devraient enfin être prochainement publiés au journal officiel. Le dispositif s'articulera autour des quatre mesures suivantes :

- la répartition des agents par corps et par ministère en fonction de leur expérience professionnelle et de leurs diplômes ;

- la mise à disposition des ministères d'accueil des agents concernés dans l'attente des transferts de crédits du ministère des affaires étrangères vers les administrations d'affectation ;

- la mise en réserve par les ministères d'accueil des postes nécessaires au réemploi des agents ;

- à compter de la date de publication des décrets, les ayants droit à la titularisation dans un corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat bénéficieront d'un délai d'option d'un an pour faire acte de candidature auprès de leur ministère d'affectation, ce délai étant ramené à six mois pour les agents de catégorie B et C. Les intéressés disposeront ensuite d'un délai d'option d'une égale durée pour accepte la proposition, unique, de titularisation formulée par l'administration avec indication du niveau de reclassement.

b) La coopération militaire : la priorité africaine érodée

. La réduction des effectifs en Afrique

Le nombre des assistants militaires dans les pays de l'ex-champ se réduira, en 2000, de 366 à 344. La déflation de 22 postes doit être mise en parallèle avec la création de 19 postes dans les pays placés traditionnellement sous la responsabilité du Quai d'Orsay.

Evolution des effectifs d'assistants militaires permanents réalisés par pays

PAYS ex-CHAMP

du 31/12/98

au 31/12/99

au 21/12/00

ANGOLA

2

2

3

BENIN

21

19

16

BURKINA FASO

15

15

14

CAMBODGE

12

12

10

CAMEROUN

43

39

34

CENTRAFRIQUE

31

18

16

COMORES

11

4

3

CONGO

3

4

6

COTE D'IVOIRE

39

36

30

DJIBOUTI

32

27

24

ETHIOPIE

1

1

1

GABON

36

30

23

GUINEE CKY

22

20

18

GUINEE EQ

4

4

4

ILE MAURICE

1

1

0

MADAGASCAR

21

21

21

MALAWI

1

1

1

MALI

19

17

17

MAURITANIE

39

1

10

NIGER

39

9

16

SENEGAL

30

28

26

TCHAD

39

35

31

TOGO

27

22

20

TOTAL ex-CHAMP

488 - 122 366 - 22 344

Entre 1998 et 2000, le nombre des coopérants militaires aura ainsi été réduit de 144 postes -soit une réduction de 30 % en trois ans. Cette évolution s'explique en partie par la suspension de notre coopération dans certains pays africains à la suite de coups d'Etat militaires (au Niger et aux Comores) ou à la demande des autorités du pays concerné (en Mauritanie, après l'arrestation en France d'un officier mauritanien).

Cependant, quand les liens sont rétablis, la présence française retrouve rarement son niveau antérieur (ainsi au Niger, après le creux de 1999, l'effectif prévu en 2000 s'élève à 16 militaires contre 39 en 1998). Cette érosion témoigne bien de l'orientation profonde du mouvement vers une baisse globale des effectifs de coopérants militaires.

Cette évolution appellera une double observation de la part de votre rapporteur :

- d'une part, les effectifs de l'assistance militaire technique se réduisent de façon générale et ne répondent plus aux besoins liés au renforcement de l'Etat de droit dans nombre de pays où la démocratie apparaît encore fragile ;

- d'autre part, les arbitrages budgétaires conduisent d'ores et déjà à un affaiblissement de notre présence en Afrique ; le risque d'une banalisation progressive du continent africain, contenue dans le projet de réforme de la coopération, se concrétise ici de façon manifeste.

. La formation : une progression modeste au seul bénéfice des pays hors champ

La progression modeste (+ 3,75 %) des dotations prévues pour la formation bénéficie aux seuls pays extérieurs au champ traditionnel de la coopération, conformément à la directive de transférer les crédits vers les pays de l'Est. Or, les pays africains continuent d'exprimer des besoins tout à fait légitimes, s'agissant notamment de la formation aux méthodes de maintien de l'ordre dans un Etat de droit.

La réforme de notre outil de défense et la réduction concomitante des effectifs militaires français a pour effet direct de réduire le nombre de places offertes aux stagiaires étrangers dans les écoles militaires françaises, alors même que les besoins en formation de nos partenaires tendent à augmenter en raison d'une professionnalisation accrue des personnels militaires.

Dans ce contexte, la coopération française a décidé de soutenir la création d' écoles nationales à vocation régionale en Afrique. Dix écoles fonctionnent déjà sur le continent : au Sénégal (2), au Mali (2), en Côte d'Ivoire (4), au Togo (1) et au Bénin (1). En 2000, quatre nouvelles écoles ouvriront :

- le centre de perfectionnement de la gendarmerie mobile de Ouakam (Sénégal),

- le centre de perfectionnement au maintien de l'ordre de Awae (Cameroun),

- une école de pilotage à Garoua (Cameroun),

- l'école militaire technique à Ouagadougou (Burkina Faso).

En 2000, la direction de la coopération militaire et de défense du ministère des affaires étrangères prévoit de former 270 stagiaires africains supplémentaires dans les écoles africaines à vocation régionale. La croissance des crédits nécessaires à la formation en Afrique devrait être compensée par les économies réévaluées grâce à la diminution des stages effectués en France.

2. L'aide économique : une banalisation de la place impartie à l'Afrique

a) Les concours financiers : une contraction confirmée

Les concours financiers, rappelons-le, participent au soutien des programmes d'ajustement structurel mis en oeuvre par les pays bénéficiaires, pour équilibrer leurs finances publiques. En contrepartie d'un soutien de la communauté des bailleurs de fonds à l'équilibre de leurs budgets et de leurs balances de paiements courants, les pays sous ajustement structurel s'engagent à respecter les objectifs inclus dans le document cadre de la politique économique élaborée par les autorités nationales avec l'aide des services du FMI et de la Banque mondiale et actualisée, sur une période glissante de trois ans.

Les financements d'ajustement structurel prennent deux formes :

- les dons en faveur de l'ajustement structurel pour les pays les moins avancés ;

- les prêts pour les pays à revenu intermédiaire consentis par l'Agence française de développement au nom et au risque de l'Etat, à partir de ressources procurées par emprunts sur le marché financier et bonifiées par l'article 20 du chapitre 41-43.

La forte régression des concours financiers s'explique par le succès relatif des plans d'ajustement structurels en particulier en Afrique de l'Ouest et l'importance, en conséquence des crédits non consommés sur ces lignes budgétaires. Mais elle trouve aussi son origine dans la volonté française de privilégier le versement de l'aide dans un cadre multilatéral (FMI ou Banque mondiale).

Cette évolution appelle deux remarques :

- en premier lieu, l'évaluation des crédits pour 2000 paraît très limitative au regard des besoins compte tenu de la fragilité de la situation financière de certains pays,

- ensuite, la priorité accordée aux financements multilatéraux risque de réduire la marge d'appréciation de la France et sa capacité à faire mieux reconnaître les besoins de nos partenaires africains.

L'aide budgétaire d'urgence, en principe destinée au financement d'opérations exceptionnelles, a connu une extension significative de son champ d'utilisation . Ainsi, les contributions au financement des forces de maintien de la paix (ECOMOG, MISAB) émargent depuis peu aux dotations prévues pour l'aide budgétaire d'urgence.

En outre, l'aide budgétaire désormais inscrite au budget du ministère des affaires étrangères n'est pas dédiée à la zone de solidarité prioritaire en particulier. En 1999, le chapitre 41-43, article 10, a ainsi pu être mobilisé pour deux opérations relatives à des pays extérieurs à la zone de solidarité prioritaire ;

- 0,6 MF pour l'envoi d'observateurs aux élections législatives en Indonésie dans le cadre d'un processus international de soutien sous l'égide du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ;

- 45 MF à la Macédoine pour l'aider à financer un surcroît de dépenses à caractère social générées par le conflit du Kosovo.

b) L'aide-projet : une progression sans commune mesure avec l'extension de la zone de solidarité prioritaire

Le projet de budget pour 2000 se caractérise d'abord par un transfert des ressources du Fonds spécial de développement à l'agence française de développement et, d'autre part, par une stagnation des crédits.

. Un transfert de ressources du Fonds d'aide et de coopération à l'Agence française de développement

Les autorisations de programme inscrites au Fonds d'aide et de coopération rebaptisé Fonds de solidarité prioritaire (FSP) se réduiront en 2000 de 43 %, tandis que les crédits de paiement baissent de 46 %. Toutefois, les crédits correspondants sont transférés au chapitre 68-93 (nouvellement créé pour mieux identifier les ressources mises en oeuvre par l'Agence française de développement et précédemment inscrites dans le cadre d'un article au sein d'un chapitre).

Ce transfert est inscrit dans la logique même de la réforme dans la mesure où l'AFD prend désormais en charge les projets relatifs aux infrastructures sociales (éducation et santé). En outre, ce transfert de ressources tire aussi peut-être les conséquences de la plus grande efficacité de l'AFD dans la mise en oeuvre de l'aide au développement.

Toutefois, ce transfert n'est pas indifférent au regard des procédures de contrôle parlementaire. Certes les parlementaires sont représentés au sein du comité directeur du FAC et du Conseil de surveillance de l'AFD. Cependant, la première de ces instances se prononce sur tous les projets qui lui sont soumis tandis que la seconde n'approuve que les projets supérieurs à 10 millions d'euros. Il paraît donc très souhaitable que les crédits transférés du FAC à l'AFD continuent de faire l'objet d'un contrôle parlementaire .

. L'aide-projet : cible privilégiée de la régulation budgétaire

La dotation dévolue aux projets de développement (FSP et AFD confondus) progressent de 5,3 % alors même que la définition de la zone de solidarité prioritaire a élargi à 23 nouveaux pays le bénéfice des moyens mis en oeuvre jusqu'à présent dans les 37 pays du " champ ".

Par ailleurs, en 1999, les crédits ouverts au FSP ont de nouveau servi de variable d'ajustement aux mesures d'économie décidées par Bercy. Les autorisations de programme ont été réduites de 15,3 % et les crédits de paiement, diminués de 7,3 %. Ces annulations ont permis de dégager des ressources pour l'aide humanitaire pour le Kosovo. L'engagement de la France dans les Balkans a ainsi pesé sur l'aide accordée aux pays en développement.

La régulation budgétaire est souvent justifiée par la sous-consommation des crédits observée chaque année. Votre rapporteur l'avait déjà souligné l'an passé : il existe souvent en effet un décalage entre l'instruction d'un dossier au sein du Comité directeur du FAC et sa réalisation effective .

Les procédures de décision apparaissent excessivement lourdes. Souvent, la France promet son aide -à Cuba par exemple- et l'engagement ne se concrétise que plusieurs années après, au risque de perdre beaucoup de son intérêt. La crédibilité de notre pays souffre de ces retards répétés .

Une plus grande déconcentration des crédits permettant précisément de raccourcir les délais d'intervention constitue sans doute une des voies nécessaires de la réforme.

En 1999, le montant total des enveloppes destinées aux crédits déconcentrés s'est élevé à 82,5 millions de francs. Le comité directeur ne s'étant réuni moins souvent en 1999 que dans les années passées en raison de la mise en place de la réforme, plusieurs décisions programmées doivent encore obtenir l'approbation du Comité directeur (21,5 millions de francs) voire même l'accord préalable du comité d'examen (42 millions de francs).

. La coopération décentralisée : une priorité politique sans réels moyens financiers

Les crédits dévolus à la coopération décentralisée passent de 39,9 millions de francs à 37,7 millions de francs. Cette nouvelle baisse dément la priorité affichée par le Gouvernement, lors des rencontres nationales de la coopération décentralisée, au cours desquelles cette forme de coopération avait été reconnue comme un " volet  important de l'action internationale de la France ".

Le bilan de la coopération décentralisée en 1999 témoigne d'une forte concentration des projets sur quelques zones comme l'Afrique ou certains pays tels que la Roumanie, la Pologne, la Hongrie et le Vietnam.

L'intervention de l'Etat dans le cadre de cofinancements vise trois objectifs principaux :

- permettre le " bouclage " d'opérations utiles, techniquement bien étudiées mais dotées d'un financement insuffisant ;

- manifester l'intérêt des pouvoirs publics pour une opération ainsi " labellisée " susceptible d'accroître la crédibilité d'une action aux yeux du partenaire étranger ;

- inciter d'autres collectivités à s'engager dans de nouvelles opérations dont la mise en oeuvre est souhaitée dans le cadre des évolutions stratégiques décidées.

Par ailleurs, le renforcement institutionnel, la formation supérieure d'étudiants et chercheurs et l'appui aux partenariats d'entreprises constituent la priorité affirmée du ministère des affaires étrangères dans le cadre des contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006 avec, sur 7 ans, un montant prévu de cofinancement de 95 millions de francs . Un dispositif institutionnel a par ailleurs été mis en place à la faveur de la réforme sous la forme d'une mission pour la coopération intergouvernementale au sein de la DGCID). Cette mission dispose d'un bureau plus particulièrement chargé de la liaison avec les collectivités locales françaises, leurs associations et leurs partenaires en France et à l'étranger. Le cadre est posé. Cependant les moyens financiers mis en oeuvre permettent-ils de répondre aux ambitions affichées ? L'évolution du budget pour 2000 ne paraît pas de ce point de vue de bon augure.

CONCLUSION

Votre rapporteur relevait déjà l'an passé que " l'évolution préoccupante des crédits prévus en 1999 pour l'aide au développement jetait un doute sur le sens même de la réforme ; la fusion des budgets et des administrations ne saurait recouvrir une marginalisation de l'aide au développement et de la place de l'Afrique au sein de notre diplomatie ".

Ces appréhensions étaient malheureusement justifiées car elles se sont trouvé confirmées par la nouvelle baisse des moyens affectés à l'aide au développement dans le projet de budget pour 2000.

La réduction des crédits de la coopération ouvre incontestablement la voie à une " banalisation " de la place de l'Afrique dans la politique étrangère de la France.

Une telle évolution ne paraît pas conforme à nos intérêts nationaux
.

Pour votre rapporteur, la priorité africaine de l'aide au développement doit être clairement réaffirmée. D'une part, les progrès économiques accomplis par les pays de la zone franc constituent un indicateur encourageant pour la politique française de coopération. Il serait dès lors regrettable de relâcher l'effort au moment où il commence à porter ses fruits . D'autre part, nos liens avec l'Afrique reposent aussi sur la présence d'une communauté française forte de quelque 150.000 personnes. Il faut faire fructifier et amplifier ce capital humain. Nous devons admettre à cet égard que nos compatriotes n'ont pas toujours bénéficié de l'attention nécessaire de la part des pouvoirs publics comme le démontre amplement le problème récurrent des pensions des retraités français ayant exercé en Afrique ou les difficultés d'indemnisation de nos ressortissants parfois ruinés et acculés au désespoir à la suite d'événements politiques dans lesquels ils n'ont aucune part de responsabilité.

L'équité, comme la simple logique, commanderait de mettre en place d'urgence une solution enfin stable et définitive à ce très grave problème qui génère une désaffection profonde de nos compatriotes vis-à-vis de l'expatriation. Cette désaffection affaiblit dangereusement la présence et l'influence de la France dans certaines zones de la planète où nous avons pourtant tout intérêt non seulement à maintenir solidement nos positions mais également à les renforcer dans l'immédiat et pour l'avenir.

Des solutions existent. Une d'entre elles, peut-être la plus simple et la plus rapide, consisterait à précompter sur les aides apportées à certains pays les sommes dues à nos compatriotes, qu'il s'agisse des pensions de retraite ou des indemnités nécessaires pour la reconstitution de leur outil de travail et la reprise de leurs activités.

D'autres solutions sont également possibles. Elles ont pour préalable, dans certains cas, la fermeté et la pugnacité des négociateurs, mais avant tout, la réelle volonté politique du Gouvernement de résoudre ce problème. Le jour où cette volonté politique existera réellement, nous pourrons mettre sur pied en quelques mois les mécanismes nécessaires.

Conforter la situation des Français en Afrique apparaît, en effet, comme un moyen décisif d'encourager nos entreprises à investir sur le continent.

N'oublions pas que l'influence de la France en Afrique constitue un élément essentiel de notre rayonnement international. En dehors d'autres considérations, nous pouvons régulièrement compter aux Nations unies sur le soutien et la fidélité de nos partenaires africains et parfois d'eux seuls. En outre, notre politique en Afrique doit également s'apprécier dans un horizon de moyen et long termes : le continent africain comptera 1,25 milliard d'habitants en 2025, soit 18 % de la population mondiale. Ces perspectives démographiques constituent à la fois une promesse et un défi : une promesse car le continent africain représente un marché au potentiel considérable ainsi qu'une caisse de résonance pour la francophonie et l'influence française ; un défi, aussi, car il faudra contribuer au développement harmonieux du continent.

Telles sont les raisons principales qui plaident pour le maintien de la priorité accordée à l'Afrique dans notre politique étrangère. Or cette priorité se trouve aujourd'hui menacée, d'une part, par l'élargissement de la zone de solidarité prioritaire et, d'autre part, par l'érosion continue des crédits de l'aide au développement au cours de la période récente -érosion qui enlève toute cohérence aux objectifs affichés par le Gouvernement.

Le budget pour 2000, loin d'infléchir cette évolution préoccupante, la renforce . S'il était encore possible de se prononcer sur un budget séparé de la coopération, ce qui n'est plus le cas depuis 1998, votre rapporteur aurait appelé à rejeter cette dotation nettement insuffisante. Dans la mesure où le vote porte sur l'ensemble du budget des affaires étrangères, votre rapporteur s'en est remis à l'avis favorable proposé par votre commission.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent avis lors de sa séance du 24 novembre 1999.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Christian de La Malène s'est étonné que la création de la zone de solidarité prioritaire et l'élargissement du nombre de pays bénéficiaires de notre aide ne soient pas accompagnés d'une augmentation concomitante des crédits consacrés à l'aide au développement. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a confirmé que l'extension de la zone de solidarité prioritaire risquait en effet d'entraîner une dilution de notre influence.

M. Xavier de Villepin, président, a déploré la difficulté de comparer les dotations consacrées à la coopération d'une année sur l'autre en raison des modifications de nomenclature budgétaire introduites par la réforme. Il s'est par ailleurs demandé si la baisse des crédits dévolus à l'Afrique subsaharienne n'avait pas eu pour contrepartie une réévaluation de l'aide apportée aux pays du Maghreb. Enfin, il s'est étonné de l'absence du Bangladesh dans la liste des pays de la zone de solidarité prioritaire et a regretté la suppression de protocoles financiers destinés à ce pays.

M. Guy Penne a observé que la fusion des administrations n'avait pas favorisé la lisibilité du budget consacré à l'aide au développement. Il a également estimé que l'introduction de nouveaux pays, tels que le Bangladesh, dans la zone de solidarité prioritaire, pourrait entraîner une certaine dispersion des moyens. Il a par ailleurs remarqué que la baisse de la dotation affectée à l'aide au développement avait en partie bénéficié à la coopération culturelle au sein du budget des affaires étrangères.

M. Michel Caldaguès a estimé que la commission devait obtenir du Gouvernement une évaluation comparative précise des crédits consacrés à la coopération sur la période 1998-2000.

M. Hubert Durand-Chastel s'est inquiété des risques de " saupoudrage " de l'aide au développement et a jugé le budget des affaires étrangères insuffisant à l'heure de la mondialisation.

M. Xavier de Villepin, président, a fait observer une certaine corrélation entre l'absence de clarté des crédits dévolus à l'aide au développement et la réduction des moyens dans ce domaine en 2000.

M. Daniel Goulet a regretté que l'insuffisance des moyens consacrés à la formation entraîne un certain effacement de la France dans les pays traditionnellement bénéficiaires de notre aide.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, s'est également inquiétée d'un affaiblissement progressif de l'influence française. Elle a regretté l'opacité de la présentation retenue pour le budget de la coopération et cité à cet égard les crédits réservés à l'assistance technique qui comptabilisaient désormais les seules rémunérations sans prendre en compte le nombre de coopérants. Elle s'est félicitée en revanche de l'effort accompli par l'agence française de développement (AFD) et par sa filiale la PROPARCO, en particulier dans les pays du Maghreb.

M. Guy Penne s'est inquiété des conditions dans lesquelles s'exercerait le contrôle parlementaire, s'agissant des crédits de l'aide au développement délégués à l'AFD. Avec M. Xavier de Villepin, président, il a suggéré que le directeur de l'AFD puisse être entendu par la commission.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a enfin regretté qu'une politique restrictive de visas et que l'insuffisance des bourses conduisent beaucoup d'élèves étrangers, qui avaient bénéficié d'une aide de la France au cours de leur scolarité, à se tourner vers d'autres pays pour poursuivre des études supérieures. La France, a-t-elle ajouté, perdait ainsi le bénéfice de l'investissement non négligeable accompli en matière de formation.

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La commission a ensuite examiné l'ensemble des crédits du ministère des affaires étrangères au cours de sa réunion du mercredi 24 novembre 1999.

M. Pierre Biarnès a estimé que M. Guy Penne, rapporteur pour avis, avait décrit en fait, des réalités inquiétantes, liées au manque durable de moyens financiers accordés au ministère des affaires étrangères. Notre réseau d'établissements d'enseignement à l'étranger, par ailleurs exemplaire, devenait de plus en plus réservé aux enfants de familles aisées ou à ceux qui pouvaient bénéficier de bourses, mais excluait les autres. Notre réseau de centres et instituts fonctionnait en partie grâce à des personnels recrutés locaux qui s'investissaient beaucoup dans la promotion de notre langue et de notre culture, sans bénéficier pour autant d'un statut suffisamment protecteur. Il a estimé que, par delà les déclarations d'intention, les moyens budgétaires du ministère des affaires étrangères n'étaient pas à la hauteur de nos ambitions internationales.

En réponse à M. Xavier de Villepin, président, M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a rappelé les grandes lignes du plan de modernisation de TV5 et CFI, présenté par M. Jean Stock, président des deux sociétés, et précisé les raisons de l'échec du lancement de TV5 Amériques alors que les effets positifs du plan de modernisation de TV5 Europe commençaient à être bien perçus. Il a rappelé que TV5 Amériques était gérée par nos partenaires canadiens, lesquels n'avaient pas, jusqu'à ces derniers temps, souhaité engager une réflexion sur la stratégie de programmation et de diffusion de la chaîne, contrairement à ce qui avait été fait en Europe.

M. Xavier de Villepin, président, s'est ensuite déclaré en accord avec l'appréciation portée par le rapporteur pour avis sur les difficultés posées par l'évolution de notre réseau d'enseignement français à l'étranger, en particulier pour ce qui concerne l'évolution des coûts de scolarité qui n'ont pas été contenus dans les limites prévues lors du vote de la loi créant l'AEFE. Cette situation, a estimé M. Xavier de Villepin, président, nécessitait de rechercher de nouveaux partenaires et de nouvelles formules de financement, telles que les possibilités offertes par la construction d'écoles en commun avec des partenaires européens. Il a salué l'initiative du rapporteur pour avis tendant à engager une réflexion sur ce point.

Enfin, M. Xavier de Villepin, président, a souligné le grand progrès que traduisait la création de l'agence Edufrance. L'attractivité de notre enseignement supérieur auprès des étudiants étrangers constituait en effet une nécessité qui avait été trop méconnue jusqu'à présent.

M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a précisé que les responsables d'Edufrance, qu'il avait eu l'occasion de rencontrer récemment, avaient mis en avant la difficulté qu'avaient des étudiants étrangers à obtenir des visas de la part de nos postes consulaires. M. Pierre Biarnès a également souligné cette difficulté qui empêchait des étudiants étrangers, dont les dossiers étaient pourtant acceptés, de rejoindre notre pays.

En réponse à M. Christian de La Malène, M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a indiqué que les bourses de l'AEFE étaient destinées aux élèves français des établissements du réseau, les autres bourses du ministère des affaires étrangères étant accordées aux étudiants étrangers désireux de recevoir une formation universitaire en France.

M. André Dulait, rapporteur pour avis des crédits du ministère des affaires étrangères, a alors estimé que les éléments positifs du présent budget de ce ministère pour 2000 l'emportaient sur les éléments négatifs. En particulier, la réduction tendancielle des crédits semblait désormais enrayée. M. André Dulait a donc suggéré à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption du présent budget.

M. Xavier de Villepin, président, a alors rappelé que Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis des crédits de l'aide au développement, avait porté un jugement critique sur les crédits de la coopération. Il a lui-même estimé que si l'objectif de la réforme, en fusionnant la coopération au sein du ministère des affaires étrangères, répondait à un souhait ancien, sa mise en oeuvre révélait certaines lourdeurs et un relatif manque de transparence. Il a indiqué que la commission recevrait prochainement le directeur général de l'Agence française de développement (AFD), afin de faire le point sur cette situation. Suivant les recommandations des rapporteurs pour avis, il s'est dit favorable à une adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2000.

M. Paul Masson a reconnu les aspects positifs du présent projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2000. Il a cependant émis de fortes réserves sur les crédits de la coopération et relevé que l'Union européenne effectuait désormais, en matière d'aide au développement, un lien entre les ressources financières qu'elle accordait et la politique d'émigration des pays destinataires de son aide. Or, a-t-il estimé, le ministère des affaires étrangères n'était pas organisé pour mettre en oeuvre cette orientation européenne que, pour sa part, il approuvait.

La commission a alors émis un avis favorable sur l'ensemble des crédits du ministère des affaires étrangères inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000, MM. Paul Masson, Christian de La Malène et Roger Husson s'abstenant.



1 Angola, Burundi, Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale, République Centrafricaine, RDC, Rwanda, Sao Tome et Principe, Tchad.

2 Bolivie, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guyana, Mali, Mozambique, Ethiopie, Guinée-Bissau, Mauritanie.

3 Le comité interministériel réunit, sous la présidence du premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, le ministre chargé de l'Economie et des Finances, le ministre chargé de la Recherche, le ministre de l'Intérieur, le ministre de la Défense, le ministre chargé de l'Environnement, le ministre chargé de la Coopération, le ministre chargé du Budget, le ministre chargé de l'Outremer ainsi que, le cas échéant, les ministres intéressés par les questions inscrites à l'ordre du jour.



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